SEANCE DU 17 OCTOBRE 2001
M. le président.
L'article 1er L a été supprimé par l'Assemblée nationale.
La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini.
Dans les circonstances actuelles où de nombreux esprits sont, hélas !
échauffés dans bien des communes et dans bien des quartiers, une grande part de
notre population peut constater que de très nombreux faits de délinquance
commis sur la voie publique sont provoqués par des mineurs qui sont dans une
situation de quasi-impunité compte tenu des textes actuellement en vigueur.
Ce débat, qui est essentiel, ne fera que s'amplifier au cours des mois à venir
dans l'opinion publique. Il faudra apporter des réponses claires aux
préoccupations de nos concitoyens et ni Mme le garde des sceaux ni vous-même ne
pourrez continuer à proclamer que la législation existante répond aux besoins
sociaux et à l'attente de nos concitoyens. Ce n'est pas vrai.
Nous observons dans nos communes que, très souvent, systématiquement, des
petites bandes formées des plus jeunes sont poussées en avant par des plus âgés
tout simplement parce que les instigateurs savent que, compte tenu de
l'organisation judiciaire actuelle et des textes applicables, cette
quasi-impunité existe de fait.
Que vous le vouliez ou non, que ce soit ou non contraire à vos options
philosophiques, morales ou idéologiques, monsieur le ministre, c'est la réalité
telle qu'elle est vécue par nos concitoyens.
Vous ne voulez pas l'accepter parce que vous êtes prisonnier d'un ensemble de
contradictions, parce que vous ne pouvez pas traiter politiquement ce problème.
Mais soyez assurés que, si vous ne le faites pas - et nous observons que vous
ne le faites pas, ce problème sera résolu dans des conditions réalistes, demain
ou après-demain, par celles et ceux qui en auront le courage.
(Très bien !
et applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
Mme Nicole Borvo.
Encore des propos de campagne électorale !
M. le président.
L'amendement n° 24, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission, est
ainsi libellé :
« Rétablir l'article 1er L dans la rédaction suivante :
« Après l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales,
il est inséré un article L. 2212-4-1 ainsi rédigé :
«
Art. L. 2212-4-1.
- Pour des motifs tenant à la protection des
mineurs, à la sécurité et à la tranquillité publique, le maire peut décider,
pour une période déterminée, sur tout ou partie du territoire de la commune,
l'interdiction aux mineurs de moins de treize ans de circuler sur la voie
publique entre 23 heures et 6 heures du matin sans être accompagnés par une
personne titulaire de l'autorité parentale ou une personne à qui ils ont été
confiés.
« Les mineurs contrevenant à cette interdiction sont reconduits à leur
domicile ou, à défaut, remis au service de l'Aide sociale à l'enfance. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cette disposition a fait couler beaucoup d'encre et nous
sommes de plus en plus nombreux à ne pas comprendre en quoi il serait
liberticide de raccompagner chez lui un enfant de moins de treize ans après
vingt-trois heures.
Mme Nicole Borvo.
C'est ce que la police fait déjà, normalement !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Oui, normalement ! Mais elle ne le fait pas !
Mme Nicole Borvo.
Et elle le ferait parce qu'il y aurait le couvre-feu ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Peut-être !...
Mme Nelly Olin.
A condition qu'elle en ait les moyens.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Tout d'abord, madame la présidente, je récuse absolument le
terme de « couvre-feu » parce qu'il vise à dénaturer la mesure.
Mme Nicole Borvo.
Ce n'est pas nous qui l'avons employé !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Ce n'est pas moi non plus !
Si nous nous mettons d'accord pour ne pas employer ce terme, nous aurons fait
un progrès réel.
Nous ne sommes pas en guerre contre les enfants, nous sommes en guerre contre
ceux qui les utilisent. En fait, nous voulons avant tout les protéger, car,
aujourd'hui, ils ne le sont pas.
Il n'y a rien de liberticide, je le répète avec énergie, à ramener chez lui un
enfant de moins de treize ans après vingt-trois heures.
Mme Nelly Olin.
Cela semble normal ! Agir autrement relèverait de la non-assistance à personne
en danger.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Nous étions profondément persuadés de la nécessité de prendre
une mesure de cette nature. L'actualité judiciaire est venue conforter notre
position. La jurisprudence de cet été du Conseil d'Etat, qui ne passe
généralement pas pour être liberticide, nous encourage à traiter cette question
par voie législative, de telle sorte que les maires ne puissent prendre des
arrêtés.
