SEANCE DU 15 NOVEMBRE 2000


FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2001

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 67 (2000-2001) et avis n° 68 (2000-2001).]
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens, au nom de mes collègues, à remercier Gilbert Chabroux pour son excellente intervention sur le budget de la branche famille. Je souhaite poursuivre sa réflexion en insistant sur les critères de justice sociale et de solidarité qui émanent des mesures annoncées.
En mettant en place un ministère délégué à la famille et à l'enfance, Lionel Jospin a d'emblée marqué son attachement à cette valeur fondement de notre société.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 se veut dans la continuité de la politique familiale engagée par le Gouvernement, ces trois dernières années, pour une meilleure justice sociale.
De nombreuses avancées ont été faites. Je citerai, entre autres, la pérennisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, l'extension du bénéfice de l'allocation de rentrée scolaire aux familles d'un enfant, l'augmentation de l'aide au logement, le bénéfice des prestations familiales prolongé jusqu'à vingt ans et le versement du complément familial et des aides au logement jusqu'à vingt et un ans.
En effet, ce volet famille pour 2001 recèle des dispositions novatrices à hauteur de 10,5 milliards de francs, dont 6,8 milliards de francs supportés par la branche famille.
Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale se veut également un projet inscrit « dans son temps », puisqu'il propose une meilleure conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, en mettant en oeuvre des mesures quantitativement et qualitativement cohérentes. L'ensemble de ce dispositif fait réellement acte de solidarité et répond indéniablement aux besoins des familles. Il met en oeuvre les mesures décidées au cours de la Conférence de la famille de juin dernier, et cela est rendu possible grâce à l'excédent budgétaire enfin retrouvé par la branche famille en 1999-2000.
Pour autant, les mesures adoptées ne sauraient être considérées comme un simple saupoudrage ; elles correspondent, en effet, à la volonté politique affirmée d'assurer une aide concentrée sur la petite enfance.
Ainsi faut-il voir, dans le renforcement de l'aide versée aux familles pour l'emploi d'une assistante maternelle, une plus grande équité dans le choix du mode de garde des enfants. Une plus grande souplesse, plus conforme au mode de vie actuel, est ainsi offerte aux parents.
Dans la même optique, la nécessité de concilier, d'une part, les contraintes quotidiennes, notamment celles des femmes, avec les modes de garde collectifs des jeunes enfants, et, d'autre part, la vie familiale avec la vie professionnelle est favorisée par la création d'un fonds exceptionnel d'investissement pour les structures accueillant les enfants de moins de six ans. Ce fonds permettra aussi d'encourager l'innovation, puisque les subventions majorées iront aux structures multi-accueil ou aux structures répondant à des objectifs prioritaires : souplesse de fonctionnement, accueil d'enfants handicapés, classes passerelles entre la crèche et la maternelle pour les enfants âgés de deux et trois ans. Un financement majoré sera également possible lorsque le projet est intercommunal, et ce afin de favoriser la création de services d'accueil en milieu rural.
Ce dispositif donnera une nouvelle impulsion à l'accueil collectif et permettra, lui aussi, d'adapter le service rendu à la diversité des réalités locales.
Dans le cadre d'une politique de soutien aux parents confrontés à la maladie, à l'accident ou au handicap de leur enfant, nous applaudissons la création d'un congé de présence parentale assorti d'une allocation, et ce d'autant plus que cette nouvelle mesure permet d'encourager le partage équitable des responsabilités parentales dans ces situations où le soutien et l'entraide des parents sont indispensables au bien-être de l'enfant.
Faisant suite au prolongement des mesures incitatives à la reprise d'activité, adoptées dans le cadre de la loi sur la lutte contre les exclusions, nous ne pouvons que saluer l'aide au retour à l'emploi des femmes bénéficiaires de l'allocation parentale d'éducation. Le Gouvernement répond ici à une véritable attente des femmes envisageant de reprendre un emploi. Elles vivront cette situation en termes non plus d'obligation mais de choix, ce qui est foncièrement plus satisfaisant tant pour elles que pour leurs enfants.
Cette mesure vient en complément du nouveau dispositif d'aide à la reprise d'activité des femmes, l'ARAF. Depuis le mois de juillet 2000, en effet, une aide, dont la mise en oeuvre a été confiée à l'ANPE, est versée, lors de la reprise d'une activité, aux femmes demandeurs d'emploi non indemnisées, dont les bénéficiaires des minima sociaux, ayant au moins un enfant de moins de six ans. Ce dispositif vise à faciliter le retour à l'emploi en permettant à des femmes en difficulté d'organiser la garde de leurs enfants par une aide au financement des frais générés.
Enfin, ce serait une erreur de vouloir limiter l'action du Gouvernement en faveur des familles à ces différentes mesures qui doivent être replacées dans un contexte plus général : la réduction de la contribution sociale généralisée, la CSG, et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, sur les bas salaires, la réforme des aides au logement, mais aussi la revalorisation du quotient familial, la baisse des taux de l'impôt sur les revenus, et ce n'est qu'un bref aperçu.
Saluons, par ailleurs, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, les grandes avancées du Gouvernement reconnaissant l'intérêt des Français pour leur santé et leur système de soins, avec, notamment, la création d'une agence technique de l'information sur l'hospitalisation et d'un fonds de modernisation sociale des établissements de santé, sans oublier - et nous approuvons cette prise en compte - la création d'un fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante.
Nous nous félicitons donc que la famille, ou plutôt « les familles » - elles sont en effet multiples : nucléaire, recomposée, étendue... - trouvent dans ce budget un ensemble d'initiatives destinées à leur faciliter la vie au quotidien.
La famille porte en elle les germes de l'avenir de notre société. A l'heure où nous allons effectivement entrer dans le troisième millénaire, cette politique familiale généreuse et moderne amène l'espoir d'un passage heureux. Elle offre le gage d'un avenir meilleur pour tous et trouvera encore un écho favorable avec la réforme, en préparation, du code de la famille. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Calméjane.
M. Robert Calméjane. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, débattre de la loi de financement de la sécurité sociale devrait être l'occasion de fixer des objectifs clairs à l'action publique, dans un domaine où chaque Française, chaque Français est directement concerné.
Mais de transferts en comptes spéciaux, des réaffectations de recettes aux compensations diverses, la loi de financement de la sécurité sociale est devenue une alchimie comptable sans véritables règles. On renfloue ainsi la branche retraite avec les excédents de la branche famille, tandis que 16 milliards de francs de recettes sociales diverses sont affectés au financement des 35 heures. C'est intolérable !
Ce projet a d'ailleurs été sanctionné par l'ensemble des partenaires sociaux, lesquels l'ont unanimement rejeté lors de son examen par les différents conseils d'administration des caisses de sécurité sociale.
La branche retraite demeure sous perfusion, faute d'une véritable politique préservant le principe de la répartition ; et ce n'est pas la création d'un observatoire qui résoudra le double problème de l'accroissement de la durée de vie et du déséquilibre entre actifs et inactifs ! Si, par malheur, la même politique devait être poursuivie, il faudrait procéder d'ici à trois ans à une hausse des cotisations de 3,5 points afin de rétablir l'équilibre. Voilà les lendemains qui chantent que cette politique nous prépare !
La branche maladie manque tout autant du véritable projet qu'attendent les Français.
Les exigences du public atteignent aujourd'hui un niveau élevé de qualité, qualité que la vulgarisation scientifique démocratise et systématise. Il n'est donc pas de réponse uniquement comptable ; il y faut une approche globale et responsable qui prenne en compte tous les paramètres de ce véritable problème de société.
L'accès aux soins ne peut être réduit à un simple bien de consommation. Son coût relatif procède d'un choix éthique entre l'espoir et le renoncement. Pour cela, seule une concertation entre l'Etat et les professions de santé peut répondre à un juste équilibre.
