SEANCE DU 24 NOVEMBRE 2000
M. le président.
« Art. 2. - I. - Le I de l'article 197 du code général des impôts est ainsi
modifié :
« 1° Le 1 est ainsi rédigé :
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu
qui excède 26 600 F le taux de :
« - 8,25 % pour la fraction supérieure à 26 600 F et inférieure ou égale à 52
320 F ;
« - 21,75 % pour la fraction supérieure à 52 320 F et inférieure ou égale à 92
090 F ;
« - 31,75 % pour la fraction supérieure à 92 090 F et inférieure ou égale à
149 110 F ;
« - 41,75 % pour la fraction supérieure à 149 110 F et inférieure ou égale à
242 620 F ;
« - 47,25 % pour la fraction supérieure à 242 620 F et inférieure ou égale à
299 200 F ;
« - 53,25 % pour la fraction supérieure à 299 200 F. »
« Pour l'imposition des revenus de 2001, les taux : "8,25 %", "21,75 %",
"31,75 %", "41,75 %", "47,25 %" et "53,25 %" sont respectivement remplacés par
les taux : "7,5 %", "21 %", "31 %", "41 %", "46,75 %" et "52,75 %" ;
« 2° Au 2, les sommes : "11 060 F", "20 370 F", "6 130 F" et "5 410 F" sont
remplacées par les sommes : "12 440 F", "21 930 F", "6 220 F" et "4 260 F".
»
« Pour l'imposition des revenus de 2001, les sommes : "12 440 F", "21 930 F"
et "4 260 F" sont respectivement remplacées par les sommes : "13 020 F", "22
530 F" et "3 680 F" ;
« 3° Au 4, les mots : "3 350 F et son montant" sont remplacés par les mots :
"2 450 F et la moitié de son montant". »
« II. - Le montant de l'abattement prévu au deuxième alinéa de l'article 196 B
du code général des impôts est fixé à 23 360 F. »
« Pour l'imposition des revenus de 2001, la somme : "23 360 F" est remplacée
par la somme : "24 680 F". »
« III. - Le deuxième alinéa du 1
bis
de l'article 1657 du code général
des impôts est supprimé. »
Sur l'article, la parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'article 2 porte sur la question essentielle de la réforme de l'impôt sur le
revenu.
J'observerai d'emblée que cette réforme porte sur deux aspects assez
fondamentaux. Le premier est l'amélioration du dispositif de décote, qui,
apparemment, ne pose pas problème. Le second est une réduction globale de
l'ensemble des tranches du barème, réduction poursuivant, si l'on peut dire, le
mouvement engagé dans le collectif budgétaire, où seuls les taux des deux
premières tranches avaient été réduits.
Ce mouvement de réduction est d'ailleurs complété par une programmation
pluriannuelle qui n'est pas sans rappeler une autre réforme avortée que le
gouvernement qui était en place avant 1997 avait tenté de mettre en oeuvre,
mais dont certains caractères sont heureusement absents de la présente
réforme.
On constatera évidemment que cela ne suffit pas à la majorité sénatoriale, qui
continue de voir dans un redressement sensible du plafond du quotient familial
et dans l'éventuelle intégration de l'abattement de 20 % dans le barème de
l'impôt l'alpha et l'oméga de toute réforme de l'impôt sur le revenu.
A ce stade du débat, je voudrais formuler quelques observations qui me
paraissent nécessaires.
Première remarque : l'impôt sur le revenu, dans notre pays, n'est pas trop
élevé et son rendement s'avère tout à fait secondaire dans le volume global des
recettes de l'Etat et,
a fortiori,
dans l'ensemble de notre système de
prélèvements.
Il est même aujourd'hui un peu comme la défunte surtaxe progressive d'un impôt
général sur le revenu que constitue le bloc CSG-CRDS qui tire pleinement parti
d'une assiette plus large pour rapporter plus.
Les chiffres sont connus : l'impôt sur le revenu devrait dégager un produit
fiscal d'environ 340 milliards de francs cette année, le surplus provenant,
pour l'essentiel, de la croissance du nombre et de la valeur des rôles
d'imposition liée à la croissance, tandis que les deux contributions sociales
apporteront plus de 370 milliards de francs.
Seconde remarque : pour quel motif la question cruciale du traitement des
revenus catégoriels n'est-elle toujours qu'imparfaitement résolue par la
réforme proposée ?
Nous avons maintes fois formulé notre interrogation, au demeurant fort
légitime, reconnaissez-le, sur l'inégalité de traitement entre revenus
catégoriels qui consistait à faire des salaires d'abord et des revenus de
remplacement ensuite les deux principaux éléments d'assiette de l'impôt sur le
revenu.
Nous avons rappelé dans la discussion générale notre position sur la dépense
fiscale qui corrige la portée de l'impôt sur le revenu et qui agit
essentiellement sur les revenus du capital et du patrimoine.
Pour le coup, rappelons-le, un pays comme l'Allemagne peut opter pour une
réduction des taux d'imposition de son
Einkommensteuer
. Mais, à revenu
égal, aujourd'hui, le même salarié paie deux fois plus d'impôt sur le revenu en
Allemagne qu'en France.
De même, le taux apparent du prélèvement est plus faible en Grande-Bretagne
qu'en France ; mais je crois savoir que la législation fiscale britannique
ignore le quotient familial auquel, mes chers collègues, vous êtes pourtant si
fortement attachés...
Une véritable réforme de l'impôt sur le revenu appelle donc une réflexion sur
le traitement des revenus catégoriels et appelle également un renforcement de
la progressivité de l'impôt que nous défendrons d'ailleurs
a priori
par
le biais de nos amendements.
Telles sont les quelques observations que je souhaitais faire avant l'examen
de l'article 2.
M. le président.
Sur l'article 2, je suis d'abord saisi de quatre amendements qui peuvent faire
l'objet d'une discussion commune.
Par amendement n° I-142, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Gaillard, Joyandet, Trégouet, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Darcos, Fournier,
Ginsy, de Broissia, Leclerc, Marest, Schosteck, Lanier et Mme Olin, proposent
:
I. - De rédiger ainsi les premier à septième alinéas du texte présenté par le
1° du I de l'article 2 pour le 1 de l'article 197 du code général des impôts
:
« L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu qui
excède 26 650 F le taux de :
« 7,50 % pour la fraction supérieure à 26 650 F et inférieure ou égale à 52
430 F ;
« 21 % pour la fraction supérieure à 52 430 F et inférieure ou égale à 92 270
F ;
« 31 % pour la fraction supérieure à 92 270 F et inférieure ou égale à 149 400
F ;
« 41 % pour la fraction supérieure à 149 400 F et inférieure ou égale à 243
100 F ;
« 46 % pour la fraction supérieure à 243 100 F et inférieure ou égale à 299
790 F ;
« 52 % pour la fraction supérieure à 299 790 F. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du I ci-dessus, de compléter
in fine
l'article, par un
paragraphe ainsi rédigé :
« ... - La perte de recettes résultant pour l'Etat de la révision des tranches
du barème de l'impôt sur le revenu est compensée à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du
code général des impôts. » Par amendement n° I-3, M. Marini, au nom de la
commission, propose :
I. - De rédiger ainsi les sept premiers alinéas du texte présenté par le 1° du
I de l'article 2 pour le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts
:
« 1. L'impôt est calculé en appliquant à la fraction de chaque part de revenu
qui excède 27 052 F le taux de :
« - 8,25 % pour la fraction supérieure à 27 052 F et inférieure ou égale à 53
209 F ;
« - 21,75 % pour la fraction supérieure à 53 209 F et inférieure ou égale à
93 656 F ;
« - 31,75 % pour la fraction supérieure à 93 656 F et inférieure ou égale à
151 645 F ;
« - 41,75 % pour la fraction supérieure à 151 645 F et inférieure ou égale à
246 745 F ;
« - 47,25 % pour la fraction supérieure à 246 745 F et inférieure ou égale à
304 286 F ;
« - 53,25 % pour la fraction supérieure à 304 286 F. »
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du I, de
compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de la modification des
seuils des tranches d'imposition sont compensées à due concurrence par la
création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575
A du code général des impôts. »
Les deux amendements suivants sont présentés par Mme Beaudeau, MM. Foucaud,
Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-105 est ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 1° du I de l'article 2
pour le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts, remplacer la somme
: "26 600 F" par la somme : "32 830 F".
