SEANCE DU 17 OCTOBRE 2001
M. le président.
Le chapitre Ier B a été supprimé par l'Assemblée nationale.
L'amendement n° 25, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rétablir cette division dans la rédaction suivante :
« Chapitre Ier B.
« Dispositions relatives à la délinquance des mineurs. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement de forme tend à créer un chapitre Ier B afin
d'y inclure toutes les dispositions relatives à la délinquance des mineurs.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je vais reprendre la même méthode que celle qui
a été utilisée tout à l'heure, mais je suis désolé que M. Marini ne soit plus
là.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Je ferai une intervention globale qui vaudra pour la vingtaine d'amendements
qui seront défendus par M. le rapporteur, ce qui m'évitera d'intervenir de
nouveau longuement sur chacun d'eux, d'autant que je me suis déjà beaucoup
exprimé sur cette question afférente à l'ordonnance de 1945 lors de la première
lecture.
L'ordonnance du 2 février 1945 a fixé pour la France, à cette date historique,
un idéal fort : l'éducation des mineurs délinquants. Vous le savez, ce texte a
été modifié à plusieurs reprises ces dernières années : en 1985, pour
introduire une permanence éducative auprès des tribunaux ; en 1987 et 1989,
pour modifier les conditions de mise en détention ; en 1993, pour introduire la
mesure de réparation ; en 1995 et 1996, pour permettre un jugement plus rapide
des mineurs.
Son économie générale est restée inchangée parce qu'il détermine un principe
de responsabilité pénale, quel que soit l'âge du mineur. Contrairement, en
effet, à de nombreux pays européens - la Grande-Bretagne et l'Allemagne, par
exemple - la loi ne fixe pas en France de seuil en dessous duquel un enfant est
irresponsable. C'est ainsi que des enfants de neuf à dix ans peuvent être
condamnés à des mesures de réparation ou placés en foyer en cas de faits
particulièrement graves.
Ce texte prévoit aussi qu'il peut être prononcé à l'égard des mineurs
délinquants des condamnations pénales dès l'âge de treize ans. En 2000, 3 996
mineurs ont été détenus. Sur les neuf premiers mois de l'année 2001, ce sont
déjà près de 4 000 mineurs qui ont été incarcérés.
J'ai le sentiment qu'il n'existe pas de réponse magique qui serait apportée
par la loi à cette question. C'est d'abord une question pour toute la société,
qui pose aussi celle de l'effectivité des réponses, notamment éducatives,
apportées aux mineurs et à leur premier fait de délinquance.
M. Jean-Jacques Hyest.
Eh oui !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il faut davantage y répondre, d'abord par des
sanctions prises le plus rapidement possible après les faits infractionnels
commis, ensuite par des dispositions adaptées et individualisées. Les tribunaux
doivent ainsi rendre plus effectives les mesures de surveillance et d'éducation
qu'ils prononcent.
Le Gouvernement a mis en oeuvre le programme de développement des centres de
placement immédiat, les CPI, et des centres éducatifs renforcés, les CER, qui
ont pour objet de permettre la rupture des mineurs arrêtés avec leur
environnement et qui offrent des conditions d'éducation renforcées.
Je continue de penser qu'il ne faut pas toucher à l'équilibre de l'ordonnance
de 1945 et que nous devons plutôt nous attacher à porter nos efforts sur la
construction de réponses éducatives appropriées, sur la meilleure façon d'aider
et de responsabiliser les parents de ces mineurs en leur permettant de faire
face à l'éducation de leurs enfants, plutôt que de pénaliser davantage leur
inertie ou les graves errements de ces jeunes délinquants.
C'est donc pour moi une question essentielle. Sans doute aurons-nous
l'occasion d'y revenir - hier, nous avons déjà eu un échange sur cette question
- mais pas au travers de la modification d'un texte, laquelle sera toujours
imparfaite et toujours insatisfaisante, on l'a bien vu lors des différentes
modifications apportées.
C'est plus de la place de l'enfant dans la société qu'il s'agit - cela a
d'ailleurs été rappelé tout à l'heure sur ces travées -, de l'autorité des
parents, des règles de la vie en société, de la chaîne éducative où les parents
ont leur place. Ce n'est qu'ensuite qu'intervient la chaîne pénale et moins
elle sera utilisée, mieux cela vaudra ; chacun en est, je l'espère,
convaincu.
