SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2001
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée
nationale. [Rapport n° 67 (2000-2001) et avis n° 68 (2000-2001).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
tiens, au nom de mes collègues, à remercier Gilbert Chabroux pour son
excellente intervention sur le budget de la branche famille. Je souhaite
poursuivre sa réflexion en insistant sur les critères de justice sociale et de
solidarité qui émanent des mesures annoncées.
En mettant en place un ministère délégué à la famille et à l'enfance, Lionel
Jospin a d'emblée marqué son attachement à cette valeur fondement de notre
société.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 se veut dans
la continuité de la politique familiale engagée par le Gouvernement, ces trois
dernières années, pour une meilleure justice sociale.
De nombreuses avancées ont été faites. Je citerai, entre autres, la
pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, l'extension
du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant,
l'augmentation de l'aide au logement, le bénéfice des prestations familiales
prolongé jusqu'à vingt ans et le versement du complément familial et des aides
au logement jusqu'à vingt et un ans.
En effet, ce volet famille pour 2001 recèle des dispositions novatrices à
hauteur de 10,5 milliards de francs, dont 6,8 milliards de francs supportés par
la branche famille.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale se veut également un
projet inscrit « dans son temps », puisqu'il propose une meilleure conciliation
entre vie familiale et vie professionnelle, en mettant en oeuvre des mesures
quantitativement et qualitativement cohérentes. L'ensemble de ce dispositif
fait réellement acte de solidarité et répond indéniablement aux besoins des
familles. Il met en oeuvre les mesures décidées au cours de la Conférence de la
famille de juin dernier, et cela est rendu possible grâce à l'excédent
budgétaire enfin retrouvé par la branche famille en 1999-2000.
Pour autant, les mesures adoptées ne sauraient être considérées comme un
simple saupoudrage ; elles correspondent, en effet, à la volonté politique
affirmée d'assurer une aide concentrée sur la petite enfance.
Ainsi faut-il voir, dans le renforcement de l'aide versée aux familles pour
l'emploi d'une assistante maternelle, une plus grande équité dans le choix du
mode de garde des enfants. Une plus grande souplesse, plus conforme au mode de
vie actuel, est ainsi offerte aux parents.
Dans la même optique, la nécessité de concilier, d'une part, les contraintes
quotidiennes, notamment celles des femmes, avec les modes de garde collectifs
des jeunes enfants, et, d'autre part, la vie familiale avec la vie
professionnelle est favorisée par la création d'un fonds exceptionnel
d'investissement pour les structures accueillant les enfants de moins de six
ans. Ce fonds permettra aussi d'encourager l'innovation, puisque les
subventions majorées iront aux structures multi-accueil ou aux structures
répondant à des objectifs prioritaires : souplesse de fonctionnement, accueil
d'enfants handicapés, classes passerelles entre la crèche et la maternelle pour
les enfants âgés de deux et trois ans. Un financement majoré sera également
possible lorsque le projet est intercommunal, et ce afin de favoriser la
création de services d'accueil en milieu rural.
Ce dispositif donnera une nouvelle impulsion à l'accueil collectif et
permettra, lui aussi, d'adapter le service rendu à la diversité des réalités
locales.
Dans le cadre d'une politique de soutien aux parents confrontés à la maladie,
à l'accident ou au handicap de leur enfant, nous applaudissons la création d'un
congé de présence parentale assorti d'une allocation, et ce d'autant plus que
cette nouvelle mesure permet d'encourager le partage équitable des
responsabilités parentales dans ces situations où le soutien et l'entraide des
parents sont indispensables au bien-être de l'enfant.
Faisant suite au prolongement des mesures incitatives à la reprise d'activité,
adoptées dans le cadre de la loi sur la lutte contre les exclusions, nous ne
pouvons que saluer l'aide au retour à l'emploi des femmes bénéficiaires de
l'allocation parentale d'éducation. Le Gouvernement répond ici à une véritable
attente des femmes envisageant de reprendre un emploi. Elles vivront cette
situation en termes non plus d'obligation mais de choix, ce qui est
foncièrement plus satisfaisant tant pour elles que pour leurs enfants.
Cette mesure vient en complément du nouveau dispositif d'aide à la reprise
d'activité des femmes, l'ARAF. Depuis le mois de juillet 2000, en effet, une
aide, dont la mise en oeuvre a été confiée à l'ANPE, est versée, lors de la
reprise d'une activité, aux femmes demandeurs d'emploi non indemnisées, dont
les bénéficiaires des minima sociaux, ayant au moins un enfant de moins de six
ans. Ce dispositif vise à faciliter le retour à l'emploi en permettant à des
femmes en difficulté d'organiser la garde de leurs enfants par une aide au
financement des frais générés.
Enfin, ce serait une erreur de vouloir limiter l'action du Gouvernement en
faveur des familles à ces différentes mesures qui doivent être replacées dans
un contexte plus général : la réduction de la contribution sociale généralisée,
la CSG, et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la
CRDS, sur les bas salaires, la réforme des aides au logement, mais aussi la
revalorisation du quotient familial, la baisse des taux de l'impôt sur les
revenus, et ce n'est qu'un bref aperçu.
Saluons, par ailleurs, dans ce projet de loi de financement de la sécurité
sociale pour 2001, les grandes avancées du Gouvernement reconnaissant l'intérêt
des Français pour leur santé et leur système de soins, avec, notamment, la
création d'une agence technique de l'information sur l'hospitalisation et d'un
fonds de modernisation sociale des établissements de santé, sans oublier - et
nous approuvons cette prise en compte - la création d'un fonds d'indemnisation
des victimes de l'amiante.
Nous nous félicitons donc que la famille, ou plutôt « les familles » - elles
sont en effet multiples : nucléaire, recomposée, étendue... - trouvent dans ce
budget un ensemble d'initiatives destinées à leur faciliter la vie au
quotidien.
La famille porte en elle les germes de l'avenir de notre société. A l'heure où
nous allons effectivement entrer dans le troisième millénaire, cette politique
familiale généreuse et moderne amène l'espoir d'un passage heureux. Elle offre
le gage d'un avenir meilleur pour tous et trouvera encore un écho favorable
avec la réforme, en préparation, du code de la famille.
(Applaudissements
sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calméjane.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
débattre de la loi de financement de la sécurité sociale devrait être
l'occasion de fixer des objectifs clairs à l'action publique, dans un domaine
où chaque Française, chaque Français est directement concerné.
Mais de transferts en comptes spéciaux, des réaffectations de recettes aux
compensations diverses, la loi de financement de la sécurité sociale est
devenue une alchimie comptable sans véritables règles. On renfloue ainsi la
branche retraite avec les excédents de la branche famille, tandis que 16
milliards de francs de recettes sociales diverses sont affectés au financement
des 35 heures. C'est intolérable !
Ce projet a d'ailleurs été sanctionné par l'ensemble des partenaires sociaux,
lesquels l'ont unanimement rejeté lors de son examen par les différents
conseils d'administration des caisses de sécurité sociale.
La branche retraite demeure sous perfusion, faute d'une véritable politique
préservant le principe de la répartition ; et ce n'est pas la création d'un
observatoire qui résoudra le double problème de l'accroissement de la durée de
vie et du déséquilibre entre actifs et inactifs ! Si, par malheur, la même
politique devait être poursuivie, il faudrait procéder d'ici à trois ans à une
hausse des cotisations de 3,5 points afin de rétablir l'équilibre. Voilà les
lendemains qui chantent que cette politique nous prépare !
La branche maladie manque tout autant du véritable projet qu'attendent les
Français.
Les exigences du public atteignent aujourd'hui un niveau élevé de qualité,
qualité que la vulgarisation scientifique démocratise et systématise. Il n'est
donc pas de réponse uniquement comptable ; il y faut une approche globale et
responsable qui prenne en compte tous les paramètres de ce véritable problème
de société.
