SEANCE DU 30 JANVIER 2001


M. le président. La parole est à Mme Luc, auteur de la question n° 974, adressée à Mme le secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Mme Hélène Luc. Madame la secrétaire d'Etat, je regrette que Mme la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés ne puisse pas répondre elle-même à ma question, mais je sais qu'elle a, ce matin, une réunion interministérielle très importante avec M. le Premier ministre.
Depuis plus de quatre mois, un nouveau médicament très efficace contre certaines formes de cécité a reçu une autorisation de mise en circulation sur le marché français. Il s'agit de la Visudyne, commercialisée par Novartis. Or, ce médicament, très important pour les personnes concernées, n'est toujours pas remboursé par la sécurité sociale.
Je veux aujourd'hui attirer votre attention, madame la secrétaire d'Etat, sur ce problème des personnes menacées de cécité et qui ne peuvent accéder au traitement médical faute de moyens financiers.
Je signale, au passage, que ce problème a fait l'objet dernièrement d'une très bonne émission sur France Inter, « Le téléphone sonne », au cours de laquelle de nombreux malades se sont exprimés pour faire part de leurs exigences.
La Visudyne n'est pas un médicament de confort. C'est, au contraire, un médicament de première nécessité pour les personnes souffrant de formes particulières de dégénérescence maculaire liée à l'âge, ou DMLA.
Cette pathologie dégénérescente du centre de la rétine, ou macula, menace la vision. Elle est très invalidante puisque, petit à petit, le patient ne peut plus lire, reconnaître les visages ou regarder la télévision. Elle pèse donc lourdement sur les actes de la vie quotidienne. Cette maladie peut aboutir à la cécité.
Actuellement, en France, 1 300 000 personnes âgées de plus de soixante-cinq ans sont touchées par cette pathologie, toutes formes confondues. Cinq à six mille malades pourraient bénéficier du nouveau traitement chaque année.
L'efficacité de ce traitement, qui se fait par voie intraveineuse, qui agit sur les vaisseaux anormaux par photothérapie, technique très récente, et qui nécessite l'application d'un faisceau laser pour cicatriser, est d'ores et déjà avérée.
Comme en témoigne le professeur Coscas - que j'ai d'ailleurs eu l'occasion de rencontrer -, dans le journal de l'association Retina France, Le Rétino du mois de juin 2000 : « Les résultats de cette technique semblent actuellement positifs, démontrés statistiquement avec des chiffres extrêmement significatifs, même si, certes, il ne s'agit pas de guérir les patients, mais d'essayer de stabiliser l'affection et peut-être, dans un certain nombre de cas, d'obtenir une amélioration. »
Enfin, la Visudyne, ce nouveau médicament qui permet de stopper l'évolution de la maladie, coûte très cher. Plus de vingt-huit personnes ont en effet travaillé sur cette molécule pendant quinze ans. Les prix varient de 9 000 francs à plus de 12 000 francs pour une seule ampoule, et le traitement nécessite deux ou trois ampoules pendant les dix-huit premiers mois. Le non-remboursement constitue donc un obstacle infranchissable pour de nombreux patients.
Il n'est pas normal que le traitement par la Visudyne soit réservé aux seules personnes qui ont les moyens de l'acheter, d'autant que le comité économique et social vient de rendre un avis favorable à son remboursement. Quant au comité de la transparence, qui s'est réuni dernièrement, il semble mettre une condition d'acuité visuelle - entre un et cinq dixièmes - à ce remboursement.
Mais peut-on vraiment attendre que la dégénérescence visuelle soit déjà bien avancée pour commencer le traitement ? Il me paraît, au contraire, très important de commencer ce traitement le plus tôt possible, dès que les premiers signes de dégénérescence se font sentir.
La bonne vue des femmes et des hommes de notre pays, quel que soit leur âge, est en effet une condition de leur bien-être sur laquelle il n'est pas question de marchander.
Le gouvernement de la gauche plurielle doit bannir une médecine à deux vitesses. Nous militons pour une médecine équitable, accessible à tous, et nous pensons que la rupture avec la logique comptable héritée du plan Juppé doit être radicale.
