SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2000
FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
POUR 2001
Discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 (n° 64, 2000-2001), adopté par l'Assemblée
nationale. (Rapport n° 67 [2000-2001] et avis n° 68 [2000-2001.])
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi
de financement de la sécurité sociale constitue un temps fort de l'action du
Gouvernement et de la discussion parlementaire, parce qu'il touche à la vie
quotidienne des Français et qu'évidemment il représente des enjeux sociaux,
économiques et financiers de premier plan.
Son passage au Sénat en première lecture, après son examen à l'Assemblée
nationale, va nous permettre, j'en suis sûre, des échanges approfondis sur les
principales mesures qu'il contient, et je sais à quel point la contribution des
sénateurs est importante pour le travail parlementaire.
Jusqu'à une période récente, les problèmes de sécurité sociale, vous en
conviendrez, ont été traités dans l'urgence financière. La situation du régime
général - le trop célèbre « trou » de la sécurité sociale - a conduit, au fil
des années, les responsables publics à élaborer de nombreux plans de
redressement. Les déficits furent importants, trouvant avant tout leur origine
dans le recul de la croissance enregistré au cours de la première moitié des
années quatre-vingt-dix.
Des décisions macro-économiques inadaptées intervenues entre 1993 et 1997
n'ont fait qu'approfondir la crise en croyant y porter remède : je veux parler
des hausses massives et successives de prélèvements qui ont frappé les ménages,
y compris les plus modestes, et qui ont handicapé le pouvoir d'achat, freiné la
consommation et accru le chômage.
Ce gouvernement a, dès 1997, voulu inverser cette tendance ; même si la
réussite n'est pas encore totale, la spirale est en tout cas inversée, ce dont
nous sommes fiers. L'un des succès de ce gouvernement est en effet d'avoir
redonné confiance aux Français.
Depuis 1997, l'économie française est sur un rythme de croissance moyen de 3
%, et les prévisions économiques du Gouvernement pour 2001 tablent, vous le
savez, sur une croissance de 3,3 %. Depuis 1997, le chômage a reculé d'une
façon qui n'avait jamais été observée jusqu'à présent, et 870 000 personnes ont
donc retrouvé un emploi.
Ce résultat essentiel pour nos concitoyens a été obtenu par le redémarrage de
la croissance mais aussi par des politiques spécifiques, et notamment - je veux
le souligner à nouveau - par la réduction négociée du temps de travail ainsi
que par les emplois-jeunes.
Nous sommes donc sortis de l'urgence financière. Après les lourds déficits de
1996 - 54 milliards de francs - et de 1997 - 33 milliards de francs - nous
avons renoué avec l'équilibre des comptes de la sécurité sociale dès 1999. Ce
bon résultat, nous le consolidons cette année et nous entendons le consolider
encore davantage l'an prochain.
Notre sécurité sociale sera en excédent de 16,2 milliards de francs en 2000 et
de 18,9 milliards de francs en 2001, selon les prévisions du projet de loi qui
vous est soumis. Pour l'ensemble des administrations sociales, l'excédent
atteindra 0,5 % de la richesse nationale en 2001. Les comptes sociaux
contribuent désormais à la maîtrise des déficits et au désendettement du
pays.
Mais l'assainissement des comptes n'est bien évidemment pas une fin en soi.
C'est un moyen qui permet d'améliorer notre système de protection sociale au
bénéfice de nos concitoyens. C'est la raison pour laquelle le projet de loi qui
vous est proposé comporte des mesures favorables aux familles et aux retraités.
Il améliore également sur plusieurs points la couverture maladie.
Il approfondit aussi la réforme du financement de la sécurité sociale que nous
avons conduite à travers la diversification de ses ressources et la réforme de
la contribution sociale généralisée, la CSG.
Enfin, plusieurs dispositions du présent projet de loi amplifient la politique
de réforme structurelle qui a été engagée et qui commence à porter ses
fruits.