Les réponses sont donc à trouver dans la société. La délinquance, je l'ai dit
hier, ne naît pas de l'Etat ou de ses rouages, elle naît de la société. Cela
repose la question de savoir quel type de société, quel type de communication,
quel type de culture, quel type de liberté nous voulons. Vous reconnaîtrez de
ce point de vue que, à l'évidence, liberté et libéralisme commandent deux
approches totalement différences. Mais ce débat nous entraînerait trop loin. Je
souhaite simplement vous démontrer que ce n'est pas au travers de l'ordonnance
de 1945 que l'on peut régler l'immensité des problèmes qui nous sont posés
lorsqu'il s'agit de mineurs délinquants, ceux qui existent aujourd'hui et ceux
qui seront là demain.
Nos préoccupations doivent donc porter sur la chaîne éducative, le rôle des
parents, la famille, la société elle-même, l'école, les centres culturels.
Demandons-nous quelle ville il faut construire, quelles villes édifiées dans le
passé doivent être reconstruites, quel type de réponses économiques et sociales
nous pouvons apporter, avec nos philosophies respectives, pour traiter cette
question avant que les mineurs ne deviennent des délinquants.
Par conséquent, sans vouloir être désagréable à M. le rapporteur, j'émettrai
un avis défavorable, parce que je pense que l'on est hors sujet.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 25.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le ministre, je partage votre opinion et je vais donc être brève.
Je déplore d'avoir une fois de plus à regretter que l'on se saisisse de textes
tels que celui dont nous discutons aujourd'hui pour tenter de s'attaquer à
l'ordonnance de 1945. Certes, mes chers collègues de la majorité sénatoriale,
vous vous montrez plus subtils que certains de vos collègues de l'Assemblée
nationale, qui se sont livrés à des extrémités insupportables.
(Exclamations
sur les travées du RPR.)
Je vous fais là un compliment ! Je note d'ailleurs
quelques avancées, puisque les dispositions sanctionnant les parents ont, pour
la plupart, été abandonnées. C'est fort heureux, l'article 227-17 du code pénal
étant suffisant pour sanctionner les parents véritablement détaillants.
Ce n'est pas en stigmatisant les parents que l'on fera reculer la délinquance
des mineurs. Pour obtenir des résultats tangibles, la mobilisation de tous les
acteurs est nécessaire. Je partage ce que vous avez dit, monsieur le ministre,
qu'il s'agisse de la police, des parents, de l'école, de la justice, de la
société.
A l'évidence, nous n'acceptons pas plus qu'en première lecture les amendements
prévus dans ce chapitre. Au mieux, ils sont inutiles, car ils n'apportent rien
au droit existant.
Je rappelle d'ailleurs que, contrairement à ce qui est fréquemment soutenu, il
n'y a pas d'impunité pour les mineurs délinquants. Bien au contraire, le
principe de la réponse systématique rend la justice des mineurs plus sévère que
celle des majeurs.
Il faut se garder de l'hypocrisie : les problèmes sont réels ! Il est
nécessaire de travailler sur les solutions à apporter, sur les punitions, sur
la façon de protéger les enfants, comme vous le dites à tout propos. Mais, au
fond, que signifie réellement cette volonté de modifier la législation
concernant les mineurs ? Cela veut-il dire qu'il faut mettre des enfants en
prison ?
(Vives protestations sur les travées du RPR.)
Mme Nelly Olin.
Personne n'a dit cela !
Mme Nicole Borvo.
La législation actuelle permet de résoudre ces problèmes, mais la question des
moyens se pose.
Au pire, ces amendements sont symboliquement et pratiquement lourds de
conséquences. Il en est ainsi du changement de dénomination du « tribunal pour
enfants » en « tribunal des mineurs ». Un tel changement marquerait bien la
volonté de revoir le droit pénal des mineurs sous un angle avant tout
répressif, en occultant le volet éducatif auquel renvoie le terme d'« enfant
».
Regardons-nous en face ! Souvent, nous protégeons nos propres enfants de plus
en plus tard ; mais les enfants défavorisés, ceux qui sont en difficulté, ceux
qui vivent dans des familles éclatées, devraient être enfants de moins en moins
longtemps. Je trouve cela inacceptable !
M. Robert Bret.
Tout à fait !
Mme Nicole Borvo.
De la même façon, les procédures de comparution à délai rapproché et de
rendez-vous judiciaire finiraient par faire perdre à la justice des mineurs sa
spécificité, qui est sa force.
Pour la droite parlementaire, la question des mineurs, on le sent bien, est
d'abord une question d'affichage politique.
