SEANCE DU 7 JUIN 2001
M. le président.
Par amendement n° 108, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
6, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article L. 311-9 du code de la consommation est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« La mention "carte de crédit" est spécifiée sur la carte. »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
L'usage de nombreux systèmes de paiement à crédit, y compris pour s'acquitter
de l'achat de denrées alimentaires ou périssables, est, à l'heure actuelle,
largement répandu. On peut en effet noter que les principaux groupes de la
grande distribution commerciale proposent aujourd'hui à leur clientèle des
cartes de paiement qui s'avèrent être le plus souvent de véritables cartes de
crédit, assorties d'ailleurs assez fréquemment de contraintes non négligeables
de remboursement, notamment de taux d'intérêt compris entre 15 et 20 %.
On observera que la plupart de ces cartes de paiement, qui offrent souvent
l'opportunité d'apporter à leurs émetteurs une liquidité non négligeable de
leurs ressources et, en même temps, de plus grandes facilités pour « jouer » du
crédit fournisseurs, qui demeure leur source essentielle de marge, ne sont
jamais présentées comme ce qu'elles sont en réalité, c'est-à-dire des cartes de
crédit.
Cet amendement vise donc tout simplement à réparer cet oubli en demandant que
soient clairement identifiées comme carte de crédit les cartes de paiement
proposées sur les réseaux de distribution.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Nous comprenons bien l'objectif qui sous-tend cet
amendement : il s'agit d'améliorer l'information du consommateur, notamment
dans une perspective de prévention du surendettement.
Pour autant, je ne suis pas certaine que la méthode utilisée soit tout à fait
opérante dans la mesure où la « carte de crédit » n'est pas une notion
juridique définie.
Par conséquent, le Gouvernement proposera prochainement d'autres mesures
ciblées sur la prévention du surendettement, qu'il préfère traiter dans un
autre cadre que ce texte.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 108, repoussé par le Gouvernement et pour
lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet
de loi, après l'article 6.
Par amendement n° 109, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la seconde phrase du premier alinéa de l'article L. 311-37 du code de
la consommation, après les mots : "devant lui", sont insérés les mots : "par le
prêteur". »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Cet amendement porte sur la question de la forclusion des délais de recours en
cas de contentieux en matière de prêt à la consommation.
La jurisprudence actuelle dans ce domaine est marquée par une relative
diversité et des divergences d'appréciation qui ne sont pas sans poser
question.
En effet, certains établissements prêteurs attendent les délais
a priori
laissés à l'emprunteur - deux ans à compter de la signature de l'offre -
afin qu'une éventuelle difficulté ne puisse être imputable à leur manque de
diligence devant la situation de l'emprunteur.
On sait que les crédits à la consommation constituent, après les crédits
immobiliers, la source principale de saisine des commissions de surendettement
et que les voies de recours ouvertes aux emprunteurs en ces matières sont
étroitement liées à la faculté qui peut leur être laissée de mettre en question
la régularité de l'offre de leur prêteur.
Il suffit, malgré les garanties aujourd'hui offertes par la loi et par la
rédaction actuelle de l'article L. 311-37 du code de la consommation, qu'un
organisme prêteur se refuse à prendre part à un plan de redressement et
d'apurement de dettes pour que le crédit concerné ne puisse pas être inclus
dans le plan.
Il nous semble donc nécessaire que la forclusion soit strictement limitée aux
démarches engagées par les organismes prêteurs et que la faculté soit laissée
aux emprunteurs de mettre en question, dès la naissance d'une difficulté
majeure d'acquit des dettes en cours, la régularité des offres qui ont pu leur
être faites.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
L'article L. 311-37 du code de la consommation
prévoit, en effet, que les actions formées par le prêteur et l'emprunteur liés
par un contrat de prêt doivent être formées dans les deux ans suivant
l'événement qui leur a donné naissance.
La question est de savoir comment interpréter la notion d'événement. Pour la
jurisprudence, celui-ci est constitué, premièrement, par la signature du
contrat, lorsqu'il s'agit de l'emprunteur, et, deuxièmement, par le premier
incident de paiement, lorsqu'il s'agit du prêteur. Ainsi, la jurisprudence crée
une asymétrie en défaveur de l'emprunteur.
Cet amendement vise à y remédier. Toutefois, le renversement qui nous est
proposé semble beaucoup trop brutal, puisqu'il s'agirait de fixer deux régimes
de prescription différents : deux ans pour le prêteur et le régime du droit
civil classique de cinq ans ou dix pour l'emprunteur.
S'il nous paraît tout à fait légitime de poser la question, il nous semble
aussi que l'amendement va trop loin. Mais nous souhaiterions savoir si cette
appréciation plutôt négative est partagée par le Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La question est effectivement importante, et je
remercie M. Foucaud de l'avoir posée au travers de cet amendement.
