SEANCE DU 23 OCTOBRE 2001
ORDONNANCE RELATIVE À LA TAXATION
DES POIDS LOURDS POUR L'UTILISATION
DE CERTAINES INFRASTRUCTURES
Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée
nationale, après déclaration d'urgence, portant ratification de l'ordonnance n°
2001-273 du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la directive
1999/62/CE du Parlement et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation
des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant
le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes
(n° 16, 2001-2002). [Rapport n° 26 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Monsieur le
président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires économiques,
mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que le Gouvernement vous
demande de bien vouloir examiner a pour objet de ratifier l'ordonnance du 28
mars 2001 prise sur le fondement de l'article 5 de la loi du 3 janvier 2001
habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnances plusieurs directives
européennes et à mettre en oeuvre certaines dispositions du droit
communautaire.
Comme vous le savez, la venue de ce genre de texte devant le Parlement est
facultative, puisque la Constitution de 1958 n'évoque que l'obligation du dépôt
des projets de loi de ratification des ordonnances.
Si j'ai voulu que ce texte soit soumis à la discussion des députés et des
sénateurs, c'est avant tout pour respecter des engagements que j'avais pris
devant la représentation nationale. Selon moi, il est en effet tout à fait
normal et légitime que vous ayez le dernier mot sur les dispositions que le
Gouvernement a élaborées avec votre autorisation.
Il est vrai que la procédure des ordonnances est souvent considérée comme un
peu frustrante pour les parlementaires, qui délèguent ainsi au Gouvernement le
pouvoir de faire la loi qu'ils tiennent de la volonté populaire. Elle
correspond dans la plupart des cas à des situations d'urgence, même si
plusieurs gouvernements en ont quelque peu abusé depuis 1958.
En fait, elle a toujours suscité des critiques, notamment celle qui a été
adressée au Gouvernement de vouloir escamoter les débats parlementaires sur des
sujets trop sensibles.
En soumettant au début du mois ce texte à l'Assemblée nationale et,
aujourd'hui, au Sénat, j'ai voulu vous montrer que tel n'était pas mon état
d'esprit et qu'au contraire ce recours à la technique de l'ordonnance n'était à
mon sens dicté que par des considérations de délais.
J'ai affirmé ici même, à la fin de l'année dernière - vous vous en souvenez
sûrement - mon souhait de débattre avec vous en profondeur de la réforme des
autoroutes, que, depuis, le Gouvernement a inscrite dans l'ordonnance du 28
mars 2001.
Après notre débat sur le projet de loi d'habilitation, nous en avons eu un
deuxième au printemps, à l'occasion de deux questions orales avec débat de MM.
Pierre Lefebvre et Jacques Oudin. Nous avons aujourd'hui un troisième débat
avec ce projet de loi de ratification, et nous en aurons un autre encore lors
de l'examen du budget de mon ministère, que je vous présenterai au début du
mois de décembre.
J'ai donc le sentiment d'avoir tenu l'engagement de débattre que j'avais pris,
et je dois dire que les idées avancées par chacun d'entre vous ont beaucoup
apporté à ma réflexion et à celle du Gouvernement.
Il s'agit donc aujourd'hui pour la Haute Assemblée de confirmer le principe de
non-discrimination dans l'application des péages aux poids lourds, mais aussi,
et surtout, de réformer le système des concessions autoroutières, qui est en
fait le principal sujet de ce projet de loi de ratification.
Chacun le sait, la réforme que le Gouvernement vous propose de ratifier a été
rendue nécessaire par l'évolution de la législation européenne en matière de
marchés publics, qui a conduit à ne plus pouvoir utiliser le système dit de
l'adossement pour la construction d'autoroutes. Ce système avait pourtant
fonctionné durant de nombreuses années dans notre pays.
Comme votre rapporteur le rappellera sans doute dans quelques instants, le
Gouvernement a tenu un deuxième engagement : celui de s'en tenir au texte de la
loi d'habilitation votée par le Sénat, qui avait, par voie d'amendements,
supprimé certaines dispositions du texte initial lors d'un débat intéressant,
vous vous en souvenez.
L'Assemblée nationale ayant toujours le « dernier mot » dans les débats
parlementaires, nous aurions pu passer outre à la volonté exprimée par votre
assemblée. Je ne l'ai pas voulu, respectant ainsi l'engagement pris devant vous
d'en rester à votre texte, qui permet néanmoins de réaliser l'essentiel des
réformes qu'en l'occurrence nous avons souhaitées.
Avec l'ordonnance du 28 mars 2001, le Gouvernement a cherché à prendre deux
types de mesures, tout en restant dans les limites tracées par le Parlement.
Dans un premier chapitre, il s'est agi de transposer la directive 1999/62/CE
du Parlement et du Conseil européen du 17 juin 1999 relative à la taxation des
poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures. L'objectif est
d'insérer dans le code de la voirie routière les dispositions de la directive
relative « au principe de non-discrimination dans l'application des péages aux
poids lourds d'un poids total en charge autorisé égal ou supérieur à 12 tonnes,
en raison de la nationalité du transporteur ou de l'origine ou de la
destination du transport ».
Le second chapitre, qui est le plus important, jette les bases de la réforme
des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes, les SEMCA, dont
l'environnement, vous le savez, est en pleine évolution.
L'influence des règles nationales et communautaires a conduit, je le disais il
y a quelques instants, à mettre un terme au mécanisme de l'adossement. S'il a
permis à la France de se doter d'un réseau autoroutier moderne et performant,
ce mécanisme, indolore pour le budget de l'Etat, avait toutefois montré ses
limites depuis quelques années. Il tendait, en effet, à privilégier
mécaniquement la construction d'autoroutes concédées, sous-estimant ainsi
l'intérêt qu'il y avait, du point de vue tant économique qu'environnemental, à
réaliser des aménagements différents, voire, dans certains cas, plus
limités.
Il était ainsi devenu source de dysfonctionnements en introduisant une sorte
de présupposé dans le choix des investissements à réaliser.
Par son arrêt de 1997 relatif à la mise en concession de l'autoroute A 86
ouest, le Conseil d'Etat nous a indiqué qu'en vertu de la législation
communautaire toute attribution de concession nouvelle devait faire l'objet
d'un contrat séparé, ce qui invalidait - d'ailleurs les travaux avaient été
interrompus - l'usage de la technique de l'adossement. Il a précisé que
l'opération devait trouver son équilibre propre, le cas échéant par l'apport
d'une contribution publique cofinancée par l'Etat et les collectivités
territoriales intéressées.
C'est ce dispositif que nous avons commencé à mettre en oeuvre à l'occasion de
deux opérations dont le contrat de concession sera très prochainement publié :
la section de l'autoroute A 28 entre Rouen et Alençon et le viaduc de
Millau.
C'est donc aussi le même dispositif qui sera appliqué pour la prochaine
attribution, qui concernera la section de l'autoroute A 19 entre Artenay et
Courtenay, conformément aux engagements que j'avais pris ici en 1999.
Les apports de cette nouvelle section autoroutière seront importants. L'A 19
contribuera, en effet, non seulement à l'aménagement du Bassin parisien, en
permettant à une partie du trafic d'éviter la traversée de l'Ile-de-France,
mais aussi à l'amélioration de la sécurité routière dans la région Centre par
le doublement de la RN 60, qui relie Orléans à Courtenay.