(Protestations sur les travées
du RPR.)
Mme Nelly Olin.
C'est scandaleux !
M. Robert Bret.
C'est la réalité !
Mme Nicole Borvo.
La preuve en est que votre propre proposition de résolution tendant à créer
une commission d'enquête parlementaire sur l'ordonnance de 1945 a fait long
feu, comme cela a été dit hier.
M. Jean-Jacques Hyest.
Pour moi, elle n'a pas fait long feu !
Mme Nicole Borvo.
Pas pour vous, mais pour certains ici : on n'en parle plus !
M. Bernard Murat.
C'est lamentable !
Mme Nicole Borvo.
Vous auriez pu proposer de la transformer en mission d'information ! Non, vous
préférez l'enterrer purement et simplement, pour afficher qu'il faut modifier
la législation dans un sens toujours plus répressif.
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais non !
Mme Nicole Borvo.
Nous ne voulons pas de cela et, il faut le dire encore haut et fort : les
textes suffisent !
M. Michel Caldaguès.
On a bien entendu !
M. Pierre Hérisson.
On s'en souviendra !
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Ce que je viens d'entendre m'apitoie, surtout venant d'une femme. Notre rôle,
disiez-vous, est de protéger nos enfants, quelles que soient leurs origines. Il
est vrai qu'il s'agit plutôt des enfants de familles défavorisées, mais pas
toujours : malheureusement, les familles éclatées existent dans toutes les
couches de la société. Et des enfants qui sont soumis à la dictature des
baby-sitters,
cela existe aussi !
Je serais parfois tenté de vous dire que je suis d'accord avec vous, monsieur
le ministre, mais on voit que vous ne pouvez pas aller au bout de votre propos.
(M. le ministre s'exclame.)
En effet, quelles que soient les explications que nous pourrions donner
s'agissant de la société libérale ou de la société libre - on peut toujours en
discuter ! - je suis persuadé que nous tomberions d'accord sur bien des points,
monsieur le ministre. Mais un constat a été dressé, et j'en reviens aux maires
que nous sommes et aux problèmes d'aujourd'hui : l'intégration est certainement
la plus grande lacune de ces vingt dernières années, tous gouvernements
confondus. On s'en rend compte à présent.
(M. le ministre s'exclame.)
Je
ne vous attaque pas, monsieur le ministre ! Simplement, les élus de ma
génération constatent qu'il s'agit là de l'une des plus grandes lacunes des
vingt dernières années. Aujourd'hui, nous regardons au travers du pare-brise,
et non pas dans le rétroviseur.
Vous nous dites qu'il faut démolir les barres. Je suis d'accord ! Dans ma
ville de Brive-la-Gaillarde, nous avons commencé à le faire, mais cette
entreprise prendra dix, quinze, voire vingt ans. Or, si nous n'aidons pas les
jeunes qui naissent aujourd'hui, monsieur le ministre, dans quinze ans, ce
seront des délinquants.
Par conséquent, au-delà des propos démagogiques et politiques, il faudrait
essayer d'apporter des réponses concrètes en sachant que, ni à droite ni à
gauche, nous ne détenons la vérité, mais qu'à gauche comme à droite nous sommes
tous des parents.
Mme Nelly Olin.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Olin.
Mme Nelly Olin.
Si je réagis vivement aux propos de ma collègue, c'est parce que l'enfant ne
doit pas servir de chantage.
La réalité est claire : à l'heure actuelle, nous assistons à une dérive de
notre société ; je vous en donne acte, monsieur le ministre, et je partage le
constat que vous dressez. Toutefois, il est temps de s'interroger réellement
sur les raisons pour lesquelles nous en sommes arrivés là et de dégager les
moyens susceptibles de remédier à cette situation. Or, ces moyens, nous ne les
avons plus dans nos villes : les éducateurs sociaux, nous en manquons ; les
travailleurs sociaux, nous en manquons ; les magistrats, en Val-d'Oise - ce
n'est pas à vous que je l'apprendrai, monsieur le ministre, nous n'en avons pas
et les policiers, nous en manquons cruellement, même si la police ne peut pas
tout régler.
Dans la ville dont je suis l'élue, qui comporte des quartiers difficiles, des
gamins de six ans ou huit ans ont, récemment, à vingt-trois heures, pénétré
dans une école et cassé toutes les vitres. Vous reconnaîtrez quand même que ces
enfants-là sont en danger ! Aujourd'hui, le seul problème important dont nous
ne discutons pas, c'est la question des moyens. Tant que nous ne disposerons
pas d'éducateurs sociaux, de travailleurs sociaux, de policiers, de magistrats,
en nombre suffisant, nous ne ferons pas avancer les choses. Donnons-nous les
moyens ! Si la situation ne s'améliore pas, nous verrons alors comment agir.