Toutefois, comme l'a dit M. le rapporteur général, la solution proposée mérite
d'être expertisée un peu plus avant. En tout cas, nous n'avons pas pu, pour ce
qui nous concerne, envisager toutes les conséquences entraînées par la
modification proposée du régime de la contestation et des délais de
contestation.
Par conséquent, après que mon collègue François Patriat eut parlé de « sagesse
négative », je parlerai, pour ma part, en l'occurrence, de sagesse positive.
M. le président.
La commission maintient-elle son appréciation négative, monsieur le rapporteur
général ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Oui, monsieur le président. Le dispositif n'est ni
juridiquement ou techniquement adéquat, ni suffisamment équilibré. La
commission ne peut donc pas préconiser l'adoption de cet amendement.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 109, repoussé par la commission et pour
lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Par amendement n° 110, M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article
6, un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans le premier alinéa de l'article L. 313-3 du code de la consommation, les
mots : "du tiers" sont remplacés par les mots : "du quart". »
La parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai en même temps
l'amendement n° 111, qui porte également sur le taux de l'usure.
M. le président.
J'appelle donc en discussion l'amendement n° 111, présenté par M. Foucaud, Mme
Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et
citoyen, qui tend à insérer, après l'article 6, un article additionnel ainsi
rédigé :
« L'article L. 313-3 du code de la consommation est complété par un alinéa
ainsi rédigé :
« Pour les crédits à la consommation inférieurs à 10 000 francs et pour les
découverts, crédits permanents et achat ou vente à tempérament supérieurs à 10
000 francs, un prêt usuraire sera constitué lorsque son taux dépassera de plus
du quart le taux effectif moyen, selon les mêmes conditions de calcul. »
Veuillez poursuivre, monsieur Foucaud.
M. Thierry Foucaud.
Nous avons eu l'occasion de souligner que les habitudes de consommation et le
développement de l'offre en matière d'outils de paiement avaient généralisé
l'usage massif de cartes de paiement, de crédits permanents et autres outils de
règlement à tempérament.
Ces outils de règlement, souvent présentés de manière séduisante à la
clientèle, ont comme particularité d'être le plus souvent assortis de
conditions de crédit particulièrement coûteuses, avec des taux très élevés,
notamment au regard du mouvement des prix et de celui des revenus salariaux.
Les commissions de surendettement sont régulièrement confrontées à des
situations où les crédits permanents ou tout autre crédit à la consommation
constituent une part non négligeable des dettes que les personnes surendettées
ne parviennent plus à rembourser.
Nous proposons donc, au travers de ces deux amendements, que des limites
nouvelles soient fixées au fonctionnement de ce marché « parallèle » du crédit
bancaire, et ce grâce, d'une part, à une mesure de caractère général visant à
réduire le taux de l'usure au quart excédant le taux moyen pratiqué par les
établissements de crédit et, d'autre part, à une mesure plus ciblée portant sur
les crédits de faible montant ou destinés à s'acquitter de dépenses
courantes.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission souhaiterait connaître d'abord l'avis
du Gouvernement.
M. le président.
Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
La question du taux de l'usure est une question
extrêmement sensible. C'est la raison pour laquelle mandat a été donné au
comité consultatif du Conseil national du crédit et du titre d'examiner ce
sujet de manière approfondie.
Les travaux sont actuellement en cours. Ils ont commencé par une réflexion
portant sur les crédits aux entreprises et se poursuivent par une réflexion sur
les crédits aux particuliers. Cette réflexion devrait aboutir très
prochainement. Aussi le Gouvernement estime-t-il que ces amendements sont
prématurés.
En outre, en 1999, le groupe de travail du Conseil national du crédit et du
titre consacré au financement des entreprises avait mis l'accent sur les effets
d'éviction possibles du fait de l'application de la réglementation de l'usure
aux prêts accordés à celles-ci, ce que confirment d'ailleurs les dernières
réflexions du comité consultatif. Dans cette perspective, une réduction du
seuil de l'usure ne semble guère opportune.
Par ailleurs, l'abaissement du seuil de l'usure pour les prêts à la
consommation ne semble pas constituer une mesure de protection efficace pour
les consommateurs en termes de prévention du surendettement, alors même qu'il
pourrait conduire à exclure de l'accès au crédit les populations les plus
défavorisées.
A ce stade, dans l'attente des conclusions du Conseil national du crédit et du
titre, le Gouvernement est donc défavorable à ces deux amendements.
M. le président.
Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Mme le secrétaire d'Etat a, par son analyse, confirmé
les craintes que la commission concevait déjà. Ces deux mesures ne nous
paraissent pas opportunes. Nous émettons donc un avis défavorable.
M. le président.
Les amendements sont-ils maintenus, monsieur Foucaud ?
M. Thierry Foucaud.
Oui, monsieur le président.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 111, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
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