Pour répondre à ces nouvelles exigences juridiques, et pour permettre aux
sociétés d'autoroutes de connaître, elles aussi, des conditions de concurrence
équitables avec d'autres opérateurs, l'ordonnance que je vous propose de
ratifier procède à une réforme des sociétés d'économie mixte concessionnaires
d'autoroute, les SEMCA.
Il s'agit de supprimer la garantie de reprise de passif accordée par l'Etat
aux SEMCA, de prolonger les durées actuelles des concessions desdites sociétés
et de prévoir les conditions dans lesquelles ces modifications devraient être
appliquées dans les comptes des sociétés au titre de l'exercice ouvert au 1er
janvier 2000.
Ces changements de régime juridique et comptable des SEMCA, applicables aux
comptes de l'exercice 2000, leur permettent désormais de dégager des résultats
d'exploitation et de verser des dividendes à leurs actionnaires. Ces ressources
nouvelles pour l'Etat seront affectées au financement du développement de la
politique intermodale, c'est-à-dire tout à la fois à la politique ferroviaire
et autoroutière, ce qui est une nouveauté très attendue.
Les pouvoirs publics pourront ainsi, par la politique d'infrastructures qu'ils
mettront en oeuvre, travailler à la cohérence d'ensemble de la politique des
transports. Un milliard de francs en faveur de la politique intermodale
viendra, dès la loi de finances rectificative pour 2001, abonder le budget de
mon ministère.
Dans le même esprit, l'ouverture du capital de la société des autoroutes du
sud de la France, ASF, décidée par le Gouvernement, permettra de venir
alimenter un fonds de développement de l'intermodalité qui servira à financer,
à partir du système autoroutier, la réalisation de grandes infrastructures
ferroviaires, telles que les TGV - notamment les liaisons Perpignan-Figueras,
Rhin-Rhône -, et autoroutières comme, par exemple, l'A 19.
Cette réforme se traduira également pour les SEMCA par une plus grande
autonomie d'action, qui ne peut aller sans une responsabilisation accrue dans
un cadre rénové.
Des contrats de plan fixeront des objectifs de gestion dans le cadre d'une
stratégie d'ensemble. Ces contrats de plan seront des contrats de transition,
car il conviendra que les SEMCA veillent à consolider leur structure financière
tout en assurant la réalisation de leur programme d'investissement afin de ne
pas pénaliser l'avancement des programmes de travaux en cours.
Des comités d'engagement par SEMCA ou par groupe devront se prononcer sur les
grands choix d'investissement, en termes d'opportunité et de compatibilité avec
la stratégie d'ensemble, mais également en termes de risque, de coût et de
rentabilité.
Au-delà de la seule ratification, le projet de loi complète également, par un
alinéa 7°, l'article 2 de l'ordonnance du 28 mars 2001. Par cette mesure, la
durée de la concession de l'autoroute A 43, appelée aussi l'autoroute de la
Maurienne, sera prolongée jusqu'en 2050, ensuite, nous verrons ensemble ce que
l'on peut faire. Je rappelle qu'elle a été attribuée à la Société française du
tunnel routier du Fréjus, la SFTRF, qui est également concessionnaire du tunnel
franco-italien du Fréjus.
Ce complément à l'ordonnance du 28 mars 2001 qui figure dans le projet de loi
de ratification s'est imposé au Gouvernement en raison du calendrier des
discussions engagées avec la Commission européenne sur le cas particulier de la
SFTRF.
La situation de cette société différait de celle des autres SEMCA, ce qui a
nécessité de mener de façon séparée les discussions avec la Commission
européenne.
Si la concession de l'A 43 nécessitait les mêmes aménagements que pour les six
autres SEMCA, à savoir la suppression de la garantie de passif, l'abandon du
mécanisme des charges différées et l'allongement corrélatif de la durée de
concession, la fragilité de son équilibre financier et la situation
particulière de la SFTRF exigeaient là un plan de redressement plus large pour
remédier à sa situation financière. Ce plan a été présenté à la Comission
européenne, qui n'a pas émis d'objection.
Les discussions avec la Commission européenne n'ont abouti qu'à la fin du mois
de juin 2001, soit postérieurement à la date de publication de l'ordonnance
dont la ratification vous est demandée.
L'allongement de trente-deux ans de la durée de la concession de l'autoroute
de la Maurienne, l'A 43, est l'un des aspects d'un plan à la fois exceptionnel
et spécifique de remise à plat de la situation financière de la SFTRF
L'objectif est d'assurer la pérennité de cette société et de lui permettre
d'assumer dans de bonnes conditions ses missions de service public.
La SFTRF étant gestionnaire d'un axe essentiel entre la France et l'Italie, ce
plan est également indispensable pour réaliser le pôle alpin multimodal annoncé
le 19 janvier par le Premier ministre, à Chambéry. La création de ce pôle alpin
est concrétisée, comme vous le savez, par une disposition que le Gouvernement a
introduite à l'Assemblée nationale dans le projet de loi relatif à la sécurité
des infrastructures et systèmes de transports et aux enquêtes techniques après
événement de mer, accident ou incident de transport terrestre, dont nous
débattrons demain.
Par cette disposition, le Gouvernement propose de constituer un établissement
public capable de coordonner et de financer les différents modes de transport à
travers les Alpes.
Elément de la politique du Gouvernement en faveur de l'intermodalité dans les
transports, ce pôle alpin trouve une première traduction dans l'engagement de
la Société des autoroutes Rhône-Alpes, AREA, dans le transport transalpin de
marchandises avec, dès 2002, le lancement de l'autoroute ferroviaire et la
poursuite du programme Lyon-Turin, qui nécessitera des ressources
importantes.
Ce pôle alpin multimodal est en cours de constitution autour des sociétés
autoroutières alpines, AREA, SFTRF et la Société concessionnaire pour la
construction et l'exploitation du tunnel routier sous le Mont-Blanc, l'ATMB,
dont la présidence sera unifiée.
Comme vous pouvez le voir, avec ce projet de loi le Gouvernement n'a pas
seulement une politique ambitieuse pour un développement des transports ; il se
donne aussi les moyens de la mettre en oeuvre afin de concourir au
développement durable de notre pays. Bien évidemment, cette politique s'inscrit
plus largement dans celle qui commence à s'esquisser au niveau européen et que
le livre blanc viendra compléter et mettre en cohérence.
Tels sont donc les objectifs et la teneur des dispositions de l'ordonnance du
28 mars 2001 et de l'ajout d'un alinéa 7° à l'article 2 de cette ordonnance qui
vous est soumis aujourd'hui, conformément à l'article 6 de la loi
d'habilitation du 3 janvier 2001. Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous
demande de bien vouloir approuver ce présent projet de loi de ratification.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur
le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, adopté sans
modification par l'Assemblée nationale, le présent projet de loi de
ratification porte sur une ordonnance du 28 mars 2001 transposant certaines
dispositions d'une directive relative à la taxation des poids lourds et
réformant le régime d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires
d'autoroutes.
Je rappelle au Sénat que le projet de loi tendant à transposer par ordonnances
des directives communautaires et à mettre en oeuvre certaines dispositions du
droit communautaire comportait cinquante et une directives, auxquelles il
convient d'ajouter une quinzaine d'autres textes - règlements, décisions ou
articles du traité - dont il était demandé l'adoption par ordonnance.