« II. - Dans le même alinéa, remplacer la somme : "52 320 F" par la somme :
"53 160 F".
« III. - Pour compenser la perte de recettes résultant des I et II ci-dessus,
compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Le taux fixé au 1° du paragraphe III
bis
de l'article 125 A du
code général des impôts est relevé à due concurrence de la perte de recettes
résultant du relèvement de la tranche imposée à 8,25 %. »
L'amendement n° I-106 tend :
I. - Dans le septième alinéa du texte proposé par le 1° du I de l'article 2
pour le 1 du I de l'article 197 du code général des impôts, à remplacer le taux
: « 53,25 % » par le taux : « 54 % ».
II. - Dans le huitième alinéa dudit texte, à remplacer les taux : « 53,25 % »
et « 52,75 % » par le taux : « 54 % ».
La parole est à M. Lanier, pour défendre l'amendement n° I-142.
M. Lucien Lanier.
Cet amendement tend à placer toutes les tranches du barème sur un pied
d'égalité. Pourquoi, en effet, certaines tranches bénéficieraient-elles d'un
allégement supérieur à d'autres ? La baisse doit être uniforme, comme le
préconisait la réforme entreprise en 1997. Il s'agit également de réviser les
tranches du barème de 1,6 %.
Cet amendement vise à permettre la réalisation de la réforme proposée par le
Gouvernement en une seule année au lieu de trois ans. Ainsi, l'ensemble des
contribuables à l'impôt sur le revenu seraient concernés. Dans le cas
contraire, les Français ne se rendraient pas plus compte qu'au cours des
dernières années des baisses d'impôts intervenant en 2001.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n°
I-3.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Par cet amendement, la commission manifeste sa
volonté de lutter contre les prélèvements rampants. Cela veut dire que le
barème de l'impôt sur le revenu doit être actualisé non seulement à partir de
l'évolution des prix mais aussi en fonction de la croissance. S'il n'en est pas
ainsi, on prélève automatiquement toujours plus sur le contribuable et l'Etat
confisque la rente de la croissance.
L'année dernière, nous avions déjà adopté un amendement analogue. Nous voulons
donc réaffirmer notre option en faveur d'un partage équitable des fruits de la
croissance entre le citoyen contribuable et l'Etat.
Puisque nous parlons de croissance, madame le secrétaire d'Etat, j'en
profiterai pour revenir un instant sur la situation de l'emploi que vous avez
évoquée à juste titre.
Grâce à la croissance, un million d'emplois ont été créés, avez-vous dit ;
grâce à la croissance,... Mais ne croyez pas en avoir le monopole ou en être
les seuls auteurs ! La croissance est une oeuvre commune, largement partagée.
Mais il est une chose dont vous êtes directement les auteurs, un programme que
vous revendiquez, l'alpha et l'oméga de votre politique : les 35 heures !
Selon les documents officiels, « grâce aux 35 heures, nous préservons ou
créons 200 000 emplois ». C'est la meilleure des hypothèses et la plus
optimiste ! « Nous préservons ou nous créons » : mais on ne sait même pas ce
qui est préservé et ce qui est créé ! Alors, 200 000 emplois préservés ou créés
d'un côté, 1 million d'emplois créés de l'autre : pour quel prix, mes chers
collègues ? Quatre-vingt-cinq milliards de francs en 2001 et 110 milliards de
francs en année pleine quand le régime aura atteint son niveau définitif.
Madame le secrétaire d'Etat, est-ce un bon usage de l'argent public ? Nous
sommes ici pour discuter de l'argent public, pour discuter du partage des
fruits de la croissance. N'aurait-il pas mieux valu rendre ces 100 milliards de
francs - en tout cas dans une large proportion - aux contribuables, à
l'économie, à la libre initiative des entrepreneurs ?
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre les amendements n°s I-105 et
I-106.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
L'amendement n° I-105 porte sur la question de l'amplitude de la première des
tranches de revenus soumise à l'application du barème : il vise à modifier les
bornes de cette tranche d'imposition.
Les chiffres que nous avons retenus présentent deux caractères essentiels.
D'une part, ils permettent un renforcement de la progressivité de l'impôt sur
le revenu, alors qu'un écrasement général des différents seuils du barème
pourrait la remettre en question, même si cela ne correspond pas tout à fait à
l'esprit du projet de loi.
D'autre part, ils nous permettent de faire valoir une autre idée, relativement
simple : le seuil inférieur de la tranche correspond en effet à la valeur
annuelle du seuil de pauvreté tel que l'a défini l'Union européenne, déduction
faite de l'abattement de 10 % et de la déduction de 20 %.
Il s'agit clairement, pour nous, d'éviter cette situation à tout le moins
étrange pour des contribuables dont on reconnaît pourtant
a priori
qu'ils n'ont guère de ressources.
Le seuil supérieur de la tranche correspond pour sa part, à quelques dizaines
de francs près, à la valeur annuelle, calculée sur treize mois, du salaire
minimum interprofessionnel de croissance, qui constitue, je crois, une base
assez précise de rémunération.
Pour nous, il s'agit également de créer les conditions d'un allégement
significatif de la cotisation d'impôt sur le revenu des contribuables dont le
revenu professionnel est proche du SMIC, au-delà de l'application du système de
décote.
Loin de nous l'idée de faire en sorte que s'ouvre une nouvelle « trappe à
pauvreté », par une forme d'adaptation de notre fiscalité à une situation
empirique de faiblesse des rémunérations salariales.
Non, il s'agit pour nous de la simple application d'un principe fondateur de
notre fiscalité qui veut que la contribution de chacun au paiement de la charge
publique soit liée à ses facultés contributives.
Tel est l'objet de l'amendement n° I-105.
L'amendement n° I-106 a pour objet de reposer la question cruciale de la
tranche supérieure de l'impôt sur le revenu.
On peut concevoir, à l'image du débat mené à l'Assemblée nationale, que la «
réforme » en cours concernant l'impôt sur le revenu prévoie un allégement de la
contribution des plus importants contribuables.
A nos yeux, la question du taux marginal est donc loin d'être secondaire. Ce
n'est pas pour nous une sorte de dogme immuable de notre système fiscal, un
signe fort qu'il conviendrait de préserver coûte que coûte. C'est tout
simplement une nécessité.
Nous nous attachons en effet depuis de longues années à défendre et à
illustrer le principe constitutionnel qui veut que chacun contribue à la charge
publique à proportion de ses facultés.
Défense et illustration de ce principe passent à notre sens par un double
mouvement de renforcement de la progressivité de l'impôt par le biais du barème
et de rééquilibrage du traitement de la « matière » fiscale pour chacune des
catégories de revenu.
L'amendement n° I-106 vise à favoriser le premier terme de ce mouvement en
permettant, en complément de l'amendement concernant les seuils de la première
tranche et des autres dispositions de l'article, que la progressivité du barème
soit plus clairement affirmée.
Nous en sommes parfaitement conscients, cette proposition ne recueille pas
tout à fait l'assentiment de M. le rapporteur général, qui est attaché depuis
de longues années, lui aussi, à une baisse sensible du taux marginal,
attachement certes compréhensible mais qui ne concerne pourtant, si je ne me
trompe, que 1 % environ des contribuables de notre pays.
On peut également penser que ce débat sur le taux marginal est quelque peu
biaisé par le fait que la confusion entre taux marginal et taux marginal moyen
est savamment entretenue, le nombre de contribuables dont l'essentiel du revenu
est frappé par le taux marginal étant plus marginal que le pourcentage cité
plus haut !
Pour notre part, nous estimons donc qu'il est nécessaire de maintenir autant
que faire se pourra, en vertu d'impératifs de justice fiscale et sociale,
l'existence du taux marginal de 54 %.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-142, I-105 et I-106
?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
La commission partage bien sûr les intentions
exprimées dans l'amendement n° I-142. Elle est, en effet, favorable à une
réforme globale de l'impôt sur le revenu qui conduise un jour à un remodelage
complet des tranches de cet impôt.