Nous pensons qu'il convient de prendre des mesures en ce sens. C'est la raison
pour laquelle nous proposons de revenir au texte adopté en première lecture,
tout en reportant de vingt-quatre heures à vingt-trois heures l'heure de début
de l'interdiction et en prévoyant, comme l'a fait le Conseil d'Etat, que
l'interdiction pourra porter sur tout ou partie du territoire de la commune.
Toutefois, la jurisprudence constante du Conseil d'Etat exige que les mesures
soient proportionnées, dans l'espace et dans le temps, au but que l'on cherche
à atteindre.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Nous avons déjà eu ici cette discussion en
première lecture, à l'Assemblée nationale et dans le débat public.
Pour que les choses soient bien claires, je précise à nouveau que le
Gouvernement n'est pas favorable à ce que les enfants de treize ans ou même de
quatorze ans puissent circuler dans les rues la nuit, livrés à eux-mêmes,
abandonnés par leurs parents.
Mme Nelly Olin.
Qui y serait favorable ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Il est clair que nous sommes tous d'accord sur
le fond !
Par ailleurs, pour que les parents prennent leurs responsabilités, ne laissent
pas leurs enfants abandonnés à eux-mêmes sur la voie publique la nuit, le
Gouvernement considère qu'il faut appliquer les textes en vigueur et que votre
proposition ne règle en rien les problèmes.
Les dispositions concernant l'assistance éducative et figurant dans le code
civil permettent de régler ces difficultés. Ainsi, à Paris par exemple, en
2000, 1 000 enfants ont été ramenés chez leurs parents et 1 000 autres dans une
structure appropriée du XVe arrondissement...
Mme Nicole Borvo.
Absolument !
Mme Nelly Olin.
Pourquoi pas ailleurs ?
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Puisque les dispositions existent, pourquoi
prévoir un arrêté du maire ? Est-ce pour qu'il puisse faire parler de lui ?
M. Philippe Marini.
Tout est parfait ! Tout va bien, monsieur le ministre !
Mme Nelly Olin.
Venez dans nos communes !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne suis pas favorable à cet amendement, non
seulement parce que les dispositions existent déjà,...
M. Bernard Murat.
Elles ne sont pas appliquées !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Appliquons-les plutôt que d'en élaborer d'autres
qui ne seront pas plus appliquées !
M. Bernard Murat.
Il faut trouver les moyens de les appliquer !
M. Philippe Marini.
C'est votre responsabilité !
Mme Nelly Olin.
Il n'y a pas de policiers dans nos communes !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Je ne suis pas favorable à cette disposition
parce qu'elle est inutile en droit. Le Conseil d'Etat a admis, l'été dernier,
le principe des restrictions de circulation des mineurs en appliquant dans ce
domaine les principes généraux de la police administrative, en limitant le
champ d'application dans le temps et dans l'espace, notamment aux zones les
plus exposées à la délinquance.
Ajouter dans le code général des collectivités territoriales une disposition
législative me paraît donc inutile, puisqu'il est désormais acquis que les
maires ont déjà la possibilité de prendre des arrêtés limitant la circulation
nocturne des mineurs.
Par ailleurs, l'utilité de ces arrêtés est sujette à caution, vous le savez
bien. Seule une quinzaine d'arrêtés ont été pris au cours de l'été et le nombre
des mineurs interpellés et raccompagnés chez eux a été inférieur à dix.
(Mme
Borvo s'esclaffe.)
M. Bernard Murat.
Cela a un effet préventif !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Ces mesures s'adressent à l'opinion publique,
notamment aux électeurs,...
Mme Nicole Borvo.
Affichage !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
... mais elles n'ont pas d'effet utile en
matière de protection des mineurs.
M. Philippe Marini.
Cela n'est donc pas dangereux !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Monsieur Marini, j'ai eu des enfants et ce
problème ne s'est pas posé.
Si la délinquance des mineurs pose de vraies questions de société, ce n'est
pas avec de telles mesures qu'on pourra les résoudre. J'en veux pour preuve
l'exemple d'un de mes prédécesseurs que j'ai eu l'occasion de connaître,
furtivement il est vrai, en 1995, dans le XVIIIe arrondissement, et qui,
depuis, a choisi de retourner dans sa terre d'élection première, l'Eure, Evreux
plus précisément, je veux parler de M. Jean-Louis Debré. Il s'est prononcé
contre ce type de dispositions, il a émis des avis très réservés pour les mêmes
raisons que celles que je viens d'évoquer.