La commission mixte paritaire a finalement réduit à quarante-six le nombre
des directives dont la transposition législative pourrait être prise par voie
d'ordonnance. Sur ce nombre, dix-neuf ordonnances ont d'ores et déjà été prises
par le Gouvernement.
Nous sommes aujourd'hui en présence du premier projet de loi de ratification
en débat devant le Parlement. Il concerne une directive dont la commission des
affaires économiques avait souhaité se saisir pour avis : la directive du
Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des
poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.
Relevons d'emblée que les auteurs de l'ordonnance ont largement pris en
considération les observations du Sénat lors du débat sur l'article 4 du projet
de loi d'habilitation qui allait devenir la loi n° 2000-1 du 3 janvier 2001.
De fait, l'ordonnance en question est très « allégée » par rapport à
l'avant-projet qui avait été communiqué pour information à votre rapporteur au
moment de la discussion du texte.
Cet avant-projet d'ordonnance comportait, rappelons-le, essentiellement cinq
points.
Il prolongeait la durée de concession de six sociétés d'autoroutes, en
précisant que cette prolongation serait prise en considération dans
l'établissement des comptes des sociétés dès le 1er janvier 2000.
Il supprimait la garantie de reprise du passif des sociétés.
Il inscrivait, dans le code de la voirie routière, un principe de
non-discrimination et de modulation des péages applicable à tous les usagers,
et non aux seuls poids lourds, ainsi que le faisait la directive 1999/62.
Il supprimait le principe de gratuité de l'usage des autoroutes.
Enfin, il modifiait le régime juridique des ouvrages d'art à péage sur la
voirie nationale, départementale et communale.
Si je rappelle ces cinq points, monsieur le ministre, c'est parce qu'en tant
que rapporteur de la commission des affaires économiques j'avais, pour
l'essentiel, porté ma critique sur deux aspects.
J'avais d'abord contesté l'« urgence » invoquée par le Gouvernement en faisant
observer que l'attribution récente d'une nouvelle concession, celle de l'A 28,
avait pu s'effectuer dans le cadre du droit existant.
J'avais surtout fait valoir que de nombreuses mesures - dont l'adoption par
ordonnance était demandée - ne découlaient d'aucune contrainte communautaire,
relevaient de choix « franco-français » - choix auxquels je n'étais pas opposé
- et méritaient d'autant plus de faire l'objet d'une discussion
parlementaire.
S'agissant du principe de non-discrimination en matière de péages, j'avais
rappelé que la directive européenne ne concernait que les poids lourds, alors
que l'avant-projet d'ordonnance appliquait la règle à tous les usagers de la
route.
La suppression du principe de gratuité n'était pas non plus la conséquence
d'une obligation communautaire.
Enfin, le nouveau dispositif concernant l'autorisation de mise à péage des
ouvrages d'art nationaux, départementaux et communaux relevait, lui aussi, de
choix purement nationaux.
Tout en approuvant le principe des dispositions - longtemps réclamées par le
Sénat et, je crois, par vous-même, monsieur le président de la commission - sur
la prolongation des concessions et le retour des SEMCA au droit commun, j'avais
jugé indispensable un débat parlementaire sur des sujets tels que la
suppression du principe de gratuité, la non-discrimination appliquée à tous les
usagers en matière de péages ou encore la possibilité pour les collectivités
locales d'instaurer, en toute liberté, un péage sur leurs ouvrages d'art.
Saisi en premier lieu du projet de loi, le Sénat, dans sa séance du 7 novembre
2000, adoptait l'amendement de sa commission des affaires économiques - que
vous avez accepté, monsieur le ministre - qui autorisait le Gouvernement à
mettre en place, outre les mesures transposant la directive « poids lourds »,
un dispositif exclusivement relatif à la prolongation de la durée des
concessions des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroute, ainsi
qu'au retour au droit commun comptable de celles-ci. Dans sa séance du 5
décembre 2000, l'Assemblée nationale confirmait cette solution.
En conséquence, l'ordonnance définitive ne comporte que quatre points :
l'application du principe de non-discrimination des péages aux seuls poids
lourds ; la prolongation de la durée de concession des six SEMCA ; la
suppression de la garantie de reprise du passif des sociétés d'autoroutes ;
enfin, la prise en compte dans les comptes de ces sociétés de la nouvelle durée
des concessions.
Le projet de loi de ratification propose aussi une disposition nouvelle sur la
prolongation jusqu'en 2050 de la concession accordée à la Société française du
tunnel routier de Fréjus, la SFRTRF, en vue de la construction et de
l'exploitation de l'autoroute A 43.
Pourquoi cette mesure n'a-t-elle pas figuré dans l'ordonnance du 28 mars 2001
? Vous en avez rappelé les principales raisons, monsieur le ministre.
Si l'allongement des durées de concession des six SEMCA a pu être notifié à la
Commission européenne dès le mois d'août 2000, ce n'est qu'en mai 2001, soit
après le délai autorisé par la loi d'habilitation pour légiférer par
ordonnances, que le Gouvernement a pu notifier l'allongement de durée de
concession concernant la SFRTRF.
Cette situation a résulté des difficultés d'appréciation du coût précis des
travaux à effectuer sur le tunnel. Monsieur le ministre, il aurait été
souhaitable que vous puissiez expliquer au Parlement en quoi consistent ces
travaux, quel sera leur montant et sur quelle durée ils se réaliseront. Quelle
sera la situation financière de la société après 2002, c'est-à-dire après la
réouverture du tunnel du Mont-Blanc, donc après un retour à la normale du
trafic poids lourds du tunnel de Fréjus ?
Par ailleurs, cette société fait parallèlement l'objet de mesures spécifiques
telles qu'un plan de recapitalisation.
Il est en effet apparu que la concession de l'autoroute - qui est de
vingt-cinq ans - a été accordée pour une durée beaucoup trop courte compte tenu
du coût du projet : initialement évalué à 6,5 milliards de francs, ce coût a
finalement atteint, en fin de travaux, 8,8 milliards de francs, ce pour des
raisons tout à fait justifiées puisqu'il s'agit d'une autoroute de montagne. A
titre de comparaison, on relèvera que la concession de l'autoroute d'accès au
tunnel du Mont-Blanc a été accordée pour une durée proche de quarante ans.
La nouvelle durée de concession de l'autoroute A 43 a été fixée en mesurant ce
qu'il en aurait coûté à la SFTRF si elle avait dû, dans le cadre de la durée
actuelle de la concession, supporter des ratios de fonds propres et un taux de
rentabilité des capitaux investis conformes aux capitaux habituels et aux
exigences des prêteurs et des actionnaires.
C'est ce calcul qui a abouti aux trente-deux années supplémentaires de
concession auxquelles vous avez fait allusion, monsieur le ministre. Qu'il soit
permis à votre rapporteur, pour l'information du Sénat, de rappeler, en guise
de conclusion, un certain nombre de données.
La Société française du tunnel de Fréjus est titulaire de deux concessions :
depuis 1980, la concession du tunnel franco-italien de Fréjus, long d'environ
13 kilomètres, et dont la Société italienne du tunnel autoroutier de Fréjus, la
SITAF, est également concessionnaire ; depuis 1993, la concession de la section
de l'autoroute A 43, longue de 63 kilomètres, comprise entre Aiton et Le
Freney, c'est-à-dire jusqu'à la route d'accès au tunnel.
