SEANCE DU 10 JANVIER 2001
M. le président.
« Art. 5. - L'article 12 de la loi n° 83-583 du 5 juillet 1983 précitée est
ainsi rédigé :
«
Art. 12
. - I. - Les procès-verbaux dressés par les agents mentionnés
à l'article 11 font foi jusqu'à preuve du contraire. Ils sont transmis
immédiatement et par tous moyens au procureur de la République désigné aux
paragraphes II et suivants par l'agent verbalisateur qui en adresse en même
temps copie à l'administrateur des affaires maritimes lorsqu'il s'agit de
navires ou de plates-formes ou à l'ingénieur des Ponts et chaussées chargé du
service maritime, s'il s'agit d'engins portuaires, de chalands ou de
bateaux-citernes fluviaux.
« II. - Les infractions aux dispositions de la convention mentionnée à
l'article 1er et à celles de la présente loi sont poursuivies, instruites et
jugées par un tribunal de grande instance du littoral maritime compétent sur le
ressort de plusieurs cours d'appel, dans des conditions déterminées par le
présent article et figurant sur une liste fixée par décret en Conseil
d'Etat.
« Le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour la poursuite,
l'instruction et le jugement des infractions commises dans la zone économique
exclusive française.
« III. - Le ministère public territorialement compétent est celui qui est
placé près du tribunal de grande instance dont le ressort comporte les eaux
territoriales dans lesquelles les faits ont été commis.
« Le ministère public près la juridiction définie conformément au II peut
également être saisi de faits de pollution entrant dans le champ d'application
de la présente loi, concurremment avec le ministère public territorialement
compétent, qui peut néanmoins accomplir les actes nécessaires à l'enquête et à
la manifestation de la vérité qui ne peuvent être différés ou qui justifient
son intervention.
« Si les faits de pollution justifient l'ouverture d'une information, le
ministère public territorialement compétent en application du présent III
transmet immédiatement et par tous moyens les éléments de procédure au
ministère public près la juridiction définie conformément au II.
« IV. - Dans chaque juridiction visée au II, un ou plusieurs juges
d'instruction est désigné pour l'instruction des faits susceptibles de
constituer une infraction à la présente loi.
« V. - La compétence de la juridiction définie au présent article s'étend aux
infractions qui seraient connexes aux infractions de pollution.
« VI. - Lorsqu'ils sont compétents en application des dispositions du présent
article, le procureur de la République et le juge d'instruction exercent cette
compétence sur toute l'étendue du ressort fixé en application du II. »
Par amendement n° 6, M. Lanier, au nom de la commission, propose de rédiger
comme suit cet article :
« L'article L. 218-29 du code de l'environnement est ainsi rédigé :
«
Art. L. 218-29
- I. - Les infractions aux dispositions de la
convention mentionnée à l'article L. 218-10 et à celles de la présente
sous-section, ainsi que les infractions qui leur sont connexes, sont jugées par
un tribunal de grande instance du littoral maritime spécialisé, éventuellement
compétent sur les ressorts de plusieurs cours d'appel dans les conditions
prévues par le présent article.
« Un décret fixe la liste et le ressort de ces tribunaux.
« II. - Le tribunal de grande instance de Paris est compétent pour le jugement
des infractions commises dans la zone économique exclusive française ainsi que
celles commises par les capitaines de navires français en haute mer.
« III. - Exercent une compétence concurrente avec les juridictions désignées
au I et au II pour la poursuite et l'instruction des infractions commises dans
les eaux territoriales et dans la zone économique exclusive les tribunaux de
grande instance compétente en application des articles 43, 52, 382, 663,
deuxième alinéa, et 706-42 du code de procédure pénale.
« IV. - Dans chaque juridiction visée au I, au II et au III, un ou plusieurs
juges d'instruction est désigné pour l'instruction des faits susceptibles de
constituer une infraction à la présente sous-section.
« V. - Lorsqu'ils sont compétents en application des dispositions du présent
article, le procureur de la République et le juge d'instruction du tribunal
mentionné au I exercent leurs attributions sur toute l'étendue du ressort de ce
tribunal. »
Cet amendement est assorti de deux sous-amendements, présentés par Mme
Heinis.