Cette année, la commission s'est concentrée sur la question du crédit d'impôt
et sur la nécessité d'actualiser les seuils en tenant compte de la croissance.
Elle ne s'est pas considérée en mesure d'aller au-delà dans la première partie
du projet de loi de finances.
Par conséquent, il me paraît certes judicieux que l'objectif soit clairement
indiqué, ce qui est le cas avec l'amendement n° I-142. Je souhaiterais
néanmoins que, à ce stade, cet amendement soit retiré, afin de ne pas «
impacter » le solde des finances publiques pour 2001, pour être éventuellement
présenté de nouveau - il apparaîtrait ainsi comme un objectif pour l'avenir -
dans la seconde partie du projet de loi de finances.
S'agissant de l'amendement n° I-105, déposé par le groupe communiste
républicain et citoyen, la commission souhaiterait connaître l'avis du
Gouvernement sur son coût.
Quant à l'amendement n° I-106, qui concerne la dernière tranche de l'impôt sur
le revenu, on comprendra que la commission émette un avis défavorable puisque
des taux d'imposition marginaux excessifs conduisent à des délocalisations de
matière grise et handicapent la France dans la compétition internationale.
M. Jean Chérioux.
C'est vrai !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Quel argument !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-142, I-3, I-105 et
I-106 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, si vous m'y autorisez, je
commencerai par un propos liminaire.
S'agissant de la croissance, M. le rapporteur a raison : le Gouvernement n'a
pas le monopole de la croissance. Mais le Gouvernement, depuis 1997, a su
réveiller une croissance qui était atone ; il a su ensuite la protéger,...
M. Michel Caldaguès.
C'est le prince charmant !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
... notamment pendant des périodes de crise, je ne
rappellerai pas ce qui est désormais un mauvais souvenir - à savoir la crise
asiatique de l'automne de l'année 1998 - et il a su la nourrir.
La croissance, c'est le fruit du travail des Français ! Je crois que, sur ce
point, nous ne serons pas en désaccord. C'est la raison pour laquelle le
Gouvernement a jugé juste et équitable de s'engager dans un plan d'allégement
des impôts, précisément pour rendre aux Français le fruit de leur travail.
Ce plan, prévu sur trois ans, représente 120 milliards de francs d'allégements
d'impôts, auxquels s'ajoutent 90 milliards de francs de baisse, dès cette année
2000.
S'agissant de l'impôt sur le revenu, puisque c'est de cela qu'il est question
à l'article 2, ce sont 56 milliards de francs de baisse qui ont été programmés,
mais, contrairement à la philosophie qui anime les auteurs de l'amendement n°
I-142, le Gouvernement n'a pas souhaité renvoyer à plus tard les baisses
d'impôt sur le revenu puisque, au titre de l'année 2000, ce sont 11 milliards
de francs de baisse qui auront été mis en oeuvre et, au titre de l'année 2001,
25 milliards de francs de baisse supplémentaires.
Par conséquent, sur un plan total de 56 milliards de francs d'allégement de
l'impôt sur le revenu, plus de 35 milliards de francs auront déjà été réalisés
entre 2000 et 2001.
Je ne puis donc être favorable à l'amendement n° I-142, car cet amendement,
qui représente un coût de 14 milliards de francs, consiste à baisser l'ensemble
des taux de deux points sur un seul exercice budgétaire.
J'ai rappelé tout à l'heure les masses budgétaires que le Gouvernement avait
investies dans la baisse de l'impôt sur le revenu. S'il l'a fait, ce n'est pas
seulement pour baisser les impôts, mais aussi parce qu'il souhaitait le faire
de manière juste. Or nous ne pensons pas que baisser de manière uniforme de
deux points les taux du barème constitue une manière juste de réformer l'impôt
sur le revenu.
Nous avons préféré privilégier les titulaires de revenus modestes et moyens,
et nous avons commencé à le faire au printemps 2000, puisque le Parlement a
adopté une réforme consistant à réduire le taux des deux premières tranches. Ce
qui est proposé désormais, c'est de poursuivre ce travail dans le même esprit,
c'est-à-dire en renforçant la baisse pour les tranches les plus faibles et en
réduisant l'impact de cette baisse sur les tranches les plus élevées.
Avec l'amendement n° I-3, la commission des finances propose d'indexer le
barème de l'impôt sur le revenu en tenant compte de la croissance.
Outre le fait que cet amendement aurait un coût supplémentaire de 5,6
milliards de francs par rapport à l'indexation déjà réalisée des tranches du
barème sur l'indice des prix, cette proposition ne peut pas recueillir notre
approbation, pas plus qu'elle n'a recueilli, d'ailleurs, celle du conseil des
impôts. En effet, on ne voit pas très bien au nom de quoi, en période de
croissance des revenus, les recettes fiscales ne devraient pas traduire
l'amélioration de la situation de ces revenus.
Par ailleurs, si le revenu disponible brut n'augmente pas de plus de 2 % par
an, nous savons que la pression fiscale diminue au lieu d'augmenter.
Enfin, une telle indexation serait complexe à expliquer et - je pense que vous
y serez sensibles - elle priverait le Parlement d'une part importante de ses
marges de manoeuvre pour réformer, précisément, l'impôt sur le revenu.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons être favorables à cet amendement.
L'amendement n° I-105, défendu par Mme Beaudeau, vise à porter la limite
inférieure de la première tranche à 32 830 francs. Il s'inscrit, comme
l'amendement n° I-106, dans une philosophie tout à fait différente. Le souci
qui anime Mme Beaudeau est, en effet, d'alléger d'autant plus le poids de
l'impôt sur le revenu que les revenus du contribuable sont modestes.
Sur cet objectif, il n'y a pas de désaccord entre vous-même, madame Beaudeau,
et le Gouvernement. En effet, nous proposons, dans le cadre du projet de loi de
finances, un aménagement de la décote qui permettra d'atténuer les effets de
seuil à l'entrée du barème de l'impôt sur le revenu, ce qui conduira à exonérer
de toute cotisation d'impôt les célibataires ne bénéficiant que d'une seule
part de quotient familial et dont le revenu imposable n'excède pas 49 625
francs.
La proposition que vous faites, madame Beaudeau, consiste, à l'inverse, à
augmenter la limite supérieure de la tranche à taux zéro, mais elle
s'appliquerait principalement aux contribuables les plus privilégiés, dont la
fraction de revenus exonérée de toute imposition profiterait ainsi de ce
relèvement.
Cette mesure se traduirait, par ailleurs, par une augmentation du nombre de
contribuables non imposables, dont nous constatons la progression depuis 1998
puisque leur nombre est passé de 13,7 millions à 15,6 millions cette année.
Je vous rappelle que, selon le dispositif qui a été adopté par l'Assemblée
nationale, la baisse des taux du barème sera plus forte sur les premières
tranches d'imposition.
Nous venons, par ailleurs, d'engager une discussion intéressante sur la
réduction de la CSG et de la CRDS sur les bas revenus d'activité, ces
allégements s'appliquant principalement aux titulaires de revenus les plus
modestes.
Enfin, ne l'oublions pas, la mesure d'allégement de la taxe d'habitation, qui
a été également adoptée au printemps dernier, profite dès cette année aux
ménages les plus modestes.
Par conséquent, l'ensemble de ces mesures me paraît répondre aux
préoccupations exprimées par Mme Beaudeau.
L'amendement n° I-106 consiste à maintenir la dernière tranche du barème à 54
% pour les deux années 2001 et 2002.
Aux termes du dispositif adopté par l'Assemblée nationale, à l'issue de
l'imposition des revenus de 2001, les deux premières tranches verront leurs
taux baisser de trois points, les deux tranches intermédiaires de deux points
et les deux dernières tranches de 1,25 point, ce qui est l'illustration du
principe que j'énonçais tout à l'heure selon lequel la baisse est d'autant plus
forte que les bénéficiaires ont des revenus moyens ou modestes.
Par ailleurs, je rappelle que l'article 2
bis
de ce projet de loi, que
nous n'avons pas encore examiné, prévoit la suppression de l'abattement
applicable sur les dividendes d'actions, qui concerne évidemment les
contribuables imposables au taux marginal le plus élevé.