Les choix que nous avons opérés seront discutés, ce qui est bien normal, car
il en va ainsi du jeu démocratique. Mais je pense et j'espère que nous pourrons
nous accorder sur les grandes priorités.
Nous ne pourrons pas aborder, lors des prochains jours, l'ensemble des
questions qui nous intéressent et, à cet égard, je pense notamment à la
politique de la santé. Le débat sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale est en effet enserré dans un cadre constitutionnel et
organique qui a été déterminé, je le rappelle, en 1996. Nous pouvons en
souligner les insuffisances ; le Gouvernement s'attache à corriger les plus
évidentes.
C'est ainsi que nous prévoyons d'organiser un débat annuel au Parlement sur la
politique de santé,...
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Cela a déjà été dit l'année
dernière !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... disposition que nous vous
présenterons dans le cadre du projet de loi de modernisation du système de
santé.
Mais, cette année encore, nous devons nous plier à l'exercice tel qu'il a été
conçu par nos prédécesseurs.
Mieux répondre aux aspirations des Français, améliorer notre protection
sociale, renforcer la qualité de notre système de santé, amplifier les réformes
structurelles tout en préservant l'équilibre, tels sont les principaux axes de
la politique que je compte conduire à travers ce projet de loi et au-delà, bien
entendu, et que je vais maintenant brièvement évoquer.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, que j'ai
l'honneur de vous présenter, comporte de nouvelles avancées sociales au profit
des familles, des retraités et des accidentés du travail, qui bénéficieront
ainsi, grâce à la solidarité nationale, des fruits de la croissance
retrouvée.
Nous vous proposons d'abord de mieux aider les familles en renforçant l'aide à
la petite enfance et l'aide au logement.
Les marges de manoeuvre retrouvées du fait de l'excédent de la branche famille
nous permettent en effet de mener une politique familiale de grande ampleur.
Cette politique repose sur trois principes : la concertation, l'identification
des priorités et leur financement.
Le Gouvernement entend bien, en effet, faire porter l'effort sur des priorités
fortes et dégager des financements appropriés, ce qui n'a pas toujours été le
cas.
Sans revenir sur les principales mesures prises par le Gouvernement ces
dernières années, je voudrais souligner que les actions décidées en faveur des
familles lors de la Conférence de la famille du 15 juin dernier montrent la
volonté du Gouvernement d'accélérer la rénovation de la politique familiale et
de mieux prendre en compte les préoccupations des familles.
C'est en effet à cette occasion qu'a été annoncé par le Premier ministre un
effort financier de grande ampleur - 10 milliards de francs - en faveur des
familles ; ce plan sera évidemment réalisé en cherchant à apporter des réponses
aux problèmes concrets que se posent les familles.
Nous ne dispersons pas l'effort public, nous le concentrons là où sont les
vrais besoins. C'est ainsi que nous avons voulu privilégier deux axes
principaux : les mesures en faveur de la petite enfance et les aides au
logement. Le projet de loi qui vous est soumis comporte ainsi plusieurs
avancées importantes en ce sens. Je citerai notamment, à cet égard, la création
d'une allocation parentale permettant aux parents d'enfants atteints de graves
maladies de demeurer aux côtés de ces derniers ; je citerai également la
création d'un fonds d'investissement pour les crèches, doté de 1,5 milliard de
francs, qui viendra soutenir les initiatives prises dans ce domaine, notamment
par les collectivités locales. Je mentionnerai aussi la réforme de l'aide à la
famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, qui améliore, dans un
souci de justice sociale, l'aide apportée aux familles les plus modestes.
Enfin, les aides au logement, qui sont financées à la fois par l'Etat et par
la sécurité sociale, seront réformées, simplifiées et améliorées, permettant de
donner une portée pratique à ce droit au logement qui est l'une des priorités
du Gouvernement et l'un des objectifs principaux des associations de lutte
contre l'exclusion.