Le sous-amendement n° 7 tend, dans le II du texte présenté par l'amendement n°
6 pour l'article L. 218-29 du code de l'environnement, à remplacer la ville : «
Paris » par la ville : « Cherbourg ».
Le sous-amendement n° 8 vise, dans le II du texte présenté par l'amendement n°
6 pour l'article L. 218-29 du code de l'environnement, à remplacer la ville : «
Paris » par la ville : « Nantes ».
La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 6.
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
Cet amendement a été adopté en commission, à la suite d'un
débat qui a clarifié le sujet.
Il s'agit de modifier l'article L. 218-29 du code de l'environnement car
l'éclatement des juridictions actuellement saisies, conjugué à la relative
faiblesse du nombre de poursuites judiciaires - j'ai donné les chiffres tout à
l'heure : seulement 27 condamnations pour plus de 300 infractions constatées -
rend aléatoire la condamnation effective des responsables des pollutions
volontaires en pleine mer et incite ainsi la plupart des personnes concernées à
commettre l'infraction, selon le principe : pas vu, pas pris.
Il importe donc que ce soient les mêmes juridictions qui traitent de ces
questions, afin que se développent de réels pôles de compétence parmi les
magistrats et, surtout, que l'on aboutisse - j'insiste sur ce point - à une
harmonisation de la jurisprudence.
Les nouvelles règles de compétence prévues par l'Assemblée nationale en
première lecture allaient tout à fait dans ce sens, mais posaient quelques
problèmes techniques.
Tout d'abord, rien n'est indiqué s'agissant de la haute mer, c'est-à-dire de
cette partie qui se situe au-delà de la zone exclusive. Par ailleurs, les
règles prévues dans le texte proposé pour les paragraphes II et III de
l'article L. 218-29 du code de l'environnement concernant la compétence des
ministères publics se contredisent.
Par conséquent, il vous est proposé d'adopter un amendement qui prévoit une
compétence exclusive de jugement en faveur du tribunal de grande instance de
Paris s'agissant des infractions commises dans la zone économique exclusive et
en haute mer, et ce pour les seuls navires français, les infractions commises
dans les eaux territoriales étant du ressort des tribunaux spécialisés.
En revanche, les ministères publics des tribunaux territorialement compétents
et du tribunal de grande instance de Paris ainsi que des tribunaux désignés par
une liste qui sera fixée par décret ministériel - puisque cela relève du
domaine réglementaire et non du domaine législatif - conservent une compétence
concurrente, s'agissant de la poursuite et de l'instruction.
Cet important amendement vise donc à clarifier le domaine de compétence des
juridictions et, surtout, à harmoniser la jurisprudence.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis, pour présenter les sous-amendements n°s 7 et 8.
Mme Anne Heinis.
J'ai déposé ces sous-amendements pour permettre au Sénat, conformément à
l'article 24 de notre Constitution selon lequel « il assure la représentation
des collectivités territoriales de la République », de réfléchir à un cas
concret d'aménagement du territoire.
La proposition de loi que nous examinons prévoit, dans la rédaction qu'elle
présente pour le paragraphe II de l'article 12 de la loi du 5 juillet 1983, que
la compétence en matière d'infractions commises dans la zone économique
exclusive française est celle du tribunal de grande instance de Paris.
Pourquoi Paris ?
La réponse qui m'a été donnée est qu'il est normal que l'on traite à Paris,
lieu où siègent les pouvoirs publics nationaux, des faits relatifs à la zone
économique exclusive en ce qu'ils relèvent à certains égards du droit
international. L'argument n'est pas sans valeur, bien sûr, mais la question
mérite que l'on aille un peu plus loin.
Sur le plan statistique, en l'an 2000, trente-cinq infractions ont été
constatées et ont fait l'objet de procès-verbaux ; elles ont été instruites par
cinq magistrats. A l'évidence, ce n'est donc pas le volume des affaires qui
exige que l'on choisisse Paris, et ce n'est pas non plus l'effectif de
magistrats à mettre en oeuvre.
