SEANCE DU 23 OCTOBRE 2001
M le président.
« Art. 15
quinquies. -
Le début du onzième alinéa (6) de l'article 238
bis
OA du code général des impôts est ainsi rédigé : "Pendant cette
période, le bien peut être placé en dépôt...".
(Le reste sans
changement)
»
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 57 est présenté par le Gouvernement. Il est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 15
quinquies :
« I. - L'article 238
bis
OA du code général des impôts est ainsi rédigé
:
« Art. 238
bis
OA. - Les entreprises imposées à l'impôt sur les
sociétés d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'une réduction d'impôt
égale à 90 % des versements effectués avant le 31 décembre 2006 en faveur de
l'achat de biens culturels présentant le caractère de trésors nationaux, ayant
fait l'objet d'un refus de délivrance d'un certificat d'exportation par
l'autorité administrative, dans les conditions prévues à l'article 7 de la loi
n° 92-1477 du 31 décembre 1992 relative aux produits soumis à certaines
restrictions de circulation et à la complémentarité entre les services de
police, de gendarmerie et de douane et pour lesquels l'Etat a fait au
propriétaire du bien une offre d'achat dans les conditions prévues par
l'article 9-1 de la même loi.
« Les versements ne sont pas déductibles pour la détermination du bénéfice
imposable.
« Les versements doivent faire l'objet d'une acceptation par les ministres
chargés de la culture et du budget.
« La réduction d'impôt s'applique sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de
l'exercice au cours duquel les versements sont acceptés. Toutefois la réduction
d'impôt ne peut être supérieure à 10 % du montant de l'impôt dû par
l'entreprise au titre de cet exercice conformément au I de l'article 219. Pour
les sociétés membres d'un groupe au sens de l'article 233 A, la limite de 10 %
s'applique pour l'ensemble du groupe par référence à l'impôt dû par la société
mère du groupe. ».
« II. - Dans l'article 238
bis
AA du code général des impôts, les mots
: ", de l'article 238
bis
OA" sont supprimés. »
« III. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du
présent article. »
Le sous-amendement n° 73, présenté par M. Richert, au nom de la commission,
est ainsi libellé :
« Dans la deuxième et dans la dernière phrase du dernier alinéa du texte
proposé par le I de l'amendement n° 57 pour l'article 238
bis
OA du code
général des impôts, remplacer le pourcentage : "10 %" par le pourcentage : "50
%". »
L'amendement n° 37 est présenté par M. Richert, au nom de la commission. Il
est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi l'article 15
quinquies
.
« Le 6 de l'article 238
bis
OA du code général des impôts est supprimé.
»
La parole est à Mme le ministre, pour défendre l'amendement n° 57.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
L'actuel dispositif
destiné à favoriser, par une incitation fiscale, le don d'oeuvres d'art par des
entreprises à l'Etat n'a pas fonctionné. Par ailleurs, les moyens de conserver
les trésors nationaux dans le patrimoine de la nation sont insuffisants. Il est
donc proposé de remplacer le dispositif actuel par un dispositif nouveau, plus
simple et susceptible d'être plus efficace compte tenu de l'avantage fiscal
très significatif qu'il prévoit. Un avantage d'une telle ampleur ne se conçoit
qu'en faveur des trésors nationaux qui ont fait l'objet d'un refus de
certificat d'exportation. Il permettrait en effet à une ou plusieurs
entreprises de concourir à l'acquisition des ces oeuvres par l'Etat et
d'obtenir, en contrepartie, une réduction de leur impôt sur les sociétés égale
à 90 % de cette contribution dans la limite de 10 % de leur impôt dû.
Le dispositif proposé est expérimental. A son terme, soit à la fin de 2006, un
bilan devra en être tiré afin d'examiner les conditions de son fonctionnement.
Ce terme est cohérent avec l'effort de programmation budgétaire pluriannuelle
qu'accompagne la mesure fiscale proposée.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 73 et
l'amendement n° 37.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Il s'agit là encore d'un dispositif crucial de ce projet de
loi.
Le Gouvernement nous présente un dispositif permettant aux entreprises
d'apporter à l'Etat un concours financier substantiel en vue d'éviter cette
fuite de nos trésors nationaux que nous n'avons pas réussi à endiguer jusqu'à
présent.