L'accès aux soins ne peut être réduit à un simple bien de consommation. Son
coût relatif procède d'un choix éthique entre l'espoir et le renoncement. Pour
cela, seule une concertation entre l'Etat et les professions de santé peut
répondre à un juste équilibre.
Toute autre démarche, notamment l'autoritarisme déployé par l'actuel
gouvernement, s'avère désastreuse. Cet autoritarisme décourage les
professionnels et grippe le système au détriment des patients : nous avons tous
à l'esprit ces examens impossibles à prescrire parce que le médecin a dépassé
son quota annuel, ces opérations retardées parce que l'hôpital a épuisé son
budget. La médecine est incompatible avec une comptabilité d'épicerie et ne
saurait plus longtemps répondre à des critères de rentabilité.
M. Raymond Courrière.
Il faut le dire à Juppé !
M. Robert Calméjane.
M. Jacques Chirac, recevant récemment les représentants du Centre national des
professionnels de santé, le soulignait : « Les mécanismes de responsabilités
collectives ont correspondu à une période de crise financière et de transition,
il faut passer aujourd'hui à un système de responsabilité librement consenti,
individuel et contractuel, fondé sur la recherche du meilleur soin et sur
l'évaluation des pratiques. »
L'absence d'une telle volonté de réforme de la part du Gouvernement conduit à
un vide dangereux dans le domaine de la prévention et de l'éducation à la santé
; rien ne vient résoudre les problèmes de démographie médicale, et certaines
spécialités, comme les urgences hospitalières, restent sinistrées. Aucun moyen
conséquent n'est prévu pour l'hospitalisation privée, qui voit disparaître
inexorablement des lits : quant à l'hôpital public, il souffre de manière
chronique d'un manque de personnel, accentué par la mise en place des 35
heures, qui, au demeurant, n'est pas financée. Notre retard en matière
d'imagerie médicale est regrettable.
S'agissant de l'industrie pharmaceutique, dont le développement doit être
apprécié sur le plan international, la sanction confiscatoire qui lui est
désormais appliquée ne peut qu'amoindrir sa compétitivité et menace directement
sa capacité à investir dans la recherche fondamentale.
Les professions de santé perçoivent comme une atteinte directe, inadmissible
et lourde de menaces pour leur déontologie les pénalités collectives qui leur
sont appliquées. Les médecins sont contraints à des quotas arbitraires de
prestations, sans rapport avec les pathologies auxquelles ils sont confrontés,
tandis que, depuis peu, kinésithérapeutes, biologistes et radiologues voient
leurs honoraires rognés, sans qu'il soit tenu compte des investissements
souvent lourds que nécessite leur profession.
De même, les 500 000 personnes qui, en France, souffrent de la maladie
d'Alzheimer réclament en vain la reconnaissance de celle-ci et son inscription
sur la liste des trente affections de longue durée de la sécurité sociale. Je
regrette que la proposition de loi déposée au Sénat par mon collègue Alain
Vasselle, et que j'ai cosignée, n'aboutisse pas.
Permettez-moi un mot également sur l'amendement voté à l'article 36
bis
du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, autorisant la transmission
des prélèvements aux laboratoires par les centres de santé, les médecins et
infirmiers. Le souci de qualité et de sécurité des analyses ainsi que la
responsabilité totale du biologiste ne permettent pas d'autoriser cette
extension.
La limitation des crédits concernant les médicaments nécessaires aux
chimiothérapies, comme ceux qui concernent l'asthme, méconnaît gravement les
douloureuses réalités sous-tendues par ces traitements, certes longs et coûteux
mais dont dépend la survie de nombreux patients.
Il faudrait sûrement poursuivre plus avant cette énumération si l'on voulait
être exhaustif, mais ces quelques exemples suffisent à montrer le chemin qui
nous reste à parcourir si nous voulons conserver à notre système de santé
l'efficacité que nos concitoyens sont en droit d'attendre.
J'en terminerai par la branche famille du projet de loi, lourdement taxée par
le transfert de l'allocation de rentrée scolaire comme par la décision
unilatérale de transférer à la charge de la caisse nationale des allocations
familiales, la CNAF, le coût de la majoration annoncée des pensions de retraite
accordée aux parents ayant élevé au moins trois enfants.
Si l'on peut être satisfait de la plus que nécessaire revalorisation des
pensions à hauteur de 2,2 %, il paraît discriminatoire de traiter les familles
différemment ; elles ne devraient, en effet, bénéficier que d'une hausse de 1,8
% des allocations familiales. Celles-ci, en dix ans, ont augmenté moins vite
que les prix.
Le 6 avril dernier, à Nantes, le Président de la République rappelait les
principes qui doivent conduire un nouvel élan de notre politique familiale.
Cet élan nécessite des moyens importants. C'est notre devoir d'aider les
familles à réaliser le désir d'un deuxième ou d'un troisième enfant, c'est
notre responsabilité d'exiger que les décisions idoines s'élaborent dans la
concertation la plus large, avec les représentants des associations concernées
au sein de la CNAF.
Pour conclure, le Gouvernement nous a habitués à arbitrer de tout et,
profitant de sa majorité à l'Assemblée nationale, à légiférer plutôt que de
favoriser la concertation et de développer une politique contractuelle avec les
partenaires sociaux. Qu'il prenne garde à ce que son refus d'assumer ses
responsabilités dans le grand débat nécessaire et urgent sur les retraites, sur
l'assurance maladie et sur la politique familiale, ne conduise rapidement la
France au bord du gouffre financier.
M. Claude Domeizel.
Il exagère un peu !
M. Robert Calméjane.
Il ne sera plus temps, alors, de sauver notre système de protection sociale,
dont chaque Français considère qu'il s'agit d'une spécificité à conserver dans
l'Europe en marche.
La croissance peut ne pas être durable et, comme le soulignait récemment le
Premier président de la Cour des comptes, la situation demeure fragile et par
trop liée à la conjoncture. Des réformes de structures sont indispensables, que
le Gouvernement ne pourra différer par simple réaction électoraliste.
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président.
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet.
Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien
qu'il s'agisse de la discussion générale d'un projet de loi de financement,
dans mon intervention, je parlerai très peu de chiffres, faisant confiance à
nos rapporteurs et souscrivant à leurs critiques et à leurs propositions.
En revanche, constatant la crise grave et durable que connaît notre système de
santé, crise que traduisent les échecs successifs de l'ONDAM, crise qui nourrit
le profond mal-être des professions de santé, j'en analyserai les causes avant
de suggérer quelques remèdes.
En outre, je n'aurai garde d'oublier que je préside le conseil de surveillance
de la caisse nationale des allocations familiales. A ce titre, sans empiéter
sur les prérogatives de notre excellent rapporteur, Jean-Louis Lorrain, je
formulerai quelques observations sur la branche famille.
L'échec de l'ONDAM est le signe le plus visible de l'échec du système de
santé.
La vanité de notre débat est de plus en plus évidente. L'année 2000 aura
confirmé, comme beaucoup d'entre nous l'avaient d'ailleurs annoncé l'an
dernier, l'absence de portée réelle de la fixation de l'ONDAM par le Parlement.
Dès le mois de mars, en effet, sous la pression des mouvements sociaux
déclenchés par les personnels des hôpitaux publics, les mesures que vous avez
prises ont rendu tout à fait obsolète le vote émis par le Parlement cinq mois
plus tôt !
Malgré les demandes réitérées de notre rapporteur, aucune loi de financement
rectificative ne nous a permis de débattre du bien-fondé de ces mesures. Cela
signifie à l'évidence que, pour le Gouvernement, le débat annuel sur le
financement de la sécurité sociale n'est qu'un simulacre, et que le Parlement
est largement dépossédé de son pouvoir.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
Très bien !
M. Claude Huriet.
A vrai dire, dans les conditions actuelles, l'ONDAM ne peut qu'échouer, pour
quatre raisons : c'est une démarche comptable qui ne prend en compte ni les
besoins de santé ni les évolutions qu'ils connaissent nécessairement ; il
institue une régulation par la contrainte et non par incitation ; la gestion du
système de santé est hypercentralisée, hyperadministrée et, par là,
déresponsabilisante ; enfin, la mise en place, à travers la CSG, de deux
financements de nature et d'assiette différentes a généré un système bicéphale,
à double commande et, qui plus est, conflictuel !