Toute autre démarche, notamment l'autoritarisme déployé par l'actuel gouvernement, s'avère désastreuse. Cet autoritarisme décourage les professionnels et grippe le système au détriment des patients : nous avons tous à l'esprit ces examens impossibles à prescrire parce que le médecin a dépassé son quota annuel, ces opérations retardées parce que l'hôpital a épuisé son budget. La médecine est incompatible avec une comptabilité d'épicerie et ne saurait plus longtemps répondre à des critères de rentabilité.
M. Raymond Courrière. Il faut le dire à Juppé !
M. Robert Calméjane. M. Jacques Chirac, recevant récemment les représentants du Centre national des professionnels de santé, le soulignait : « Les mécanismes de responsabilités collectives ont correspondu à une période de crise financière et de transition, il faut passer aujourd'hui à un système de responsabilité librement consenti, individuel et contractuel, fondé sur la recherche du meilleur soin et sur l'évaluation des pratiques. »
L'absence d'une telle volonté de réforme de la part du Gouvernement conduit à un vide dangereux dans le domaine de la prévention et de l'éducation à la santé ; rien ne vient résoudre les problèmes de démographie médicale, et certaines spécialités, comme les urgences hospitalières, restent sinistrées. Aucun moyen conséquent n'est prévu pour l'hospitalisation privée, qui voit disparaître inexorablement des lits : quant à l'hôpital public, il souffre de manière chronique d'un manque de personnel, accentué par la mise en place des 35 heures, qui, au demeurant, n'est pas financée. Notre retard en matière d'imagerie médicale est regrettable.
S'agissant de l'industrie pharmaceutique, dont le développement doit être apprécié sur le plan international, la sanction confiscatoire qui lui est désormais appliquée ne peut qu'amoindrir sa compétitivité et menace directement sa capacité à investir dans la recherche fondamentale.
Les professions de santé perçoivent comme une atteinte directe, inadmissible et lourde de menaces pour leur déontologie les pénalités collectives qui leur sont appliquées. Les médecins sont contraints à des quotas arbitraires de prestations, sans rapport avec les pathologies auxquelles ils sont confrontés, tandis que, depuis peu, kinésithérapeutes, biologistes et radiologues voient leurs honoraires rognés, sans qu'il soit tenu compte des investissements souvent lourds que nécessite leur profession.
De même, les 500 000 personnes qui, en France, souffrent de la maladie d'Alzheimer réclament en vain la reconnaissance de celle-ci et son inscription sur la liste des trente affections de longue durée de la sécurité sociale. Je regrette que la proposition de loi déposée au Sénat par mon collègue Alain Vasselle, et que j'ai cosignée, n'aboutisse pas.
Permettez-moi un mot également sur l'amendement voté à l'article 36 bis du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, autorisant la transmission des prélèvements aux laboratoires par les centres de santé, les médecins et infirmiers. Le souci de qualité et de sécurité des analyses ainsi que la responsabilité totale du biologiste ne permettent pas d'autoriser cette extension.
La limitation des crédits concernant les médicaments nécessaires aux chimiothérapies, comme ceux qui concernent l'asthme, méconnaît gravement les douloureuses réalités sous-tendues par ces traitements, certes longs et coûteux mais dont dépend la survie de nombreux patients.
Il faudrait sûrement poursuivre plus avant cette énumération si l'on voulait être exhaustif, mais ces quelques exemples suffisent à montrer le chemin qui nous reste à parcourir si nous voulons conserver à notre système de santé l'efficacité que nos concitoyens sont en droit d'attendre.
J'en terminerai par la branche famille du projet de loi, lourdement taxée par le transfert de l'allocation de rentrée scolaire comme par la décision unilatérale de transférer à la charge de la caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, le coût de la majoration annoncée des pensions de retraite accordée aux parents ayant élevé au moins trois enfants.
Si l'on peut être satisfait de la plus que nécessaire revalorisation des pensions à hauteur de 2,2 %, il paraît discriminatoire de traiter les familles différemment ; elles ne devraient, en effet, bénéficier que d'une hausse de 1,8 % des allocations familiales. Celles-ci, en dix ans, ont augmenté moins vite que les prix.
Le 6 avril dernier, à Nantes, le Président de la République rappelait les principes qui doivent conduire un nouvel élan de notre politique familiale.
Cet élan nécessite des moyens importants. C'est notre devoir d'aider les familles à réaliser le désir d'un deuxième ou d'un troisième enfant, c'est notre responsabilité d'exiger que les décisions idoines s'élaborent dans la concertation la plus large, avec les représentants des associations concernées au sein de la CNAF.
Pour conclure, le Gouvernement nous a habitués à arbitrer de tout et, profitant de sa majorité à l'Assemblée nationale, à légiférer plutôt que de favoriser la concertation et de développer une politique contractuelle avec les partenaires sociaux. Qu'il prenne garde à ce que son refus d'assumer ses responsabilités dans le grand débat nécessaire et urgent sur les retraites, sur l'assurance maladie et sur la politique familiale, ne conduise rapidement la France au bord du gouffre financier.
M. Claude Domeizel. Il exagère un peu !
M. Robert Calméjane. Il ne sera plus temps, alors, de sauver notre système de protection sociale, dont chaque Français considère qu'il s'agit d'une spécificité à conserver dans l'Europe en marche.
La croissance peut ne pas être durable et, comme le soulignait récemment le Premier président de la Cour des comptes, la situation demeure fragile et par trop liée à la conjoncture. Des réformes de structures sont indispensables, que le Gouvernement ne pourra différer par simple réaction électoraliste. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, bien qu'il s'agisse de la discussion générale d'un projet de loi de financement, dans mon intervention, je parlerai très peu de chiffres, faisant confiance à nos rapporteurs et souscrivant à leurs critiques et à leurs propositions.
En revanche, constatant la crise grave et durable que connaît notre système de santé, crise que traduisent les échecs successifs de l'ONDAM, crise qui nourrit le profond mal-être des professions de santé, j'en analyserai les causes avant de suggérer quelques remèdes.
En outre, je n'aurai garde d'oublier que je préside le conseil de surveillance de la caisse nationale des allocations familiales. A ce titre, sans empiéter sur les prérogatives de notre excellent rapporteur, Jean-Louis Lorrain, je formulerai quelques observations sur la branche famille.
L'échec de l'ONDAM est le signe le plus visible de l'échec du système de santé.
La vanité de notre débat est de plus en plus évidente. L'année 2000 aura confirmé, comme beaucoup d'entre nous l'avaient d'ailleurs annoncé l'an dernier, l'absence de portée réelle de la fixation de l'ONDAM par le Parlement. Dès le mois de mars, en effet, sous la pression des mouvements sociaux déclenchés par les personnels des hôpitaux publics, les mesures que vous avez prises ont rendu tout à fait obsolète le vote émis par le Parlement cinq mois plus tôt !
Malgré les demandes réitérées de notre rapporteur, aucune loi de financement rectificative ne nous a permis de débattre du bien-fondé de ces mesures. Cela signifie à l'évidence que, pour le Gouvernement, le débat annuel sur le financement de la sécurité sociale n'est qu'un simulacre, et que le Parlement est largement dépossédé de son pouvoir.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Très bien !
M. Claude Huriet. A vrai dire, dans les conditions actuelles, l'ONDAM ne peut qu'échouer, pour quatre raisons : c'est une démarche comptable qui ne prend en compte ni les besoins de santé ni les évolutions qu'ils connaissent nécessairement ; il institue une régulation par la contrainte et non par incitation ; la gestion du système de santé est hypercentralisée, hyperadministrée et, par là, déresponsabilisante ; enfin, la mise en place, à travers la CSG, de deux financements de nature et d'assiette différentes a généré un système bicéphale, à double commande et, qui plus est, conflictuel !