Dans ces conditions, je crois que le Gouvernement a pris en compte la
préoccupation qui était la vôtre, madame Beaudeau.
M. le président.
Monsieur Lanier, l'amendement n° I-142 est-il maintenu ?
M. Lucien Lanier.
Compte tenu des arguments qui ont été invoqués par M. le rapporteur, je le
retire, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° I-142 est retiré.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-3.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Monsieur le président, j'entends beaucoup parler de justice fiscale. Je
m'interroge sur ce que recouvre cette notion ! Selon un vieux dicton de droit
romain,
summum jus, summa injuria :
plus on recherche la justice, plus
on crée des injustices.
Peut-être la justice est-ce ce qu'évoquait tout à l'heure Mme Beaudeau,
c'est-à-dire un principe constitutionnel contenu dans la Déclaration des droits
de l'homme, selon lequel tout citoyen doit contribuer en fonction de ses
ressources. Qu'elle me permette cependant de lui rappeler qu'à une certaine
époque, en 1917, sous Caillaux, on avait utilisé ce même argument pour
s'opposer à l'impôt progressif !
Que signifie l'expression « en fonction de » ? S'agit-il de la
proportionnalité ? Rassurez-vous, au demeurant : je ne suis pas pour la
proportionnalité, mais pour la progressivité. Encore faut-il, toutefois, ne pas
appliquer ce principe jusqu'à l'absurde !
On oppose le montant de la CSG à ce que rapporte - pas assez, selon certains -
l'impôt sur le revenu. Or ce dernier n'est payé que par 50 % des citoyens à
peine, et ceux qui le payent, payent aussi la CSG, il ne faut pas l'oublier.
On oppose, par ailleurs, les revenus des capitaux aux revenus des salaires. Or
les revenus des salaires bénéficient - je ne suis pas contre - d'un abattement
de 20 % - certes plafonné, mais seuls les gros revenus sont concernés par ce
plafond -, ce qui devrait aller dans le sens de ce que souhaitent Mme Beaudeau
et un certain nombre de sénateurs qui siègent à la gauche de cet hémicycle.
Il n'en demeure pas moins que la progressivité est insuffisante, notamment
s'agissant des capitaux. Or l'impôt qui frappe les capitaux, ce n'est pas
seulement l'impôt sur le revenu ou la CSG, c'est aussi l'impôt sur la fortune !
Nous avons d'ailleurs même été obligés, à ce sujet, de créer un système de
plafonnement, parce que certains contribuables finissaient par payer plus
d'impôts qu'ils ne percevaient de revenus. Voilà qui devrait satisfaire Mme
Beaudeau !
Soyons raisonnables ! Certes, nous devons être justes, comprendre qu'il ne
faut pas imposer les gens qui ont peu de revenus, peu de ressources. Mais il ne
faut pas non plus trop surcharger la barque des autres ! N'oubliez pas, en
effet, que nous sommes en Europe ! Or je crains que, à force d'opter pour des
solutions dites de justice, nous ne nous écartions de plus en plus de la
situation fiscale des autres pays européens, ce qui risque de nous mettre en
difficulté et d'aller à l'encontre de cette croissance qui, d'après Mme la
secrétaire d'Etat, serait due à l'action magique de notre gouvernement. Je
constate toutefois, je le dis au passage, que la croissance existe dans
d'autres pays qui, pourtant, n'ont pas la chance d'avoir un gouvernement comme
le nôtre !
Par conséquent, il faut penser à l'avenir, à l'expansion, au développement du
pays. Que les bénéfices de cette expansion aillent à tous, j'en suis d'accord,
mais n'allez pas jusqu'à la confiscation, qui entraînerait des délocalisations.
Et je n'agite pas seulement, disant cela, un fantôme : c'est une réalité que
nous avons connue. Souvenez-vous, au lendemain de la guerre, lorsque le
gouvernement Attlee a voulu pratiquer ce système : il est parvenu au taux
absurde de prélèvement de 97,5 % sur le revenu avec son
Income Tax
et sa
surtaxe. Que s'est-il passé ? Tous les cerveaux, toutes les personnes capables
de gagner de l'argent, tous ceux qui avaient le sens de l'initiative sont
partis aux Etats-Unis. Si c'est cela que vous voulez, continuez votre politique
!
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. Yves Fréville.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Fréville.
M. Yves Fréville.
J'ai bien compris les avantages et les inconvénients des deux systèmes
d'indexation des tranches du barème, celui de Mme le secrétaire d'Etat, sur les
prix, et celui de la commission, sur la croissance.
Mais quel a été le taux d'indexation du barème - sur les prix - l'année
dernière ? Si mes souvenirs sont exacts - mais je peux me tromper, ma mémoire
peut connaître des défaillances - je crois que c'était 0,5 %. Quelle a été la
hausse des prix cette année ? Compte tenu des événements liés au pétrole, elle
s'établira certainement aux environs de 1,4 %. En 2000, nous avons donc eu non
pas une indexation totale, mais une réduction de l'ordre de 1 % !
Il serait tout à fait logique, pour que la position du Gouvernement soit
acceptable, de corriger les sous-estimations d'une année l'année suivante !
C'est d'ailleurs le régime auquel sont soumises les collectivités locales. Je
ne vois pas pourquoi il ne serait pas appliqué aux ménages ! En tout cas, c'est
une raison supplémentaire pour que je me rallie à la proposition de la
commission.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Bergé-Lavigne.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
M. le rapporteur général, tout à l'heure, s'est dit outré par le fait que l'on
utilise de l'argent public pour créer des emplois.
Il a la mémoire courte. Lui rappellerai-je que les gouvernements précédents,
notamment ceux qui avaient à leur tête un membre de sa famille politique, ont
dépensé des milliards de francs en faveur des entreprises pour qu'elles créent
des emplois - tout le monde s'en souvient ici - et ce en pure perte puisque le
chômage, alors, ne cessait d'augmenter ?
Au moins ce Gouvernement a-t-il réussi, par le biais des 35 heures, à créer
des emplois ! On ne peut le nier, et M. le rapporteur général l'a d'ailleurs
lui-même souligné.
La majorité sénatoriale n'a de cesse de stigmatiser les 35 heures.
M. Jean Chérioux.
On ne les stigmatise pas, on les déplore !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Chers collègues, avez-vous déjà interrogé des salariés qui sont passés aux 35
heures ?
M. Michel Caldaguès.
Bien sûr !
M. Jean Chérioux.
Oui, ils aimeraient gagner plus !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
L'application des 35 heures s'est souvent traduite par une demi-journée
supplémentaire, qu'ils utilisent pour s'occuper de leur famille, pour animer
des associations, pour leurs loisirs.
M. Jean Chérioux.
Cela se paye, les loisirs !
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Certes ! Mais je ne crois pas que vous en trouverez qui soient aussi négatifs
que vous.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Le débat sur la croissance est absolument essentiel,
et le présent débat porte bien sur l'effet de la croissance sur la dynamique
des recettes fiscales.
De quoi parlons-nous, madame le secrétaire d'Etat ? De la cagnotte, si je puis
m'exprimer ainsi, puisque cette appellation est maintenant admise, même si elle
est fausse.
En début d'année, on prévoit un volume de ressources par rapport à un volume
de charges dans le budget de l'Etat. En cours d'année, on observe - c'est une
très bonne chose pour les caisses de l'Etat ! - que les ressources
s'amplifient. Si je m'en réfère à la situation hebdomadaire des recettes
fiscales fin octobre, je constate que le rendement de l'impôt sur le revenu est
supérieur de 7 % à ce qu'il était fin octobre 1999.
Or, qu'avons-nous voté dans la loi de finances initiale ? Ce qu'a rappelé M.
Fréville, c'est-à-dire un barème indexé sur la hausse des prix prévisionnelle.
Donc, vous dégagez des marges dans les caisses de l'Etat grâce à la croissance.
C'est là un simple constat.
La commission des finances estime qu'il faut établir la transparence sur ce
type de phénomène.