Je pense très sincèrement que ces arguments justifient très facilement mon
avis défavorable sur l'amendement n° 24.
Mme Nicole Borvo.
Très bien !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 24.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement a un effet pervers : il implique que, partout où un maire n'a
pas décidé, pour une période déterminée sur tout ou partie du territoire de sa
commune, d'interdire aux mineurs de moins de treize ans de circuler sur la voie
publique entre vingt-trois heures et six heures du matin, les enfants ont le
droit de se promerner seuls la nuit !
(Sourires sur les travées socialistes
et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
Cette simple réflexion devrait vous faire abandonner l'amendement n° 24. Mais
peut-être ne vous ai-je pas convaincus ! J'irai donc un peu plus loin.
Prendre un enfant par la main pour le ramener chez lui, c'est ce que font tous
nos policiers !
Mme Nelly Olin.
Quand on en a !
M. Bernard Murat.
Ils ne sont pas assez nombreux !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Vous dites que la police ne le fait pas, et j'avoue que je suis étonné du
procès permanent que vous faites à la police de notre pays.
Mme Nelly Olin.
Ce n'est pas contre la police !
M. Bernard Murat.
C'est contre le manque d'effectifs !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement ne précise pas qui doit reconduire les enfants à leur domicile
ou, à défaut, les remettre aux services de l'aide sociale à l'enfance.
Mme Nelly Olin.
Les assistantes sociales !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Tout le monde, je suppose ! Il est vrai que tout le monde le ferait. Mais, si
c'est une obligation de chaque citoyenne et de chaque citoyen, il faut
l'inscrire dans le texte. Si, au contraire, ce sont les forces de police qui
doivent le faire, il faut le prévoir également.
Par ailleurs, comme avec les quinze arrêtés de cet été, dix enfants seulement
ont été réamenés chez eux - M. le ministre vient de nous donner ces chiffres,
mais vous n'en avez pas tenu compte - cette disposition me paraît totalement
inutile.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Tout est inutile, selon vous !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En première lecture, nous avions réussi à vous convaincre qu'il fallait que la
disposition s'applique sur tout le territoire de la commune et pas seulement
sur une partie de la commune. Il serait injuste en effet que des enfants ne
puissent pas se promener après vingt-trois heures dans un quartier et qu'ils
puissent le faire dans un autre.
Mme Nicole Borvo.
Dans le XVIe arrondissement de Paris, par exemple !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Cet amendement a encore un autre effet pervers : l'enfant qui se trouverait à
vingt-trois heures dans un quartier où il est autorisé à circuler serait obligé
d'y rester jusqu'à six heures du matin, et n'aurait plus le droit de rentrer
chez lui.
M. Jean-Jacques Hyest.
Il peut faire un détour !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Voilà un amendement qui a un effet d'affichage et qui a de très nombreux
effets pervers. Vous auriez besoin d'une troisième lecture pour avoir le temps
de réfléchir à ce que vous faites.
Mme Nelly Olin.
C'est vraiment indécent !
M. Bernard Murat.
Et précieux !
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Bret.
M. Robert Bret.
Nous revoilà avec la question des arrêtés municipaux tendant à interdire aux
mineurs de treize ans de circuler sur le territoire de la commune entre
vingt-trois heures et six heures du matin.
Je suis au regret de dire à cet égard que la décision du Conseil d'Etat du
mois de juillet dernier et tendant à donner une base légale à certains de ces
arrêtés - pas à tous, soulignons-le - ne nous rend en aucune façon plus
favorables à ce type de mesures. Elle nous rend même encore moins favorables à
une légalisation qui aurait pour vocation, si je me réfère au rapport de la
commission, de supprimer la condition d'urgence prévue par la jurisprudence.
Pas plus que nos collègues de la majorité sénatoriale, nous ne trouvons normal
que de très jeunes enfants soient seuls dehors la nuit. Mais je ne pense pas
qu'avec ce type de dispositif on avance sur la question de la délinquance des
mineurs. Il ne s'agit que d'affichage.
Vous savez d'ailleurs pertinemment que même les fonctionnaires de police
considèrent que cette mesure est inefficace voire inapplicable.
Vous savez également comme moi que la police peut actuellement, sur la base de
la protection de l'enfance en danger, reconduire un enfant chez ses parents. M.
le ministre l'a rappelé voilà encore un instant.