Mes chers collègues, je suis donc conduite à vous poser la question suivante,
à vous qui, pour beaucoup, avez siégé sur ces travées pendant ces jours de
l'automne 1994 où le Sénat élaborait la loi d'orientation pour l'aménagement et
le développement du territoire : après tout, pourquoi Paris ? Pourquoi pas
ailleurs ?
J'ai donc élaboré ces sous-amendements qui concernent respectivement Cherbourg
et Nantes en proposant que l'on confie au tribunal de grande instance de l'une
de ces deux villes la compétence en matière de zone économique exclusive.
Personnellement, je défendrai bien sûr Cherbourg, compte tenu des graves
difficultés économiques que cette ville connaît depuis plusieurs années.
Cette proposition ne va pas dans le sens de la position qui vient d'être
défendue par M. le rapporteur, mais je tenais tout de même à la soutenir. En
effet, même si elle n'aboutit pas, elle peut donner lieu à réflexion et montrer
qu'il faut aussi sans cesse avoir présent à l'esprit cette idée de
l'aménagement du territoire lorsque cela se révèle possible.
Tel est l'esprit dans lequel j'ai présenté ces deux sous-amendements.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les sous-amendements n°s 7 et 8 ?
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
La commission des lois a examiné ces deux sous-amendements
avec une attention toute particulière, comme elle le fait d'ailleurs pour tout
ce que nous soumet Mme Heinis,...
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Elle est
privilégiée !
(Sourires.)
M. Lucien Lanier,
rapporteur.
... car les propositions qu'elle présente sont toujours très
précises.
Après un débat, la commission a émis un avis défavorable sur ces
sous-amendements, pour les raisons que j'ai indiquées tout à l'heure et que je
ne développerai pas de nouveau.
Globalement, il s'agit d'assurer l'harmonisation de la jurisprudence car, à
l'heure actuelle, cette dernière tire à hue et à dia. Vous me rétorquerez que
peu de procès sont intentés. Il reste que, ici, on est répressif, là,
indulgent. J'ai déjà évoqué Pascal tout à l'heure : « Plaisante justice que
rivière borne ! » Il est donc grand temps d'harmoniser la jurisprudence.
Or, notamment pour les eaux internationales, ce que l'on appelle la haute mer,
Paris a une compétence toute particulière et déjà d'ailleurs éprouvée. En
effet, il existe une section spécialisée en droit maritime, qui, à mon avis,
fonctionne très bien et qui est capable d'harmoniser la jurisprudence dans le
sens que nous souhaitons, c'est-à-dire en essayant de rendre dissuasives les
pénalités que nous venons de voter.
C'est pourquoi, madame Heinis, avec la considération que j'ai toujours pour ce
que vous faites, je vous demanderai de retirer vos sous-amendements. En effet,
aux yeux de la commission, il paraît préférable d'harmoniser la
jurisprudence.
M. le président.
Madame Heinis, les sous-amendements n°s 7 et 8 sont-ils maintenus ?
Mme Anne Heinis.
Monsieur le rapporteur, je retire bien sûr mes sous-amendements au nom de
l'harmonisation que vous avez évoquée, mais également pour ne pas perturber
l'excellent travail qui a été fait par la commission des lois.
M. Jacques Machet.
Très bien !
M. Pierre Fauchon,
vice-président de la commission des lois constitutionnelles, de législation,
du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
La
commission vous en remercie !
M. le président.
Les sous-amendements n°s 7 et 8 sont retirés.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 6 ?
M. Jean-Claude Gayssot,
ministre de l'équipement, des transports et du logement.
Ainsi que vous
l'avez dit, monsieur le rapporteur, cet amendement respecte l'esprit du texte
adopté par l'Assemblée nationale, tout en précisant les modalités de son
application. La spécialisation des tribunaux permettra incontestablement de
renforcer l'efficacité de la justice dans ce domaine. Le Gouvernement émet donc
un avis favorable sur l'amendement n° 6.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 5 est ainsi rédigé.
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