Les besoins de santé ne sont pas pris en compte et, par exemple, les priorités
retenues par les conférences régionales de santé ou les états généraux n'ont
pratiquement aucune traduction financière, si ce n'est très marginale, dans
l'affectation des enveloppes.
La Cour des comptes formule d'ailleurs quelques observations critiques à ce
sujet !
Les évolutions prévisibles et inéluctables en matière de besoins de santé ne
sont même pas prises en considération. J'en donnerai deux exemples : celui des
traitements anticancéreux et celui des mesures imposées aux établissements
hospitaliers au titre de la sécurité.
Le coût des nouveaux traitements contre le cancer a connu une augmentation de
150 % en cinq ans et l'arrivée de nouvelles molécules, sans compter l'arrivée
prochaine de la thérapie génique, va accélérer cette progression, gage de
progrès thérapeutique.
Selon les professionnels concernés, on peut, en 2000, estimer à 1,4 milliard
de francs l'augmentation des dépenses liées à l'utilisation des taxanes et des
nouveaux anticorps monoclonaux. En 2001 et 2002, les taxanes devenant des
standards dans le traitement initial du cancer du sein, il faudra prévoir une
enveloppe supplémentaire d'un milliard de francs rien que pour cette
pathologie.
Pensez-vous, madame le secrétaire d'Etat, qu'une telle évolution, qui ne peut
être liée ni à des effets de mode ni à des prescriptions abusives, soit
compatible avec le respect d'un ONDAM et d'une enveloppe fermée pour les
dépenses de médicaments ?
Les exigences de plus en plus fortes de nos concitoyens en matière de sécurité
amènent votre administration à se « couvrir » par des circulaires et divers
textes réglementaires dès qu'un incident lui est signalé. Qui vous le
reprocherait ?
La question se pose toutefois des moyens financiers que peuvent dégager les
établissements, privés de toute élasticité budgétaire, pour répondre en cours
d'exercice à vos injonctions. S'agissant, par exemple, de la maternité
universitaire de Nancy, que je préside, cet établissement doit faire face à un
alourdissement de ses coûts de plus de 5 millions de francs, que sa dotation ne
prend pas en charge, pour pouvoir assurer les nouvelles normes de sécurité pour
l'utilisation des médicaments, des produits sanguins labiles et des dispositifs
médicaux, la stérilisation, la sécurité anesthésique, les bonnes pratiques
cliniques et biologiques de l'assistance médicale à la procréation, la gestion
des déchets et le repos de sécurité des praticiens hospitaliers.
Si le surcoût ne peut être immédiatement financé pour ces mesures de sécurité,
dont je répète qu'elles sont tout à fait justifiées - mais encore faut-il que
les établissements aient la possibilité de les mettre en oeuvre - qui portera
la responsabilité en cas de survenue d'un incident ou d'un accident ?
La régulation par la contrainte a indiscutablement échoué. Les dépassements de
l'ONDAM, malgré les mesures autoritaires successives, en témoignent, et les
chiffres ont été évoqués à plusieurs reprises au cours de cette discussion
générale : plus 9,8 milliards de francs en 1998, plus 11,3 milliards en 1999,
plus 13,2 milliards de francs en 2000, malgré le « rebasage ».
Les sanctions, qu'elles soient collectives ou catégorielles, entraînent des
effets pervers qui devraient inciter le Gouvernement à « changer son fusil
d'épaule », pour revenir, par exemple, aux références médicales opposables, qui
commençaient à porter leurs fruits en 1994 quand le Gouvernement les a
pratiquement abandonnées, ou du moins na pas engagé en leur faveur une action
faisant preuve de sa détermination. Qui se souvient qu'en 1994, pour un
objectif prévisionnel fixé à plus 3,6 %, les dépenses de la médecine libérale
n'ont augmenté que de 1,9 % ? Ce n'était pas, à l'époque, le résultat de seules
mesures d'autorité !
Un système très centralisé ne peut qu'apporter des réponses globales à des
situations disparates. Il ne peut tenir compte des disparités régionales qui,
comme chacun peut le constater, loin de disparaître, ont plutôt tendance à
s'aggraver.
Toute adaptation est impossible et toute expérimentation interdite : il suffit
de constater les résultats décevants de la commission Soubie en matière de
développement des réseaux !
Un système très centralisé décourage l'initiative et déresponsabilise les
acteurs et les bénéficiaires du système, dont les efforts éventuels en matière
de bon usage des soins ne pourront être récompensés faute de pouvoir être
reconnus.
C'est un système dont l'inertie a des effets redoutables dans un monde qui
bouge vite. Je n'en citerai qu'un exemple, mais il est révélateur : la mise en
oeuvre de la réduction du temps de travail dans les établissements hospitaliers
privés a abouti à la création de 7,3 % d'emplois supplémentaires, en
particulier d'emplois infirmiers. Une demande forte a été ainsi créée, alors
même que les mesures prévues en début d'année ont entraîné un important flux
d'infirmiers du privé vers le public et que les quotas d'entrée dans les écoles
de formation n'ont été augmentés que pour la rentrée 2000-2001 : 27 000 places
ont été offertes pour cette rentrée, contre 18 000 précédemment.
Comment pourrait-on ne pas se réjouir de cette augmentation ? Mais comment ne
pas s'interroger aussi sur les conditions d'urgence, voire d'improvisation, qui
ont présidé à cette décision, alors que, vous le savez, madame le secrétaire
d'Etat, les structures actuelles de formation pour les personnels en soins
infirmiers n'ont pas une capacité suffisante ?
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Bien sûr !
M. Claude Huriet.
Il en résulte que le personnel qualifié qui sortira des écoles pour les quatre
années à venir sera notablement insuffisant pour couvrir les besoins : on
estime en effet à plus de 18 000 le déficit global des postes d'infirmier.
Gouverner, c'est prévoir... Or aucune prévision des besoins, pourtant
relativement facile dans ce domaine, n'a été réalisée. A qui la faute ?
Par ailleurs, la dualité du financement, impôt et cotisation, porte en germe
des conflits d'autorité dont les derniers mois ont montré maints exemples. Le
partage des tâches entre l'Etat - l'hôpital - et la CNAMTS - les soins de ville
-, contre lequel nous avions été nombreux à nous élever l'an passé, a été
source de tensions et d'incompréhension.
Conçu voilà plus de cinquante ans, le système s'est avéré incapable de
s'adapter aux évolutions économiques et sociales, aux aspirations nouvelles du
citoyen, aux possibilités de la médecine. Le bilan est donc, pour l'heure,
presque entièrement négatif.
Les relations entre les différents partenaires sont si profondément dégradées
qu'aucune amélioration durable ne peut être attendue de simples « rafistolages
», tant les fondations sont désormais fragilisées : remise en cause de la
gestion paritaire, précarité du régime conventionnel, perte de confiance des
partenaires.
Les professionnels de santé sont désabusés ; pris par leur vocation qui les
porte à assurer aux malades les meilleurs soins « conformes aux données de la
science », ils se sentent déconsidérés, étant de plus en plus souvent la cible
des pouvoirs publics, de la sécurité sociale, du juge... et des malades
insatisfaits. A l'obligation de moyens, souvent incompatible avec les exigences
de la maîtrise comptable, s'ajoute désormais l'obligation de résultat.
Face à une telle dégradation, qui devrait inquiéter tous les responsables,
mieux vaut éviter de recourir à des faux remèdes et de se payer de mots tels
que « démocratie sanitaire », alors que, comme je l'ai dit précédemment, le
Parlement est pratiquement dessaisi de son pouvoir en ce domaine et que les
avis des instances consultatives ne sont que très peu suivis d'effet. C'est
berner ceux qui, en toute bonne foi, s'impliquent dans les conférences de santé
ou les états généraux, comme l'illustre l'exemple du dépistage du cancer
recto-colique.