Par ailleurs - c'est le deuxième axe de ce projet de loi -, le Gouvernement
souhaite associer les retraités aux fruits de la croissance et mieux préparer
l'avenir des régimes de retraite.
Parmi les mesures proposées dans ce projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2001 pour associer les retraités aux fruits de la
croissance, je citerai la proposition du Gouvernement de revaloriser les
pensions de 2,2 %, alors que l'inflation prévisionnelle s'élève à 1,2 %. Nous
donnons ainsi un coup de pouce qui porte à 1,3 % le gain de pouvoir d'achat des
retraités par rapport à 1997.
M. Claude Domeizel.
Voilà une bonne mesure !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai annoncé, au cours de la
première lecture de ce texte à l'Assemblée nationale, que le minimum vieillesse
serait revalorisé dans les mêmes proportions, c'est-à-dire de 2,2 %.
Par ailleurs, pour les retraités les plus modestes qui ne sont pas imposables
à l'impôt sur le revenu, le Gouvernement propose d'accorder un gain de pouvoir
d'achat supplémentaire et, à cette fin, de supprimer pour eux la contribution
pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, qui s'élève à 0,5 % ; cette
mesure devrait concerner près de 5 millions de retraités.
M. Claude Domeizel.
Voilà une deuxième bonne mesure !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il nous cherche !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais j'apprécie beaucoup ce
genre de remarques et j'en remercie Claude Domeizel !
(Sourires.)
Le Gouvernement souhaite non seulement associer les retraités - c'est approuvé
dans la partie gauche de l'hémicycle - aux résultats des fruits de la
croissance, mais également préparer l'avenir de nos systèmes de retraite.
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
C'est moins évident, cela !
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est dommage que la CNAV ait voté contre !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ecoutez-moi, messieurs ! Vous
allez voir, puisque je vous sens impatients sur ce sujet !
Le Premier ministre a annoncé, en mars dernier,...
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il annonce beaucoup de
choses !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... les orientations et le
calendrier de travail que nous nous étions fixés.
Le présent projet de loi comporte plusieurs dispositions destinées à accroître
les ressources du fonds de réserve des retraites pour mieux faire face aux
conséquences des évolutions démographiques de long terme et pour répondre à
notre principal objectif, qui est la consolidation des régimes de retraite par
répartition, système permettant le mieux d'assurer la solidarité entre les
générations.
Le fonds de réserve, créé en 1998, s'est vu affecter des ressources nouvelles
dès 1999 avec les excédents de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, la
CNAV, et du fonds de solidarité vieillesse, la moitié du prélèvement de 2 % sur
les revenus du patrimoine, les contributions des caisses d'épargne et de la
Caisse des dépôts et consignations,...
M. Jean-Louis Carrère.
Ah oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... auxquels s'ajoute la
majeure partie des produits de la vente des licences de téléphonie mobile de
troisième génération.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Pas encore !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si vous adoptez ce projet de
loi de financement de la sécurité sociale, mesdames, messieurs les sénateurs,
le fonds de réserve disposera ainsi de plus de 50 milliards de francs à la fin
de l'année prochaine.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Placés en bons du
Trésor !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les ressources du fonds
s'accroissent donc, conformément aux engagements pris par le Gouvernement.
Avec les sources de financement actuelles, le fonds de réserve devrait
disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de francs
proviendront des intérêts financiers. Cette somme correspond à la moitié des
déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Il importe,
en effet, de réfléchir collectivement aux règles d'organisation et de placement
du fonds de réserve, et j'ai entendu à l'instant les remarques formulées à cet
égard par M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Absolument !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Le fonds est appelé à gérer
l'argent de nos concitoyens. Il devra le faire dans la transparence, en ayant
le souci de la bonne utilisation des deniers publics. Des dispositions en ce
sens figureront dans le projet de loi de modernisation sociale.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous les attendons !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Sur ces questions essentielles,
vos réflexions me seront évidemment très précieuses.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Nous ne manquerons pas
de vous les faire connaître !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je voudrais aussi souligner la
qualité et l'intérêt des travaux que le conseil d'orientation des retraites,
installé par le Premier ministre, a engagés. Ce conseil mène, vous le savez,
une concertation active avec les élus et les partenaires sociaux et explore
avec eux différents scénarios, différentes perspectives financières, compte
tenu de l'évolution - heureusement positive - de la croissance et de
l'emploi.
