SEANCE DU 23 OCTOBRE 2001


M. le président. La parole est à Mme Beaudeau, auteur de la question n° 1156, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ma question porte sur le projet de réorganisation du dispositif de circulation aérienne en région parisienne proposé par la direction générale de l'aviation civile, la DGAC.
Pourquoi ce nouveau projet ? Si l'on se réfère au document présenté, il semble motivé par les inconvénients du dispositif actuel de circulation aérienne.
Premièrement, l'engorgement du trafic actuel est surtout situé dans la partie nord-ouest d'entrée en plate-forme parisienne, soit 40 % des arrivées.
Deuxièmement, les retards se généralisent et peuvent atteindre soixante minutes par vol, ce qui se traduit par un encombrement permanent du ciel francilien.
Troisièmement, des accumulations de vols, surtout dans les zones les plus urbanisées du Val-d'Oise et une partie de la Seine-Saint-Denis, posent des problèmes de sécurité.
Quatrièmement, il convient de rééquilibrer les deux doublets de pistes de Roissy, la proportion actuelle étant de 60 % et 40 %.
Cinquièmement, il convient de réduire de quatre-vingts kilomètres la trajectoire des avions en provenance du Sud-Ouest.
Telles sont les raisons avancées par la DGAC.
Autrement dit, et ADP le reconnaît, « Roissy est en limite de saturation », rejoignant en cela ce que nous affirmons. Sans attendre le trafic de 55 millions de passagers que l'on nous promet pour l'an prochain, le point de saturation est donc déjà atteint, et ce malgré la mise en service de la quatrième piste de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle.
Le ciel est encombré, l'insécurité est plus grande. Et le volume de nuisances n'aurait pas encore atteint son paroxysme !
Le projet de réorganisation proposé, et non encore adopté - raison pour laquelle je pose cette question ce matin - répond-il à une exigence d'amélioration de l'écoulement du trafic et à une volonté de diminuer les nuisances pour les riverains ? Non, monsieur le secrétaire d'Etat, ce n'est pas seulement de régulation qu'il s'agit, mais plutôt d'augmentation du trafic.
Les auteurs du projet ne s'en cachent d'ailleurs pas, qui écrivent, dans le préamblule du projet : « Afin de maintenir un haut niveau de sécurité, la capacité de l'aéroport se trouve limitée, en pointe, par la capacité de l'espace aérien à un niveau voisin de cent vols par heure » - cent vols par heure, monsieur le secrétaire d'Etat -, « alors que l'objectif de capacité mentionné dans la déclaration d'utilité publique pour la construction des deux pistes supplémentaires était de cent vingt vols par heure. »
La philosophie du projet tient en ces termes.
Un quatrième point d'entrée pour l'aéroport Charles-de-Gaulle et une réorganisation des trajectoires permettront d'accroître le trafic de 20 %.
Ainsi donc, tout l'espace aérien sera quadrillé, sans un coin de ciel bleu, sauf pour les avions militaires.
Des régions nouvelles de Seine-Saint-Denis, de l'Essonne et de Seine-et-Marne seront désormais touchées. On pourra survoler Aubervilliers, Evry, Lisses, Courcouronnes, Bondoufle, Mennecy, la région de Sénart, la vallée de Montmorency, les régions de Sarcelles, Garges, Gonesse et Villiers-le-Bel verront croître des survols pourtant déjà intenses.
Le Journal officiel, édition des Lois et décrets du 23 octobre dernier comporte un décret qui précise le nombre de mouvements nocturnes pouvant être désormais atteints à Roissy : 288 de vingt-deux heures à six heures du matin. Leur pourcentage passera de 12 % à 20 %, puisqu'il s'agirait de 288 sur 1338 vols quotidiens.
Toutes ces mesures, monsieur le secrétaire d'Etat, ne sont ni raisonnables ni responsables ! Au sein de la commission consultative de l'environnement de Roissy, il ne s'est trouvé aucun élu, aucun représentant d'association pour approuver un tel projet, grave pour la vie et la sécurité de millions de riverains franciliens. Les seuls à s'être prononcés en sa faveur sont les représentants d'ADP et les compagnies aériennes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je crois qu'il faut arrêter ce projet et en lancer sans attendre un autre. Fondé sur l'écoute, l'avis des élus et des associations de riverains, il permettrait, pour l'immédiat, et le plus long terme, d'aboutir à la construction d'un troisième aéroport.
L'urgence est d'autant plus grande que le seuil de tolérance des nuisances est atteint et que se développent actuellement d'autres conséquences concernant la santé et la pollution de l'air, qui n'avaient encore jamais été relevées officiellement jusqu'à maintenant.