J'avais rappelé, à l'occasion d'une question orale, le 27 juin dernier, que le
dépistage de ce cancer avait été retenu comme une priorité de santé publique
par la conférence nationale de santé en 1997. En décembre 1998, la loi de
financement de la sécurité sociale pour 1999, dans son article 20, avait prévu
la mise en oeuvre de programmes de dépistage. Deux ans plus tard, le projet de
cahier des charges n'a pas encore été validé et la généralisation du dépistage
est annoncée pour 2005, alors qu'il s'agissait, je le rappelle, d'une priorité
retenue par la conférence nationale de santé.
Cet exemple, qui n'est pas exceptionnel, illustre la portée vraiment
insuffisante des propositions faites par la conférence nationale de santé au
nom de la démocratie sanitaire.
Vous aviez parlé d'« accélération du calendrier » dans votre réponse à ma
question, en juin dernier, madame la secrétaire d'Etat. Pouvez-vous,
aujourd'hui, faire le point sur l'accélération intervenue depuis six mois ?
Piège des mots encore, lorsqu'on évoque de plus en plus souvent, désormais, la
régionalisation, sans toutefois en définir le contenu. Alors qu'ont été conçus,
depuis 1996, les « outils » qui devraient permettre la mise en oeuvre d'une
véritable politique régionale de santé à laquelle les conférences de santé
pourraient apporter une contribution effective - agences régionales
d'hospitalisation, unions régionales des caisses d'assurance maladie, unions
régionales des médecins libéraux, conférences régionales de santé, etc. - on
s'en tient à une déconcentration qui ne corrige en rien les défauts et les
faiblesses du système que j'ai évoqués précédemment.
L'application des quatre « maîtres mots » sur lesquels pourraient se
construire une nouvelle organisation et une nouvelle gestion du système, à
savoir concertation, contractualisation, évaluation et, le cas échéant,
sanction, serait, à l'évidence, plus aisée au niveau régional, où une juste
appréhension des besoins de santé pourrait enfin être réalisée.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est vrai !
M. Claude Huriet.
Plus le temps passe, plus j'ai la conviction que seul un changement
fondamental de notre système permettra d'en éviter la faillite, qui aboutirait
soit à une nationalisation de la médecine, soit à la privatisation de
l'assurance maladie.
En tant que président du conseil de surveillance de la Caisse nationale des
allocations familiales, il m'est impossible de ne pas évoquer la modification
du périmètre des charges et des moyens de ladite caisse, point qui a déjà été
développé par plusieurs de mes collègues.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 marque bien
que le sort des familles et une authentique politique familiale ne constituent
pas une préoccupation majeure du Gouvernement.
M. Jacques Oudin.
C'est exact !
M. Claude Huriet.
Logiquement, les excédents dégagés par la branche auraient dû être réaffectés
au financement des mesures favorables aux familles.
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Faut-il rappeler, après d'autres, madame la secrétaire d'Etat, que, depuis des
années, la position constante de la commission des affaires sociales, suivie
par notre assemblée, consiste à poser comme principe intangible la séparation
des branches ?
M. Alain Gournac.
Très bien !
M. Claude Huriet.
Cette séparation a, une nouvelle fois, été mise en cause.
Les familles ne seront pas associées aux fruits de la croissance ; les
retraités, jugés comme étant une population électoralement plus « payante »,
ont été mieux traités. Tant mieux pour eux, tant pis pour les familles !
Notre rapporteur, mon collègue et ami Charles Descours, a raison : cette loi
de financement n'a qu'un seul objectif, assurer le financement du FOREC, le
fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité
sociale, fût-ce au détriment des familles.
Chacun peut en juger : suppression de la part du prélèvement de 2 % sur les
revenus du patrimoine qui était affectée à la CNAF, soit une perte de 1,4
milliard de francs ; transfert sur le budget de la CNAF d'une partie du coût
des majorations de retraite de base accordées aux parents ayant élevé trois
enfants, soit 2,9 milliards de francs ; accélération du transfert de la
majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui devait s'étaler sur trois
ou quatre ans, comme annoncé lors de la conférence de la famille, soit une
charge de la branche de 6,6 milliards de francs supplémentaires.
Tout ce montage a été fait sans aucune concertation, mettant les responsables
de l'institution et les partenaires sociaux devant le fait accompli. C'est la
raison pour laquelle le conseil d'administration, saisi du projet de loi de
financement dans sa séance du 27 septembre 2000, a émis, comme d'ailleurs tous
les conseils des autres organismes de sécurité sociale, un avis défavorable sur
ce texte.
Je me félicite des propositions de notre commission, qui visent à redonner à
la branche famille les moyens que le Gouvernement lui avait pratiquement
confisqués.
Dans ce contexte, je m'inquiète toutefois des conditions dans lesquelles la
convention d'objectifs et de gestion, la COG, qui lie l'Etat et la CNAF et qui
est l'attribution exclusive des conseils de surveillance, convention
actuellement en cours de renégociation, pourra faire l'objet d'un arbitrage qui
tienne davantage compte de l'intérêt des familles que des équilibres,
laborieux, destinés à assurer la pérennité du financement des 35 heures.
Madame le secrétaire d'Etat, vous assumez, avec Mme le ministre, un bien
difficile héritage. Devant l'ampleur des erreurs commises et des maladresses
qui se sont accumulées, je regrette que le gouvernement auquel vous appartenez
ait choisi de privilégier, pour des raisons d'ordre essentiellement idéologique
et politique, la réduction du temps de travail, plutôt que l'intérêt des
familles... ou la lutte contre la pollution !
Pour l'ensemble de ces raisons, vous ne serez pas surprise que le groupe de
l'Union centriste ait décidé de soutenir les propositions de la commission des
affaires sociales et de voter le texte tel qu'il aura été heureusement amendé
par notre assemblée.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, la richesse du débat depuis hier montre, une fois de plus, que les
échanges directs, même s'ils peuvent refléter des divergences fondamentales
dans les conceptions politiques, sont l'assise démocratique de notre
société.
Je me félicite de la qualité des interventions. Je souhaite maintenant y
répondre, pour apporter un certain nombre de précisions, voire pour démentir
certains propos qui n'allaient dans le sens ni de la transparence ni de la
vérité.
M. Jacques Oudin.
Oh !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Joly, vous avez considéré, comme un certain
nombre de vos collègues, que nous discutions non pas d'une loi de financement
de la sécurité sociale mais d'une loi de financement des 35 heures.
M. Jean Chérioux.
On peut effectivement se poser la question.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Eh bien, non ! Nous discutons bien du projet de loi de
financement de la sécurité sociale.
La contribution sociale sur les bénéfices n'est pas relevée, contrairement à
ce que j'ai entendu à plusieurs reprises, et la situation est stabilisée.
Le pouvoir d'achat des prestations familiales n'a pas baissé non plus. Au
contraire, il a bénéficié d'un coup de pouce de 0,3 % cette année, ce qui
tranche avec le gel des bases mensuelles d'allocations familiales qui a prévalu
de 1993 à 1997.
En ce qui concerne l'ONDAM, le Gouvernement n'entend pas rationner les soins ;
nous appliquons un dispositif global qui a été défini et mis en oeuvre par un
gouvernement qui avait, en son temps, le soutien de la majorité sénatoriale.
Vous ne pouvez pas, messieurs, avoir approuvé un système à une certaine époque
et refuser d'en tirer les conséquences aujourd'hui !
M. Jacques Oudin.
Vous déviez du débat !
M. Alain Gournac.
Tout évolue !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Vous avez dit que nous n'avions pas de politique de
santé publique. C'est faux ! A plusieurs reprises, aussi bien Mme Guigou que
moi-même vous avons précisé - nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de
l'examen des articles - les programmes que nous avons lancés en ce qui concerne
la prévention du cancer, les greffes et les prélèvements, la stérilisation...
(Murmures sur les travées du RPR.)