Le conseil d'orientation des retraites fera des propositions sur la base des
consultations qu'il mène pour tous les régimes et le Gouvernement prendra, sur
ces bases, ses décisions.
Notre volonté, je le redis, est de défendre les retraites des Français et,
pour cela, de garantir les régimes par répartition, gage de la solidarité entre
les générations.
Comme preuve de cette volonté, le Gouvernement a accepté que l'abrogation de
la loi Thomas soit incluse dans ce projet de loi de financement de la sécurité
sociale, et l'Assemblée nationale y a procédé en première lecture. Je me
réjouis d'ailleurs de voir que l'opposition se rallie, dans ses propositions, à
la consolidation des régimes de retraite par répartition...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Elle l'a toujours dit !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Elle n'a jamais été contre !
M. Jean-Pierre Fourcade.
Elle s'y est toujours ralliée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Mais c'est vous qui avez fait
voter la loi Thomas en 1996 !
J'espère que nous allons nous retrouver sur cet objectif, évidemment essentiel
pour la majorité.
Préparer l'avenir, c'est aussi proposer une réforme de la prestation
dépendance.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Ah oui !
M. Guy Fischer.
Cette réforme est attendue !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Vous devriez être attentifs sur
ce point, parce que cela concerne plusieurs d'entre vous qui sont président de
conseil général en même temps que sénateur.
Le Gouvernement s'est prononcé pour la création d'une prestation autonomie qui
corrige les défauts de l'actuelle prestation dépendance. Cela permettra
d'aborder dans de meilleures conditions cette autre question qui est posée
aujourd'hui par le vieillissement et qui fait qu'un nombre toujours plus grand
de personnes âgées a besoin d'assistance dans la vie quotidienne.
Nous travaillons ainsi sur tous les aspects de la question posée par le
vieillissement de la population : mieux prendre en charge les personnes âgées
dépendantes, consolider les retraites par répartition et faire de la retraite
un âge heureux de la vie.
Le troisième axe de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est
la mise en place d'une meilleure indemnisation des victimes d'accidents du
travail et de maladies professionnelles.
Ce gouvernement a conduit un important travail pour améliorer la
reconnaissance et la réparation des accidents du travail et des maladies
professionnelles. Je pense au raccourcissement des délais de réponse des
caisses, à la réforme du tableau des maladies professionnelles, ou encore aux
garanties sur les délais de réponse aux victimes. Nous connaissons tous, en
effet, les souffrances qu'endurent les victimes de l'amiante et le drame que
vivent ceux qui leur sont proches.
Nous avons déjà pris un certain nombre de mesures particulières en faveur de
ces victimes, comme le dispositif de cessation anticipée d'activité pour les
travailleurs de l'amiante.
Cette année, le Gouvernement vous propose d'aller plus loin en adoptant une
réforme décisive : au nom de la solidarité nationale, il nous paraît en effet
fondamental que la collectivité accorde aux victimes de l'amiante une juste
réparation.
Le Gouvernement a donc décidé - et vous propose - de créer un fonds
d'indemnisation financé par les employeurs, via la branche des accidents de
travail, et par le budget de l'Etat. Ce fonds sera doté de 2 milliards de
francs dès 2001.
Mais il est vrai que le drame de l'amiante a aussi montré les limites de la
législation sur les accidents du travail et les maladies professionnelles en
matière d'indemnisation, ainsi que la lourdeur des procédures.