Le dispositif, tel qu'il est présenté au Sénat, ouvre principalement la
possibilité, pour une entreprise qui fait un don à l'Etat en vue d'acheter des
trésors nationaux ayant été frappés d'un refus d'exportation, de déduire de
l'impôt que celle-ci doit acquitter 90 % du montant du don.
La commission des affaires culturelles du Sénat avait prévu un autre
dispositif qui aurait dû être examiné par le biais d'un amendement visant à
insérer un article additionnel après l'article 15
octies.
Aux termes de
ce dispositif, le don fait à l'Etat aurait été déductible du résultat imposable
mais aurait également ouvert droit à une réduction d'impôt, à hauteur de 75 %
du montant de ce don.
Si nous comparons les deux mesures, nous pouvons constater que le dispositif
prévu par notre commission était plus avantageux que celui qui est présenté par
le Gouvernement. Nous allions pratiquement à une déduction totale du don. Il
nous semble néanmoins que l'amendement qui est présenté par le Gouvernement
comporte d'autres avantages, en particulier une plus grande lisibilité,
puisqu'il comporte une réduction de 90 % au titre de l'impôt sur les
sociétés.
Nous avons donc, en commission, décidé d'émettre un avis favorable sur
l'amendement du Gouvernement et donc de retirer notre amendement n° 39
Néanmoins, nous sommes surpris que, par son amendement, et l'un de nos
éminents collègues en a parlé tout à l'heure, le Gouvernement plafonne la
déduction à 10 % du montant de l'impôt que l'entreprise doit acquitter.
Il nous semble nécessaire de fixer une limite bien plus élevée. C'est pourquoi
nous proposons - c'est l'objet de notre sous-amendement - de retenir le taux de
50 %, afin que le montant de la déduction soit substantiel. En effet, si une
entreprise entre dans ce dispositif, elle pourra soustraire 90 % du don de
l'impôt sur les sociétés mais 10 % du don restera à sa charge. Par ailleurs, je
rappellerai que le don n'est pas déductible du bénéfice imposable et, à ce
titre, supportera l'impôt sur les sociétés.
Dans ce contexte, le plafond de 10 % retenu par le Gouvernement est trop
limitatif. C'est pourquoi nous proposons de le porter à 50 % par le
sous-amendement n° 73.
J'en viens à l'amendement n° 37. Il prévoit une nouvelle rédaction de
l'article 15
quinquies
aux termes de laquelle le 6 de l'article 238
bis
OA du code général des impôts est supprimé. En effet, il autorise
les entreprises ayant acquis des oeuvres d'art pour les donner à l'Etat à
déduire du montant de leurs bénéfices la valeur d'acquisition de ces
oeuvres.
Parmi les conditions posées par cet article pour l'octroi de l'avantage fiscal
figurait l'obligation d'exposer l'oeuvre au public. L'article 238
bis
OA
prévoyait également comme alternative la possibilité de les placer en dépôt
auprès d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public à caractère
scientifique, culturel ou professionnel. L'Assemblée nationale a supprimé
l'obligation d'exposition au public sans pour autant abroger les dispositions
encadrant ces modalités de dépôt. Nous proposons de supprimer également ces
modalités
Cela étant dit, si le sous-amendement n° 73 et l'amendement n° 57 sont
adoptés, l'amendement n° 37 n'aura plus d'objet et, par ailleurs, je retirerai
l'amendement n° 39.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 73 ?
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je ne puis accepter ce
sous-amendement.
En effet, monsieur le rapporteur, l'objet du plafonnement que nous souhaitons
instituer est de limiter pour chaque entreprise effectuant un versement l'effet
de la réduction d'impôt ; il n'est pas de dénaturer le dispositif ni d'en
restreindre la portée.
Je vous rappelle que 10 % de l'impôt sur les sociétés acquitté par les
entreprises représentent plus de 3,5 milliards d'euros, soit plus de 23
milliards de francs.
Il a paru important au Gouvernement qu'une entreprise ne puisse pas être
totalement ou en grande partie exonérée d'impôt sur les sociétés du fait de
cette réduction d'impôt. Il nous a aussi paru nécessaire pour l'acquisition des
trésors les plus onéreux qu'un ensemble d'entreprises se forme pour financer
cette acquisition afin qu'elle acquière un caractère national.
M. le président.
Je vais mettre aux voix le sous-amendement n° 73.
