SEANCE DU 16 NOVEMBRE 2000
M. le président.
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
Par amendement n° 91, MM. Fischer, Muzeau, Mme Beaudeau et les membres du
groupe communiste républicain et citoyen proposent d'insérer, avant l'article
28, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de l'article L. 861-2 du code de la sécurité
sociale, après les mots : "revenu minimum d'insertion", les mots : ", de
l'allocation supplémentaire vieillesse, de l'allocation adultes handicapés et
de l'allocation parent isolé." sont insérés.
« II. -
a)
Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont
compensées à due concurrence par le relèvement à 15 % du taux des contributions
sociales mentionnées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité
sociale.
«
b)
En conséquence, dans le I de l'article L. 136-8 du même code, les
références : "L. 136-6, L. 136-7" sont supprimées. »
Par amendement n° 114, M. Joly propose, après l'article 31, d'insérer un
article additionnel ainsi rédigé :
« La première phrase du premier alinéa de l'article L. 861-1 du code de la
sécurité sociale est modifiée comme suit :
« 1. Après les mots : "dont les ressources sont inférieures à un plafond
déterminé par décret", sont insérés les mots : "qui ne saurait être inférieur
au minimum vieillesse, invalidité ou de l'allocation aux adultes
handicapés".
« 2. Les mots : "révisé chaque année pour tenir compte de l'évolution des
prix" sont remplacés par les mots : "révisé chaque année pour tenir compte de
l'évolution des salaires ouvriers toutes activités". »
La parole est à M. Fischer, pour présenter l'amendement n° 91.
M. Guy Fischer.
Notre souci est d'attirer l'attention sur un certain nombre de problèmes qui
touchent plusieurs dizaines de milliers de Français, je veux parler des fameux
problèmes de seuils.
Notre amendement a pour objet d'étendre le bénéfice de la CMU, qui constitue
une avancée sociale à mettre au crédit de la gauche plurielle, aux personnes
bénéficiant de l'allocation supplémentaire vieillesse, de l'allocation pour
adulte handicapé ou encore de l'allocation pour parent isolé.
Nous avons participé largement, dans le prolongement de la loi d'orientation
de lutte contre les exclusions, à faire en sorte que les 5 millions de Français
qui étaient confrontés à un problème de couverture sociale puissent retrouver
une dignité et le chemin de l'accès à un certain nombre de droits, dont le
droit à la santé.
Nous admettons tout à fait que l'augmentation du seuil d'accès à la CMU de 3
500 à 3 600 francs par mois constitue une avancée indéniable, qui va permettre
la prise en charge de 300 000 personnes supplémentaires.
Cependant, malgré ce relèvement du seuil, de nombreuses personnes ne disposant
pourtant pas de ressources importantes, puisque titulaires soit de l'allocation
aux adultes handicapés, soit du minimum vieillesse, se trouvent exclues du
système.
En effet, par le jeu de la revalorisation mécanique de ces deux allocations,
le problème demeure.
Il conviendrait donc de répondre le plus rapidement possible à cette urgence
sociale en étendant l'accès à la CMU à toutes les personnes bénéficiant des
allocations que j'ai citées précédemment.
Mme Hélène Luc.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Joly, pour défendre l'amendement n° 114.
M. Bernard Joly.
Ma proposition rejoint celle qui vient d'être énoncée.
En effet, le relèvement du plafond annoncé par Mme la ministre de l'emploi et
de la solidarité de 3 500 francs à 3 600 francs restera sans conséquence sur
les bénéficiaires de minima sociaux ou de l'allocation aux adultes handicapés,
dont les ressources, compte tenu de la revalorisation de 2,2 % prévue en
janvier 2001, dépasseront à nouveau le plafond d'accès à la CMU de 52,49
francs.
Par ailleurs, l'indexation du plafond sur l'évolution des prix et non sur
celle des salaires n'est pas satisfaisante.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 91 et 114 ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je voudrais rappeler une nouvelle fois que, si nous achoppons
sur ces affaires du seuil d'accès à la CMU, c'est à cause de l'entêtement de la
précédente ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le Sénat avait proposé - cette solution avait d'ailleurs été évoquée par le
rapporteur à l'Assemblée nationale - une prise en charge progressive de la CMU.
Cette solution n'a pas été retenue et, depuis l'instauration de la couverture
maladie universelle, nous sommes confrontés à cet effet de seuil.
Or, malgré le relèvement du seuil annoncé par Mme Guigou, sont encore exclus
les adultes handicapés et les personnes percevant le minimum vieillesse. C'est
stupide ! Quand on fait des erreurs au départ, on les paie pendant
longtemps.