C'est pourquoi le Gouvernement a demandé au président de la commission
spécialisée du conseil supérieur de prévention des risques professionnels, en
charge des maladies professionnelles, de lancer dans les plus brefs délais une
réflexion large sur la réparation des risques professionnels, en concertation
étroite avec l'ensemble des partenaires concernés.
Le quatrième axe de ce projet est l'amélioration de la qualité de notre
système de santé, tout en maîtrisant correctement l'évolution des dépenses.
L'objectif qui vous est proposé pour 2001 a été fixé en ayant pour but de
renforcer l'efficacité de notre système de santé en tenant compte, à la fois,
du cadre économique et financier de la nation et de l'impact des politiques
structurelles que nous avons lancées.
Le Gouvernement a retenu un objectif national de dépenses d'assurance maladie
pour 2001 de 693,3 milliards de francs, en progression de 3,5 % par rapport à
2000. Cette progression, plus rapide que celle qui vous avait été proposée pour
cette année, est cohérente avec la situation économique et financière générale
de notre pays et permet de financer de nouvelles avancées dans la qualité de
notre système de santé et de la couverture maladie.
Quels sont, sur cette base, les principaux objectifs que nous vous proposons
?
D'abord, il s'agit de répondre aux priorités de santé publique. Je pense,
notamment, au plan « cancer » et au plan « greffes ». Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé, reviendra plus longuement sur ces politiques. Je
souhaite, en particulier, que l'effort en faveur du dépistage systématique de
certains cancers à risques soit amplifié.
Nous souhaitons également répondre efficacement aux progrès de la connaissance
médicale, notamment en matière de réduction des risques sanitaires : je pense,
en particulier, à la maladie de Creutzfeldt-Jakob et à son nouveau variant.
Un effort particulier sera fait, commes les années précédentes, en faveur des
établissements médico-sociaux pour accompagner le développement du nombre de
places pour les personnes handicapées et la médicalisation des établissements
pour personnes âgées dépendantes. Ce secteur verra ses crédits progresser de
5,8 %.
Quant aux budgets hospitaliers, ils augmenteront de 3,3 %, au lieu de 2,5 %
cette année. C'est ce même taux qui est retenu pour les cliniques privées,
marquant en cela le souci du Gouvernement de répondre aux questions qui se
posent aujourd'hui dans l'hospitalisation privée.
S'agissant des soins de ville, ils pourront progresser de 3 %, au lieu de 2 %,
cette année. Les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé
devront gérer cet objectif de façon responsable, avec le souci d'infléchir
durablement les tendances en matière de dépenses de ville. Les outils
structurels de maîtrise des dépenses et d'amélioration de la qualité des soins
existent ; il faut qu'ils s'en saisissent !
Nous avons également fixé l'objectif pour 2001 en tenant compte de l'évolution
des dépenses observées cette année.
Cette année, le dépassement de l'ONDAM devrait atteindre 1,6 % par rapport à
l'objectif fixé de 658,3 milliards de francs l'an dernier, en prenant en compte
les reports de dépenses de la fin de 1999. Le dépassement pour 2000 s'élèvera
donc à 11 milliards de francs.
Au total, les dépenses d'assurance maladie devraient évoluer, cette année, à
un rythme un peu supérieur à 4 %.
Quelles sont les causes de ce dépassement ?
Cette année encore, les soins délivrés en ville sont responsables de ce
phénomène : le médicament à hauteur de 6,2 milliards de francs, les honoraires
de certaines professions de ville pour 3,8 milliards de francs, les indemnités
journalières pour 1,7 milliard de francs, et les divers produits médicaux
inscrits au tarif interministériel des prestations sanitaires, le TIPS, pour
1,6 milliard de francs.
Pour autant, je voudrais souligner que la part de nos dépenses de santé dans
la richesse nationale est restée stable puisque, depuis 1997, elle se situe
autour de 10 % du produit intérieur brut, alors qu'elle continuait d'augmenter
chez certains de nos partenaires, qu'il s'agisse des Etats-Unis, de l'Allemagne
ou du Royaume-Uni.