L'enveloppe hospitalière accordée, cette année, à la santé publique n'aura
jamais été aussi importante, puisqu'elle atteindra 2 milliards de francs.
Plusieurs d'entre vous, et M. Joly le premier, ont évoqué la démographie
médicale. La réflexion sur ce thème est engagée dans un groupe constitué de
représentants de la direction générale de la santé, de la direction de
l'hospitalisation et de l'offre de soins, et de l'éducation nationale. Ce
groupe devra proposer, dès le début de l'année prochaine, des scénarios que
nous aurons à étudier dans la plus grande transparence.
Depuis trois ans, des mesures de première importance ont été prises en matière
de démographie médicale pour répondre au constat de déséquilibre que nous
n'avons pas manqué d'observer dans certains secteurs.
Les spécialités sensibles ont été fléchées dès 1998, ce qui se traduit par une
augmentation du nombre de médecins formés, notamment en anesthésie-réanimation,
en gynécologie et en pédiatrie.
(M. Dominique Leclerc s'exclame.)
Le
numerus clausus
a été et continue d'être progressivement relevé,
avec une augmentation de 130 places en 1999, de 150 places en 2000 et de 250
places en 2001.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Le niveau de 4 100 étudiants en
médecine a ainsi été atteint pour l'année 2000-2001.
L'attractivité des carrières médicales hospitalières a été renforcée grâce à
un effort sans précédent. On constate d'ailleurs, actuellement, une diminution
des postes vacants, le taux étant tombé de 8 % en 1998 à 4 % en 1999.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On a fermé des services
dans les hôpitaux généraux !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Oui, mais le nombre de postes n'a pas été modifié,
monsieur le président !
M. Alain Gournac.
Allez sur le terrain ! Allez visiter les hôpitaux !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le nombre de postes de médecins n'a pas été diminué et
les postes vacants sont pourvus.
M. Dominique Leclerc.
Ce n'est pas vrai ! C'est scandaleux !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Pour la première fois, les pouvoirs publics ont pris
des mesures d'une ampleur très importante pour les praticiens hospitaliers :
1,3 milliard de francs sont ainsi consacrés aux médecins des hôpitaux
publics.
Certes, on peut toujours estimer que ce n'est pas suffisant, mais c'est la
première fois qu'un effort de cette ampleur a été consenti. Les médecins le
savent !
(Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Lesquels ?
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Ils nous en sont reconnaissants.
M. Marcel-Pierre Cléach.
Ils en ont l'air !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Comparez avec ce qui été fait dans les années
précédentes !
Monsieur Fischer, je tiens à vous remercier du soutien que vous avez apporté à
la politique familiale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous n'êtes pas rancunière !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je sais que ce n'est pas nouveau puisque nous avons eu
l'occasion de travailler ensemble sur ce sujet.
Vous vous êtes inquiété du contenu du plan « crèches ». Ce plan va se
développer en concertation avec le groupe de travail que Mme Ségolène Royal
anime à son ministère. Elle aura l'occasion de vous en parler quand elle
viendra présenter les articles qui concernent la politique familiale.
Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons déjà 1,5 milliard de francs du
fonds national d'action sociale de la CNAF et qu'il faut les utiliser au mieux.
Avec cette somme, on peut déjà faire beaucoup de choses !
Je sais que la reconnaissance de la famille dès le premier enfant est l'une de
vos vieilles renvendications. Il n'a pas encore été possible de vous suivre,
mais vous reconnaîtrez que nombre de mesures sont mises en oeuvre, avec des
financements élevés, puisque la conférence nationale de la famille a décidé,
cette année, de mobiliser dix milliards de francs. Il convient donc de mesurer
l'ampleur des efforts déployés pour reconnaître aux familles leur véritable
place et leur rôle dans le développement de la cohésion sociale.
Concernant la vieillesse, vous avez justement salué les mesures de
revalorisation du pouvoir d'achat des retraités, notamment des plus modestes
d'entre eux. C'est effectivement une priorité politique sur laquelle le
Gouvernement et sa majorité plurielle ont pu utilement dialoguer à l'Assemblée
nationale, où le groupe communiste a été l'un des artisans de son
affirmation.
Concernant la prestation dépendance, nous sommes à la veille de la revoir pour
la transformer en « allocation pour la vie autonome ».
M. Charles Descours,
rapporteur.
Toujours « à la veille » ! Jamais les lendemains qui chantent
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Vous savez que le Premier ministre attache une
importance primordiale à ce sujet. Il l'a annoncé le 21 mars dernier : ce sera
l'une des priorités de l'action de Mme la ministre de l'emploi et de la
solidarité. Elle-même l'a dit à cette tribune ; elle le redira dans le cours du
débat.
M. Alain Gournac.
Que de priorités !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
S'agissant des maladies professionnelles, nous
partageons, bien sûr, les préoccupations que vous avez exprimées et votre
souhait d'une réforme de cette branche. Vous le savez, les choses sont en train
d'évoluer en ce sens.
Pour ce qui est du remboursement des soins, nous améliorons certaines
prestations, qu'il s'agisse de la lunetterie - la mesure d'extension aux seize
- dix-huit ans annoncée à l'Assemblée nationale a été publiée au
Journal
officiel
hier - ou des prothèses auditives, avec - j'ai déjà eu l'occasion
de le préciser - la prise en charge à 100 % des prothèses auditives pour les
enfants jusqu'à l'âge de vingt ans, soit une prolongation de quatre ans, la
prise en charge totale pour les sourds aveugles et le remboursement des embouts
pour les jeunes enfants, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
En ce qui concerne les soins dentaires, deux nouveaux actes vont être inscrits
à la nomenclature, ce qui représente aussi un progrès notable.
Nous comptons continuer à améliorer la couverture maladie de nos concitoyens,
mais sans renoncer à traquer les dépenses inutiles, les gaspillages, qui, vous
le savez, menacent l'équilibre et la pérennité du dispositif de solidarité.
Monsieur Cazeau, je vous remercie, bien sûr, du soutien très efficace que vous
avez apporté au Gouvernement dans votre intervention. Votre analyse de la
situation actuelle de notre protection sociale est très éclairante. Je vous
remercie d'avoir approuvé les choix de santé publique qui sont ceux du
Gouvernement et je renvoie les participants au débat qui va s'ouvrir dans
quelques instants à votre intervention, qui éclaire bien les choix qui sont
faits dans notre pays.
Monsieur Leclerc, vous avez critiqué les « tuyauteries » diverses et leur
manque de lisibilité, reprenant le vocabulaire de votre rapporteur - je n'ai
donc pas été étonnée d'entendre les propos que vous avez tenus.
Certes, nous pouvons ne pas être d'accord, mais il faut faire la distinction
entre complexité - je la reconnais - et opacité.
Le financement des 35 heures est transparent, justement grâce au FOREC. Si ce
dernier n'existait pas, les flux financiers en cause seraient mélangés au sein
des branches. Alors, ce serait de l'opacité.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Si les 35 heures n'existaient pas, il n'y aurait pas de FOREC
!
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Par ailleurs, nous préférons les transferts de
recettes fiscales pérennes, et c'est pourquoi nous affichons les choses avec
transparence.
Ce que vous regrettez, en fait, monsieur Leclerc, comme M. Descours,
vraisemblablement, c'est que, contrairement à vos prédictions, nous assurons
l'équilibre du FOREC et donc le financement de l'ensemble des exonérations de
charges sociales, notamment celles qui correspondent à la réduction du temps de
travail.
Vous critiquez l'ONDAM, le qualifiant d'objectif comptable. Or, dans une loi
de financement, le Gouvernement est comptable des équilibres. Les choix qu'il
soumet au Parlement expriment le possible et non pas seulement le souhaitable,
qui reste l'apanage de ceux qui ne votent pas les lois ni les budgets. On ne
peut pas, comme vous le dites, s'en tenir à la logique des besoins. Nous devons
faire des choix, définir des priorités, traquer les gaspillages, je le redis,
et utiliser surtout au mieux les ressources mobilisées.