C'est pourquoi je vous demande, madame la secrétaire d'Etat, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour que le remboursement de ce médicament soit immédiatement pris en compte, comme le demande depuis plusieurs mois l'association Retina France, dont je salue l'activité.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Madame la sénatrice, de nombreuses pathologies graves entraînant une perte de l'acuité visuelle et pouvant conduire à la cécité demeurent pour le moment incurables. Ces pathologies regroupent un certain nombre d'affections, parmi lesquelles il convient d'individualiser, d'une part, les rétinites pigmentaires, d'autre part - vous l'avez vous-même rappelé - la dégénérescence maculaire liée à l'âge, dite DMLA. Celle-ci est, dans notre pays, la première cause de malvoyance : plus d'un million de personnes sont concernées par ce trouble, qui concerne les populations âgées, et dont l'incidence, par conséquent, augmente régulièrement.
Vous avez donc raison de souligner qu'il s'agit là d'un véritable enjeu de santé publique.
Nous avons développé, depuis quelques années, un programme hospitalier de recherche clinique pour inciter les équipes soignantes, notamment hospitalo-universitaires, à s'investir dans des essais cliniques, en relation et en partenariat avec les structures de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, et du Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, sous tutelle du ministère de la recherche. C'est dans ce cadre que doivent se développer les outils nouveaux de génétique moléculaire, ouvrant la voie à des modalités originales de thérapie cellulaire et génétique, et se mettre en place les indispensables collections d'ADN.
Grâce à un travail en partenariat avec d'autres équipes internationales qui se sont également investies dans cette recherche, des résultats encourageants ont été obtenus, notamment dans le domaine de la thérapie photodynamique, qui se présente comme une alternative thérapeutique au classique traitement par photocoagulation au laser, qui ne peut s'appliquer que dans un nombre limité de cas.
Nous sommes d'ores et déjà en mesure d'anticiper sur une nécessaire intégration de ces thérapeutiques innovantes et nécessairement très coûteuses dans les budgets des établissements spécialisés pour la prise en charge de ces affections.
Il s'agit là d'un problème qui dépasse d'ailleurs le seul cas des maladies dégénératives de la rétine, qui, de façon générale, concerne tous les grands champs de la pathologie. C'est pourquoi nous avons décidé, depuis 1999, de consacrer des enveloppes budgétaires aux innovations thérapeutiques validées par la recherche clinique en les affectant aux équipes performantes dans les domaines considérés. Ce dispositif va s'étendre, dès 2001, à de nombreux champs disciplinaires, telle la DMLA.
Ainsi, des dotations financières « fléchées » sur la photothérapie dynamique sont prévues pour les centres hospitaliers publics ayant compétence dans ce domaine.
Parallèlement, nous étudions actuellement les conditions dans lesquelles les structures de soins privées pourraient participer, dès l'année 2001, à la prise charge des nombreux patients relevant de cette thérapeutique nouvelle.
Pour ce qui est de la Visudyne, je ne manquerai pas, madame la sénatrice, de transmettre à Mme Gillot vos questions très précises, qui nécessitent sans doute un complément de réponse.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Evidemment, madame la secrétaire d'Etat, je suis satisfaite que des crédits supplémentaires soient attribués aux équipes de recherche, en particulier à celle du professeur Coscas, puisque c'est à l'hôpital intercommunal de Créteil, dans le Val-de-Marne, que ce médicament a été mis au point. Mais vos précisions ne répondent pas directement à la question que j'avais posée : à quel moment et dans quelle proportion ce médicament sera-t-il remboursé par la sécurité sociale ?
Une seule injection de Visudyne coûte de 9 000 à 12 000 francs. Ce traitement est donc réservé à des personnes qui ont les moyens de le payer.
Votre réponse, madame la secrétaire d'Etat, ne me satisfait pas et je vais demander à rencontrer Mme Gillot afin de discuter plus à fond de ce problème. On ne peut pas en rester là.

REPOS DE SÉCURITÉ DES MÉDECINS