Je suis très attachée à ce que notre système de santé soit préservé tout en se
réformant dans la concertation, parce qu'il conjugue une grande liberté au
profit de ses acteurs, une grande exigence de solidarité et une recherche
permanente de la qualité des soins. C'est, sans doute, l'un des meilleurs
systèmes au monde !
A la lueur des expériences étrangères, nous savons d'ailleurs qu'il n'existe
pas de système idéal permettant d'assurer une maîtrise parfaite des dépenses
avec un niveau optimal de qualité des soins. Seul le système anglais paraît
assurer une telle maîtrise des dépenses, mais à quel prix : la maîtrise
systématique des dépenses a conduit, ces dernières années, à de tels
rationnements des soins dans ce pays que le gouvernement travailliste de Tony
Blair s'efforce, à l'heure actuelle, de moderniser ce système en profondeur
!
Pour autant, je tiens à le souligner, la maîtrise des dépenses de santé est
une nécessité, et elle suppose la responsabilité de chacun des acteurs, qu'il
s'agisse de l'Etat, au premier chef, mais aussi des caisses d'assurance
maladie, des praticiens libéraux et des malades eux-mêmes.
Il me paraît plus que jamais nécessaire, à cet égard, que les objectifs votés
par le Parlement soient respectés, car je pense que c'est en maîtrisant mieux
les dépenses que nous trouverons les marges de manoeuvre permettant de couvrir
de nouveaux besoins et d'améliorer le niveau de protection de nos concitoyens.
Chaque franc dépensé doit l'être à bon escient. Les dépenses qui ne répondent
pas aux besoins réels, ce sont des cotisations en trop ou des dépenses
justifiées en moins ! Il nous faut donc poursuivre l'effort de longue haleine
entrepris en matière de réformes structurelles.
C'est d'abord le cas à l'hôpital. Nous menons une politique active de
recomposition du tissu hospitalier autour de trois priorités : la réduction des
inégalités dans l'accès aux soins, l'adaptation de l'offre de soins aux besoins
de la population, la promotion de la qualité et la sécurité des soins.
En particulier, la réflexion pour fonder la tarification des établissements de
santé sur les pathologies traitées est engagée, à la suite des dispositions que
vous avez votées l'an dernier.
Nous devons disposer de données d'activité hospitalière fiables et rapidement
disponibles. A cette fin, nous vous proposons de créer une agence technique de
l'information sur l'hospitalisation.
En matière de sécurité sanitaire, des mesures importantes seront prises en
2001 pour améliorer la qualité des procédures de désinfection et de
stérilisation et développer l'utilisation de dispositifs médicaux à usage
unique, mesures très importantes auxquelles nous allons donner une ampleur sans
précédent.
Le Gouvernement accompagne de manière significative ce mouvement de
recomposition de l'offre hospitalière par le fonds de modernisation sociale des
établissements de santé, le FMES, dont la création est proposée dans le présent
projet de loi.
Les réformes structurelles doivent également s'appliquer aux dépenses de
médicaments.
Ces dépenses progressent de 6 % à 7 % cette année, soit une évolution très
proche de celle de l'année précédente. Il est vrai que la France ne constitue
pas, dans ce domaine, une exception, puisque la plupart des pays occidentaux
connaissent une évolution encore plus rapide des dépenses de médicaments. Il
faut dire cependant que, si nous ne nous distinguons pas sur le plan des flux,
le niveau de notre consommation médicale est beaucoup plus élevé que dans
nombre de pays voisins.
Plusieurs réformes engagées porteront leurs fruits dès 2001, et plus encore
les années suivantes.
Le développement des génériques s'amorce. Nous ferons dans les prochains jours
avec les pharmaciens un bilan précis de la progression des médicaments
génériques et des économies dont la sécurité sociale a bénéficié.