Aujourd'hui, nous n'avons pas les moyens d'agir !
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Badinter.
M. Robert Badinter.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'y a pas
de problème plus important et plus difficile que celui que pose à notre société
la délinquance et, plus généralement, la condition de l'enfance en danger.
Je n'ai pas besoin de reprendre ce qu'a dit M. le ministre de l'intérieur : on
ne peut pas dire que le législateur soit resté inactif. Gouvernement après
gouvernement, majorité après majorité, le Parlement a été saisi de séries de
textes modifiant l'ordonnance de 1945.
Mais on ne peut pas non plus jeter par-dessus bord un des vrais grands textes
de notre droit en ce qu'il affirme, et cela n'a pas cessé d'être vrai, que l'on
ne doit pas traiter la délinquance des mineurs comme celle des adultes.
Je n'ai pas besoin de rappeler à la Haute Assemblée, chacun d'entre nous le
sait, que l'enfant et même l'adolescent, mais plus encore l'enfant - on a
beaucoup parlé ici d'enfants de dix à quinze ans - n'est pas un adulte en
réduction, c'est un être en devenir. Et c'est à partir de cette vérité, qu'il
ne faut jamais perdre de vue, que l'ordonnance de 1945 a pu consacrer le
principe, que nous devons conserver, de la primauté des mesures de traitement,
d'éducation et de surveillance sur la répression pénale utilisée pour les
adultes.
Nous sommes là dans un domaine spécifique : l'enfant est un être en devenir
dont il faut prendre en considération l'évolution.
Si je dis cela, c'est parce que, chaque fois que nous nous sommes penchés sur
le problème de l'ordonnance de 1945, et particulièrement dans cette maison,
comme j'ai eu l'occasion de le constater, nous avons toujours pris soin, avant
de venir dans l'hémicycle - le président Larché y veillait tout
particulièrement - d'entendre ceux qui, sur le terrain, ont la responsabilité
du traitement de la délinquance, c'est-à-dire les magistrats des enfants, les
assistantes sociales et les éducateurs, mais aussi les spécialistes de
l'enfance et de son évolution. Et la démarche est indispensable, mes chers
collègues.
Je suis convaincu que nous sommes amenés à reconsidérer, à repenser le droit
de l'éducation surveillée, le droit de l'enfance et de la jeunesse délinquante,
mais que nous ne devons pas procéder à coup d'amendements jetés, ainsi, les uns
après les autres, sur telle ou telle disposition. S'il est un problème que nous
devons examiner profondément, c'est bien celui-là. On ne peut le prendre par
petits morceaux, il faut être animé d'une pensée, d'une vision claire de ce
qu'il convient de faire. Bref, le bricolage législatif est une méthode
détestable.
Je rejoins tout à fait ce qui a été dit, il est de l'intérêt national
d'essayer de faire en sorte que se réalise cet
aggiornamento
que nous
souhaitons. Mais, encore une fois, les mesures ponctuelles ici évoquées, loin
de nous permettre de répondre au problème, donneront peut-être le sentiment que
l'on fait quelque chose, alors qu'en réalité on déséquilibre, on déstabilise la
législation existante.
De surcroît, je tiens à l'ajouter, ce serait une très grande erreur et une
très grande injustice que de croire que les magistrats qui ont en charge la
protection de l'enfance et, malheureusement, la répression de la délinquance
des jeunes, ne font rien.
Mme Nelly Olin.
Je n'ai rien dit de tel !
M. Bernard Murat.
Ils n'ont pas de moyens !
M. Robert Badinter.
Il suffit de constater l'immense effort accompli ces dernières années pour
s'en convaincre.
Je souligne, s'agissant en particulier d'un tribunal qui est vraiment exposé
au problème de la délinquance juvénile et de l'enfance en danger, celui de
Bobigny, que le taux de non-récidive des enfants ainsi déférés au juge des
enfants est de l'ordre de 87 % : c'est dire l'importance de ce qui est accompli
et l'absolue nécessité d'avancer, dans ce domaine, sans
a priori
ni
arrière-pensées politiques. Je ne les prête d'ailleurs à personne ; j'attends
simplement de voir ce que sera, à propos de chacun de ces amendements, la
position prise.