Les besoins de santé ne sont pas pris en compte et, par exemple, les priorités retenues par les conférences régionales de santé ou les états généraux n'ont pratiquement aucune traduction financière, si ce n'est très marginale, dans l'affectation des enveloppes.
La Cour des comptes formule d'ailleurs quelques observations critiques à ce sujet !
Les évolutions prévisibles et inéluctables en matière de besoins de santé ne sont même pas prises en considération. J'en donnerai deux exemples : celui des traitements anticancéreux et celui des mesures imposées aux établissements hospitaliers au titre de la sécurité.
Le coût des nouveaux traitements contre le cancer a connu une augmentation de 150 % en cinq ans et l'arrivée de nouvelles molécules, sans compter l'arrivée prochaine de la thérapie génique, va accélérer cette progression, gage de progrès thérapeutique.
Selon les professionnels concernés, on peut, en 2000, estimer à 1,4 milliard de francs l'augmentation des dépenses liées à l'utilisation des taxanes et des nouveaux anticorps monoclonaux. En 2001 et 2002, les taxanes devenant des standards dans le traitement initial du cancer du sein, il faudra prévoir une enveloppe supplémentaire d'un milliard de francs rien que pour cette pathologie.
Pensez-vous, madame le secrétaire d'Etat, qu'une telle évolution, qui ne peut être liée ni à des effets de mode ni à des prescriptions abusives, soit compatible avec le respect d'un ONDAM et d'une enveloppe fermée pour les dépenses de médicaments ?
Les exigences de plus en plus fortes de nos concitoyens en matière de sécurité amènent votre administration à se « couvrir » par des circulaires et divers textes réglementaires dès qu'un incident lui est signalé. Qui vous le reprocherait ?
La question se pose toutefois des moyens financiers que peuvent dégager les établissements, privés de toute élasticité budgétaire, pour répondre en cours d'exercice à vos injonctions. S'agissant, par exemple, de la maternité universitaire de Nancy, que je préside, cet établissement doit faire face à un alourdissement de ses coûts de plus de 5 millions de francs, que sa dotation ne prend pas en charge, pour pouvoir assurer les nouvelles normes de sécurité pour l'utilisation des médicaments, des produits sanguins labiles et des dispositifs médicaux, la stérilisation, la sécurité anesthésique, les bonnes pratiques cliniques et biologiques de l'assistance médicale à la procréation, la gestion des déchets et le repos de sécurité des praticiens hospitaliers.
Si le surcoût ne peut être immédiatement financé pour ces mesures de sécurité, dont je répète qu'elles sont tout à fait justifiées - mais encore faut-il que les établissements aient la possibilité de les mettre en oeuvre - qui portera la responsabilité en cas de survenue d'un incident ou d'un accident ?
La régulation par la contrainte a indiscutablement échoué. Les dépassements de l'ONDAM, malgré les mesures autoritaires successives, en témoignent, et les chiffres ont été évoqués à plusieurs reprises au cours de cette discussion générale : plus 9,8 milliards de francs en 1998, plus 11,3 milliards en 1999, plus 13,2 milliards de francs en 2000, malgré le « rebasage ».
Les sanctions, qu'elles soient collectives ou catégorielles, entraînent des effets pervers qui devraient inciter le Gouvernement à « changer son fusil d'épaule », pour revenir, par exemple, aux références médicales opposables, qui commençaient à porter leurs fruits en 1994 quand le Gouvernement les a pratiquement abandonnées, ou du moins na pas engagé en leur faveur une action faisant preuve de sa détermination. Qui se souvient qu'en 1994, pour un objectif prévisionnel fixé à plus 3,6 %, les dépenses de la médecine libérale n'ont augmenté que de 1,9 % ? Ce n'était pas, à l'époque, le résultat de seules mesures d'autorité !
Un système très centralisé ne peut qu'apporter des réponses globales à des situations disparates. Il ne peut tenir compte des disparités régionales qui, comme chacun peut le constater, loin de disparaître, ont plutôt tendance à s'aggraver.
Toute adaptation est impossible et toute expérimentation interdite : il suffit de constater les résultats décevants de la commission Soubie en matière de développement des réseaux !
Un système très centralisé décourage l'initiative et déresponsabilise les acteurs et les bénéficiaires du système, dont les efforts éventuels en matière de bon usage des soins ne pourront être récompensés faute de pouvoir être reconnus.
C'est un système dont l'inertie a des effets redoutables dans un monde qui bouge vite. Je n'en citerai qu'un exemple, mais il est révélateur : la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail dans les établissements hospitaliers privés a abouti à la création de 7,3 % d'emplois supplémentaires, en particulier d'emplois infirmiers. Une demande forte a été ainsi créée, alors même que les mesures prévues en début d'année ont entraîné un important flux d'infirmiers du privé vers le public et que les quotas d'entrée dans les écoles de formation n'ont été augmentés que pour la rentrée 2000-2001 : 27 000 places ont été offertes pour cette rentrée, contre 18 000 précédemment.
Comment pourrait-on ne pas se réjouir de cette augmentation ? Mais comment ne pas s'interroger aussi sur les conditions d'urgence, voire d'improvisation, qui ont présidé à cette décision, alors que, vous le savez, madame le secrétaire d'Etat, les structures actuelles de formation pour les personnels en soins infirmiers n'ont pas une capacité suffisante ?
M. Charles Descours, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Bien sûr !
M. Claude Huriet. Il en résulte que le personnel qualifié qui sortira des écoles pour les quatre années à venir sera notablement insuffisant pour couvrir les besoins : on estime en effet à plus de 18 000 le déficit global des postes d'infirmier. Gouverner, c'est prévoir... Or aucune prévision des besoins, pourtant relativement facile dans ce domaine, n'a été réalisée. A qui la faute ?
Par ailleurs, la dualité du financement, impôt et cotisation, porte en germe des conflits d'autorité dont les derniers mois ont montré maints exemples. Le partage des tâches entre l'Etat - l'hôpital - et la CNAMTS - les soins de ville -, contre lequel nous avions été nombreux à nous élever l'an passé, a été source de tensions et d'incompréhension.
Conçu voilà plus de cinquante ans, le système s'est avéré incapable de s'adapter aux évolutions économiques et sociales, aux aspirations nouvelles du citoyen, aux possibilités de la médecine. Le bilan est donc, pour l'heure, presque entièrement négatif.
Les relations entre les différents partenaires sont si profondément dégradées qu'aucune amélioration durable ne peut être attendue de simples « rafistolages », tant les fondations sont désormais fragilisées : remise en cause de la gestion paritaire, précarité du régime conventionnel, perte de confiance des partenaires.
Les professionnels de santé sont désabusés ; pris par leur vocation qui les porte à assurer aux malades les meilleurs soins « conformes aux données de la science », ils se sentent déconsidérés, étant de plus en plus souvent la cible des pouvoirs publics, de la sécurité sociale, du juge... et des malades insatisfaits. A l'obligation de moyens, souvent incompatible avec les exigences de la maîtrise comptable, s'ajoute désormais l'obligation de résultat.
Face à une telle dégradation, qui devrait inquiéter tous les responsables, mieux vaut éviter de recourir à des faux remèdes et de se payer de mots tels que « démocratie sanitaire », alors que, comme je l'ai dit précédemment, le Parlement est pratiquement dessaisi de son pouvoir en ce domaine et que les avis des instances consultatives ne sont que très peu suivis d'effet. C'est berner ceux qui, en toute bonne foi, s'impliquent dans les conférences de santé ou les états généraux, comme l'illustre l'exemple du dépistage du cancer recto-colique.