L'année 2000 marque une nouvelle étape avec l'achèvement de la procédure de
réévaluation des médicaments. La commission de la transparence a examiné
l'efficacité médicale de près de 2 663 spécialités, ce qui représente plus des
deux tiers des spécialités pharmaceutiques françaises.
Nous avons, sans tarder, tiré les conséquences de ces travaux en ajustant le
taux de remboursement de certaines spécialités. Parallèlement, le comité
économique a conduit avec les laboratoires concernés des négociations pour
faire baisser les prix des spécialités dont le SMR, le service médical rendu, a
été jugé insuffisant.
Les spécialités dont le SMR a été jugé insuffisant ne seront, à terme, plus
remboursées. Cela ne doit cependant pas se faire dans la précipitation. Il
importe de donner aux patients, aux prescripteurs, mais aussi aux laboratoires,
le temps de s'adapter aux changements qui s'annoncent. A l'issue d'une période
transitoire 2000, 2001, 2002, les médicaments à SMR insuffisant sortiront du
remboursement.
Certains articles du projet de loi qui vous est soumis accompagnent cette
évolution, notamment - et c'est très important - en facilitant le recours à la
publicité pour les médicaments qui ne seront plus pris en charge par
l'assurance maladie, et surtout en apportant aux médecins une autre information
que celle dont ils disposent aujourd'hui et qui, nous le savons tous, est
essentiellement diffusée par l'industrie pharmaceutique, avec des moyens
considérables. Il suffit, pour s'en convaincre, de rappeler que les dépenses de
promotion pharmaceutique des laboratoires dépassent 12 milliards de francs. Que
ne pourrait-on faire avec ces 12 milliards de francs ?
Aujourd'hui, nous souhaitons apporter non pas une information d'Etat mais une
information neutre, validée scientifiquement, sur le bon usage du médicament.
Ainsi, un groupe confraternel d'information des prescripteurs sera
prochainement mis en place par le Gouvernement. Dès cette année, nous lui
donnerons les moyens de fonctionner. A cette fin, nous vous proposons de créer
un fonds de promotion de l'information médicale, alimenté par une fraction de
la taxe sur la promotion pharmaceutique.
Enfin, nous vous proposons de modifier la contribution de l'industrie
pharmaceutique que l'on appelle la « clause de sauvegarde ». Son mode de calcul
a aujourd'hui besoin d'être revu, car il comporte des effets de seuil peu
lisibles. L'Assemblée nationale a contribué à améliorer encore la lisibilité et
l'efficacité de cette clause.
Comme les gestionnaires de la CNAM l'ont souhaité, la régulation des dépenses
des professionnels exerçant en ville repose, depuis le projet de loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000, sur une large délégation de
gestion aux caisses d'assurance maladie. Elles doivent ainsi gérer, de façon
concertée et négociée, les dépenses d'honoraires, de biologie et de transport
sanitaire. Dans ces secteurs aussi, la maîtrise structurelle doit
s'appliquer.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale est venu améliorer la rédaction
de la loi ; je ne peux que m'en féliciter. Il est normal que ce dispositif se
rôde et que les modifications que souhaite le Parlement puissent y être
apportées, lorsqu'elles se révèlent utiles.
Les professionnels demandaient la possibilité de s'engager avec les caisses
sur des actions permettant de sortir d'une régulation qui serait purement
financière. Nous leur avons donné de nombreux outils pour ce faire. Il faut
maintenant que ces mécanismes fonctionnent pleinement.
Il en va ainsi des réseaux et, plus largement, des actions améliorant la
qualité des soins. Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, créé à cet
effet, commence heureusement à fonctionner.
Parallèlement à la concrétisation des réformes structurelles, nous voulons
poursuivre une politique déterminée d'amélioration de la couverture maladie de
nos concitoyens.
Ce sont là les mesures qui concernent la couverture maladie universelle.