La concession du tunnel routier expire le 31 décembre 2050 - sa durée est de
soixante-dix ans - tandis que la concession portant sur l'autoroute A 43 devait
expirer le 31 décembre 2018.
La première section de l'autoroute A 43 a été ouverte en 1997 ; la dernière
section a été mise en service - je crois que vous l'avez vous-même inaugurée,
monsieur le ministre - pendant l'été 2000.
Contrairement aux autres SEMCA, la SFTRF n'a pas disposé d'un réseau lui
permettant d'assurer une péréquation financière entre les différentes sections.
Le tunnel de Fréjus est en effet soumis à un régime international dont la
politique tarifaire, décidée par une commission intergouvernementale
franco-italienne, reflète les préoccupations de deux concessionnaires tout en
étant dépendante de la politique tarifaire du Mont-Blanc.
On relèvera, enfin, que le trafic poids lourds atteignait, en 1998, 776 000
véhicules/an sous le tunnel du Mont-Blanc et 784 000 véhicules/an sous le
tunnel de Fréjus. La fermeture à tout trafic du tunnel du Mont-Blanc depuis le
24 mars 1999 a généré un quasi-doublement du trafic sous le tunnel de Fréjus :
plus 75 % sur l'exercice 1998-1999 et plus 13,31 % sur l'exercice 1999-2000.
On ne peut nier que la décision de réouverture du tunnel du Mont-Blanc,
annoncée notamment à l'issue de la table ronde organisée par vous-même,
monsieur le ministre, le 2 octobre 2001, a provoqué une véritable « levée de
boucliers » de la part des populations, tant dans la vallée de Chamonix, où la
population ne souhaite évidemment pas un retour au trafic poids lourds, que
dans la vallée de la Maurienne, où les habitants considèrent qu'ayant joué le
jeu de la solidarité pendant la période des travaux sous le Mont-Blanc ils ont
droit maintenant, eux aussi, à un retour à la normale, c'est-à-dire à une
diminution du trafic, estimant que chacun doit avoir sa part des inconvénients
du trafic poids lourds.
Même si l'objet de ce projet de loi, dans son article 2, reste circonscrit à
l'allongement de la durée de concession de l'autoroute A 43, la commission n'en
perçoit pas moins la nécessité d'appeler de ses voeux un débat sur un sujet
qu'il ne faut certainement pas traiter à la légère : le trafic des poids lourds
dans ces sites que je qualifierai de « chauds ».
Dans cette attente, la commission des affaires économiques et du Plan a adopté
sans modification le présent projet de loi.
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Lambert.
M. Alain Lambert.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le
Gouvernement est aujourd'hui dans une phase de redéfinition complète de ses
relations contractuelles, financières et fiscales avec les sociétés
d'autoroutes, dont les modalités et les objectifs sont quasiment soustraites au
débat parlementaire, mais dont les enjeux apparaissent, par bribes, à
l'occasion des textes législatifs qui nous sont soumis.
Le premier élément visible est aujourd'hui la ratification de l'ordonnance du
28 mars 2001. Sous une apparence technique - mais le rapporteur nous a bien
expliqué les enjeux - cette ordonnance consacre l'abandon du mécanisme de
l'adossement qui avait permis le développement de notre réseau autoroutier par
une réforme dont je rappelle - mais je sais que, sur ce sujet, nous ne sommes
pas d'accord, monsieur le ministre - que la Commission européenne n'a pas du
tout sollicité sa suppression, contrairement à ce qui a été dit : elle a
simplement donné son accord au mécanisme nouveau que vous avez proposé.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
C'est le Conseil
d'Etat !
M. Alain Lambert.
La Commission européenne n'a jamais demandé la suppression du mécanisme de
l'adossement !
Le Sénat avait adopté la loi d'habilitation en croyant aux engagements que
vous avez pris en annonçant que le nouveau dispositif était nécessaire pour
poursuivre les constructions autoroutières.
On peut rappeler les propos que vous avez tenus lors de la séance du 7
novembre 2000 : « Les dispositions de l'ordonnance [...] devraient d'abord
servir [...] au financement des subventions publiques d'équilibre pour les
autoroutes A 28 en Normandie, A 19 dans le Loiret et A 41 en Savoie notamment.
Nous savons tous que les élus locaux attendent, souvent avec impatience, la
construction de ces nouvelles sections d'autoroutes. Il faut être clair : le
budget de l'Etat n'est pas doté de crédits suffisants pour financer les
dépenses nouvelles correspondant à ces subventions d'équilibre ».
Votre annonce, monsieur le ministre, était pourtant claire : la réforme devait
d'abord permettre la poursuite du programme autoroutier grâce aux dividendes
des sociétés d'autoroutes réformées.
Mais, aujourd'hui, vos déclarations et vos actes contredisent totalement cette
affirmation, à moins que vous ne nous donniez des explications. En effet, lors
du débat sur le présent projet de loi de ratification à l'Assemblée nationale,
vous avez annoncé que le changement de statut des sociétés d'autoroutes
permettra de disposer d'un milliard de francs supplémentaires pour
l'intermodalité dès la loi de finances rectificative pour 2001, sans faire
aucune mention de versement à la ligne budgétaire consacrée aux « subventions
pour la construction d'autoroutes concédées », qui est aujourd'hui non dotée.
Vous avez même affirmé que, pour les nouvelles liaisons autoroutières, « il n'y
aura pas obligatoirement de financement public », en prenant l'exemple du
viaduc de Millau, qui peut atteindre sans subvention la rentabilité.
(M. le ministre confirme.)
A l'heure actuelle, il n'y a que le viaduc de Millau dans les « tuyaux ».
On est bien loin en tout cas du discours rassurant sur la nécessité de
satisfaire l'impatience des élus à voir construire leurs nouvelles sections
autoroutières.
Par ailleurs, deux autres éléments viennent conforter l'idée que la réforme
autoroutière n'a aucunement pour objet de financer les routes, bien au
contraire. En effet, le Gouvernement a fait adopter par voie d'amendement au
projet de loi sur la sécurité des infrastructures un article 2
bis
créant un pôle multimodal alpin. Il s'agit de favoriser le développement du
ferroutage dans les Alpes et, éventuellement, la poursuite du programme de
réalisation du Lyon-Turin, ce qui est un objectif louable. Mais on voit déjà
que les dividendes de trois sociétés, s'ils existent, ne seront pas consacrés
au nouveau financement autoroutier.
Ensuite, le Gouvernement, par la voix de Laurent Fabius, vient d'annoncer
l'ouverture du capital d'Autoroutes du sud de la France. Cela devrait rapporter
environ 10 milliards de francs, qui seront versés pour l'essentiel au fonds de
réserve des retraites, le reste allant à égalité au secteur aérien, pour 150
millions d'euros, et à la Banque du développement des petites et moyennes
entreprises, la BDPME, pour 150 millions d'euros.
Là encore, on voit que le capital des autoroutes ne servira pas à financer des
infrastructures routières, ni ferroviaires d'ailleurs. Les dividendes que
Autoroutes du sud de la France versera à l'Etat seront mécaniquement réduits du
fait de l'ouverture du capital et ne pourront donc servir comme annoncé au
financement des liaisons autoroutières.