J'avais rappelé, à l'occasion d'une question orale, le 27 juin dernier, que le dépistage de ce cancer avait été retenu comme une priorité de santé publique par la conférence nationale de santé en 1997. En décembre 1998, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, dans son article 20, avait prévu la mise en oeuvre de programmes de dépistage. Deux ans plus tard, le projet de cahier des charges n'a pas encore été validé et la généralisation du dépistage est annoncée pour 2005, alors qu'il s'agissait, je le rappelle, d'une priorité retenue par la conférence nationale de santé.
Cet exemple, qui n'est pas exceptionnel, illustre la portée vraiment insuffisante des propositions faites par la conférence nationale de santé au nom de la démocratie sanitaire.
Vous aviez parlé d'« accélération du calendrier » dans votre réponse à ma question, en juin dernier, madame la secrétaire d'Etat. Pouvez-vous, aujourd'hui, faire le point sur l'accélération intervenue depuis six mois ?
Piège des mots encore, lorsqu'on évoque de plus en plus souvent, désormais, la régionalisation, sans toutefois en définir le contenu. Alors qu'ont été conçus, depuis 1996, les « outils » qui devraient permettre la mise en oeuvre d'une véritable politique régionale de santé à laquelle les conférences de santé pourraient apporter une contribution effective - agences régionales d'hospitalisation, unions régionales des caisses d'assurance maladie, unions régionales des médecins libéraux, conférences régionales de santé, etc. - on s'en tient à une déconcentration qui ne corrige en rien les défauts et les faiblesses du système que j'ai évoqués précédemment.
L'application des quatre « maîtres mots » sur lesquels pourraient se construire une nouvelle organisation et une nouvelle gestion du système, à savoir concertation, contractualisation, évaluation et, le cas échéant, sanction, serait, à l'évidence, plus aisée au niveau régional, où une juste appréhension des besoins de santé pourrait enfin être réalisée.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Claude Huriet. Plus le temps passe, plus j'ai la conviction que seul un changement fondamental de notre système permettra d'en éviter la faillite, qui aboutirait soit à une nationalisation de la médecine, soit à la privatisation de l'assurance maladie.
En tant que président du conseil de surveillance de la Caisse nationale des allocations familiales, il m'est impossible de ne pas évoquer la modification du périmètre des charges et des moyens de ladite caisse, point qui a déjà été développé par plusieurs de mes collègues.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 marque bien que le sort des familles et une authentique politique familiale ne constituent pas une préoccupation majeure du Gouvernement.
M. Jacques Oudin. C'est exact !
M. Claude Huriet. Logiquement, les excédents dégagés par la branche auraient dû être réaffectés au financement des mesures favorables aux familles.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Claude Huriet. Faut-il rappeler, après d'autres, madame la secrétaire d'Etat, que, depuis des années, la position constante de la commission des affaires sociales, suivie par notre assemblée, consiste à poser comme principe intangible la séparation des branches ?
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Claude Huriet. Cette séparation a, une nouvelle fois, été mise en cause.
Les familles ne seront pas associées aux fruits de la croissance ; les retraités, jugés comme étant une population électoralement plus « payante », ont été mieux traités. Tant mieux pour eux, tant pis pour les familles !
Notre rapporteur, mon collègue et ami Charles Descours, a raison : cette loi de financement n'a qu'un seul objectif, assurer le financement du FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, fût-ce au détriment des familles.
Chacun peut en juger : suppression de la part du prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine qui était affectée à la CNAF, soit une perte de 1,4 milliard de francs ; transfert sur le budget de la CNAF d'une partie du coût des majorations de retraite de base accordées aux parents ayant élevé trois enfants, soit 2,9 milliards de francs ; accélération du transfert de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, qui devait s'étaler sur trois ou quatre ans, comme annoncé lors de la conférence de la famille, soit une charge de la branche de 6,6 milliards de francs supplémentaires.
Tout ce montage a été fait sans aucune concertation, mettant les responsables de l'institution et les partenaires sociaux devant le fait accompli. C'est la raison pour laquelle le conseil d'administration, saisi du projet de loi de financement dans sa séance du 27 septembre 2000, a émis, comme d'ailleurs tous les conseils des autres organismes de sécurité sociale, un avis défavorable sur ce texte.
Je me félicite des propositions de notre commission, qui visent à redonner à la branche famille les moyens que le Gouvernement lui avait pratiquement confisqués.
Dans ce contexte, je m'inquiète toutefois des conditions dans lesquelles la convention d'objectifs et de gestion, la COG, qui lie l'Etat et la CNAF et qui est l'attribution exclusive des conseils de surveillance, convention actuellement en cours de renégociation, pourra faire l'objet d'un arbitrage qui tienne davantage compte de l'intérêt des familles que des équilibres, laborieux, destinés à assurer la pérennité du financement des 35 heures.
Madame le secrétaire d'Etat, vous assumez, avec Mme le ministre, un bien difficile héritage. Devant l'ampleur des erreurs commises et des maladresses qui se sont accumulées, je regrette que le gouvernement auquel vous appartenez ait choisi de privilégier, pour des raisons d'ordre essentiellement idéologique et politique, la réduction du temps de travail, plutôt que l'intérêt des familles... ou la lutte contre la pollution !
Pour l'ensemble de ces raisons, vous ne serez pas surprise que le groupe de l'Union centriste ait décidé de soutenir les propositions de la commission des affaires sociales et de voter le texte tel qu'il aura été heureusement amendé par notre assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la richesse du débat depuis hier montre, une fois de plus, que les échanges directs, même s'ils peuvent refléter des divergences fondamentales dans les conceptions politiques, sont l'assise démocratique de notre société.
Je me félicite de la qualité des interventions. Je souhaite maintenant y répondre, pour apporter un certain nombre de précisions, voire pour démentir certains propos qui n'allaient dans le sens ni de la transparence ni de la vérité.
M. Jacques Oudin. Oh !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur Joly, vous avez considéré, comme un certain nombre de vos collègues, que nous discutions non pas d'une loi de financement de la sécurité sociale mais d'une loi de financement des 35 heures.
M. Jean Chérioux. On peut effectivement se poser la question.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Eh bien, non ! Nous discutons bien du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
La contribution sociale sur les bénéfices n'est pas relevée, contrairement à ce que j'ai entendu à plusieurs reprises, et la situation est stabilisée.
Le pouvoir d'achat des prestations familiales n'a pas baissé non plus. Au contraire, il a bénéficié d'un coup de pouce de 0,3 % cette année, ce qui tranche avec le gel des bases mensuelles d'allocations familiales qui a prévalu de 1993 à 1997.
En ce qui concerne l'ONDAM, le Gouvernement n'entend pas rationner les soins ; nous appliquons un dispositif global qui a été défini et mis en oeuvre par un gouvernement qui avait, en son temps, le soutien de la majorité sénatoriale. Vous ne pouvez pas, messieurs, avoir approuvé un système à une certaine époque et refuser d'en tirer les conséquences aujourd'hui !
M. Jacques Oudin. Vous déviez du débat !
M. Alain Gournac. Tout évolue !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Vous avez dit que nous n'avions pas de politique de santé publique. C'est faux ! A plusieurs reprises, aussi bien Mme Guigou que moi-même vous avons précisé - nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de l'examen des articles - les programmes que nous avons lancés en ce qui concerne la prévention du cancer, les greffes et les prélèvements, la stérilisation... (Murmures sur les travées du RPR.)
L'enveloppe hospitalière accordée, cette année, à la santé publique n'aura jamais été aussi importante, puisqu'elle atteindra 2 milliards de francs.
Plusieurs d'entre vous, et M. Joly le premier, ont évoqué la démographie médicale. La réflexion sur ce thème est engagée dans un groupe constitué de représentants de la direction générale de la santé, de la direction de l'hospitalisation et de l'offre de soins, et de l'éducation nationale. Ce groupe devra proposer, dès le début de l'année prochaine, des scénarios que nous aurons à étudier dans la plus grande transparence.
