SEANCE DU 7 JUIN 2001


M. le président. « Art. 6. - I. - 1. La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre III du code monétaire et financier est intitulée : "Droit au compte et relations avec le client".
« 2. Après l'article L. 312-1 du même code, sont insérés les articles L. 312-1-1 à L. 312-1-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 312-1-1 . - I. - La gestion d'un compte de dépôt est réglée par une convention écrite passée entre le client et son établissement de crédit. Les principales stipulations de cette convention sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l'économie et des finances après avis du comité consultatif institué à l'article L. 614-6.
« Tout projet de modification du tarif des produits et services faisant l'objet de la convention doit être communiqué par écrit au client trois mois avant la date d'application envisagée. L'absence de contestation par le client dans un délai de deux mois après cette communication vaut acceptation du nouveau tarif.
« II. - Sauf si la convention de compte en dispose autrement, toutes les opérations en crédit et en débit d'un compte de dépôt doivent être portées à la connaissance du client à intervalle régulier n'excédant pas un mois.
« Art. L. 312-1-2 . - I. - 1. Est interdite la vente ou offre de vente de produits ou de prestations de services groupés sauf lorsque les produits ou prestations de services inclus dans l'offre groupée peuvent être achetés individuellement ou lorsqu'ils sont indissociables.
« 2. Est interdite toute vente ou offre de vente de produits ou de prestations de services faite au client et donnant droit à titre gratuit, immédiatement ou à terme, à une prime financière ou en nature de produits, biens ou services dont la valeur serait supérieure à un seuil fixé, en fonction du type de produit ou de service offert à la clientèle, par un règlement du Comité de la réglementation bancaire et financière pris après avis du comité consultatif institué à l'article L. 614-6.
« II. - Des agents de la Banque de France commissionnés par le ministre chargé de l'économie et des fonctionnaires habilités à relever les infractions aux dispositions des articles L. 113-3, L. 121-35 et L. 122-1 du code de la consommation sont qualifiés pour procéder dans l'exercice de leurs fonctions à la recherche et à la constatation par procès-verbal des infractions aux dispositions du I de l'article L. 312-1-1 et du I du présent article.
« Ces agents peuvent accéder à tous les locaux à usage professionnel et demander la communication des livres et tous autres documents professionnels et en prendre copie, recueillir sur convocation ou sur place les renseignements et justifications. Ils ne peuvent accéder à ces locaux qu'entre 8 heures et 20 heures. Le secret professionnel ne peut être opposé aux agents agissant dans le cadre des pouvoirs qui leur sont conférés par le présent article.
« Les procès-verbaux sont transmis au procureur de la République dans les cinq jours suivant leur établissement. Une copie en est également remise à l'intéressé.
« Art. L. 312-1-3 . - I. - Tout établissement de crédit désigne un ou plusieurs médiateurs chargés de recommander des solutions aux litiges relatifs à l'application par les établissements de crédit des obligations figurant aux I des articles L. 312-1-1 et L. 312-1-2. Les médiateurs sont choisis en raison de leur compétence et de leur impartialité.
« Le médiateur est tenu de statuer dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. Celle-ci suspend la prescription pendant ce délai. Les constatations et les déclarations que le médiateur recueille ne peuvent être ni produites ni invoquées dans la suite de la procédure sans l'accord des parties. Cette procédure de médiation est gratuite.
« Le compte rendu annuel d'activité établi par chaque médiateur est transmis au gouverneur de la Banque de France et au président du comité consultatif institué à l'article L. 614-6.
« II. - Il est institué un comité de la médiation bancaire chargé d'examiner les rapports des médiateurs et d'établir chaque année un bilan de la médiation bancaire qu'il transmet au Conseil national du crédit et du titre. Ce comité peut adresser des recommandations aux établissements de crédit et aux médiateurs.
« Le comité de la médiation bancaire est présidé par le gouverneur de la Banque de France ou son représentant. Les autres membres sont nommés par arrêté du ministre chargé de l'économie, selon la répartition suivante : une personnalité proposée par le collège de consommateurs et usagers du Conseil national de la consommation, une personnalité proposée par l'Association française des établissements de crédit et des entreprises d'investissement et deux personnalités choisies en raison de leur compétence.
« Art. L. 312-1-4 . - Les dispositions des articles L. 312-1-1 à L. 312-1-3 sont d'ordre public. Elles s'appliquent aux établissements de crédit mentionnés à l'article L. 511-1 ainsi qu'aux organismes mentionnés à l'article L. 518-1.
« Leurs conditions d'application sont précisées par un décret en Conseil d'Etat. »
« II. - 1. Le chapitre Ier du titre V du livre III du même code est intitulé : "Infractions relatives au droit au compte et aux relations avec le client".
« 2. L'article L. 351-1 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 351-1 . - Est puni de 15 000 EUR d'amende le fait de méconnaître l'une des obligations mentionnées au I de l'article L. 312-1-1 ou l'une des interdictions édictées au I de l'article L. 312-1-2.
« Les personnes morales peuvent être déclarées responsables pénalement dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal des infractions définies à l'alinéa précédent. Les peines encourues par les personnes morales sont l'amende, suivant les modalités prévues par l'article 131-38 du code pénal.
« Avant d'engager l'action publique tendant à l'application de la sanction pénale prévue au présent article, le parquet peut saisir pour avis le comité de la médiation bancaire mentionné au II de l'article L. 312-1-3. En cas de dépôt d'une plainte avec constitution de partie civile portant sur des infractions aux dispositions mentionnées au premier alinéa, le procureur de la République peut, avant de prendre ses réquisitions, saisir pour avis le comité de la médiation bancaire. Les réquisitions sont transmises au juge d'instruction après avis du comité.