Dans ces conditions, je comprends très bien l'inquiétude de M. Fischer. Je ne
suis pas d'accord sur le gage proposé, mais je suppose que le Gouvernement, qui
souhaite aussi faire bénéficier ces personnes à bas revenus de la CMU, le
lèvera. Si tel est le cas, nous voterons l'amendement n° 91.
La commission donne également un avis favorable sur l'amendement n° 114, qui
vise aussi à ce que la CMU prenne en charge les personnes à bas revenus.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 91 et 114 ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
La couverture maladie universelle a été créée par la
loi du 27 juillet 1999, qui a prévu la possibilité pour tous d'être affilié à
un régime d'assurance maladie de base, mais aussi, pour les personnes aux
revenus les plus modestes, de bénéficier d'une couverture complémentaire
gratuite.
Le seuil de 3 500 francs par mois, s'agissant d'une personne seule, pour
l'accès à la CMU complémentaire, n'a été retenu qu'après un long débat. A
l'époque, j'étais députée, et j'ai encore en mémoire les nombreuses discussions
dont ce point en fait l'objet, au sein de la commission, au sein des groupes et
avec le Gouvernement.
C'est donc une décision qui a été prise en pleine responsabilité et qui a
permis d'accomplir un progrès notable par rapport aux barèmes d'admission à
l'aide médicale départementale, fixés généralement à 2 500 francs par mois ;
seuls dix départements ont un seuil d'accès à l'aide médicale gratuite
supérieur au seuil fixé pour la CMU. Les dispositions votées par le Parlement
représentent ainsi un progrès sensible dans la plupart des départements.
En effet, au 30 juin 2000, 4 300 000 personnes étaient couvertes ;
aujourd'hui, le nombre de bénéficiaires peut être estimé à 4 700 000 personnes.
L'augmentation du nombre de bénéficiaires est donc nette.
M. Jean Chérioux.
Pas à Paris, entre autres !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Toutefois, certaines personnes ont des ressources qui
excèdent de peu le seuil de 3 500 francs par mois et sont dès lors privées de
la CMU complémentaire.
D'autre part, étant donné que, dans certains départements, le seuil de l'accès
médical gratuit était supérieur au seuil de la CMU, certaines personnes
pouvaient se trouver en difficulté.
M. Jean Chérioux.
On ne vous le fait pas dire !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Dans une minorité de départements, monsieur Chérioux
!
Face à ce constat, avant l'achèvement de la période de transition entre les
deux dispositifs, qui a été fixée par la loi et qui devait intervenir à la fin
du mois d'octobre, le Gouvernement a décidé de mettre en oeuvre trois
mesures.
D'abord, le seuil pour bénéficier de la CMU complémentaire sera porté par
décret à 3 600 francs par mois, ce qui permettra l'intégration de 300 000
bénéficiaires supplémentaires dans le dispositif de la CMU. Il avait été fait
état, dans cet hémicycle, de 700 000 personnes exclues. Nous en réintégrons 300
000 par cette décision.
En outre, les personnes qui bénéficiaient de l'aide médicale départementale au
1er janvier 2000, et dont les droits à la CMU complémentaire ont été
automatiquement prolongés jusqu'au 31 octobre dernier, continueront à
bénéficier de la CMU complémentaire jusqu'au 30 juin 2001. Nous comptons bien
mettre à profit ce délai supplémentaire pour affiner l'observation des
situations et trouver, en partenariat avec les collectivités locales, des
modalités permettant d'offrir des réponses à ceux qui seraient encore entre les
deux dispositifs.
Enfin, 400 millions de francs sont affectés aux fonds d'action sanitaire et
social des caisses primaires d'assurance maladie pour la prise en charge des
personnes dont les revenus dépassent le plafond de la CMU et qui se
trouveraient dans une situation particulièrement difficile parce qu'elles
doivent recevoir des soins coûteux ou parce qu'elles subissent une rupture de
droits.
Le nouveau délai doit donc permettre de mettre en place des solutions adaptées
pour éviter toute rupture de la prise en charge d'ici au 30 juin 2001, grâce à
l'intervention des fonds d'action sanitaire et sociale des caisses, mais aussi
à celle des départements, qui conservent une compétence générale en matière
d'aide sociale, et des organismes complémentaires.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Mais, pour les conseils
généraux, c'est une charge supplémentaire !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je sais, monsieur le président de la commission, que
cet argument a été développé dans cette assemblée. Je suis moi-même conseiller
général et je n'ignore pas que les conseils généraux ont une latitude pour
définir une politique d'aide sociale facultative.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Certains départements s'engagent effectivement dans
une action de solidarité et prennent des dispositions propres à répondre aux
attentes de leurs concitoyens.