M. Ivan Renar.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar.
J'étais déjà très réservé sur l'amendement du Gouvernement, que je m'apprêtais
toutefois à voter. Mais jusqu'où va-t-on aller ?
Par conséquent, je suis résolument contre le sous-amendement et je souscris
tout à fait à l'argumentation développée par Mme la ministre voilà un instant.
Il me semble en effet que l'on va trop loin. En amour, ce ne sont pas les
déclarations qui comptent, ce sont les manifestations ; je pense donc que les
entreprises devraient manifester indépendamment leur amour pour les oeuvres
d'art des exonérations qu'elles souhaitent obtenir.
M. Yann Gaillard
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Je regrette qu'après avoir fait un très grand pas, le Gouvernement n'accepte
pas d'en faire un petit supplémentaire !
En fait, il n'a à craindre ni menace ni dérive parce qu'il détient les
leviers. En outre, il s'agira d'opérations peu nombreuses et limitées dans le
temps qui n'interviendront que tous les deux ou trois ans. Ce n'est pas tous
les ans qu'un tableau tel que
la Duchesse de Montejasi et ses filles
part pour l'étranger ! Et ce sont les pouvoirs publics qui lancent les
souscriptions. Ils seront donc maîtres de la situation.
Dans ces conditions, je ne comprends pas que, ayant fait les deux tiers du
chemin, le Gouvernement n'aille pas jusqu'au bout de la logique.
En tout cas, je voterai avec enthousiasme et l'amendement du Gouvernement et
le sous-amendement de la commission.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
Lorsqu'une entreprise accepte de faire un don à l'Etat, elle
a le droit de déduire de l'impôt 90 % du montant de ce don. Elle est donc
obligée de payer une deuxième fois les 10 % du montant du don qu'elle fait.
Prenons l'exemple d'une entreprise qui fait un don de 100 millions de francs à
l'Etat pour acheter un Picasso. Elle ne pourra déduire que 90 millions sur ces
100 millions. Par conséquent, même si cette disposition permet à l'entreprise
d'afficher sa vocation de mécène, le coût du don qu'elle consent représente en
quelque sorte 110 p. 100 du montant de ce dernier.
Dès lors, si les entreprises acceptent cela pour sauver les trésors nationaux
qui « filent » à l'étranger, il vaudrait mieux leur tirer le chapeau et les
remercier de leur geste plutôt que de leur imposer un plafonnement de la
réduction d'impôt à 10 % du montant de la charge fiscale à acquitter.
Vous évoquiez tout à l'heure, madame la ministre, les sommes concernées. Mais
ce qui compte, c'est l'effort consenti par chaque entreprise individuellement.
Nous avons des oeuvres d'une valeur de 100 millions de francs, voire 200
millions de francs, que nous n'arrivons pas à retenir chez nous. Si nous fixons
ce seuil de 10 %, le nombre des entreprises susceptibles de consentir de tels
dons va considérablement se restreindre. Celles qui seraient aptes à s'engager
dans cette voie devraient plutôt y être encouragées.
Je pense, pour ma part, que le Sénat ferait oeuvre utile en manifestant sa
volonté d'encourager les entreprises à mener le combat pour le maintien, sur
notre territoire, de nos trésors nationaux et de notre patrimoine culturel.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Tasca,
ministre de la culture et de la communication.
J'ai noté avec plaisir que
M. Gaillard admettait que nous avions déjà fait au moins les deux tiers du
chemin. Je pense que le dispositif que nous proposons marque en effet une
grande avancée dans la relation entre l'Etat et les entreprises au service du
patrimoine.
Je souligne en outre que ce dispositif doit avoir un terme et qu'en 2006 nous
serons conduits, représentation nationale et Gouvernement, à dresser le bilan
de son efficacité. Il me semble sage, aujourd'hui, d'engager une démarche très
nouvelle dans notre législation, qui marque un grand progrès, quitte à la
réviser au terme de cette première expérience.
M. le président.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 73, repoussé par le Gouvernement.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix, modifié, l'amendement n° 57, accepté par la commission.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 15
quinquies
est ainsi rédigé et l'amendement
n° 37 n'a plus d'objet.
M. Philippe Richert,
rapporteur.
De même que l'amendement n° 39.
Articles additionnels après l'article 15 octies (priorité)