Par touches successives, le Gouvernement cherche donc à transformer des
sociétés autoroutières, encore davantage qu'aujourd'hui, en « vaches à lait »,
prioritairement pour les besoins généraux de l'Etat, et très accessoirement
pour les liaisons ferroviaires, grâce à la rente résultant de la chute des
investissements autoroutiers et des augmentations autoritaires de péages.
Le Gouvernement ne dispose pas, en effet, de moyens pour financer les projets
d'investissements ferroviaires actuellement bloqués par l'ampleur de la dette
ferroviaire - 253 milliards de francs - et l'interdiction pour Réseau ferré de
France d'engager des investissements sans rentabilité. Il essaie donc de
récupérer de l'argent sur les sociétés d'autoroutes, ce qui, de toute manière,
ne sera pas suffisant s'il consacre l'essentiel à d'autres objets, comme le
fonds de réserve des retraites ou la BDPME.
Dans le même temps, rien n'est prévu pour les nouvelles autoroutes ni pour le
volet routier des contrats de plan, qui prend déjà du retard, comme l'a
souligné Augustin Bonrepaux, rapporteur de ces crédits à l'Assemblée
nationale.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite que vous nous donniez une
réponse claire sur deux questions.
Tout d'abord, quel sera le montant des dividendes versés sur la ligne
budgétaire destinée à équilibrer les nouvelles concessions autoroutières en
2001 et en 2002 ?
Ensuite, quels sont les objectifs du Gouvernement dans les négociations en
cours des contrats de plan avec les sociétés d'autoroutes et ces contrats de
plan seront-ils signés avant le 31 décembre 2001 ?
J'aurais pu vous interpeller sur les modalités de changement du régime de la
TVA, mais j'imagine que vous laisserez à votre collègue du budget le plaisir de
répondre sur ce point. C'est bien naturel ! Nous nous reverrons dans les
semaines à venir, étant entendu que cette question fiscale est elle-même de
nature à réduire les moyens financiers des sociétés autoroutières.
Monsieur le ministre, la politique que vous menez en matière autoroutière
nécessite, ce soir, de votre part, des clarifications que nous espérons
entendre. D'avance, je vous remercie.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de
loi que nous examinons aujourd'hui a un double objet. Il s'agit, d'une part, de
ratifier l'ordonnance du 28 mars 2001 transposant certaines dispositions de la
directive 1999/62/CE du 17 juin 2001 relative à la taxation des poids lourds
pour l'utilisation de certaines infrastructures et réformant le régime
d'exploitation de certaines sociétés concessionnaires d'autoroutes. Il s'agit,
d'autre part, d'allonger la durée de la concession autoroutière de la société
française du tunnel routier de Fréjus.
Ce projet de loi, adopté sans modification par l'Assemblée nationale en
première lecture, porte sur l'une des ordonnances prévues par la loi du 3
janvier 2001 portant habilitation du Gouvernement à transposer certaines
directives. Cette ordonnance tend à faciliter la mise en oeuvre des
dispositions du droit communautaire relatives aux marchés publics de
travaux.
Je souhaiterais faire quelques remarques préalables.
Tout d'abord, je rappelle, comme nous l'avions fait lors du débat sur
l'article 4 de l'ordonnance qui habilitait le Gouvernement à prendre certaines
mesures législatives concernant les autoroutes et les péages, que ce sujet
important, qui porte sur l'évolution du réseau autoroutier, intéresse au
premier chef la représentation nationale, notamment le Sénat, représentant des
collectivités territoriales.
Je souligne ensuite, comme l'avait fait le chef de l'Etat dans le projet de
rapport qui accompagnait le projet d'ordonnance, que la politique autoroutière
« doit cependant évoluer pour mieux tenir compte des préoccupations
environnementales de nos concitoyens, qui acceptent de moins en moins le
"tout-routier" comme le "tout-autoroutier" ». L'urgence invoquée prive
de
facto
le Parlement de se saisir de ce sujet primordial et d'avoir un réel
débat.
Ensuite, et de manière plus générale, je regrette l'absence constante de
réactivité dans la transposition du droit communautaire. En effet, la France
fait partie des Etats membres de l'Union européenne connaissant les plus grands
retards dans l'application du droit communautaire. Cette situation, qui s'est
dégradée au cours des dernières années, est entièrement imputable au
comportement des gouvernements successifs.
Aujourd'hui, la France se situe en douzième position, au sein de l'Union
européenne, en ce qui concerne le taux de transposition des directives
communautaires. Cette situation problématique, source d'insécurité juridique,
donne une image déplorable de notre pays, lui qui prétend pourtant être un
moteur de la construction européenne.
Enfin, je voulais signaler que l'avant-projet de cette ordonnance plus vaste
et qui comportait des ajouts substantiels tels que la suppression du principe
de gratuité de l'usage des autoroutes ou encore la modification du régime
juridique des ouvrages d'art à péage sur les voiries nationale, départementale
et communale, a vu son champ d'application modifié à la suite de la volonté
émise par le Sénat, notamment de la commission des affaires économiques et du
Plan.
La commission avait en effet fait valoir que de nombreuses mesures dont
l'adoption par ordonnance était demandée ne découlaient d'aucune contrainte
communautaire et méritaient de faire l'objet d'une vraie discussion
parlementaire.
Ce texte est donc aujourd'hui circonscrit aux dispositions contenue dans la
directive européenne, et je m'en félicite.
Ainsi, en premier lieu, ce texte prévoit l'application du principe de
non-discrimination en matière de péages aux seuls poids lourds, conformément à
la directive européenne. Sur ce point précis, je rappellerai simplement que
notre droit interne applique déjà ce principe, notamment au nom de l'égalité
entre les usagers.
Il prévoit également la modernisation du régime d'exploitation des autoroutes
pour faciliter la mise en oeuvre des dispositions communautaires concernant les
marchés publics de travaux.
Il faut simplement rappeler qu'en France c'est la loi du 18 avril 1955 qui
porte statut des autoroutes. Depuis cette loi, le réseau autoroutier est
principalement fondé sur le système de la concession d'autoroutes au profit des
sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes.
Déjà, en 1997, le tournant politique et l'actualisation des exigences
communautaires remettaient largement en cause le modèle autoroutier
français.
Cette situation préoccupante a incité le Sénat, dès 1997, à constituer une
commission d'enquête chargée « d'examiner les conditions dans lesquelles
semblaient remis en cause certains choix stratégiques concernant les
infrastructures de communication et les incidences qu'une telle remise en cause
pouvait avoir sur l'aménagement et le développement du territoire français,
notamment du point de vue de son insertion dans l'Union européenne ».
Cette commission d'enquête, dont le rapporteur, notre collègue Gérard Larcher,
est aujourd'hui président de la commission des affaires économiques et du Plan,
avait présenté, au mois de juin 1998, un certain nombre de conclusions.
S'agissant de la rénovation du système de financement, la commission avait
souhaité rechercher des outils de financement adaptés. A cet égard, elle avait
recommandé en particulier de prolonger les concessions actuelles pour garantir
l'équilibre du système par des durées correspondant à l'amortissement des
ouvrages. En outre, cette commission d'enquête avait réclamé une bonne
application des directives européennes et avait appelé de ses voeux un
alignement du statut juridique, financier et comptable des sociétés d'économie
mixte concessionnaires d'autoroutes, ou SEMCA, sur le droit commun.