Depuis trois ans, des mesures de première importance ont été prises en matière de démographie médicale pour répondre au constat de déséquilibre que nous n'avons pas manqué d'observer dans certains secteurs.
Les spécialités sensibles ont été fléchées dès 1998, ce qui se traduit par une augmentation du nombre de médecins formés, notamment en anesthésie-réanimation, en gynécologie et en pédiatrie. (M. Dominique Leclerc s'exclame.)
Le numerus clausus a été et continue d'être progressivement relevé, avec une augmentation de 130 places en 1999, de 150 places en 2000 et de 250 places en 2001. (Exclamations sur les travées du RPR.) Le niveau de 4 100 étudiants en médecine a ainsi été atteint pour l'année 2000-2001.
L'attractivité des carrières médicales hospitalières a été renforcée grâce à un effort sans précédent. On constate d'ailleurs, actuellement, une diminution des postes vacants, le taux étant tombé de 8 % en 1998 à 4 % en 1999.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. On a fermé des services dans les hôpitaux généraux !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Oui, mais le nombre de postes n'a pas été modifié, monsieur le président !
M. Alain Gournac. Allez sur le terrain ! Allez visiter les hôpitaux !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le nombre de postes de médecins n'a pas été diminué et les postes vacants sont pourvus.
M. Dominique Leclerc. Ce n'est pas vrai ! C'est scandaleux !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Pour la première fois, les pouvoirs publics ont pris des mesures d'une ampleur très importante pour les praticiens hospitaliers : 1,3 milliard de francs sont ainsi consacrés aux médecins des hôpitaux publics.
Certes, on peut toujours estimer que ce n'est pas suffisant, mais c'est la première fois qu'un effort de cette ampleur a été consenti. Les médecins le savent ! (Rires et exclamations sur les travées du RPR.)
M. Charles Descours, rapporteur. Lesquels ?
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Ils nous en sont reconnaissants.
M. Marcel-Pierre Cléach. Ils en ont l'air !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Comparez avec ce qui été fait dans les années précédentes !
Monsieur Fischer, je tiens à vous remercier du soutien que vous avez apporté à la politique familiale.
M. Charles Descours, rapporteur. Vous n'êtes pas rancunière !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je sais que ce n'est pas nouveau puisque nous avons eu l'occasion de travailler ensemble sur ce sujet.
Vous vous êtes inquiété du contenu du plan « crèches ». Ce plan va se développer en concertation avec le groupe de travail que Mme Ségolène Royal anime à son ministère. Elle aura l'occasion de vous en parler quand elle viendra présenter les articles qui concernent la politique familiale.
Ce que je peux vous dire, c'est que nous avons déjà 1,5 milliard de francs du fonds national d'action sociale de la CNAF et qu'il faut les utiliser au mieux. Avec cette somme, on peut déjà faire beaucoup de choses !
Je sais que la reconnaissance de la famille dès le premier enfant est l'une de vos vieilles renvendications. Il n'a pas encore été possible de vous suivre, mais vous reconnaîtrez que nombre de mesures sont mises en oeuvre, avec des financements élevés, puisque la conférence nationale de la famille a décidé, cette année, de mobiliser dix milliards de francs. Il convient donc de mesurer l'ampleur des efforts déployés pour reconnaître aux familles leur véritable place et leur rôle dans le développement de la cohésion sociale.
Concernant la vieillesse, vous avez justement salué les mesures de revalorisation du pouvoir d'achat des retraités, notamment des plus modestes d'entre eux. C'est effectivement une priorité politique sur laquelle le Gouvernement et sa majorité plurielle ont pu utilement dialoguer à l'Assemblée nationale, où le groupe communiste a été l'un des artisans de son affirmation.
Concernant la prestation dépendance, nous sommes à la veille de la revoir pour la transformer en « allocation pour la vie autonome ».
M. Charles Descours, rapporteur. Toujours « à la veille » ! Jamais les lendemains qui chantent !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Vous savez que le Premier ministre attache une importance primordiale à ce sujet. Il l'a annoncé le 21 mars dernier : ce sera l'une des priorités de l'action de Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité. Elle-même l'a dit à cette tribune ; elle le redira dans le cours du débat.
M. Alain Gournac. Que de priorités !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. S'agissant des maladies professionnelles, nous partageons, bien sûr, les préoccupations que vous avez exprimées et votre souhait d'une réforme de cette branche. Vous le savez, les choses sont en train d'évoluer en ce sens.
Pour ce qui est du remboursement des soins, nous améliorons certaines prestations, qu'il s'agisse de la lunetterie - la mesure d'extension aux seize - dix-huit ans annoncée à l'Assemblée nationale a été publiée au Journal officiel hier - ou des prothèses auditives, avec - j'ai déjà eu l'occasion de le préciser - la prise en charge à 100 % des prothèses auditives pour les enfants jusqu'à l'âge de vingt ans, soit une prolongation de quatre ans, la prise en charge totale pour les sourds aveugles et le remboursement des embouts pour les jeunes enfants, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent.
En ce qui concerne les soins dentaires, deux nouveaux actes vont être inscrits à la nomenclature, ce qui représente aussi un progrès notable.
Nous comptons continuer à améliorer la couverture maladie de nos concitoyens, mais sans renoncer à traquer les dépenses inutiles, les gaspillages, qui, vous le savez, menacent l'équilibre et la pérennité du dispositif de solidarité.
Monsieur Cazeau, je vous remercie, bien sûr, du soutien très efficace que vous avez apporté au Gouvernement dans votre intervention. Votre analyse de la situation actuelle de notre protection sociale est très éclairante. Je vous remercie d'avoir approuvé les choix de santé publique qui sont ceux du Gouvernement et je renvoie les participants au débat qui va s'ouvrir dans quelques instants à votre intervention, qui éclaire bien les choix qui sont faits dans notre pays.
Monsieur Leclerc, vous avez critiqué les « tuyauteries » diverses et leur manque de lisibilité, reprenant le vocabulaire de votre rapporteur - je n'ai donc pas été étonnée d'entendre les propos que vous avez tenus.
Certes, nous pouvons ne pas être d'accord, mais il faut faire la distinction entre complexité - je la reconnais - et opacité.
Le financement des 35 heures est transparent, justement grâce au FOREC. Si ce dernier n'existait pas, les flux financiers en cause seraient mélangés au sein des branches. Alors, ce serait de l'opacité.
M. Charles Descours, rapporteur. Si les 35 heures n'existaient pas, il n'y aurait pas de FOREC !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Par ailleurs, nous préférons les transferts de recettes fiscales pérennes, et c'est pourquoi nous affichons les choses avec transparence.
Ce que vous regrettez, en fait, monsieur Leclerc, comme M. Descours, vraisemblablement, c'est que, contrairement à vos prédictions, nous assurons l'équilibre du FOREC et donc le financement de l'ensemble des exonérations de charges sociales, notamment celles qui correspondent à la réduction du temps de travail.
Vous critiquez l'ONDAM, le qualifiant d'objectif comptable. Or, dans une loi de financement, le Gouvernement est comptable des équilibres. Les choix qu'il soumet au Parlement expriment le possible et non pas seulement le souhaitable, qui reste l'apanage de ceux qui ne votent pas les lois ni les budgets. On ne peut pas, comme vous le dites, s'en tenir à la logique des besoins. Nous devons faire des choix, définir des priorités, traquer les gaspillages, je le redis, et utiliser surtout au mieux les ressources mobilisées.
Vous vous êtes inquiété des prélèvements sur l'industrie pharmaceutique. Nous ne partageons pas vos inquiétudes ; il suffit de voir l'évolution des cours de la bourse des valeurs de ce secteur pour être tout à fait rassuré quant à son avenir.