M. Jean Chérioux.
Et ils l'ont prouvé, notamment à Paris, avec la carte santé !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Et je suis convaincue, monsieur Chérioux, que ces
départements continuent de témoigner de l'attention qu'ils portent à la
situation sociale de leurs habitants, sans se défausser...
M. Jean Chérioux.
Vous leur avez repris l'argent !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
... sur un dispositif, qui, je le répète, globalement,
apporte une bien meilleure protection à nos concitoyens, parce que tous les
départements n'avaient pas la même attention.
Compte tenu de ces précisions, je demande à M. Fischer de bien vouloir retirer
son amendement n° 91.
S'agissant de l'amendement n° 114, j'invoque l'article 40 de la
Constitution.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je demande la
parole.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la secrétaire
d'Etat, il est vrai que les conseils généraux ont la faculté de continuer à
prendre en charge l'aide sociale : cela ne leur est pas interdit. Simplement,
pour financer la CMU, on leur a demandé de reverser tout ce qu'ils consacraient
à cette action. C'est donc bien un effort supplémentaire qu'ils consentent par
rapport à la situation précédente.
En outre, pour les communes, le problème est encore plus difficile.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président de la commission des affaires
sociales, on n'a pas demandé aux départements de reverser de l'argent à
l'Etat.
M. Jean Chérioux.
Si !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
On a simplement retiré de la dotation globale la part
que le département avait décidé de consacrer à l'aide médicale gratuite en lui
laissant quand même une marge de 5 %, qu'il peut toujours utiliser pour
prolonger le dispositif national au cas où il jugerait celui-ci insuffisant au
regard de ses propres objectifs. Bien entendu, le conseil général peut aussi
mobiliser des ressources départementales.
En outre, les caisses disposent également d'un fonds d'action sociale de 400
millions de francs qu'elles peuvent, en partenariat avec les départements,
mettre au service de la solidarité pour remédier à des situations
particulièrement difficiles et bien identifiées.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Mais les communes
paient « plein pot » !
M. le président.
Monsieur Fischer, l'amendement n° 91 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer.
Nous sommes heureux que le problème que nous avons soulevé ait donné lieu à
débat.
Il est clair que deux pas importants ont été franchis. D'une part, 300 000
personnes supplémentaires vont bénéficier de la couverture maladie universelle.
D'autre part, le Gouvernement s'est engagé, pour les Françaises et les Français
qui bénéficient de l'aide médicale gratuite mais qui sont au-dessus du seuil, à
mettre au point une solution, en accord avec les présidents des conseils
généraux, d'ici au 30 juin 2001. Les deux millions de personnes qui perçoivent
l'allocation aux adultes handicapés ou le minimum vieillesse sont concernées
par cet engagement.
Ayant enregistré les réponses positives de Mme le secrétaire d'Etat, nous
retirons cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° 91 est retiré.
Monsieur Sergent, le Gouvernement a invoqué l'article 40 de la Constitution à
l'encontre de l'amendement n° 114 : est-il applicable ?
M. Michel Sergent,
au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Il l'est, monsieur le président.
M. le président.
Dès lors, l'amendement n° 114 n'est pas recevable.
M. Bernard Joly.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly.
Je regrette de ne pas avoir reçu de Mme la secrétaire d'Etat une réponse aussi
détaillée que celle qu'elle a fournie à M. Fischer.
Je sais bien qu'il faut des seuils, mais je vous laisse imaginer la déception
des personnes qui, à 52,49 francs près, vont se trouver exclues !
Mme la secrétaire d'Etat n'a pas non plus jugé bon de me répondre sur le
caractère à mes yeux inadéquat de l'indexation de ce plafond sur l'évolution
des prix, que je proposais de remplacer par une indexation sur l'évolution des
salaires ouvriers.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Il est vrai, monsieur Joly, que la somme que vous
évoquez, et qui fait jouer l'effet de seuil, paraît dérisoire. Il convient
cependant de rappeler que la plupart des personnes bénéficiaires de l'AAH, de
même que la plupart des personnes qui reçoivent le minimum vieillesse, sont
prises en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Les dispositions que le Gouvernement vient de proposer - abondement du fonds
d'action sociale de la CNAM, avec délégation dans les caisses primaires, en
partenariat avec les conseils généraux - doivent permettre d'apporter des
solutions, de prendre en charge individuellement les personnes qui ne
bénéficieraient pas d'une couverture.
Je tiens à en témoigner, certains départements, tel le Val-de-Marne, se sont
déjà engagés dans les discussions visant à mettre en place un partenariat de
prise en charge ciblée de personnes qui se trouvent exclues, du fait du seuil,
de la couverture maladie universelle complémentaire.
Section 3
Branche maladie
Article 28