Par ailleurs, la croissance - vous le disiez vous-même très justement - c'est
l'ensemble des Françaises et des Français qui la créent. De ce fait, plutôt que
de se créer, dans le budget de l'Etat, des marges grâce à des recettes
supplémentaires non prévues à l'origine, peut-être vaudrait-il mieux ajuster
l'évolution des impôts en fonction de la croissance et le faire à titre
prévisionnel plutôt que de devoir, comme vous le faites cette année encore,
comme vos prédécesseurs l'avaient fait dans des circonstances encore pires l'an
dernier, faire toutes sortes de contorsions pour expliquer que vous retombez
sur vos pieds alors que l'année fiscale et budgétaire s'exécute dans des
conditions très différentes de ce qui a été voté par le Parlement.
En réalité, en proposant d'indexer le barème, pour partie seulement, sur la
croissance, nous souhaitons que nos votes mesurent bien la réalité économique
prévisionnelle de l'année à venir et qu'en exécution nous puissions, par le jeu
de la transparence, nous y retrouver beaucoup plus facilement.
L'amendement de la commission des finances tend donc à faire prendre
conscience de cet effet d'amplification des recettes fiscales, dont nous nous
réjouissons, dû à la croissance.
Si nous ne prenons pas des dispositions de cette nature, on aura toujours, en
cours d'année, ce type de débat sur une prévision plus ou moins bien faite, et
l'on pourra toujours suspecter le Gouvernement, qui établit les prévisions, de
le faire de façon à se garder des marges qu'il répartira opportunément sur un
exercice ou sur un autre.
Notre amendement est donc parfaitement cohérent avec notre démarche de rigueur
qui tend à une amélioration des méthodes budgétaires dans le cadre, notamment,
de la révision, dont nous allons sûrement reparler à maintes reprises dans ce
débat, de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
S'agissant de la croissance, je
suis toujours quelque peu surpris que le Gouvernement nous dise qu'au fond il
est en son pouvoir de la décider.
Vous nous avez dit, madame le secrétaire d'Etat, que cette croissance, vous
pouviez la réveiller, la nourrir. Méfiez-vous de telles affirmations ! Il y a
eu des gouvernements de votre sensibilité - je pense à 1992 - qui auraient bien
voulu pouvoir décider du taux de croissance, qui auraient bien voulu «
réveiller » la croissance, la « nourrir », comme vous dites. S'ils ne l'ont pas
fait - je ne les accuse pas d'avoir manqué de savoir-faire - c'est que le vent
soufflait trop fort en face. Ils ne le pouvaient pas !
Je comprends que, quand le vent vous porte, vous soyez tentée de dire : «
Regardez comme tout va bien, et le mérite nous en revient ! » Gardez-vous
d'utiliser cet argument qui pourrait un jour se retourner violemment contre
vous et, pis encore, contre la France !
Par ailleurs, s'agissant de l'amendement n° I-106 de Mme Beaudeau, j'aimerais
que le Gouvernement nous clarifie sa position sur les dernières tranches du
barème. C'est l'occasion ! Un certain nombre de compatriotes qui, grâce à leur
travail, ont bénéficié d'une promotion sociale qui leur permet d'avoir un
certain niveau de revenu, aimeraient tout de même savoir ce que le Gouvernement
leur réserve pour l'avenir.
Vous appartenez à la même majorité, communistes et socialistes ! En matière de
taux marginal, madame le secrétaire d'Etat, il faut nous dire celui qui a votre
préférence. Ne dites pas à Mme Beaudeau que ses intentions sont bonnes, qu'au
fond ce qu'il faut, c'est baisser les impôts de ceux qui n'en paient pas ! Non,
cela a trop duré ! Il faut, enfin, parler clairement à ceux qui paient des
impôts.
J'attends donc que le Gouvernement me dise quel est le taux marginal qu'il lui
semble souhaitable de fixer afin que ceux qui, dans notre pays, sont les plus
entreprenants, qui sont coupables, précisément, de créer des emplois, sachent
le sort qu'il entend leur réserver. A défaut, il ne « nourrira » pas - pour
reprendre votre expression, madame le secrétaire d'Etat - la confiance dont les
entreprises ont besoin.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission des finances,
le bon taux marginal de l'impôt sur le revenu, aux yeux du Gouvernement, n'est
pas celui de 47 % auquel conduisait la réforme Juppé, qui représentait un coût
de 100 milliards de francs, le bénéfice étant concentré sur les catégories de
contribuables les plus aisées.
Le taux que nous proposons, au terme de la réforme, est celui de 52,5 %. A vos
yeux, ce n'est sans doute pas assez.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Non, c'est trop !
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
De notre point de vue, il permet d'atteindre les
objectifs de justice sociale que j'ai rappelés tout à l'heure, étant entendu -
ce n'est pas à vous que je l'apprendrai - que, la mécanique de notre impôt sur
le revenu étant ce qu'elle est, le fait de « bouger » les premières tranches
profite aussi aux contribuables qui sont taxés au taux marginal.
Ce débat est un peu réducteur, et vous m'offrez là une merveilleuse occasion
de rappeler l'une des innovations de la feuille d'impôt de l'année prochaine.
Celle-ci mettra en évidence, de manière très utile, je le crois, ce qu'est le
taux moyen d'imposition sur le revenu, qui me paraît tout de même être une
meilleure approche de notre système d'impôt sur le revenu qu'une approche
exclusivement centrée sur le taux marginal.
M. Jean Arthuis.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Arthuis.
M. Jean Arthuis.
Je voterai l'amendement de la commission des finances, et je veux m'en
expliquer, répondant, ce faisant, à Mme Bergé-Lavigne.
Ce que nous souhaitons, c'est qu'il y ait plus de croissance.
M. Marc Massion.
On ne le dirait pas !
M. Jean Arthuis.
Comment pourrons-nous financer décemment et durablement les retraites si nous
ne produisons pas plus ?
Une donnée statistique m'inquiète : il semble que la croissance soit de
l'ordre de 3,4 %, alors que les effectifs de la population active ont progressé
de 3,5 %. Cela veut dire qu'il y a plus de monde qui travaille, mais,
proportionnellement, moins de croissance.
Comment pourrons-nous mieux répondre à l'attente de nos aînés qui ne
travaillent plus, et qui seront de plus en plus nombreux, si nous travaillons
moins ? Telle est ma première observation.
Je comprends bien les arguments avancés par Mme Bergé-Lavigne. Mais j'entends
aussi certains de nos concitoyens qui ont des salaires modestes et qui
souhaiteraient gagner plus. Je leur souhaite de gagner plus. Mais il est clair
qu'il est extrêmement difficile d'y parvenir lorsque l'on réduit la durée du
temps de travail !
Ce que souhaitent nos compatriotes, c'est disposer d'un pouvoir d'achat plus
substantiel. Nous devons créer les conditions pour que l'ascension sociale soit
possible. Il est un peu dommage de faire d'un objectif de 0,7 SMIC une sorte
d'idéal social. Permettons aux potentiels de s'exprimer, de se mobiliser !
S'agissant du barème de l'impôt sur le revenu, je rappellerai simplement que,
si le taux marginal est à 52 %, il faut y ajouter les 10 % de CSG. Cela fait -
pardonnez du peu ! - 62 %.
Notre économie est ouverte sur l'extérieur. M. Angels l'a rappelé lui-même,
hier, en s'exprimant au nom du groupe socialiste. Cela veut dire que nous
sommes aujourd'hui en situation de compétition. Si donc nous devons, certes,
avoir une fiscalité juste, il faut aussi qu'elle soit compétitive par rapport à
celle de nos partenaires. De ce point de vue, même à 52 %, même à 47 %,
référence rappelée il y a un instant, le taux marginal me paraît excessif.
Par ailleurs, madame le secrétaire d'Etat, pourquoi résistez-vous à la
tentation de suivre le conseil des impôts lorsqu'il préconise la remise en
cause de certains abattements, dont celui de 20 %, qui constitue une espèce de
tabou ? Dès qu'on en parle, on est suspect, aux yeux de certains, de vouloir
imposer 20 % de plus.
Sortons de ce débat stupide, brisons ces tabous, essayons d'y voir clair dans
nos barèmes d'imposition. Parce que l'Etat est incapable de baisser les
prélèvements obligatoires, il s'ingénie, en demandant la complicité du
Parlement, à multiplier les régimes particuliers, les régimes spécifiques, pour
convaincre chaque contribuable qu'il est moins maltraité que son voisin.