J'en viens à un sujet sensible, notamment ces jours-ci, celui qui concerne les propositions que vous avez formulées, monsieur Leclerc, à propos de la maladie de Creutzfeldt-Jakob.
Je tiens à vous indiquer très précisément que, depuis 1996, contrairement à ce que vous avez affirmé, la maladie de Creutzfelt-Jakob est une maladie à déclaration obligatoire. En revanche, elle n'est pas encore aujourd'hui publiée au bulletin épidémiologique hebdomadaire. Nous travaillons actuellement sur les conditions de cette publication, qui sera bientôt décidée pour cette maladie rare et très grave, et qui permettra d'apporter un éclairage sur les différents cas suspects, probables ou avérés.
Dès 1992, nous avons mis en place un réseau d'étude multidisciplinaire. Le recueil et l'analyse des données épidémiologiques et cliniques fournies par les services hospitaliers susceptibles d'accueillir ces malades sont assurés par l'unité 360 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale. Un réseau d'unités spécialisées existe, en lien avec l'Institut de veille sanitaire. Ce réseau participe à une action concertée européenne, et vous avez entendu hier que, dans le plan que le Premier ministre a annoncé pour maîtriser les risques de contamination, figure un volet qui concerne la santé publique et qui indique bien le renforcement de la recherche sur les maladies à prion, le développement d'un guide de bonne pratique pour la prise en charge, l'accompagnement et le soutien des malades et des familles victimes de cette maladie, et un triplement des crédits consacrés à la recherche dans ce domaine.
Monsieur Darniche, vous avez critiqué les diverses mesures compensatrices mises en place cette année et vous vous êtes prononcé contre l'allégement de la CSG décidé par le Gouvernement en faveur des ménages à revenus modestes.
Quand on cherche à alléger l'impôt des Français, il faut avoir le souci de la justice fiscale. Or ces ménages ne paient en général ni impôt sur le revenu, ni taxe d'habitation. En revanche, pour eux, la CSG peut être lourde, d'autant qu'ils ne bénéficient pas de la déductibilité. C'est pourquoi nous avons décidé de mettre en place cette ristourne de CSG, qui représentera un treizième mois pour les personnes qui perçoivent le SMIC.
Concernant la famille, vous avez critiqué telle ou telle mesure financière. Vous négligez le succès des conférences de la famille, dont la dernière a décidé d'inscrire 10 milliards de francs de dépenses nouvelles pour les familles. Cette mesure est d'ores et déjà mise en oeuvre. Il ne s'agit donc pas simplement d'un effet d'annonce, mais d'une décision actuellement appliquée par la ministre déléguée à la famille et à l'enfance.
Nous sommes comme vous très attachés, monsieur Muzeau, à la répartition. Toute la politique de ce gouvernement vise à assurer la pérennité de nos régimes de retraite par répartition. Vous avez pu constater que, à plusieurs reprises, le Gouvernement s'est engagé fermement sur cette question malgré un contexte démographique défavorable. C'est pour nous tous, au coeur du pacte social et au nom de la solidarité entre les générations, une nécessité que de préserver les acquis et de maintenir un espoir dans l'avenir. Nous préciserons dans les prochains mois les modalités de fonctionnement et les structures du fonds de réserve. J'en suis certaine, vous serez alors pleinement rassuré et vous verrez que nous tenons nos engagements.
Vous avez, monsieur Chabroux, rappelé les mesures annoncées à plusieurs reprises par le Gouvernement sur la couverture maladie universelle : relèvement du seuil à 3 600 heures et prolongement des droits des anciens bénéficiaires de l'aide médicale jusqu'au 30 juin prochain.
Vous avez également souligné les autres avancées que comporte ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière de couverture sociale : un objectif national des dépenses d'assurance maladie fixé à 3,5 % cette année, des retraites revalorisées de 2,2 %, des mesures sans précédent en faveur de la petite enfance.
Nous entendons effectivement faire bénéficier tous nos concitoyens de l'amélioration des comptes de la sécurité sociale. Elle nous permet de financer une politique familiale ambitieuse, articulée autour de grandes priorités et financée - contrairement à la politique familiale de 1994, que vous invoquez souvent, messieurs de la majorité, qui, elle, ne l'était pas. Cette politique est adaptée aux attentes des familles en matière de garde des jeunes enfants. Les familles veulent qu'on les aide ; elles veulent que l'Etat participe à l'organisation de la prise en charge des jeunes enfants.
Le Gouvernement est à l'écoute de nos concitoyens. Il apporte des réponses concrètes à leurs problèmes quotidiens, dans un souci de justice sociale.
La réforme des aides au logement s'inscrit parfaitement dans cette logique. Les familles qui en bénéficieront sauront en tirer le meilleur profit et sauront bien à qui elles doivent témoigner leur gratitude.
Vous nous avez fait part, madame Dieulangard, de votre préoccupation quant à la réparation des dommages liés à l'amiante. C'est parce qu'il partage vos analyses que le Gouvernement a mis en place un fonds d'indemnisation permettant la réparation intégrale des préjudices subis.
Cette mesure fait suite à celles qui ont déjà été prises depuis trois ans pour améliorer la reconnaissance et la réparation des accidents du travail et maladies professionnelles, à savoir des délais d'instruction imposés aux caisses, la révision des tableaux des maladies professionnelles. Les choses avancent progressivement. De plus, ces mesures sont révisées régulièrement, en concertation avec les organisations professionnelles, qui nous aident beaucoup dans la précision de ces dispositifs.
Nous entendons aussi les demandes des associations d'aide aux victimes, qui plaident pour que soit étendu à toutes les victimes ce que nous faisons sur l'amiante, parce qu'il y a urgence et que des drames se font jour.
Le professeur Masse, président de la commission des maladies professionnelles du Conseil supérieur de prévention des risques professionnels, a ainsi été récemment chargé d'une mission de réflexion sur l'indemnisation. Elisabeth Guigou et moi-même serons très attentives à ses conclusions, soyez-en assuré. J'ai déjà eu l'occasion de vous répondre sur ce point dans cet hémicycle à l'occasion d'une question orale. Les parlementaires seront associés à l'avancée de ces réflexions.
M. Neuwirth a critiqué l'insuffisance des actions de santé publique que nous menons. Il s'est même interrogé sur l'existence réelle du ministère de la santé. C'est une inquiétude que j'ai souvent entendue de sa part. Je tiens à le rassurer une nouvelle fois : le ministère de la santé existe, preuve en est le projet de loi de financement de la sécurité sociale que je défends devant vous aujourd'hui et au travers duquel nous lançons des actions nouvelles considérables pour lutter contre le cancer, sujet qui a fait l'objet de la quasi-totalité de son intervention.
Je vais m'y attarder quelque peu.
Je tiens à rappeler - cela me permet de répondre à M. Huriet, qui, lui aussi, s'est inquiété de cette question - que, pour la première fois depuis de nombreuses années, nous développons une approche globale de la lutte contre le cancer. Dès 1997, prenant conscience de la situation, le Gouvernement a mobilisé l'ensemble des professionnels concernés : médecins généralistes, cancérologues, médecins des hôpitaux publics, des centres anticancéreux, du secteur privé, tous professionnels à qui je veux avant tout rendre hommage pour leur mobilisation permanente, car c'est grâce à eux que nous avons pu avancer dans le cadre de cette politique coordonnée et globale de lutte contre le cancer.
Notre démarche a d'ailleurs été saluée par ces professionnels, qui, vous le savez, n'ont pas la réputation de se montrer particulièrement indulgents à l'égard des pouvoirs publics.
Ce plan, vous le reconnaissez, embrasse l'ensemble des questions liées au cancer.