Vous vous êtes inquiété des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique. Nous
ne partageons pas vos inquiétudes ; il suffit de voir l'évolution des cours de
la bourse des valeurs de ce secteur pour être tout à fait rassuré quant à son
avenir.
J'en viens à un sujet sensible, notamment ces jours-ci, celui qui concerne les
propositions que vous avez formulées, monsieur Leclerc, à propos de la maladie
de Creutzfeldt-Jakob.
Je tiens à vous indiquer très précisément que, depuis 1996, contrairement à ce
que vous avez affirmé, la maladie de Creutzfelt-Jakob est une maladie à
déclaration obligatoire. En revanche, elle n'est pas encore aujourd'hui publiée
au bulletin épidémiologique hebdomadaire. Nous travaillons actuellement sur les
conditions de cette publication, qui sera bientôt décidée pour cette maladie
rare et très grave, et qui permettra d'apporter un éclairage sur les différents
cas suspects, probables ou avérés.
Dès 1992, nous avons mis en place un réseau d'étude multidisciplinaire. Le
recueil et l'analyse des données épidémiologiques et cliniques fournies par les
services hospitaliers susceptibles d'accueillir ces malades sont assurés par
l'unité 360 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Un
réseau d'unités spécialisées existe, en lien avec l'Institut de veille
sanitaire. Ce réseau participe à une action concertée européenne, et vous avez
entendu hier que, dans le plan que le Premier ministre a annoncé pour maîtriser
les risques de contamination, figure un volet qui concerne la santé publique et
qui indique bien le renforcement de la recherche sur les maladies à prion, le
développement d'un guide de bonne pratique pour la prise en charge,
l'accompagnement et le soutien des malades et des familles victimes de cette
maladie, et un triplement des crédits consacrés à la recherche dans ce
domaine.
Monsieur Darniche, vous avez critiqué les diverses mesures compensatrices
mises en place cette année et vous vous êtes prononcé contre l'allégement de la
CSG décidé par le Gouvernement en faveur des ménages à revenus modestes.
Quand on cherche à alléger l'impôt des Français, il faut avoir le souci de la
justice fiscale. Or ces ménages ne paient en général ni impôt sur le revenu, ni
taxe d'habitation. En revanche, pour eux, la CSG peut être lourde, d'autant
qu'ils ne bénéficient pas de la déductibilité. C'est pourquoi nous avons décidé
de mettre en place cette ristourne de CSG, qui représentera un treizième mois
pour les personnes qui perçoivent le SMIC.
Concernant la famille, vous avez critiqué telle ou telle mesure financière.
Vous négligez le succès des conférences de la famille, dont la dernière a
décidé d'inscrire 10 milliards de francs de dépenses nouvelles pour les
familles. Cette mesure est d'ores et déjà mise en oeuvre. Il ne s'agit donc pas
simplement d'un effet d'annonce, mais d'une décision actuellement appliquée par
la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Nous sommes comme vous très attachés, monsieur Muzeau, à la répartition. Toute
la politique de ce gouvernement vise à assurer la pérennité de nos régimes de
retraite par répartition. Vous avez pu constater que, à plusieurs reprises, le
Gouvernement s'est engagé fermement sur cette question malgré un contexte
démographique défavorable. C'est pour nous tous, au coeur du pacte social et au
nom de la solidarité entre les générations, une nécessité que de préserver les
acquis et de maintenir un espoir dans l'avenir. Nous préciserons dans les
prochains mois les modalités de fonctionnement et les structures du fonds de
réserve. J'en suis certaine, vous serez alors pleinement rassuré et vous verrez
que nous tenons nos engagements.
Vous avez, monsieur Chabroux, rappelé les mesures annoncées à plusieurs
reprises par le Gouvernement sur la couverture maladie universelle : relèvement
du seuil à 3 600 heures et prolongement des droits des anciens bénéficiaires de
l'aide médicale jusqu'au 30 juin prochain.
Vous avez également souligné les autres avancées que comporte ce projet de loi
de financement de la sécurité sociale en matière de couverture sociale : un
objectif national des dépenses d'assurance maladie fixé à 3,5 % cette année,
des retraites revalorisées de 2,2 %, des mesures sans précédent en faveur de la
petite enfance.
Nous entendons effectivement faire bénéficier tous nos concitoyens de
l'amélioration des comptes de la sécurité sociale. Elle nous permet de financer
une politique familiale ambitieuse, articulée autour de grandes priorités et
financée - contrairement à la politique familiale de 1994, que vous invoquez
souvent, messieurs de la majorité, qui, elle, ne l'était pas. Cette politique
est adaptée aux attentes des familles en matière de garde des jeunes enfants.
Les familles veulent qu'on les aide ; elles veulent que l'Etat participe à
l'organisation de la prise en charge des jeunes enfants.
Le Gouvernement est à l'écoute de nos concitoyens. Il apporte des réponses
concrètes à leurs problèmes quotidiens, dans un souci de justice sociale.
La réforme des aides au logement s'inscrit parfaitement dans cette logique.
Les familles qui en bénéficieront sauront en tirer le meilleur profit et
sauront bien à qui elles doivent témoigner leur gratitude.
Vous nous avez fait part, madame Dieulangard, de votre préoccupation quant à
la réparation des dommages liés à l'amiante. C'est parce qu'il partage vos
analyses que le Gouvernement a mis en place un fonds d'indemnisation permettant
la réparation intégrale des préjudices subis.
Cette mesure fait suite à celles qui ont déjà été prises depuis trois ans pour
améliorer la reconnaissance et la réparation des accidents du travail et
maladies professionnelles, à savoir des délais d'instruction imposés aux
caisses, la révision des tableaux des maladies professionnelles. Les choses
avancent progressivement. De plus, ces mesures sont révisées régulièrement, en
concertation avec les organisations professionnelles, qui nous aident beaucoup
dans la précision de ces dispositifs.
Nous entendons aussi les demandes des associations d'aide aux victimes, qui
plaident pour que soit étendu à toutes les victimes ce que nous faisons sur
l'amiante, parce qu'il y a urgence et que des drames se font jour.
Le professeur Masse, président de la commission des maladies professionnelles
du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels, a ainsi été
récemment chargé d'une mission de réflexion sur l'indemnisation. Elisabeth
Guigou et moi-même serons très attentives à ses conclusions, soyez-en assuré.
J'ai déjà eu l'occasion de vous répondre sur ce point dans cet hémicycle à
l'occasion d'une question orale. Les parlementaires seront associés à l'avancée
de ces réflexions.
M. Neuwirth a critiqué l'insuffisance des actions de santé publique que nous
menons. Il s'est même interrogé sur l'existence réelle du ministère de la
santé. C'est une inquiétude que j'ai souvent entendue de sa part. Je tiens à le
rassurer une nouvelle fois : le ministère de la santé existe, preuve en est le
projet de loi de financement de la sécurité sociale que je défends devant vous
aujourd'hui et au travers duquel nous lançons des actions nouvelles
considérables pour lutter contre le cancer, sujet qui a fait l'objet de la
quasi-totalité de son intervention.
Je vais m'y attarder quelque peu.
Je tiens à rappeler - cela me permet de répondre à M. Huriet, qui, lui aussi,
s'est inquiété de cette question - que, pour la première fois depuis de
nombreuses années, nous développons une approche globale de la lutte contre le
cancer. Dès 1997, prenant conscience de la situation, le Gouvernement a
mobilisé l'ensemble des professionnels concernés : médecins généralistes,
cancérologues, médecins des hôpitaux publics, des centres anticancéreux, du
secteur privé, tous professionnels à qui je veux avant tout rendre hommage pour
leur mobilisation permanente, car c'est grâce à eux que nous avons pu avancer
dans le cadre de cette politique coordonnée et globale de lutte contre le
cancer.
Notre démarche a d'ailleurs été saluée par ces professionnels, qui, vous le
savez, n'ont pas la réputation de se montrer particulièrement indulgents à
l'égard des pouvoirs publics.