Ce n'est pas ainsi que nous apporterons une bonne réponse aux exigences de
cohésion sociale. Ce n'est pas ainsi que nous refonderons le pacte
républicain.
Pour ma part, j'aimerais qu'on puisse avoir, un jour, un vrai débat sur la
fiscalité. C'est là un vrai motif pour modifier l'ordonnance de 1959. Mais ce
n'est pas avec le dépôt du projet de loi de finances sur le bureau des
assemblées au début du mois d'octobre et une discussion sur les articles de la
première partie de deux ou trois jours que nous pourrons réformer la fiscalité
!
Nous sommes entrés dans une procédure qui tient du ridicule. Le Gouvernement
fait des petites annonces pendant l'été - ce sont les « confidences estivales
». On mesure les réactions. Puis, à la fin du mois de septembre, le conseil des
ministres arrête la réforme fiscale. Voilà comment on ne fait jamais de réforme
fiscale ! Voilà comment on pérennise les tabous, les préjugés, les archaïsmes
!
La commission des finances nous invite à avancer dans la voie de la modernité
; c'est un premier pas.
Puissent un jour les projets de loi de finances être déposés dès le printemps
! Cela nous éviterait de nous égarer dans un débat d'orientation budgétaire qui
- permettez-moi de le dire, chers collègues qui y consacrez toute votre ardeur
- ne veut plus rien dire.
Alors, peut-être pourrions-nous, entre le mois de mai et celui de septembre,
enfin débattre au Parlement, dans une véritable concertation, de l'avenir de
notre fiscalité !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. Marc Massion.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion.
Pourquoi, chers collègues de la majorité sénatoriale, donnez-vous cette
impression désagréable que le million d'emplois créés ou que la croissance vous
gênent ? Dans chacune de vos interventions, on a ce sentiment !
M. Jean Chérioux.
On s'en réjouit !
M. Marc Massion.
La croissance et les créations d'emplois, c'est bon pour notre pays et sa
population.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Personne ne dit le contraire !
M. Marc Massion.
Concernant le coût des 35 heures, pourquoi ne nous présentez-vous pas le bilan
des sommes que vous avez englouties pour aider les entreprises entre 1993 et
1997, pour prétendument soutenir l'emploi ? Combien de milliards de francs
avez-vous accordé aux entreprises et pour combien de créations d'emplois ?
Quant à vous, monsieur le rapporteur général, qui aimez bien les comparaisons
chiffrées, pourquoi ne nous révélez-vous pas quel aurait été le coût de
l'application de la loi de Robien simplement pour préserver les emplois
existants ?
Monsieur le président de la commission des finances, à vous écouter, on se
demande à quoi sert le Gouvernement. Vous lui reprochez quasiment de soutenir
la croissance ! Le Gouvernement n'a jamais dit qu'il avait le monopole de la
croissance. Les dispositions qu'il prend pour soutenir la consommation, c'est
sa contribution au développement de la croissance. Vous dites qu'il ne faut
rien faire. A quoi sert un gouvernement sinon à faire de la politique et à
prendre des dispositions qui sont bonnes pour le pays ?
M. Alain Lambert,
président de la commission des finances.
Réduire les dépenses est le
boulot du Gouvernement !
M. Philippe Nogrix.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix.
Bien évidemment, je suivrai la commission des finances.
Mais je tiens à revenir sur les propos de nos collègues qui soutiennent le
Gouvernement.
N'est-ce pas prendre les Français pour des imbéciles que de penser qu'ils
pourraient être mécontents de ne travailler que 35 heures ? Quel masochisme ce
serait !
Je vous rappelle que, pour l'instant, seules les grandes entreprises ont
négocié les 35 heures.
Mme Maryse Bergé-Lavigne.
Non !
M. Philippe Nogrix.
Mais si, madame, parce que la croissance le leur permettait, parce que
l'argent qui leur a été donné pour acquérir un outil de travail performant leur
a permis de répondre aux besoins de la consommation mondiale. Si les
entreprises n'avaient pas eu ces capacités d'investir, sans doute ne
récolteriez-vous pas aujourd'hui les fruits de la croissance.
Mais à force de nourrir la croissance, madame, vous allez lui donner une
indigestion ! En effet, que constatons-nous aujourd'hui ? On n'arrive pas à
exploiter tout notre potentiel de croissance parce qu'il n'y a plus d'employés
disponibles, avec tous les emplois que vous avez créés dans les entreprises,
qui, sans doute, n'en avaient pas besoin mais qui ont profité de l'effet
d'aubaine que vous leur offriez avec les primes « 35 heures ». Dans cinq ans,
on fera le bilan !
Alors, je vous en prie, madame, n'ayez pas une vision à court terme. Une
politique se gère à long terme. Sur le court terme, vous êtes en train de
récolter des fruits. Mais prenez garde à ce que vous allez nous laisser !
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. Marc Massion.
Le terme, vous l'avez eu en 1997 !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je souhaite apporter une précision.
M. Massion a évoqué les aides accordées aux entreprises par le gouvernement
précédent. Il s'agit en fait du dispositif que l'on a appelé la « ristourne
Juppé » et qui a consisté à alléger les charges sociales sur les bas salaires.
Or, si je ne m'abuse, ce dispositif est toujours en vigueur aujourd'hui et son
bénéfice en a même été étendu puisqu'il concerne désormais les salaires
équivalents à 1,8 fois le SMIC.
M. Jean Chérioux.
Alors ça, ce n'est pas bête !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Si c'est une mauvaise mesure, il faut la supprimer
!
(Murmures sur les travées socialistes.)
Il faut être cohérent avec vous-même. Vous reconnaissez le bien-fondé de
cette mesure, puisque vous approuvez la politique du Gouvernement qui, à juste
titre, l'a maintenue. Ne critiquez donc pas la politique du gouvernement
précédent, du moins pas sur ce point !
Alors, bien sûr, les 35 heures... la conception optionnelle du dispositif « de
Robien »... ou générale... C'est un débat essentiel, mais qui doit rester un
peu en arrière-plan de cette discussion, nous ne pouvons pas aller jusqu'à son
terme en cet instant.
Madame le secrétaire d'Etat, les 35 heures, c'est l'alpha et l'oméga de votre
politique. Il faudra bien en faire bénéficier les agents des services publics
et les fonctionnaires. Nous en reparlerons lors de l'examen de la seconde
partie du projet de loi de finances !
Une loi de finances doit être cohérente car c'est un tout. Il y a les
ressources, dont nous parlons, et les dépenses, dont nous parlerons ensuite,
après l'examen de l'article d'équilibre. Où est l'argent, dans ce projet de loi
de finances, pour permettre l'application des 35 heures dans la fonction
publique ?
Comme le disait M. le président de la commission des finances tout à l'heure,
nous sommes, l'un et l'autre, des esprits frustes. Nous répétons sans cesse les
mêmes choses parce que nous n'avons pas encore tout compris. Il faudrait donc
sortir de ce réseau de contradictions et, enfin, comme l'a dit Jean Arthuis,
être honnête et dire la vérité à ce pays.
(Applaudissements sur les travées du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-3, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, les amendements n°s I-105 et I-106 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° I-143, MM. Ostermann, Besse, Braun, Cazalet, Chaumont,
Gaillard, Joyandet, Trégouët, Cornu, Martin, Vasselle, Murat, Rispat, Darcos,
Fournier, Ginesy, de Broissia, Leclerc, Marest, Schosteck, Lanier et Mme Olin
proposent :
I. - Dans le premier alinéa du 2° du I de l'article 2, de remplacer la somme :
« 12 440 francs » par la somme : « 17 000 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du I ci-dessus, de compléter,
in fine,
cet article par un
paragraphe ainsi rédigé :
« La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'accroissement du quotient
familial est compensée a due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
Par amendement n° I-75, M. du Luart et les membres du groupe des Républicains
et Indépendants proposent :
I. - Dans le premier alinéa du 2° du I de l'article 2 de remplacer la somme :
« 12 440 francs » par la somme : « 16 380 francs ».