Je citerai des actions de prévention, qui bénéficient - la précision a été omise - de plus de 100 millions de francs de mesures nouvelles destinées à lutter en particulier contre les méfaits du tabac et de l'alcool, qui sont responsables d'une grande partie des cancers évitables. Je pense à la généralisation progressive des programmes de dépistage des cancers, en particulier du cancer du sein - je reviendrai sur ce point - à l'organisation des services en cancérologie. J'indique que tous les schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS, de deuxième génération ont, contrairement à ce qui a été affirmé, prévu d'organiser la prise en charge du cancer dans des réseaux structurés.
Je mentionnerai également l'augmentation du nombre d'appareils d'imagerie à résonance magnétique, les IRM, puisque quatre-vingt-quatorze nouvelles autorisations ont été délivrées. C'est là une décision sans précédent, même si nous avons conscience qu'il ne suffit pas d'autoriser l'achat et la mise en place d'appareils, car il faut aussi permettre leur bon fonctionnement, prévoir le remplacement des appareils devenus caducs ou vétustes.
Je citerai également l'amélioration de l'accès à de nouvelles technologies, comme les tomographies à positons, l'augmentation du nombre d'appareils de radiothérapie ou encore le soutien aux innovations technologiques.
Dès l'année 2001, le programme de médicalisation du système d'information, le PMSI, tiendra mieux compte des médicaments anticancéreux coûteux, et des crédits spécifiques seront dégagées pour le financement du progrès médical à l'hôpital, notamment dans ce domaine qui nous intéresse, à savoir le cancer.
Les malades et leurs familles nous avaient fait part de longue date de leurs difficultés quotidiennes. Elles ont été entendues : cette année, les nutriments oraux indispensables pour améliorer la qualité de vie des personnes vivant avec un cancer sont pris en charge, ce qui représente une enveloppe de 100 millions de francs.
Un programme ambitieux de recrutement de psychologues a également été lancé, et ce dès cette année, car cette maladie est dure pour ceux qui en souffrent, pour leurs proches, mais aussi pour ceux qui la soignent. Notre action résolue de lutte contre la douleur trouve ici tout particulièrement à s'appliquer.
Enfin, bien sûr, parce que cette maladie est encore trop souvent mortelle en dépit des progrès qui ont été enregistrés, nous poursuivons nos efforts en matière de soins palliatifs, afin de développer cette activité partout dans notre pays.
Je sais que M. Neuwirth est particulièrement attaché à la mise en oeuvre définitive de la loi sur les soins palliatifs. Je l'ai déjà rassuré : le décret sur l'intervention des professionnels libéraux dans les soins palliatifs, dont il m'a parlé, est en ce moment soumis à la consultation des professionnels ; il est donc dans sa phase de finalisation et devrait pouvoir être soumis au Conseil d'Etat très prochainement.
Par ailleurs, l'autre décret qui était attendu, concernant la reconnaissance des bénévoles dans l'organisation des soins palliatifs, est paru voilà quelques semaines.
Je terminerai par le dépistage du cancer du sein, en précisant que ce ne sont pas 3 millions de francs qui sont consacrés aux trente-deux programmes mis en place de manière expérimentale, mais 260 millions de francs cette année, et 310 millions de francs l'année prochaine.
Je suis convaincue, et c'est la politique que je mène avec détermination, de l'absolue nécessité de généraliser ce dépistage.
J'aimerais également vous rappeler l'importance, pour le succès de ces programmes, de l'implication des professionnels et de la participation de la population.
C'est pourquoi, là aussi, nous avons mené une large concertation avec les professionnels, mais aussi avec les associations de femmes impliquées dans ce combat, comme les comités de femmes, que j'ai, d'ailleurs, rencontrés ici au Sénat lors de leur première réunion nationale, le mois dernier. Seules des différences de calendrier ne m'ont pas permis de rencontrer à cette occasion les sénateurs qui ont apporté leur soutien à cette fédération d'associations de femmes.
Cette concertation et cette mobilisation nous ont permis, d'ores et déjà, de définir les programmes, de former les radiologues, d'adapter les mammographes.
Nous respecterons les délais annoncés et, progressivement, de nouveaux départements s'engageront dans ces programmes, qui seront évalués. Je compte que, dès l'année prochaine, le dépistage du cancer du sein soit généralisé sur l'ensemble du territoire.
Par ailleurs, monsieur Huriet, vous m'avez interrogée sur le cancer colorectal, dont le dépistage constitue un véritable enjeu de santé publique.
C'est une des priorités du plan gouvernemental contre les cancers.
Pour le dépistage du cancer colorectal, le groupe technique mis en place a établi le cahier des charges. Ses recommandations rejoignent le travail réalisé par la Société française de gastro-entérologie, qui nous a également remis ses propositions en mars dernier.
En nous fondant sur ces travaux, nous avons défini, avec les professionnels, les prochaines étapes, à savoir la mise en place de comités régionaux de pilotage du dépistage et de structures départementales de gestion, et la réalisation du dépistage par test hémoccult 2 tous les deux ans chez les personnes de cinquante à soixante-quatorze ans.
Monsieur Domeizel, vous vous êtes, quant à vous, inquiété spécifiquement de la démographie médicale en milieu rural. Il y a moins de médecins en zone rurale qu'en zone urbaine et l'on constate de fortes disparités géographiques en ce qui concerne la répartition des professionnels sur le territoire. Vous avez raison de le signaler. C'est une difficulté majeure.
Ce constat tient, vous le savez, à des causes multiples. L'une d'entre elles repose sur l'isolement, qui rend l'exercice médical difficile dans une zone à faible densité de population. Cet isolement contribue certainement à dissuader des professionnels de s'installer en zone rurale.
Nous devons surmonter les difficultés réglementaires qui empêchent les médecins de s'associer pour couvrir à plusieurs un territoire géographique donné. Conscient de cette difficulté, que vous soulignez à juste titre et qui me préoccupe pour plus d'une raison, le ministère de l'emploi et de la solidarité a lancé une réflexion interministérielle sur la démographie médicale.
Cette étude a un double objectif. Il s'agit, d'abord, d'adapter les flux de formation des médecins aux besoins, spécialité par spécialité - ce que j'évoquais tout à l'heure et qui a fait sourire certains d'entre vous - et, ensuite, de proposer toutes mesures de nature à permettre qu'en chaque point du territoire une réponse médicale soit disponible.
Un égal accès aux soins constitue en effet l'un des objectifs majeurs du Gouvernement. Le pilotage de la démographie médicale est un outil.
Vous avez souligné à juste titre, monsieur le sénateur, que la situation économique s'est améliorée et permet d'aborder la question des retraites dans un climat très différent de celui qui prévalait avant 1997. Je rends hommage à votre sens des responsabilités. Mais l'embellie économique ne doit pas nous faire oublier que le choc démographique est pour l'avenir, en particulier entre 2020 et 2040.
Les principes que le Gouvernement suivra pour traiter le problème des retraites sont ceux que vous appelez de vos voeux, à savoir le diagnostic, le dialogue, la décision.
Je vous remercie du soutien que vous nous avez manifesté à propos de ce projet de loi, qui, vous le savez, sera, dans les mois qui viennent, l'une des priorités concrètes du Gouvernement.
M. Alain Gournac. Encore une priorité !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur Gournac, je crois que vous n'êtes pas tout à fait le mieux placé pour adresser des reproches au Gouvernement, quand on sait comment les deux gouvernements précédents se sont comportés avec les familles...
C'est sous ces deux gouvernements, par exemple, que la base mensuelle des allocations familiales n'a pas été revalorisée, contrairement à ce que prévoyaient les textes applicables dès cette époque. C'est le gouvernement actuel qui a dû rattraper le retard et assumer les dettes que lui avait laissées le précédent gouvernement.
M. Guy Fischer. Voilà la vérité !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Nous avons trouvé la branche famille en déficit, ce qui menaçait la pérennité des prestations versées aux familles. (M. Gournac s'exclame.)