Ce plan, vous le reconnaissez, embrasse l'ensemble des questions liées au
cancer.
Je citerai des actions de prévention, qui bénéficient - la précision a été
omise - de plus de 100 millions de francs de mesures nouvelles destinées à
lutter en particulier contre les méfaits du tabac et de l'alcool, qui sont
responsables d'une grande partie des cancers évitables. Je pense à la
généralisation progressive des programmes de dépistage des cancers, en
particulier du cancer du sein - je reviendrai sur ce point - à l'organisation
des services en cancérologie. J'indique que tous les schémas régionaux
d'organisation sanitaire, les SROS, de deuxième génération ont, contrairement à
ce qui a été affirmé, prévu d'organiser la prise en charge du cancer dans des
réseaux structurés.
Je mentionnerai également l'augmentation du nombre d'appareils d'imagerie à
résonance magnétique, les IRM, puisque quatre-vingt-quatorze nouvelles
autorisations ont été délivrées. C'est là une décision sans précédent, même si
nous avons conscience qu'il ne suffit pas d'autoriser l'achat et la mise en
place d'appareils, car il faut aussi permettre leur bon fonctionnement, prévoir
le remplacement des appareils devenus caducs ou vétustes.
Je citerai également l'amélioration de l'accès à de nouvelles technologies,
comme les tomographies à positons, l'augmentation du nombre d'appareils de
radiothérapie ou encore le soutien aux innovations technologiques.
Dès l'année 2001, le programme de médicalisation du système d'information, le
PMSI, tiendra mieux compte des médicaments anticancéreux coûteux, et des
crédits spécifiques seront dégagées pour le financement du progrès médical à
l'hôpital, notamment dans ce domaine qui nous intéresse, à savoir le cancer.
Les malades et leurs familles nous avaient fait part de longue date de leurs
difficultés quotidiennes. Elles ont été entendues : cette année, les nutriments
oraux indispensables pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec
un cancer sont pris en charge, ce qui représente une enveloppe de 100 millions
de francs.
Un programme ambitieux de recrutement de psychologues a également été lancé,
et ce dès cette année, car cette maladie est dure pour ceux qui en souffrent,
pour leurs proches, mais aussi pour ceux qui la soignent. Notre action résolue
de lutte contre la douleur trouve ici tout particulièrement à s'appliquer.
Enfin, bien sûr, parce que cette maladie est encore trop souvent mortelle en
dépit des progrès qui ont été enregistrés, nous poursuivons nos efforts en
matière de soins palliatifs, afin de développer cette activité partout dans
notre pays.
Je sais que M. Neuwirth est particulièrement attaché à la mise en oeuvre
définitive de la loi sur les soins palliatifs. Je l'ai déjà rassuré : le décret
sur l'intervention des professionnels libéraux dans les soins palliatifs, dont
il m'a parlé, est en ce moment soumis à la consultation des professionnels ; il
est donc dans sa phase de finalisation et devrait pouvoir être soumis au
Conseil d'Etat très prochainement.
Par ailleurs, l'autre décret qui était attendu, concernant la reconnaissance
des bénévoles dans l'organisation des soins palliatifs, est paru voilà quelques
semaines.
Je terminerai par le dépistage du cancer du sein, en précisant que ce ne sont
pas 3 millions de francs qui sont consacrés aux trente-deux programmes mis en
place de manière expérimentale, mais 260 millions de francs cette année, et 310
millions de francs l'année prochaine.
Je suis convaincue, et c'est la politique que je mène avec détermination, de
l'absolue nécessité de généraliser ce dépistage.
J'aimerais également vous rappeler l'importance, pour le succès de ces
programmes, de l'implication des professionnels et de la participation de la
population.
C'est pourquoi, là aussi, nous avons mené une large concertation avec les
professionnels, mais aussi avec les associations de femmes impliquées dans ce
combat, comme les comités de femmes, que j'ai, d'ailleurs, rencontrés ici au
Sénat lors de leur première réunion nationale, le mois dernier. Seules des
différences de calendrier ne m'ont pas permis de rencontrer à cette occasion
les sénateurs qui ont apporté leur soutien à cette fédération d'associations de
femmes.
Cette concertation et cette mobilisation nous ont permis, d'ores et déjà, de
définir les programmes, de former les radiologues, d'adapter les
mammographes.
Nous respecterons les délais annoncés et, progressivement, de nouveaux
départements s'engageront dans ces programmes, qui seront évalués. Je compte
que, dès l'année prochaine, le dépistage du cancer du sein soit généralisé sur
l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, monsieur Huriet, vous m'avez interrogée sur le cancer
colorectal, dont le dépistage constitue un véritable enjeu de santé
publique.
C'est une des priorités du plan gouvernemental contre les cancers.
Pour le dépistage du cancer colorectal, le groupe technique mis en place a
établi le cahier des charges. Ses recommandations rejoignent le travail réalisé
par la Société française de gastro-entérologie, qui nous a également remis ses
propositions en mars dernier.
En nous fondant sur ces travaux, nous avons défini, avec les professionnels,
les prochaines étapes, à savoir la mise en place de comités régionaux de
pilotage du dépistage et de structures départementales de gestion, et la
réalisation du dépistage par test hémoccult 2 tous les deux ans chez les
personnes de cinquante à soixante-quatorze ans.
Monsieur Domeizel, vous vous êtes, quant à vous, inquiété spécifiquement de la
démographie médicale en milieu rural. Il y a moins de médecins en zone rurale
qu'en zone urbaine et l'on constate de fortes disparités géographiques en ce
qui concerne la répartition des professionnels sur le territoire. Vous avez
raison de le signaler. C'est une difficulté majeure.
Ce constat tient, vous le savez, à des causes multiples. L'une d'entre elles
repose sur l'isolement, qui rend l'exercice médical difficile dans une zone à
faible densité de population. Cet isolement contribue certainement à dissuader
des professionnels de s'installer en zone rurale.
Nous devons surmonter les difficultés réglementaires qui empêchent les
médecins de s'associer pour couvrir à plusieurs un territoire géographique
donné. Conscient de cette difficulté, que vous soulignez à juste titre et qui
me préoccupe pour plus d'une raison, le ministère de l'emploi et de la
solidarité a lancé une réflexion interministérielle sur la démographie
médicale.
Cette étude a un double objectif. Il s'agit, d'abord, d'adapter les flux de
formation des médecins aux besoins, spécialité par spécialité - ce que
j'évoquais tout à l'heure et qui a fait sourire certains d'entre vous - et,
ensuite, de proposer toutes mesures de nature à permettre qu'en chaque point du
territoire une réponse médicale soit disponible.
Un égal accès aux soins constitue en effet l'un des objectifs majeurs du
Gouvernement. Le pilotage de la démographie médicale est un outil.
Vous avez souligné à juste titre, monsieur le sénateur, que la situation
économique s'est améliorée et permet d'aborder la question des retraites dans
un climat très différent de celui qui prévalait avant 1997. Je rends hommage à
votre sens des responsabilités. Mais l'embellie économique ne doit pas nous
faire oublier que le choc démographique est pour l'avenir, en particulier entre
2020 et 2040.
Les principes que le Gouvernement suivra pour traiter le problème des
retraites sont ceux que vous appelez de vos voeux, à savoir le diagnostic, le
dialogue, la décision.
Je vous remercie du soutien que vous nous avez manifesté à propos de ce projet
de loi, qui, vous le savez, sera, dans les mois qui viennent, l'une des
priorités concrètes du Gouvernement.
M. Alain Gournac.
Encore une priorité !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Gournac, je crois que vous n'êtes pas tout à
fait le mieux placé pour adresser des reproches au Gouvernement, quand on sait
comment les deux gouvernements précédents se sont comportés avec les
familles...
C'est sous ces deux gouvernements, par exemple, que la base mensuelle des
allocations familiales n'a pas été revalorisée, contrairement à ce que
prévoyaient les textes applicables dès cette époque. C'est le gouvernement
actuel qui a dû rattraper le retard et assumer les dettes que lui avait
laissées le précédent gouvernement.