II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'Etat des
dispositions du I ci-dessus, de compléter,
in fine,
cet article par un
paragraphe ainsi rédigé :
« La perte de recettes résultant pour l'Etat du relèvement du plafond du
quotient familial est compensée à due concurrence par la création d'une taxe
additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des
impôts. »
La parole est à M. Lanier, pour présenter l'amendement n° I-143.
M. Lucien Lanier.
Cet amendement en faveur des familles a pour objet de revenir sur la baisse du
plafond du quotient familial et de le rétablir au niveau où il se situait avant
la loi de finances de 1999, c'est-à-dire à 16 350 francs, et de l'indexer.
Rapprocher cette baisse du quotient familial et le rétablissement des
allocations familiales pour toutes les familles paraît très difficilement
recevable, ne serait-ce qu'en raison d'une différence de nature : les
allocations familiales sont une prestation et le quotient familial relève de la
fiscalité. Il faut en tirer les conséquences.
M. le président.
La parole est à Mme Heinis, pour présenter l'amendement n° I-75.
Mme Anne Heinis.
Cet amendement traite du même sujet que celui qui vient d'être présenté par
notre collègue Lucien Lanier.
Le plafond du quotient familial a été abaissé en 1999 de façon exagérée. Cette
décision a entraîné une nette augmentation de la pression fiscale pour de
nombreuses familles.
Or, la famille est insuffisamment prise en compte par la politique budgétaire
du Gouvernement, ce qui a été rappelé tout à l'heure par certains de nos
collègues. Nous venons de le voir avec la ristourne dégressive de CSG et de
CRDS, qui serait particulièrement injuste, car elle ferait bénéficier les
contribuables d'allégements en fonction de leurs seuls salaires et non de leurs
capacités contributives ou de leur charges familiales.
Le crédit d'impôt sur le revenu proposé par la commission des finances permet
d'éviter cet effet pervers. Mon groupe propose d'aller plus loin en relevant le
plafond du quotient familial à 16 380 francs.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur ces deux amendements ?
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
J'indique à nos collègues que, bien sûr, la
commission pargage complètement leur approche, puisqu'elle avait elle-même
présenté un amendement d'objet identique.
En analysant la rédaction de ces amendements, j'observe que celle de
l'amendement n° I-143 est plus simple, plus satisfaisante.
Je sollicite donc de Mme Heinis le retrait de l'amendement n° I-75, qui sera
satisfait par l'adoption de l'amendement n° I-143.
Sur le fond, il s'agit de revenir au plafond de la demi-part, qui était en
vigueur avant que la loi de finances pour 1999 ne l'abaisse à 11 000 francs, en
contrepartie du rétablissement de l'universalité des allocations familiales,
que le Gouvernement venait de supprimer. Il faut revenir sur ce pas de clerc et
afficher des objectifs plus volontaristes de politique familiale, ce à quoi
tendent les amendements n°s I-143 et I-75.
La commission émet donc un avis favorable sur l'amendement n° I-143, dont
l'adoption donnerait satisfaction aux auteurs de l'amendement n° I-75.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-143 et I-75 ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à ces
amendements.
Il convient de rappeler que la baisse du plafond du quotient familial, adoptée
dans le cadre de la loi de finances de 1998, l'a été en contrepartie de la
suppression d'une mesure antérieure qui avait consisté à mettre sous condition
de ressources les allocations familiales. Cette mesure de réduction du plafond
du quotient familial a été décidée après une large concertation avec les
associations familiales.
Ce mécanisme permet d'introduire une progressivité de l'effort de solidarité
en fonction du revenu et préserve la situation de toutes les familles disposant
de revenus modestes et moyens.
Ainsi, pour une famille ayant deux enfants, l'avantage fiscal n'est plafonné à
11 060 francs par enfant que lorsque le revenu imposable dépasse 330 000 francs
par an, ce qui correspond à un salaire mensuel déclaré de l'ordre de 38 000
francs. Ce chiffre illustre bien le caractère limité de la mesure qui a été
adoptée dans le cadre du budget de 1998. C'est un débat que nous avons déjà eu
à plusieurs reprises.
Je me contenterai de rappeler quelques autres mesures qui ont été prises en
faveur des familles : le rétablissement de la réduction d'impôt au titre des
frais de scolarité, qui avait été supprimée par le précédent gouvernement ; la
majoration, pérenne, à 1 600 francs par enfant de l'allocation de rentrée
scolaire et son extension aux familles qui n'ont qu'un seul enfant ; enfin, le
report d'un an, dès 1999, de l'âge de perception des allocations familiales. Et
cela ne retrace pas la totalité des mesures qui ont été adoptées, année après
année, dans le cadre des conférences pour la famille !
Dans ces conditions, le Gouvernement est défavorable aux amendements n°s I-143
et I-75.
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-143, accepté par la commission et repoussé
par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'amendement n° I-75 n'a plus d'objet.
Par amendement n° I-5, M. Marini, au nom de la commission, propose :
A. - De remplacer le II de l'article 2 par deux paragraphes ainsi rédigés :
« II. - Le début du 3 de l'article 6 du code général des impôts est ainsi
rédigé :
« 3. Toute personne majeure âgée de moins de 25 ans ou, quel que soit son âge,
(le reste sans changement)... »
« II
bis.
- L'article 196 B du code général des impôts est ainsi rédigé
:
«
Art. 196 B.
- Le contribuable qui accepte le rattachement des
personnes désignées au 3, de l'article 6 bénéficie d'un abattement de 30 330
francs sur son revenu global net par personne ainsi prise en charge. »
B. - Pour compenser la perte de recettes résultant des dispositions du A
ci-dessus de compléter
in fine
cet article par un paragraphe ainsi
rédigé :
« La perte de recettes résultant pour l'Etat de la modification des conditions
de rattachement au foyer fiscal de personnes majeures est compensée à due
concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux
articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Il s'agit également d'un amendement à caractère
familial, qui vise à répondre à un souci de justice en même temps qu'à un souci
de simplification. C'est d'ailleurs un point sur lequel le Sénat a déjà eu
l'occasion de prendre position.
En premier lieu, cet amendement permet le rattachement au foyer fiscal de tous
les enfants majeurs âgés de moins de vingt-cinq ans, quel que soit leur statut,
qu'ils soient étudiants, comme c'est le cas aujourd'hui, mais également
demandeurs d'emploi, ou même des enfants de moins de vingt-cinq ans qui ont un
travail, étant entendu que ce rattachement ne serait demandé, pour des raisons
évidentes, que pour ceux de ces enfants ayant des revenus de faible
importance.
Nous voulons tenir compte de l'évolution de la société, du fait que beaucoup
de « grands enfants » peuvent tirer avantage à rester rattachés au foyer fiscal
de leurs parents. C'est un fait que nous observons de plus en plus souvent.
La présence au foyer de « grands enfants » - étudiants, chômeurs ou jeunes
salariés faiblement rémunérés - fait peser une charge importante sur les
familles.
En deuxième lieu, l'amendement vise à simplifier le régime fiscal pour des
enfants majeurs rattachés au loyer fiscal en ne prévoyant que la possibilité
d'un abattement, solution simple dès lors que le niveau élevé de l'abattement
permet d'offrir un régime favorable à tous, notamment aux couches les plus
modestes de la population, pour lesquelles, par hypothèse, l'abattement est
plus favorable que le quotient familial.
Nous avons établi cette proposition, je le répète, dans un souci d'équité et
pour encourager la politique familiale.
Le relèvement substantiel de l'abattement devait compenser l'inconvénient qui
pourrait résulter pour certains contribuables de la diminution du nombre de
parts pour le calcul du quotient familial.
Si ma mémoire est bonne, nous avons déjà adopté un dispositif analogue
lorsque nous avons été saisis, l'année dernière, du projet de loi relatif au
pacte civil de solidarité, le PACS.
Il me semble qu'il est important de mettre l'accent sur les solidarités
familiales, de les traduire fiscalement, s'agissant des « grands enfants »
notamment.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Florence Parly,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement,
même s'il comprend les motifs qui le sous-tendent.