Les orientations proposées par ce texte vont, pour l'essentiel, dans le sens
préconisé par le Sénat depuis un certain nombre d'années. Nous nous en
félicitons.
Aujourd'hui, on nous propose par ce texte, dans son article 1er, de prolonger
les concessions et de revenir au droit commun comptable des sociétés pour ces
sociétés d'économie mixte.
En effet, la Commission européenne considérait que le système français de
financement des nouvelles concessions d'autoroutes n'était pas conforme au
principe de non-discrimination et d'égalité de traitement des candidats à
l'attribution des nouvelles concessions d'autoroutes.
En particulier, le système dit « de l'adossement » permettait de financer la
construction des nouvelles autoroutes par une prolongation de la durée des
concessions attribuées à certaines sociétés.
La prolongation des concessions est donc calculée de manière à compenser les
désagréments résultant de la suppression des avantages dont bénéficiaient ces
sociétés, la suppression de la garantie de reprise du passif et des charges
différées.
Ces dispositions, depuis longtemps voulues par le Sénat, semblent en effet
primordiales si l'on veut améliorer la situation financière de ces sociétés.
Enfin, l'article 2 de ce projet de loi prévoit une disposition nouvelle sur la
prolongation jusqu'en 2050 de la concession accordée à la société française du
tunnel routier de Fréjus en vue de la construction et de l'exploitation de
l'autoroute A 43.
Cette société est titulaire de deux concessions, celle du tunnel
franco-italien de Fréjus, depuis 1980, et celle de la section de l'autoroute A
43, depuis 1993.
Eu égard non seulement à sa situation financière particulièrement dégradée -
cette société ne disposait pas d'un réseau susceptible de lui assurer une
péréquation financière - eu égard aux coûts importants d'exploitation de
l'autoroute A 43, mais aussi eu égard aux nouvelles exigences de sécurité qui
se sont accrues après le terrible accident du tunnel du Mont-Blanc, il est
nécessaire d'allonger la durée de la concession, à l'origine trop courte,
puisqu'elle n'était que de vingt-cinq ans.
(Applaudissements sur les travées
du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la réforme
des sociétés d'économie mixte concessionnaires d'autoroutes était devenue une
nécessité. En effet, contrevenant aux règles de la concurrence du traité sur
l'Union européenne, leur mode de gestion devait évoluer vers celui des sociétés
privées de droit commun.
La contrepartie de cette évolution est de mettre fin au système de
l'adossement, système qui, pourtant, a fait preuve d'une certaine efficacité en
permettant de financer des sections d'autoroutes qui, en raison de leur faible
rentabilité, n'auraient pu être construites. La technique est particulièrement
ingénieuse lorsque les capitaux privés, attirés par des perspectives
alléchantes de profit, font défaut, mais elle est contraire au droit européen
de la concurrence !
Nous sommes les premiers à le regretter, mais nous nous félicitons que cette
réforme obligée soit l'occasion de la mise en place d'une technique non moins
ingénieuse qui permettra de financer en partie la politique de développement du
transport intermodal et du fret ferroviaire par les ressources que ces
nouvelles sociétés dégageront.
Dans un contexte de restriction budgétaire et face aux énormes besoins en ce
domaine, une telle complémentarité financière de la route et du rail est la
bienvenue.
Cette technique ingénieuse est aussi la marque, monsieur le ministre, de votre
ferme volonté de rééquilibrer le rail par rapport à la route, de donner la
priorité à la croissance du ferroutage et du transport combiné afin de mettre
un terme à la dérive du tout-routier, ou du « tout-autoroutier », pour
reprendre l'expression de M. le rapporteur, dont chacun reconnaît les dégâts
qu'elle a induits sur le plan tant de l'environnement que de la sécurité
routière.
Mais ne nous voilons pas la face, monsieur le ministre. L'ampleur des travaux
à entreprendre pour mettre un terme à des années de régression du rail, pour
mener une politique active en faveur de l'intermodalité, une politique qui se
veut délibérément soucieuse de l'environnement, nécessite d'énormes
capitaux.
Le rail, malheureusement, continue de perdre des parts de marché par rapport à
la route. Nous connaissons les principales raisons de cette évolution.
L'avantage concurrentiel de la route continue de résider dans la faiblesse de
ses coûts, résultat, d'un côté, de la pression sur les coûts salariaux et
sociaux et, de l'autre, de la non-intégration des externalités négatives qui
demeurent à la charge de la collectivité.
Il semble néanmoins qu'une prise de conscience de la nécessité de prendre en
compte les coûts externes de la route émerge au niveau européen. Le nouveau
Livre blanc adopté en septembre dernier par la Commission, y fait référence et,
dans le même temps, se prononce en faveur d'infrastructures européennes
réservées au fret ferroviaire.
Je vous serais reconnaissante, monsieur le ministre, de nous donner quelques
informations sur ce point, car ce nouveau volontarisme européen ne semble guère
se concrétiser par un programme approprié de financement.
Qu'en raison de la prégnance actuelle des logiques de court terme, de
l'exigence de retours sur investissement élevés et rapides, les capitaux privés
ne soient pas incités à s'investir dans ce type de secteur, dont la rentabilité
est lointaine, se comprend dans la logique du capitalisme.
Ce qui se comprend moins, c'est que l'Union européenne, en dépit de ses
déclarations en faveur du développement de l'intermodalité et de modes de
transports plus soucieux de l'environnement et s'inscrivant dans la
problématique du développement durable, ne consente toujours pas à dégager les
ressources substantielles nécessaires ou à lancer un grand emprunt européen à
la hauteur de ses ambitions. Nous ne pouvons que le regretter.
Le contexte actuel de faiblesse des taux d'intérêt inciterait pourtant à se
lancer dans ce type de grands travaux à une échelle qui dépasse les cadres
nationaux et qui permettrait d'assurer une meilleure fluidité du trafic de
marchandises, de désengorger les grands axes autoroutiers autour des grandes
métropoles nationales, de mettre un terme à la saturation des principaux noeuds
ferroviaires et, peut-être, de diminuer les exigences actuelles quant au
kilométrage d'autoroutes.
A cela s'ajouterait un effet de relance de l'activité à travers la
mobilisation des industries d'équipement, qui, comme chacun le sait, sont
génératrices d'effets d'entraînement.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion de ce projet de loi
de ratification de l'ordonnance du 28 mars 2001 relative à la taxation des
poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures m'a permis de
soulever certaines questions concernant la politique française et européenne
des transports. Nous n'avons pas toujours l'occasion de débattre des
transpositions de directives européennes dans le droit français et j'ai saisi
cette opportunité pour le faire.
(Applaudissements sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen.)
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mesdames,
messieurs les sénateurs, permettez-moi de réagir tout de suite aux derniers
propos de votre collègue Mme Beaufils.
Madame la sénatrice, vous avez posé la question de l'évolution de l'Europe
dans le domaine des transports. Il est vrai que le Livre blanc, en tout cas
pour une grande part de son contenu et des projets qu'il formule, marque une
évolution dans la politique des transports à l'échelle européenne en proposant
qu'elle ne soit pas orientée suivant les seules tendances que l'on a connues
dans le passé, où le « tout-routier » prenait le pas sur les autres modes de
transport comme on l'a constaté partout, notamment en France, pays de transit.