Mais, je le dis clairement, la méthode adoptée n'est pas la bonne. Nous
aurions dû, comme nous l'avions fait en 1995, prendre le temps des auditions,
mener des réflexions en commission et ensuite seulement venir en séance
publique.
Mais, aujourd'hui, on se dépêche, et il émane de tout cela un parfum
d'échéance électorale qui ne coïncide pas avec la qualité requise de bonnes
mesures législatives.
M. Bernard Murat.
Tout à fait d'accord !
Mme Nelly Olin.
Eh bien voilà !
Mme Nicole Borvo.
Voilà pourquoi la formule de la mission d'information avait été proposée !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
On ne peut, bien entendu, qu'être d'accord avec toutes les
bonnes paroles qui déferlent sur cette assemblée. Mais, comme à l'accoutumée,
je constate, dans les propos, une déformation de la réalité de ce qui est
proposé.
Personne n'a proposé de mettre à bas l'ordonnance de 1945, véritable tabou,
urne magique devant laquelle chacun se prosterne, sans toujours savoir,
d'ailleurs, ce qu'elle contient, mais je ne parle pas de M. Badinter qui, lui,
le sait, j'imagine.
Nous savons tous que le texte initial a été en effet remanié vingt fois depuis
sa conception, ce qui relativise tout de même son côté « tabou ». Et, de toute
manière, pas plus que les autres fois, nous n'avons proposé de le mettre à bas.
Nous considérons, en effet, que les objectifs de l'époque, qu'a opportunément
rappelés M. Robert Badinter, nous animent !
Nous essayons simplement de nous rendre à l'évidence, tout en maintenant
absolument les principes fondamentaux de cette ordonnance, c'est-à-dire le
caractère éducatif des mesures qui sont indispensables. Mais nous ne pouvons
pas ne pas constater que les enfants d'aujourd'hui ne sont, hélas !, pour
certains d'entre eux, plus ceux de 1945. Nos banlieues n'en sont plus à
Jeux interdits,
il faut bien qu'on le comprenne. Nous essayons
simplement, confrontés à ce problème, de trouver des solutions qui ne
bouleversent pas la philosophie générale du système.
M'inscrivant une fois de plus en faux, je proteste contre l'accusation
d'électoralisme qui nous est faite. Ainsi donc, parce que se profilent à
l'horizon des échéances électorales, il ne faudrait plus se préoccuper de rien
? Autant nous mettre tous en vacances parlementaires, et nous n'aurons plus
qu'à nous préoccuper de la situation des enfants dans nos communes !
M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Ce sera peut-être aussi bien, d'ailleurs, mais, si l'on ne
peut pas légiférer sans se faire taxer d'électoralisme, alors, mes chers
collègues, je me demande vraiment quelle est notre justification, sauf,
peut-être, durant quelques périodes heureuses de six mois tous les cinq ou six
ans...
Mme Nelly Olin et M. Bernard Murat.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous avions déjà exprimé, en première lecture, nos réserves sur des
modifications partielles et parcellaires de l'ordonnance de 1945, réserves que
je confirme aujourd'hui. Cela étant, monsieur le ministre, vous nous avez
expliqué un certain nombre de choses, sur lesquelles tous nos collègues sont
d'accord. Mais pourquoi, alors, devons-nous constater que, dans un département
comme la Seine-et-Marne, qui ne compte tout de même que 1,2 million
d'habitants, il n'y a, en permanence, que trois juges des enfants en fonction,
que les services de la protection judiciaire de la jeunesse manquent
cruellement de moyens et qu'un jeune qui commet un acte grave n'est pas
convoqué devant le juge des enfants avant six mois ?
(M. Badinter
s'étonne.)
Eh oui, mon cher collègue, ce fut le cas pour un enfant de ma commune pris en
flagrant délit de cambriolage en plein jour, qui plus est, par le maire. Je me
suis dit qu'il fallait peut être faire quelque chose et suis donc allé voir les
parents, qui ont eu l'air tout surpris. Et ce n'est qu'au bout de six mois que
l'enfant à été convoqué par le juge. Pourquoi un tel délai ? Simplement parce
que le juge des enfants est complètement débordé.
Mme Nelly Olin.
Tout à fait ! Les magistrats manquent des moyens nécessaires.
M. Jean-Jacques Hyest.
Si on l'avait convoqué dans les huit jours en le sermonnant et le sommant de
réparer, je pense que nous n'en serions pas là !