« En cas de citation directe à l'audience du tribunal correctionnel par la victime pour les infractions visées à l'alinéa précédent, le président peut, avant tout examen au fond, saisir le comité de la médiation bancaire pour avis. Cet avis est transmis aux parties et au tribunal par le comité et versé au dossier.
« Le comité de la médiation bancaire se prononce dans un délai de six semaines au plus tard après la réception de la demande d'avis. Dans son avis, il apprécie notamment la gravité des faits ainsi que leur éventuel caractère répétitif. »
« III. - Les dispositions des articles L. 312-1-1 à L. 312-1-4 et de l'article L. 351-1 du code monétaire et financier entrent en vigueur un an après la publication de la présente loi, sous réserve des dispositions suivantes :
« 1° Les dispositions du I de l'article L. 312-1-1 s'appliquent à compter du 1er janvier 2003 pour les comptes de dépôt ouverts à la date d'entrée en vigueur de la présente loi et n'ayant pas fait l'objet d'une convention conforme aux dispositions précisées par l'arrêté mentionné au premier alinéa du I de cet article.
« Pour ces comptes, les établissements de crédit transmettent au plus tard le 1er juillet 2002 ou à la date mentionnée au premier alinéa, pour les comptes ouverts entre le 1er juillet 2002 et cette même date, si elle est postérieure, un projet de convention de compte à leurs clients, en les informant des conditions dans lesquelles la convention peut être signée. A défaut de signature, l'absence de contestation par le client dans un délai de trois mois après réception du projet de convention vaut acceptation de la convention de compte ;
« 2° Les dispositions du I de l'article L. 312-1-2 s'appliquent à compter du 1er janvier 2003 aux ventes ou offres de vente qui trouvent leur origine dans les conventions conclues avant l'entrée en vigueur de la présente loi.
« IV. - Le code de la consommation est ainsi modifié :
« 1° L'article L. 113-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les règles relatives à l'obligation de renseignements par les établissements de crédit et les organismes mentionnés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier sont fixées par les I et II de l'article L. 312-1-1 du même code. » ;
« 2° L'article L. 121-35 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les établissements de crédit et les organismes mentionnés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier, les règles relatives aux ventes avec primes sont fixées par le 2 du I de l'article L. 312-1-2 du même code. » ;
« 3° L'article L. 122-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les établissements de crédit et les organismes mentionnés à l'article L. 518-1 du code monétaire et financier, les règles relatives aux ventes subordonnées sont fixées par le 1 du I de l'article L. 312-1-2 du même code. » ;
« 4° A l'article L. 122-4, les mots : "par les conditions générales de banque portées à la connaissance de la clientèle et précisant" sont remplacés par les mots : "par la convention de compte instituée à l'article L. 312-1-1 du code monétaire et financier qui précise". »
Sur l'article, la parole est à M. Foucaud.
M. Thierry Foucaud. L'article 6 du présent projet de loi inaugure, si l'on peut dire, le chapitre consacré aux relations entre les banques et leur clientèle.
Ainsi que nous l'avons déjà souligné, cet article, de loin le plus important dans ce titre, apparaît comme une forme de réponse à l'échec de la concertation entre les établissements de crédit, d'une part, et les associations de consommateurs et de lutte contre la précarité, d'autre part, concertation menée sous la responsabilité de M. Jolivet.
En modifiant les données du code monétaire et financier, singulièrement les dispositions du livre III de ce code, l'article décline dans les faits les conditions de la relation commerciale entretenue par les parties. Il liste donc les conditions de passation d'une convention de services bancaires, sa quotité et son contenu, faisant expressément référence aux pratiques commerciales non autorisées en ces matières, il définit les conditions du contrôle de l'activité des établissements de crédit, institue le principe d'une médiation bancaire susceptible de prévenir les conflits d'intérêt et établit enfin les sanctions applicables en cas de non-respect des dispositions précédemment décrites.
Il peut par conséquent être appréhendé comme un premier pas dans une normalisation des relations entre les banques et leur clientèle, dans un contexte où l'ouverture du marché domestique à de nouveaux produits et de nouveaux opérateurs ainsi que l'achèvement de la privatisation du secteur financier ont conduit, entre autres, à relancer la concurrence effrénée entre les établissements pour capter, si ce n'est capturer, la clientèle.
La normalisation des rapports, dans ce contexte nouveau, ne doit cependant pas laisser trop de place à la seule initiative des établissements de crédit et rendre captive une clientèle qui, pour de nombreuses raisons, est naturellement obligée d'en passer par la sollicitation des services bancaires.
Ainsi, l'application des dispositions de l'article ne saurait aboutir à ce que les pratiques commerciales, les facturations abusives, que nous avons dénoncées dans l'exposé des motifs de nos amendements précédents et que dénoncent à longueur d'année les associations de consommateurs ou les associations caritatives, bénéficient, en quelque sorte, d'une forme de légalisation, fondée sur une rédaction trop générale des dispositions que nous allons voter.
Tel est le sens des nombreux amendements que nous avons déposés sur cet article et qui tendent à permettre aux usagers des services bancaires d'éviter quelques-uns des désagréments déjà constatés dans le contentieux ou la jurisprudence civile existant en la matière.

ARTICLE L. 312-1-1 DU CODE MONÉTAIRE ET FINANCIER