Ma première observation concernera le montant de l'abattement prévu par
l'article 196 B du code général des impôts, que vous proposez de fixer à 30 330
francs, pour l'imposition des revenus de 2000, au lieu de 23 360 francs, comme
le prévoit le projet de loi de finances.
Votre proposition conduirait donc à relever le plafond du quotient familial à
16 150 francs au lieu de 12 440 francs, soit au niveau auquel il se situait
avant le rétablissement du principe d'universalité des allocations
familiales.
Or, s'il est légitime, comme le prévoit le projet du Gouvernement, d'augmenter
le plafond actuel afin que la baisse des taux du barème de l'impôt sur le
revenu se traduise bien, pour l'ensemble des familles, par un allégement
proportionné à leurs charges, à l'inverse, il n'est pas envisageable d'accepter
une hausse qui aurait pour conséquence de remettre en cause l'équilibre général
du dispositif.
Ma seconde observation concerne le fond de votre proposition, qui peut, dans
certains cas, s'avérer pénalisante, en particulier pour les familles nombreuses
bénéficiant d'une part entière, au lieu d'une demi-part, de quotient familial
pour chaque personne à charge au-delà de la deuxième, mais aussi pour les
foyers monoparentaux, si le premier enfant à charge ouvre également droit à une
part entière de quotient familial, qui, avec votre proposition, n'auraient plus
droit qu'à un abattement.
Vos propositions auraient pour conséquence de diminuer, voire, dans certains
cas, d'annuler purement et simplement les effets de la baisse des taux du
barème de l'impôt sur le revenu. Elles aboutiraient à l'objectif inverse de
celui que cherche à atteindre le Gouvernement, qui consiste à permettre à
l'ensemble des contribuables de bénéficier d'un allégement de leur impôt sur le
revenu.
Pour ces raisons, je vous demande de bien vouloir retirer l'amendement,
monsieur le rapporteur général.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° I-5.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole, pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Vous nous proposez, monsieur le rapporteur général, de permettre de rattacher
au foyer fiscal des parents les enfants - mais peut-on encore employer ce mot ?
- de moins de vingt-cinq ans.
Faut-il considérer les « grands enfants » de vingt et un à vingt-cinq ans, qui
ne sont ni étudiants, ni handicapés, comme étant à la charge de leurs parents ?
C'est effectivement le cas des jeunes victimes du chômage. Est-il pour autant
opportun, d'une part, d'aider davantage les parents plutôt que les jeunes
eux-mêmes et, d'autre part et surtout, de les aider en jouant sur l'impôt sur
le revenu ?
Dans ce cas encore, ce ne sont évidemment que les foyers imposables, que les
foyers les plus aisés donc, qui bénéficieraient de l'abattement de 30 000
francs !
Pour notre part, je tiens à le redire, tout en restant sceptiques quant à
l'idée d'instaurer un revenu minimum d'insertion pour les moins de vingt-cinq
ans, idée que nous avions défendue un temps, nous pensons qu'il faut aider
financièrement ces jeunes à rechercher un emploi.
En ce qui nous concerne, nous ne voterons donc pas votre amendement, monsieur
le rapporteur général.
M. Jean Chérioux.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux.
Pour ma part, je voterai l'amendement n° I-5, justement parce qu'on ne peut
pas vouloir une chose et son contraire !
Il est indiscutable que, malheureusement, des jeunes qui ne sont plus
étudiants et qui ne sont pas handicapés vivent à la charge de leurs parents.
Pourquoi sont-ils à la charge de leurs parents ? Parcequ'ils ne bénéficient
pas du RMI ! Or je ne pense pas que le Gouvernement souhaite, pour le moment,
étendre le RMI aux jeunes de moins de vingt-cinq ans.
Il faut tout de même bien tenir compte du fait que, comme ils n'ont pas de
ressources propres, ils sont à la charge de leurs parents. La logique, c'est
soit de leur verser le RMI, soit de prévoir un abattement fiscal. Si, quant à
vous, vous leur refusez tout, je crois qu'ils s'en souviendront !
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini,
rapporteur général.
Nous avons déjà eu ce débat. Le Sénat a déjà voté un
amendement analogue.
Je veux cependant faire référence au dix-huitième rapport au Président de la
République du Conseil des impôts, en l'occurrence à sa page 139 : « Néanmoins,
pour traiter de façon plus équitable la période d'incertitude que constitue
l'entrée des enfants dans l'âge adulte et la vie professionnelle », le Conseil
estime « qu'il faudrait supprimer la distinction entre étudiant et non-étudiant
pour le rattachement des enfants majeurs au foyer fiscal de leurs parents et
retenir, dans les deux cas, la limite d'âge de vingt-cinq ans applicable
actuellement aux seuls enfants majeurs étudiants ».
Nous nous efforçons de traduire dans les faits cette préconisation. C'est une
question de réalisme.
Mme Beaudeau se demandait s'il fallait apporter une aide aux jeunes ou une
aide aux parents et Jean Chérioux s'est interrogé sur le même sujet en des
termes différents mais guère éloignés quant au fond.
Si l'on aide fiscalement les familles, on aidera les jeunes. Ces jeunes
pouvant être, à certaines périodes, à la charge de leur famille, ils ne
pourront disposer, par définition que des moyens que leurs familles mettront à
leur disposition. Il faut tenir compte de cet élément dans l'appréciation de la
situation fiscale de la famille, en élargissant les critères du rattachement au
foyer fiscal des enfants majeurs âgés de moins de vingt-cinq ans.
Madame le secrétaire d'Etat, le dispositif que nous prévoyons nous semble être
une solution simple, et le montant de l'abattement est calculé à un niveau tel
que les effets que vous évoquez sur le quotient familial doivent être nuls ou
négligeables. Selon moi, c'est une solution d'équité, qui tient compte de
l'évolution de la société et des difficultés qu'éprouvent de nombreux jeunes à
s'insérer dans la vie professionnelle.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-5, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'article 2.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Au terme de la discussion de l'article 2, nous voudrions à nouveau émettre
notre avis sur la traduction concrète pour les contribuables des dispositions
qu'il nous est proposé d'adopter.
Si l'on tient pour acquis le principe d'une réduction relative de l'impôt sur
le revenu compte tenu des marges offertes par la croissance économique et de
l'augmentation du nombre des contribuables - encore que cela puisse se discuter
- on doit s'interroger sur l'importance que l'on donne à cette réduction et sur
sa répartition.
A l'évidence, mes chers collègues de la majorité sénatoriale, dès qu'il s'agit
de partager le produit de la baisse d'impôt, il existe immédiatement dans notre
assemblée une bien plus grande sollicitude pour les revenus les plus élevés et
une moindre pour les autres.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Même si d'aucuns les appellent ici les « classes moyennes », la vérité, c'est
que la majorité sénatoriale et la commission des finances ont, cette année
encore, et comme toujours, les plus grandes prévenances pour les 220 000 ou 250
000 contribuables dont une part du revenu est imposée au taux maximal du
barème.
Avec l'amendement de M. Ostermann et du groupe du RPR, les contribuables
soumis à la première tranche bénéficient d'une réduction supplémentaire d'impôt
de 188 francs. Pour ceux dont les revenus sont imposés au taux supérieur, la
correction est plus sensible : elle atteint en effet 2 004 francs pour un
revenu net de 400 000 francs annuels et plus de 6 000 francs pour un revenu de
600 000 francs.
Avec l'amendement que vient de défendre M. le rapporteur général, nous sommes
dans un cas de figure assez proche. Pour les revenus les plus faibles, l'impôt
augmente de quelque 40 francs, tandis que, pour les contribuables les plus
aisés, le cadeau fiscal va de 300 francs à 2 700 francs pour un revenu de 400
000 francs à 600 000 francs.
En clair, mes chers collègues de la majorité, en adoptant l'article 2 tel que
modifié, non seulement vous transformez nos concitoyens non imposables en
banquiers de l'Etat, mais, en plus, vous demandez aux plus modestes de financer
la baisse d'impôt des plus aisés.
Vous avouerez que c'est là une étrange conception de la justice fiscale et
sociale, dont notre collègue M. Chérioux ne sait même plus ce qu'elle est !
Cette étrange conception explique évidemment que nous ne votions pas l'article
2 tel qu'il ressort des débats du Sénat.
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 2