En réalité, le changement consiste à instiller du répressif dans l'application
de cette mesure via un système d'amende à la charge des parents, ce qui change
complètement la signification de la reconduite et ses suites. On sort dès lors
de la logique de protection de l'enfant pour entrer dans une logique purement
pénale.
Nous sommes d'autant moins favorables à ce type de mesures que, quoi qu'en
dise notre commission des lois, elles sont toujours, en pratique, orientées en
direction des quartiers difficiles, ce qui accentue le sentiment d'exclusion et
de délaissement dont souffrent leurs habitants, qui sont déjà souvent en
situation de forte précarité tant sociale qu'économique. S'il ne s'agit pas de
stigmatiser certains quartiers, alors je ne sais pas de quoi il s'agit !
(Protestations sur les travées du RPR.)
Et ce n'est pas parce que la rédaction retenue ne fera pas mention des
interdictions portant « sur une partie du territoire de la commune » que cela
ne se fera pas en pratique, surtout si vous évoquez, dans le même temps,
l'intérêt de la possibilité de la limitation spatiale.
Vous comprendrez, dans ces conditions, que nous ne puissions pas voter un tel
amendement qui nous semble, à tous égards, contreproductif.
M. Patrice Gélard.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Gélard.
M. Patrice Gélard.
Il y a une espèce d'anomalie dans cette salle, mais cette anomalie, ce n'est
pas nous !
(Sourires sur les travées du RPR.)
A l'heure actuelle, les
enfants croient, de bonne foi d'ailleurs, qu'ils ont le droit de tout faire,
qu'ils ont le droit d'être dans la rue à n'importe quelle heure et que l'on n'a
rien à leur reprocher parce qu'ils sont des enfants. Par ailleurs, on oublie
une chose pourtant simple : si nous prenons des dispositions visant des enfants
c'est, non pas pour les brimer, mais pour les protéger car, à l'heure actuelle,
il faut protéger les enfants ! Or on ne les protégera pas en véhiculant des
principes flous - par exemple qu'il est interdit d'interdire aux enfants de se
promener la nuit - comme on l'a fait jusqu'à ce qu'un certain nombre de maires
courageux prennent un arrêté.
Les idées les plus généralement répandues étaient bien, en effet, que les
enfants ont tous les droits, y compris ceux d'être prostitués par d'autres
(M. le ministre s'indigne)
, de servir de racketteurs pour d'autres,
d'aller faire des repérages pour d'autres, en un mot d'être mis constamment en
danger. Et nous avions bonne conscience, car les enfants ont tous les droits et
rien ne peut leur être interdit !
Ce n'est pas de cela qu'il s'agit ici. Il s'agit ici de trouver un moyen
permettant d'affirmer qu'il est anormal qu'un enfant soit seul dans la rue
entre vingt-trois heures et six heures du matin...
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On est d'accord !
M. Patrice Gélard.
... et donc de sanctionner cette anormalité dans des cas très précis : lorsque
cela se produit dans des zones dangereuses pour les enfants.
Pourquoi refuser ce type de raisonnement pourtant couramment accepté par nos
voisins immédiats, notamment par les Belges ou les Britanniques ? Que veut-on
défendre en s'opposant à un tel amendement ?
M. Michel Caldaguès.
Voilà !
M. Patrice Gélard.
Veut-on défendre l'enfant ? Non, pas du tout ! L'enfant est tout à fait en
dehors des préoccupations exprimées. Veut-on défendre une liberté d'aller et de
venir ? Cette liberté n'est pas en cause.
Alors ayons le courage d'assumer notre responsabilité qui est de former des
enfants capables de comprendre la société, les droits des citoyens, et non de
laisser ces enfants livrés à eux-mêmes sans aucun point de référence.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. Bernard Murat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat.
Tout à l'heure, M. le ministre a tenu des propos forts en disant qu'il était
père et que ses enfants n'avaient jamais traîné dans les rues. Nous sommes un
certain nombre dans cet hémicycle à avoir eu des enfants de treize ans et à
avoir veillé à ce qu'ils ne traînent pas dans les rues ! Je suis donc quelque
peu étonné de la tournure que prend notre débat. Ne pourrait-on, au moins le
temps de la discussion d'un amendement, penser justement à ces enfants en
danger, et cela quels que soient les quartiers où ils se trouvent, car vouloir
limiter le problème à quelques quartiers me paraît un peu réducteur.