Le Livre blanc marque la volonté d'un nouvel effort en faveur des autres modes
de transport.
La France peut se féliciter de cette évolution, elle qui, à plusieurs
reprises, s'y est déclarée favorable, notamment à l'occasion du mémorandum que
le Gouvernement français a déposé auprès de la Commission européenne et qui
traitait, entre autres sujets, de la traversée des zones sensibles, vous vous
en souvenez.
Le Livre blanc reprend l'idée, maintenant mieux perçue, qui sous-tend la
politique que nous essayons de mener depuis plusieurs années maintenant, d'une
certaine internalisation des coûts externes par rapport à la route. Elle tend à
confirmer, en quelque sorte, la pertinence d'une politique favorisant
l'intermodalité, comme nous proposons de le faire avec l'utilisation des
dividendes que peuvent dégager par les actuelles SEMCA. Je reviendrai sur ce
point pour répondre à M. Lambert.
Le Livre blanc affirme aussi notre volonté de doubler le trafic ferroviaire
d'ici à 2010. C'est non pas un objectif final, mais une étape.
Dans les Alpes du Nord, l'objectif annoncé est de passer de 10 millions de
tonnes actuellement transportées par le rail via la ligne classique à 40
millions de tonnes, lorsque seront achevés les travaux d'amélioration de la
ligne historique et la construction de la ligne nouvelle reliant Lyon à Turin,
avec une partie en tunnel. Il s'agit, dans cette zone sensible, de multiplier
par quatre le trafic de fret acheminé par le rail.
Dans les Pyrénées, 96 % du transport terrestre se font actuellement par la
route, 4 % par le rail, et, à l'horizon 2015-2020, le volume des transports
ferroviaires sera multiplié par deux. Il est absolument impossible de laisser
les choses continuer ainsi. Il faut aller au-delà d'une multiplication par
quatre du trafic ferroviaire.
Il importe, en outre, d'envisager le développement du trafic maritime. Le
Livre blanc de la Commission européenne pose justement le problème de l'essor
du cabotage maritime. Nous avons une chance à saisir puisque la Méditerranée,
la façade Atlantique, la Manche, la mer du Nord offrent de larges perspectives
de développement.
Je pense que l'Europe devrait être plus active, à la fois sur la traduction
concrète de ses orientations et sur la question du financement que Mme Beaufils
a évoquée. Il faut gagner la partie dans le domaine de l'intervention
communautaire pour aider à la réalisation des projets. Mais ce domaine n'est
pas exclusif.
Le Livre blanc, en fixant comme objectif le maintien des équilibres actuels,
marque une avancée, puisqu'on ne continuera pas à se résoudre à voir la part du
ferroviaire et de la voie d'eau diminuer par rapport à la route.
Mais, je l'ai dit officiellement en réunion du conseil des ministres des
transports il y a maintenant quelques semaines, cette avancée me paraît tout à
fait insuffisante. Il s'agit là de questions majeures qui touchent des
problèmes de société. C'est le cas avec la réouverture du tunnel du Mont-Blanc,
dont votre rapporteur a parlé.
Je vous remercie d'abord, monsieur le rapporteur, de votre soutien au projet
de loi puisque vous proposez de l'adopter conforme au texte voté par
l'Assemblée nationale.
Mais vous avez également soulevé plusieurs questions auxquelles je veux
répondre. Je sais bien que la procédure des ordonnances pose toujours problème.
C'est pourquoi je me suis engagé à ce qu'on ne limite pas les débats sur la
réforme autoroutière à celui sur la loi d'habilitation. Je crois qu'on n'a
jamais autant parlé des routes et des autoroutes que depuis que je suis
ministre.
M. Alain Lambert.
On ne doit pas seulement en parler. On voudrait rouler dessus !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'ai tenu mon
engagement de débattre avec le Sénat et de m'en tenir au texte du projet de loi
d'habilitation tel que vous l'avez voté, alors qu'il est vrai qu'on aurait pu
aller plus loin comme c'était initialement prévu. C'est donc devant votre
insistance que nous avons maintenu ce texte dans certaines limites. Je me suis
tenu à cet engagement et j'ai défendu cette opinion, y compris à l'Assemblée
nationale.
Vous m'avez également interrogé, monsieur le rapporteur, sur la nature et le
coût des travaux du tunnel du Fréjus. Je ne puis vous donner d'informations
trop précises pour la simple raison que la CIG se réunira le 29 octobre. C'est
elle qui décidera des travaux à réaliser et j'ignore ce qu'elle va décider !
La décision sera prise en accord avec nos partenaires italiens. Sans préjuger
des résultats de la CIG, je souhaite que soit décidée la construction d'une
galerie de sécurité qui sera extérieure au périmètre du tunnel actuel. Les
travaux pourront être réalisés sans interrompre la circulation, c'est-à-dire
sans renvoyer les véhicules vers le tunnel du Mont-Blanc. C'est d'ailleurs
pourquoi ils s'étaleront sur plusieurs années et leurs coûts peuvent être
évalués à 1 milliard de francs environ.
Selon vous, monsieur le rapporteur, tous les habitants de la Maurienne
seraient mécontents, ce qui n'est pas vrai, je vous l'assure, car je me suis
rendu à Chambéry. Les chiffres cités par plusieurs d'entre vous sont exacts. Le
nombre de véhicules qui était de l'ordre de 800 000 pour chaque tunnel a doublé
dans le tunnel du Fréjus puisque c'est sur lui que s'est pratiquement reporté
tout le trafic. Lorsque 1 600 000 camions passent annuellement à Chambéry, à
côté de chez vous, je vous assure qu'on attend avec impatience que cela
cesse.
M. Ladislas Poniatowski,
rapporteur.
C'est ce que j'ai dit, monsieur le ministre !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Le trafic du
tunnel du Fréjus devra diminuer immédiatement de 40 % lors de la réouverture de
celui du Mont-Blanc. Et grâce aux politiques intermodales que nous menons, le
trafic du tunnel du Mont-Blanc sera bien moins important qu'avant la
catastrophe. Voilà notre démarche. Lorsque nous disposerons de ce fameux wagon
Modhalor, on pourra faire circuler des camions sur 80 % du réseau et notamment
sous les tunnels au gabarit B 1. Dès l'an prochain, il y aura le ferroutage
pour les camions-citernes.
Ensuite, il faudra engager des travaux qui dureront plusieurs années. En
effet, on ne peut pas arrêter le trafic sur la ligne historique, sauf à
renvoyer sur la route les 10 millions de tonnes de marchandises en transit par
le rail.
Quand ils seront terminés, l'équivalent de 300 000 camions par an passera par
le rail. Après l'achèvement des travaux de la ligne Lyon - Turin et la
réalisation du tunnel de base, c'est l'équivalent d'un million de camions qui
passera par le rail et qui ne passera donc plus par la route. Telle est la
politique que nous avons engagée.
M. Alain Lambert.
Dans vingt ans !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais non ! Vous
dites cela parce que vous êtes pessimiste ! D'abord, pour les 300 000 camions,
c'est à l'horizon 2005-2006, ce n'est pas dans vingt ans !
