SEANCE DU 7 DECEMBRE 2000
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues,
le Conseil européen de Nice, qui s'ouvre aujourd'hui, marque la fin de la
présidence française de l'Union européenne.
M. le Premier ministre avait annoncé, au mois de mai dernier, que l'adoption
d'un agenda social constituant un programme de travail de l'Union européenne
pour les cinq années à venir serait l'une des actions prioritaires de la
présidence française de l'Union européenne. L'enjeu de cet agenda social
européen n'est pas mince, puisqu'il s'agit tout simplement de rééquilibrer la
part du social par rapport à l'économique dans la construction européenne.
Les lignes directrices de cet agenda social sont certes séduisantes. On y
parle de sécurité, d'égalité ou de lutte contre l'exclusion. Mais l'orientation
économique et sociale de l'Europe est tout autre. L'actualité, monsieur le
ministre, c'est la levée de l'interdiction du travail de nuit des femmes ;
c'est le développement de la précarité et le maintien d'un taux élevé du
chômage à travers toute l'Europe ; c'est également une pression permanente sur
les salaires. Le libéralisme progresse en Europe et vous savez bien qu'il
s'accomode mal du progrès social.
Les dizaines de milliers de citoyens de tous les pays européens qui se sont
retrouvés à Nice ont exprimé avec force cette volonté de voir se substituer à
l'Europe de l'argent une Europe du progrès et de la justice sociale.
Or nous constatons l'absence d'engagements précis et chiffrés contraignant les
Etats à adopter une politique sociale ambitieuse. La charte européenne des
droits fondamentaux, qui devrait refléter cette volonté populaire européenne,
apparaît comme un accord
a minima
, bien souvent en deçà de notre
législation sociale. Monsieur le ministre, la France sera-t-elle porteuse de
ces exigences ? Les orientations que le Gouvernement entend faire prévaloir
porteront-elles sur les conditions d'une Europe de progrès social, fondée sur
l'intérêt général - je pense notamment aux services publics -, fondée sur les
droits sociaux, sur les coopérations avec le Sud, plutôt que sur les intérêts
particuliers des plus favorisés ?
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen,
ainsi que sur plusieurs travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Madame la sénatrice, je peux
vous confirmer que la présidence française avait placé les questions sociales
parmi ses actions prioritaires. Le Conseil européen de Lisbonne, sous la
présidence portugaise, l'avait d'ailleurs mandatée pour parvenir à un accord
sur un agenda social européen, puisqu'il s'agissait bien d'assurer le social au
coeur de l'Europe et de promouvoir une Europe plus proche des citoyens.
Conformément à ce mandat, le conseil « emploi et politique sociale » du 28
novembre, présidé par Mme Elisabeth Guigou, est parvenu à un accord à
l'unanimité sur l'agenda social européen. Cet accord sera examiné par le
Conseil européen de Nice. Il porte sur l'accès à l'emploi, la protection des
travailleurs, la lutte contre la pauvreté et les discriminations, ainsi que sur
l'égalité entre les hommes et les femmes. C'est la feuille de route européenne
pour les cinq ans à venir. Il faudra la remplir.
Comme vous l'indiquiez, madame Borvo, la France sera porteuse des exigences
sociales, en particulier pour l'application de cet agenda, qui n'est qu'un
volet. Vous avez évoqué la charte des droits fondamentaux. Elle était en
retard. La France s'est efforcée de débloquer ce dossier, notamment par des
contacts bilatéraux entre les représentants de l'exécutif français - le
Président de la République et le Premier ministre - et les représentants des
exécutifs étrangers. La charte des droits fondamentaux va être adoptée à Nice.
Elle représente une avancée importante parce qu'elle constituera un socle de
droit pour les pays européens. Il est vrai que ce texte n'a pas aujourd'hui un
caractère contraignant puisqu'il n'est pas intégré au traité,...
Mme Hélène Luc.
C'est dommage !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
... mais des progrès sont
possibles, et il faut le considérer dans cet esprit. En tout cas, c'est le
souhait de la France et son message pour parvenir à inscrire dans les textes
européens des niveaux plus élevés de droit social. Je pense aussi que la
mobilisation des partenaires sociaux, plus particulièrement dans le cadre de la
confédération européenne des syndicats, puisque participaient les grandes
organisations syndicales françaises, est un élément pour faire progresser cette
Europe sociale que nous appelons de nos voeux. Je crois que la présidence
française, de ce point de vue, a permis d'avancer.
Un sénateur du RPR.
Merci Chirac !
M. Jean-Jack Queyranne,
ministre des relations avec le Parlement.
Il faudra continuer, en
particulier sous les prochaines présidences suédoise et belge. Oui, l'Europe
sociale doit être construite et des fondations solides ont été placées dans le
cadre de la présidence française.
(Applaudissements sur les travées socialistes. - M. Gérard Le Cam applaudit
également.)
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