S'agissant de nos enfants, nous ne pouvons pas tenir deux discours : l'un pour
dire qu'il faut intégrer les jeunes et faire en sorte qu'ils ne sombrent pas un
jour dans la délinquance et, l'autre, pour dire qu'il est inutile de prendre
des mesures pour qu'ils ne traînent pas dans les rues à des heures où ils
devraient pas y être !
Je voudrais donner un exemple mais, je vous en prie, n'y voyez aucune
arrière-pensée démagogique et encore moins électoraliste, d'autant que, ni vous
ni moi n'avons à nous présenter à des élections avant de nombreuses années !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Mais vous avez peut-être des amis qui sont candidats !
Mme Nelly Olin.
Alors là, vraiment !
M. Bernard Murat.
Franchement, je suis très choqué de votre attitude et je le suis d'autant plus
que vous avez certainement des petits-enfants. Voudriez-vous qu'ils traînent
dans la rue à une heure ou à deux heures du matin ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je n'ai pas dit cela !
M. Bernard Murat.
Vous ne le voudriez certainement pas !
Nous abordons aujourd'hui un problème qui touche non pas nos propres enfants
ou petits-enfants, mais ceux des autres, et précisément ceux de personnes dont
vous vous faites toujours les défenseurs.
Vous avez dit tout à l'heure quelque chose d'important en avançant que ce
serait peut-être le rôle des citoyens de prendre un enfant par la main, comme
le disait le chanteur, et de le ramener chez lui. Je suis tout à fait d'accord
avec vous sur ce point ! J'en viens à l'exemple que je voulais vous donner :
c'est précisément ce que j'ai fait cet été lorsque j'ai trouvé deux gosses
assis sur un banc, fumant des cigarettes et buvant de la bière après minuit. Le
problème, c'est que, chez eux, il n'y avait personne !
Se pose alors la question de la responsabilité des parents. Là encore, il
convient de ne pas retomber en permanence dans l'incantation. Des dispositions
légales sont prévues ; quand les parents ne sont pas capables d'élever leurs
enfants, il faut les appliquer !
Vous me demanderez peut-être quelle a été mon attitude dans le cas précis que
j'évoquais : j'ai emmené ces enfants chez moi, et j'ai attendu le lendemain
matin pour les ramener à leurs parents.
Mme Nelly Olin.
Très bien !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Nous avons déjà eu ce débat avant l'été. Certains nous avaient alors objecté
que notre proposition était totalement dénuée de fondement juridique et que
d'ailleurs les arrêtés des maires étaient cassés.
En fait, on s'aperçoit que la jurisprudence du Conseil d'Etat a rappelé que
les mesures prises par les maires devaient avoir une durée d'application
limitée et s'appliquer dans des lieux déterminés, particulièrement dangereux
pour les jeunes, et non sur tout le territoire d'une commune. S'agissant de
Paris, je pense sincèrement que certains quartiers très réputés sont beaucoup
plus dangereux pour les jeunes que certains quartiers populaires.
(M. le
ministre acquiesce.)
Il est inutile que je sois plus précis.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Pas chez vous ni chez moi !
M. Jean-Jacques Hyest.
On me dit qu'il n'y a eu que dix cas, mais peut-être que les arrêtés pris par
les maires ont eu un effet dissuasif. Si l'on fait de la prévention, ce n'est
peut-être pas plus mal. Comme je l'avais rappelé avant l'été, certaines
dispositions visent quand même à interdire certains lieux aux mineurs,
uniquement dans un souci de protection. Je rappelle que les débits de boissons
sont, depuis très longtemps, interdits aux mineurs de moins de treize ans s'ils
ne sont pas accompagnés d'un adulte. Des mesures équivalentes peuvent être
prises pour d'autres lieux. Dans mon esprit, l'idée est la même.
Dans certains cas, et à certaines époques peut-être, la rue est dangereuse
pour les jeunes. Dire qu'ils ne doivent pas y être ou qu'ils doivent être
raccompagnés chez eux s'ils sont seuls ne me paraît pas complètement inutile.
Le maire, chargé d'une manière générale de la protection des populations, doit
être en mesure de le décider, car il est le mieux à même de connaître ce qui se
passe dans sa commune.