Je prendrai un seul exemple. Les ingénieurs du réseau Airparif, qui surveillent la pollution en Ile-de-France, viennent de découvrir - et ils l'ont écrit - des niveaux de pollution dans la région du Bourget, de Montmorency, de Sarcelles et de Gonesse supérieurs de 60 % à la normale.
Le rapport sur la campagne d'analyse lancée le 20 septembre à Sarcelles et à Gonesse note un phénomène inquiétant : « Des bouffées d'air pollué colossales ont été mesurées proches du niveau d'alerte. » Nous sommes donc, monsieur le secrétaire d'Etat, loin des accords de Kyoto. Il faudra donc prévoir un renforcement de la sécurité, et un contrôle de la pollution et des nuisances pour le projet d'un nouveau couloir aérien.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement va-t-il abandonner ce projet de réorganisation de couloir aérien ? Va-t-il enfin décider la création d'un nouvel aéroport ? Pourrions-nous savoir sur quel site et quand il sera mis en service ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Madame la sénatrice, la réorganisation de la circulation aérienne en Ile-de-France constitue d'abord, et avant tout, un enjeu majeur de sécurité pour les vols au départ ou à destination des aéroports franciliens, ce qui, vous en conviendrez, est particulièrement important pour les populations survolées, pour les passagers et le personnel navigant.
Cette réorganisation répond également à la volonté de mieux respecter l'environnement des riverains des aéroports et, enfin, à l'objectif d'amélioration de la régularité des horaires des vols.
Pour que les décisions nécessaires soient correctement éclairées, M. le ministre de l'équipement, des transports et du logement a demandé une expertise indépendante des différentes solutions possibles à l'agence Eurocontrol, organisme international compétent en matière de circulation aérienne.
M. le ministre a aussi souhaité qu'une large concertation ait lieu au sujet de cette réorganisation, afin que l'instruction de ce dossier soit réalisée dans la plus grande transparence.
Pendant neuf mois, de nombreuses réunions se sont déroulées au niveau de la région d'Ile-de-France. Le préfet de la région a présidé, à la demande du ministre, un comité de pilotage composé d'élus des huit départements d'Ile-de-France afin de définir le cahier des charges, de suivre l'étude menée par Eurocontrol et d'analyser les différentes solutions proposées.
Conformément à la loi, les commissions consultatives de l'environnement de Roissy et d'Orly ont été saisies pour avis. Celle d'Orly, qui est la plus concernée par ce projet de réorganisation de la circulation aérienne en Ile-de-France, a approuvé sans équivoque et à une très large majorité le projet qui lui a été soumis.
Celle de Roissy a émis un avis défavorable pour des raisons qui semblent davantage liées à la situation actuelle aux abords de Roissy et au dossier de la troisième plate-forme aéroportuaire internationale.
Comme cela est prévu par la loi, il appartient maintenant à l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaries, créée par le Parlement sur proposition du Gouvernement, de formuler un avis sur le projet de réorganisation. Elle devrait se prononcer dans les jours à venir.
C'est donc à partir de ces avis et des idées qui ont été exprimés tout au long des débats par les élus, les associations et les professionels, que M. Gayssot prendra prochainement sa décision.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai tenté de vous démontrer ce matin que la proposition de la direction générale de l'aviation civile avait pour objectif, en fait, d'augmenter le nombre des rotations. Je comprends les raisons officielles qui touchent à la sécurité et aux différents mouvements d'avions.
Mais ce qui fonde ma question, c'est le passage désormais possible, à 120 mouvements d'avions par heure, conformément à la déclaration d'utilité publique. Entre les objectifs, les affirmations de la DGAC et la réalité, quelque chose ne va pas. Nous savons qu'un plus grand nombre d'avions survolera la région de Roissy.
Votre réponse le confirme, il sera encore possible d'accroître le nombre de vols sur Roissy et, plus grave encore, de vols nocturnes.
Vous ne m'avez rien dit du troisième aéroport. Je suis évidemment très inquiète. Voilà un an, l'idée d'un troisième aéroport était acceptée sans que nous connaissions le site. Aujourd'hui, nous en sommes au même point.
Je voulais vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat - peut-être le savez-vous déjà - que les associations des riverains de Roissy et d'Orly ont décidé d'organiser une manifestation à Paris le 10 novembre. Or l'imprécision de votre réponse ne peut être qu'un facteur de mobilisation incitant de nouvelles associations, de nouvelles municipalités et, surtout, de nouveaux citoyens à y participer.

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