Nous avons donc agi pour renverser la tendance, (M. Gournac s'exclame de nouveau) et, depuis 1997, les ressources de la branche famille ont augmenté plus vite que le produit intérieur brut.
M. Alain Gournac. Eh oui !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Vous nous reprochez de transformer la politique familiale en politique de lutte contre la pauvreté. La réalité, c'est que nous aidons plus les familles modestes que les autres.
M. Guy Fischer. Voilà une autre vérité ! Voilà de la justice. (M. Gournac s'exclame encore.)
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Qui nous reprochera d'avoir fait ce choix ? Pour notre part, nous l'assumons devant la représentation nationale et devant nos concitoyens. C'est notre honneur et ce sont les valeurs qui fondent notre engagement politique. (Protestations sur les travées du RPR.)
Ce n'est pas la même chose, en effet, d'élever des enfants quand on gagne le SMIC et quand on gagne plusieurs fois le SMIC !
Ce n'est pas ce choix qui empêche le Gouvernement d'aider toutes les familles, comme en témoignent encore le projet de loi relatif au fonds d'investissement pour les crèches et le retour à l'universalité des allocations familiales.
Madame Campion, vous avez salué les nombreuses avancées réalisées par le Gouvernement dans le domaine de la famille pour 2001. Je vous en remercie.
L'effort porte en priorité sur la petite enfance, comme nous l'avions annoncé. Nous avançons progressivement, après avoir clairement annoncé nos objectifs.
Le Gouvernement s'attache à dégager des priorités et à les satisfaire. Améliorer les modes de garde, c'est, en particulier, aider les femmes qui travaillent à mieux concilier vie familiale et vie professionnelle, comme vous l'avez fort justement souligné.
Aider les femmes à reprendre une activité est important aussi. Vous avez à cet égard rappelé la création du fonds d'aide à la reprise d'activité des femmes. Nous entendons en effet aider les familles, toutes les familles, y compris les familles monoparentales.
M. Calméjane, enfin, a évoqué l'égal accès aux soins pour tous. C'est une priorité du Gouvernement, une priorité qui sous-tend de nombreuses politiques menées : la mise en place de la CMU ou notre politique de réduction des inégalités en matière hospitalière, par exemple.
Par ailleurs, la progression de l'évaluation et de l'accréditation va dans le sens de la responsabilisation des professionnels que vous appelez de vos voeux.
Pour ce qui concerne les autres sujets - la démographie et l'imagerie - je n'y reviens pas, pour abréger mon intervention.
Je m'adresserai maintenant plus particulièrement à M. Huriet.
Monsieur le sénateur, j'ai déjà répondu, indirectement, concernant vos inquiétudes sur le cancer ; je n'y reviens donc pas non plus.
J'ai noté que vous vous faites le censeur d'un dispositif, l'ONDAM, qui est issu, je le répète, excusez-m'en, des ordonnances de 1996.
M. Jean Delaneau, président de la commission des affaires sociales. C'est ce qu'on en fait qui compte !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement actuel a fixé ce montant pour 2001 à un niveau qui permettra de financer les mesures que vous appelez de vos voeux.
L'hôpital bénéficiera de crédits en augmentation de 3,3 % - les cliniques aussi - pour financer le progrès médical. Il bénéficiera également de crédits importants afin de favoriser la stérilisation et la désinfection des matériels.
Je crois savoir que la commission des affaires sociales propose de supprimer purement et simplement l'ONDAM. Je ne vois guère de cohérence dans tout cela, monsieur le sénateur.
M. Charles Descours, rapporteur. Nous sommes soutenus par les professionnels de santé.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je ne sais pas comment nous pourrons financer les mesures que vous avez appelé de vos voeux si nous n'avons pas des objectifs de dépenses qui permettent de tenir nos engagements.
M. Alain Gournac. Les usines à gaz !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. En ce qui concerne la médecine de ville, monsieur Huriet, nous avons mis à la disposition des professionnels et des caisses des outils nouveaux qui s'ajoutent aux RMO, à savoir l'évaluation des pratiques, la coordination des soins, les accords de bon usage des soins, les contrats de bonne pratique.
Dans le domaine de la modernisation des pratiques, c'est ce Gouvernement qui a innové, tout en soutenant une information des professionnels bien mal partie en 1996. (Protestations sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Alain Gournac. Ils vous abandonnent !
M. Raymond Courrière. Nous verrons !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur Huriet, nous aurons l'occasion de revenir sur la question des réseaux à l'article 29, qui répond à nombre de vos préoccupations.
Le développement des réseaux peut être encouragé par le fonds d'aide à la qualité des soins de ville que nous avons créé et qui sera mobilisé à cet effet.
Vous avez enfin évoqué, monsieur le sénateur, la pénurie des personnels infirmiers et souligné que « gouverner, c'est prévoir ».
Je vous rappelle simplement quelques faits.
En 1997, le nombre des élèves infirmiers avait été diminué. Depuis, reconnaissez-le, nous avons rectifié le tir et, cette année, nous avons créé 8 000 places supplémentaires d'élèves infirmiers.
M. Charles Descours, rapporteur. Il n'y a pas de place dans les écoles !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas sans soulever des problèmes, monsieur le rapporteur, comme vous le dites vous-même. Cela pose en effet des problèmes en termes d'accueil, d'encadrement des études.
M. Charles Descours, rapporteur. Tout à fait !
M. Alain Gournac. C'est le moins qu'on puisse dire !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Nous discutons avec les syndicats des élèves pour surmonter ces difficultés et être à la hauteur des obligations de l'organisation du système de soins.
M. Charles Descours, rapporteur. Les effectifs n'ont augmenté que sur le papier, vous le savez bien, et il n'y a pas un infirmier de plus dans les hôpitaux !
M. Alain Gournac. Ce ne sont que des paroles ! Je vous invite chez moi, vous verrez !
M. Raymond Courrière. Ils n'étaient pas très contents de vous en 1997 !
M. le président. Je vous en prie, mes chers collègues, laissez Mme le secrétaire d'Etat terminer son exposé, ou demandez à l'interrompre suivant les règles posées par le règlement !
Madame le secrétaire d'Etat, poursuivez.
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Monsieur Huriet, j'apprécie beaucoup votre participation à la réflexion des pouvoirs publics dans le domaine de la santé publique.
M. Alain Gournac. Toujours des mots !
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. Je regrette d'autant plus, monsieur le sénateur, que, dans cette intervention, vous ayez laissé prédominer une tendance quelque peu politicienne pour exprimer votre pensée, que vous ayez usé de slogans réducteurs. (Protestations sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) Je préfère quand vous laissez parler votre vocation et votre fibre médicale, nous offrant ainsi un meilleur mode de coopération et de dialogue.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je note que nombre de vos interventions témoignent d'une volonté de débattre au fond des orientations, des conditions de la définition d'une véritable politique de santé publique. Cet exercice est bien évidemment limité dans le cadre d'une loi de financement de la sécurité sociale, qui traite principalement de l'équilibre des comptes de la sécurité sociale. Je rappelle à ce propos que seul cet équilibre atteint, cet équilibre voulu par nos concitoyens, permet de parler plus sereinement de santé publique.
A cet égard, je voudrais rassurer ceux d'entre vous qui se sont inquiétés à propos de la discussion du projet de loi de modernisation du système de santé, qui nous permettra, lui, d'avoir un débat de fond sur la politique de santé publique.
M. Alain Gournac. Qui permettra...
Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat. J'ai, certes, employé le futur, monsieur Gournac, mais ce projet de loi est en gestation. Le Gouvernement en sera bientôt saisi, il sera examiné en conseil des ministres et il viendra en discussion devant le Parlement dans le courant de l'année prochaine. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.

6