M. Guy Fischer.
Voilà la vérité !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Nous avons trouvé la branche famille en déficit, ce
qui menaçait la pérennité des prestations versées aux familles.
(M. Gournac
s'exclame.)
Nous avons donc agi pour renverser la tendance,
(M. Gournac s'exclame de
nouveau)
et, depuis 1997, les ressources de la branche famille ont augmenté
plus vite que le produit intérieur brut.
M. Alain Gournac.
Eh oui !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Vous nous reprochez de transformer la politique
familiale en politique de lutte contre la pauvreté. La réalité, c'est que nous
aidons plus les familles modestes que les autres.
M. Guy Fischer.
Voilà une autre vérité ! Voilà de la justice.
(M. Gournac s'exclame
encore.)
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Qui nous reprochera d'avoir fait ce choix ? Pour notre
part, nous l'assumons devant la représentation nationale et devant nos
concitoyens. C'est notre honneur et ce sont les valeurs qui fondent notre
engagement politique.
(Protestations sur les travées du RPR.)
Ce n'est pas la même chose, en effet, d'élever des enfants quand on gagne le
SMIC et quand on gagne plusieurs fois le SMIC !
Ce n'est pas ce choix qui empêche le Gouvernement d'aider toutes les familles,
comme en témoignent encore le projet de loi relatif au fonds d'investissement
pour les crèches et le retour à l'universalité des allocations familiales.
Madame Campion, vous avez salué les nombreuses avancées réalisées par le
Gouvernement dans le domaine de la famille pour 2001. Je vous en remercie.
L'effort porte en priorité sur la petite enfance, comme nous l'avions annoncé.
Nous avançons progressivement, après avoir clairement annoncé nos objectifs.
Le Gouvernement s'attache à dégager des priorités et à les satisfaire.
Améliorer les modes de garde, c'est, en particulier, aider les femmes qui
travaillent à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, comme vous
l'avez fort justement souligné.
Aider les femmes à reprendre une activité est important aussi. Vous avez à cet
égard rappelé la création du fonds d'aide à la reprise d'activité des femmes.
Nous entendons en effet aider les familles, toutes les familles, y compris les
familles monoparentales.
M. Calméjane, enfin, a évoqué l'égal accès aux soins pour tous. C'est une
priorité du Gouvernement, une priorité qui sous-tend de nombreuses politiques
menées : la mise en place de la CMU ou notre politique de réduction des
inégalités en matière hospitalière, par exemple.
Par ailleurs, la progression de l'évaluation et de l'accréditation va dans le
sens de la responsabilisation des professionnels que vous appelez de vos
voeux.
Pour ce qui concerne les autres sujets - la démographie et l'imagerie - je n'y
reviens pas, pour abréger mon intervention.
Je m'adresserai maintenant plus particulièrement à M. Huriet.
Monsieur le sénateur, j'ai déjà répondu, indirectement, concernant vos
inquiétudes sur le cancer ; je n'y reviens donc pas non plus.
J'ai noté que vous vous faites le censeur d'un dispositif, l'ONDAM, qui est
issu, je le répète, excusez-m'en, des ordonnances de 1996.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est ce qu'on en fait
qui compte !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement actuel a fixé ce montant pour 2001 à
un niveau qui permettra de financer les mesures que vous appelez de vos
voeux.
L'hôpital bénéficiera de crédits en augmentation de 3,3 % - les cliniques
aussi - pour financer le progrès médical. Il bénéficiera également de crédits
importants afin de favoriser la stérilisation et la désinfection des
matériels.
Je crois savoir que la commission des affaires sociales propose de supprimer
purement et simplement l'ONDAM. Je ne vois guère de cohérence dans tout cela,
monsieur le sénateur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Nous sommes soutenus par les professionnels de santé.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je ne sais pas comment nous pourrons financer les
mesures que vous avez appelé de vos voeux si nous n'avons pas des objectifs de
dépenses qui permettent de tenir nos engagements.
M. Alain Gournac.
Les usines à gaz !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
En ce qui concerne la médecine de ville, monsieur
Huriet, nous avons mis à la disposition des professionnels et des caisses des
outils nouveaux qui s'ajoutent aux RMO, à savoir l'évaluation des pratiques, la
coordination des soins, les accords de bon usage des soins, les contrats de
bonne pratique.
Dans le domaine de la modernisation des pratiques, c'est ce Gouvernement qui a
innové, tout en soutenant une information des professionnels bien mal partie en
1996.
(Protestations sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Alain Gournac.
Ils vous abandonnent !
M. Raymond Courrière.
Nous verrons !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Huriet, nous aurons l'occasion de revenir sur
la question des réseaux à l'article 29, qui répond à nombre de vos
préoccupations.
Le développement des réseaux peut être encouragé par le fonds d'aide à la
qualité des soins de ville que nous avons créé et qui sera mobilisé à cet
effet.
Vous avez enfin évoqué, monsieur le sénateur, la pénurie des personnels
infirmiers et souligné que « gouverner, c'est prévoir ».
Je vous rappelle simplement quelques faits.
En 1997, le nombre des élèves infirmiers avait été diminué. Depuis,
reconnaissez-le, nous avons rectifié le tir et, cette année, nous avons créé 8
000 places supplémentaires d'élèves infirmiers.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il n'y a pas de place dans les écoles !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas sans soulever des problèmes, monsieur le
rapporteur, comme vous le dites vous-même. Cela pose en effet des problèmes en
termes d'accueil, d'encadrement des études.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Tout à fait !
M. Alain Gournac.
C'est le moins qu'on puisse dire !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Nous discutons avec les syndicats des élèves pour
surmonter ces difficultés et être à la hauteur des obligations de
l'organisation du système de soins.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Les effectifs n'ont augmenté que sur le papier, vous le savez
bien, et il n'y a pas un infirmier de plus dans les hôpitaux !
M. Alain Gournac.
Ce ne sont que des paroles ! Je vous invite chez moi, vous verrez !
M. Raymond Courrière.
Ils n'étaient pas très contents de vous en 1997 !
M. le président.
Je vous en prie, mes chers collègues, laissez Mme le secrétaire d'Etat
terminer son exposé, ou demandez à l'interrompre suivant les règles posées par
le règlement !
Madame le secrétaire d'Etat, poursuivez.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Huriet, j'apprécie beaucoup votre
participation à la réflexion des pouvoirs publics dans le domaine de la santé
publique.
M. Alain Gournac.
Toujours des mots !
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
Je regrette d'autant plus, monsieur le sénateur, que,
dans cette intervention, vous ayez laissé prédominer une tendance quelque peu
politicienne pour exprimer votre pensée, que vous ayez usé de slogans
réducteurs.
(Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants.)
Je préfère quand vous laissez parler votre vocation et votre fibre médicale,
nous offrant ainsi un meilleur mode de coopération et de dialogue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je note que nombre de vos interventions
témoignent d'une volonté de débattre au fond des orientations, des conditions
de la définition d'une véritable politique de santé publique. Cet exercice est
bien évidemment limité dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité
sociale, qui traite principalement de l'équilibre des comptes de la sécurité
sociale. Je rappelle à ce propos que seul cet équilibre atteint, cet équilibre
voulu par nos concitoyens, permet de parler plus sereinement de santé
publique.
A cet égard, je voudrais rassurer ceux d'entre vous qui se sont inquiétés à
propos de la discussion du projet de loi de modernisation du système de santé,
qui nous permettra, lui, d'avoir un débat de fond sur la politique de santé
publique.
M. Alain Gournac.
Qui permettra...
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat.
J'ai, certes, employé le futur, monsieur Gournac, mais
ce projet de loi est en gestation. Le Gouvernement en sera bientôt saisi, il
sera examiné en conseil des ministres et il viendra en discussion devant le
Parlement dans le courant de l'année prochaine.
(Applaudissements sur les
travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
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