C'est sans doute ce qui se fait au tribunal de Bobigny, dont le président est
bien connu du public, puisqu'il est autant sur les plateaux de télévision que
dans son tribunal. Je ne sais pas comment il fait, d'ailleurs. Il travaille
sans doute plus de 35 heures !
Monsieur le ministre, ce que nous demandons au Gouvernement, et cela relève
d'ailleurs de sa responsabilité, c'est de proposer des politiques. Faut-il
attendre de grands moments historiques - nous parlons d'une ordonnance prise en
1945 - pour modifier des dispositions d'une telle importance ?
La justice des mineurs souffre de graves lacunes et n'apporte pas de réponses
adaptées aux problèmes que connaissent de nombreux jeunes. Il ne s'agit pas de
promouvoir des réponses répressives. D'ailleurs, lors des travaux de la
commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements
pénitentiaires en France, nous avons constaté que les courtes peines et la
détention des mineurs dans les prisons étaient pires que tout. Qu'on ne vienne
pas nous dire que nous n'avons pas fait ce constat. Mais il faut trouver des
réponses adaptées. Aujourd'hui, il n'y en a pas, du fait du manque de moyens,
du fait de l'inefficacité de certaines mesures et aussi du fait de l'absence de
structures qui correspondraient aux besoins.
Voilà quelques années déjà, à nous qui prônions le placement en structures
spéciales de jeunes qu'il fallait extraire temporairement de leur milieu pour
les protéger des risques de délinquance, on répondait : « Vous êtes des
sauvages ! » Maintenant, tout le monde l'admet. Je constate donc des
évolutions. Nous demandons une vraie politique dans ce domaine.
Je voterai donc les amendements de mes collègues et de notre rapporteur pour
lancer un appel au Gouvernement afin qu'il se préoccupe enfin de cette grave
question.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
Mes chers collègues, deux arguments pèsent indûment sur ce débat, depuis le
début, arguments qui sont invoqués à chaque instant tant par le Gouvernement
que par ceux qui le soutiennent.
Le premier de ces arguments - M. Badinter l'a développé avec le talent et
l'autorité qui lui sont coutumiers - consiste à dire : ne nous précipitons pas,
ne prenons pas de mesures ponctuelles, car les mesures ponctuelles sont des
mesurettes. N'entrons pas dans la démarche qui consiste à essayer de résoudre
le problème, mais préférons développer une conception d'ensemble. En somme,
refaisons la société, refaisons le monde. C'est ce que vous avez dit aussi,
monsieur le ministre. A quoi nous vous répondons : on ne refait pas le monde
chaque matin, et ce n'est déjà pas si mal d'en refaire un petit bout tous les
jours !
Monsieur le ministre, laissez-nous avancer d'un pas tous les jours, mais ne
nous dites pas à chaque instant qu'il faut refaire la société, qu'il faut
refaire le monde, sinon ce que l'on décide ou ce que l'on fait ne sert à
rien.
Vous avez ici des élus locaux qui, tous les jours, vivent les problèmes dont
nous discutons, qui, tous les jours, s'efforcent d'améliorer la situation. Ils
n'attendent pas, eux, que le monde soit refait et que la société soit
transformée ; ils développent leurs efforts tous les jours. C'est cela, la
bonne démarche, et, refaire le monde, en langage populaire, cela ne veut jamais
dire autre chose que noyer le poisson !
J'en viens à votre second argument : l'électoralisme.
Monsieur le ministre, nous discutons des textes quand on nous les présente, et
nous les amendons, ce qui est notre droit. Si vous nous aviez présenté ce texte
deux, trois ou quatre ans plus tôt, nous aurions formulé les mêmes
propositions. Est-ce que nous vous accusons de déposer ce texte dans une
période préélectorale ? Allons-nous vous accuser tout à l'heure de déposer un
amendement qui permet la fouille des coffres des véhicules privés en période
préélectorale, alors qu'un certain nombre de mes collègues et moi-même l'avions
déjà proposé il y a plusieurs années et que vous avez toujours été contre ?
Allons-nous vous accuser d'électoralisme parce que vous êtes maître du choix du
moment pour déposer les projets de loi ?
Nous discutons les projets que vous nous présentez au moment que vous avez
choisi. C'est la Constitution qui nous en donne le droit. Ne nous renvoyez pas
à la chronologie pour nous taxer d'électoralisme !
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 25, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, la division « Chapitre 1er B » et son intitulé sont rétablis
dans cette rédaction.
Article 1er M