Quand on me parle de dispositions de protection de l'enfance en danger, je
réponds que de telles dispositions sont souhaitables - les départements le
savent d'autant mieux qu'ils sont souvent chargés de ces problèmes - mais
qu'elles ne sont pas suffisantes et qu'il faut prévoir quelques règles
supplémentaires. Je pense, par exemple, à la nécessité de signaler les
quartiers particulièrement dangereux aux services de police et de préciser,
dans ce cas, qu'il est préférable de raccompagner les jeunes à leur domicile
ou, s'il n'y a personne chez eux, d'alerter les services de l'aide à l'enfance
qui les prendront en charge. On s'apercevra à cette occasion qu'il y a de
graves carences éducatives !
Mme Nicole Borvo.
C'est vrai !
M. Philippe Darniche.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Darniche.
M. Philippe Darniche.
Monsieur le ministre, j'ai été choqué de vous entendre dire tout à l'heure que
certains maires auraient pris un arrêté uniquement pour faire parler d'eux. Ils
ont un trop grand sens de leurs responsabilités pour agir uniquement avec
l'intention de se faire de la publicité ! Ce sont plutôt des événements tels
que ceux que nous connaissons dans nos communes qui les incitent à trouver des
solutions pour faire face aux situations nouvelles.
D'ailleurs si nous réfléchissons à des mesures nouvelles pour faire face au
terrorisme, c'est bien parce que le terrorisme est un fait nouveau. Si nous
parlons de la montée de la délinquance, c'est aussi parce qu'il s'agit d'un
fait nouveau. Nous essayons d'apporter des solutions nouvelles à une nouvelle
problématique !
Si un amendement relatif à la protection des enfants est proposé, c'est bien
parce que l'on souhaite être constructif face au phénomène nouveau des jeunes
qui traînent dans la rue la nuit et bien souvent à l'insu de leurs parents.
Permettez-moi de vous citer un cas que j'ai connu dans ma commune et qui
témoigne de la difficulté à laquelle nous nous heurtons.
Un enfant de douze ans, parti se baigner à cinq heures du matin avec des
enfants de son âge et de son quartier, a failli se noyer dans un étang situé en
centre-bourg. Les parents, qui sont venus me trouver, étaient très ennuyés, car
leur enfant était sorti à leur insu. Dans les zones pavillonnaires, les enfants
peuvent en effet faire le mur en pleine nuit sans que leurs parents s'en
rendent compte. Il faut donc les protéger.
J'ai soumis le problème au conseil municipal des enfants de ma commune - y
siègent des enfants âgés de dix à onze ans - ainsi qu'à leurs parents. J'ai
constaté que la problématique était perçue non pas comme vous l'imaginez, mais
plutôt comme un appel au secours lancé au maire afin qu'il prenne un arrêté
municipal, ce que je n'ai pas fait.
Je vous ai donné cet exemple pour vous montrer qu'il ne fallait pas voir
derrière notre action une volonté systématique de resserrer encore la
surveillance, volonté à laquelle je pourrais opposer votre attitude permissive
bien connue et tendant à ne pas cadrer les réels problèmes de sécurité qui se
posent aujourd'hui dans nos communes !
M. Michel Caldaguès.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès.
J'attends que quelqu'un nous dise qu'il ne voit aucun inconvénient à ce que
des enfants de moins de treize ans se promènent entre minuit et six heures du
matin.
Mme Nicole Borvo.
Personne ne le pense !
M. Michel Caldaguès.
Personne ne l'ayant dit, je pense donc que personne n'est favorable à un tel
comportement. Si tel était le cas, je comprendrais que la personne concernée
s'oppose à ce texte. Alors pourquoi un tel acharnement à démolir une
proposition d'amendement ?
Monsieur le ministre de l'intérieur, si vous êtes sceptique - ce qui est votre
droit - face à la proposition qui vous est soumise et qui tend, dans l'esprit
de ses auteurs, à améliorer la sécurité, vous pourriez dire que vous n'y croyez
pas tellement, mais que vous n'allez pas vous y opposer. Pas du tout ! Vous
vous y opposez avec acharnement, monsieur le ministre. Je ne peux donc voir
dans votre attitude et dans celle des sénateurs qui s'opposent à cet amendement
que des arrière-pensées !
(Applaudissements sur les travées du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
Mme Nicole Borvo.
Et vous, vous n'avez pas d'arrière-pensées !
M. Daniel Vaillant,
ministre de l'intérieur.
Pas vous, monsieur Caldaguès !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 24, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article Ier L est rétabli dans cette rédaction.
Intitulé du chapitre Ier B