La date qui a été fixée pour un million de camions au cours du sommet
franco-italien, c'est 2015. Avec mon collègue italien, nous travaillons sur ces
questions et nous souhaitons aller plus vite. Nous mettons tout en oeuvre pour
avancer cette date à 2013, voire 2012.
M. Philippe Nogrix.
Et il n'y aura plus de grèves !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'en viens à
l'intervention de M. Lambert. Je pourrais me contenter de vous renvoyer au
discours de M. Lassourd, qui répond à un certain nombre des questions que vous
m'avez posées.
M. Alain Lambert.
Il n'est pas au Gouvernement !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mais je ne peux
que confirmer ce qu'il a dit ! Il a expliqué, et il a eu raison, pourquoi on ne
pouvait pas faire autrement.
Monsieur Lambert, vous connaissez le droit et les textes de loi aussi bien que
moi. Je ne vous ferai pas l'affront de sous-estimer votre connaissance du
dossier.
Pourquoi le Conseil d'Etat a-t-il pris cet arrêt sur l'autoroute A 86 ?
Peut-être considérez-vous que je ne dois pas tenir compte de l'avis du Conseil
d'Etat. Mais je ne peux pas faire cela, monsieur le sénateur ! Je suis obligé
de tenir compte de l'avis de la section du contentieux du Conseil d'Etat.
Moi, je n'ai jamais accusé mon prédécesseur, Bernard Pons. Je savais que, pour
réaliser les travaux de l'A 86 ouest, il avait l'aval de la section des travaux
publics du Conseil d'Etat.
M. Alain Lambert.
Me permettez-vous de vous interrompre, monsieur le ministre ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Je l'accepte
volontiers, monsieur le sénateur.
M. le président.
La parole est à M. Lambert, avec l'autorisation de M. le ministre.
M. Alain Lambert.
Monsieur le ministre, rassurez-vous, je n'engagerai pas un débat juridique à
cette heure. Je voulais simplement vous dire que, depuis que je rapporte des
lois de finances, j'ai vu de très nombreuses validations législatives à la
suite de décisions du Conseil d'Etat qui ne convenaient pas au Gouvernement.
Par conséquent, je suis heureux d'apprendre qu'il renonce à ce procédé.
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre.
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
J'étais sûr que
vous ne souhaitiez pas que je ne tienne pas compte de l'avis du Conseil
d'Etat.
Mais pourquoi, selon vous, le Conseil d'Etat a-t-il rendu cet avis ? A-t-il
été saisi d'une inspiration novatrice ? Non ! Le Conseil d'Etat a appuyé sa
réflexion sur l'évolution du droit communautaire. Quand il a fallu obtenir
entre autres des allongements de concession, il y a eu des discussions avec la
Commission. Cela a duré plus longtemps que je ne l'aurais souhaité. C'est
d'ailleurs pourquoi les choses ont tardé. Il y a désormais le droit
communautaire et le droit national, aux termes desquels toute nouvelle section
d'autoroute à construire sous le régime de la concession doit faire l'objet
d'une mise en concurrence particulière.
Je n'ai jamais dit que l'adossement était un système pervers, même si, à la
fin, et je l'ai précisé dans mon intervention liminaire, des problèmes
particuliers se posaient. En tout cas, ce système nous a permis de réaliser 7
000 à 8 000 kilomètres d'autoroutes dont la qualité nous est enviée par de
nombreux pays. Cependant, il s'avère que l'on ne pouvait plus procéder de cette
manière.
L'adossement s'apparentait à un système de mutualisation, de péréquation entre
des autoroutes rentables et d'autres qui l'étaient moins ou qui ne l'étaient
pas. Aujourd'hui, nous sommes obligés de prévoir une mise en concurrence pour
la construction de chaque nouvelle section. Cela n'empêche d'ailleurs pas la
société qui a construit la section jouxtant la nouvelle section d'être retenue
pour réaliser les travaux de cette dernière.
Dans son arrêt, le Conseil d'Etat reconnaît la supériorité des normes
communautaires sur le droit interne et il s'est appuyé sur l'obligation faite
par la directive « travaux » transposée dans notre droit par la loi Sapin. Si,
et vous avez eu raison de le dire, la Commission européenne ne s'était pas
prononcée explicitement pour la suppression de l'adossement, le Conseil d'Etat
nous y a contraints. M. Lassourd vous a parfaitement répondu et je ne peux que
le soutenir au moins sur ce sujet.
En tout cas, une chose est sûre : l'adossement n'est plus possible aujourd'hui
et, à l'avenir, aucun gouvernement ne pourra y recourir sans encourir les
foudres du Conseil d'Etat s'appuyant sur le droit communautaire.
J'en viens aux dividendes. C'est la grande question que M. le rapporteur a
également évoquée. Les dividendes des sociétés autoroutières ont vocation à
financer l'ensemble des projets intermodaux. Quand je dis « ferroutage », je
vous demande d'entendre les mots « fer » et « route », c'est-à-dire que des
camions sont transportés par la voie ferrée et, lorsqu'ils ne le sont plus, ils
empruntent la route. C'est cela le ferroutage.
(Sourires.)
M. Pierre Hérisson.
On l'avait compris !
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Vous l'aviez
effectivement compris. Je le répète : les dividendes ont vocation à financer
l'ensemble des projets intermodaux, rail comme route. Ils ont donc vocation à
financer tous les projets, le TGV Perpignan-Figueras, comme je l'ai dit, mais
aussi les projets routiers. Ainsi, l'A 28 sera financée grâce aux dividendes
que les sociétés publiques de concession d'autoroutes produiront. Je vais
d'ailleurs signer prochainement la convention de financement pour près d'un
milliard de francs pour cette autoroute.
Mais les dividendes, comme les produits de l'ouverture du capital, de la
société des autoroutes du sud de la France, ASF, serviront aussi à financer les
projets ferroviaires. Je ne surprendrai personne en disant que le Gouvernement
n'est pas favorable au tout-routier et au tout-autoroutier. Contrairement à ce
que vous avez dit, monsieur le sénateur, une partie, non négligeable, je
l'espère, pour ne pas dire importante, du produit résultant de l'ouverture du
capital, servira également aux projets intermodaux.
Concernant les contrats de plan, que vous avez évoqués, à la fin du printemps,
les sociétés d'autoroute ont reçu une lettre de commande pour élaborer des
projets de contrats de plan. Les négociations sont en cours, l'objectif étant
d'aboutir avant la fin de l'année. Je réponds ainsi à votre question. Mon
objectif est donc que cela aboutisse avant la fin de l'année. L'intérêt majeur
de ces contrats est d'assurer la visibilité et la stabilité des contrats à un
horizon de cinq ans. Les dispositions essentielles sont, d'une part, un volet
tarifaire avec une évaluation des tarifs en fonction de l'inflation et, d'autre
part, un volet investissement précisant les travaux d'amélioration des
autoroutes déjà en service. Enfin, sont abordées les questions de politique
commerciale, de service aux usagers et d'environnement.
Comme vous le savez, monsieur le sénateur, il faut être deux pour signer un
contrat. Pour ma part, je suis déterminé à aboutir à la signature de ces
contrats avant la fin de la présente législature.
Je vous remercie de nouveau, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les
sénateurs, de bien vouloir adopter ce projet de loi. Le Gouvernement s'efforce
de mettre en oeuvre une politique des transports plus conforme à l'intérêt
général.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er