D'ores et déjà, 4 700 000 personnes ont pu avoir accès à ce nouveau droit, soit
beaucoup plus que les 2 800 000 bénéficiaires de l'ancienne aide médicale. Je
me félicite, à ce propos, de la mobilisation de l'ensemble des acteurs :
professionnels de santé, caisses d'assurance maladie, collectivités locales,
organismes de couverture complémentaire et associations humanitaires.
A l'Assemblée nationale, j'ai annoncé le relèvement du seuil de 3 500 à 3 600
francs et le prolongement des droits des anciens bénéficiaires de l'aide
médicale jusqu'à la fin juin, au lieu du 31 octobre. Cette disposition nous
permettra d'étendre la CMU à 300 000 personnes suppplémentaires et également de
mieux traiter les cas des personnes qui risqueraient d'être exclues du
dispositif. Je suis convaincue que nous pourrons trouver, avec les conseils
généraux qui sont concernés, les mesures indispensables à cette fin.
Nous avons également dégagé 10 milliards de francs pour l'hôpital sur trois
ans, dont 2 milliards de francs dès cette année pour faire face aux
remplacements. Nous améliorons l'équipement sanitaire de la France en appareils
d'imagerie à résonance magnétique.
Nous favorisons la vaccination des personnes âgées contre la grippe, nous
facilitons l'accès des femmes à la contraception, nous développons la prise en
charge des prothèses auditives pour les sourds et des lunettes, notamment pour
les seize à dix-huit ans. Cela résulte, là encore, d'un amendement adopté à
l'Assemblée nationale.
Nous mettons en oeuvre un ambitieux programme de lutte contre le cancer, qui
propose pour la première fois une approche intégrée organisant la mobilisation
de tous les acteurs, de la recherche à la prise en charge des personnes malades
et de leurs familles. Ce plan représente un engagement de 1,8 milliard de
francs.
Nous améliorons, par ailleurs, la nomenclature des actes des professionnels
exerçant en ville : mieux adaptée aux évolutions de la pratique, elle autorise
le remboursement de nouveaux actes. C'est ainsi que nous avons travaillé avec
les infirmières, dont la nomenclature a été revue à trois reprises.
L'introduction du projet de soins infirmiers, voulue par les caisses et
certains syndicats - à vrai dire tous, comme j'ai pu m'en rendre compte, sous
réserve de discussions sur les modalités - constitue un progrès pour les
personnes dépendantes, en renforçant l'autonomie des professionnels.
De même, pour les masseurs-kinésithérapeutes, un grand pas a été franchi avec
la publication de la nouvelle nomenclature, très attendue par la profession.
Sur les soins dentaires, dans l'attente des conclusions de M. Michel Yahiel,
deux nouveaux actes vont être admis au remboursement, anticipant sur la refonte
complète de la prise en charge.
Enfin, les non-salariés non agricoles bénéficient d'une amélioration de la
couverture maladie. Il y aura donc désormais un socle commun entre le régime
général, les régimes des exploitants agricoles et des salariés agricoles et
ceux des professions indépendantes.
Enfin, dernier axe de ce projet de loi, nous entendons franchir une nouvelle
étape en matière de réforme du financement de la sécurité sociale.
C'est ainsi que le projet de loi qui vous est soumis comporte une mesure
importante d'allégement de la CSG et de la CRDS pour les ménages modestes.
Le Gouvernement vous propose en effet d'instituer une ristourne dégressive de
CSG et de CRDS, comprise entre 1 et 1,3 fois le SMIC, ce dernier seuil ayant
été porté à 1,4 fois par amendement à l'Assemblée nationale.
Cette mesure se déploiera au cours des trois prochaines années et
représentera, au terme de ces trois ans, l'équivalent d'un treizième mois pour
les smicards.
A travers cette mesure, le Gouvernement vise trois objectifs.
Tout d'abord, réduire l'écart entre salaire brut et salaire net. C'est, je le
sais, une préoccupation que partagent nombre d'entre vous, et pas seulement,
semble-t-il, dans la majorité. En 2003, le SMIC net sera relevé de 540 francs
par mois.
Ensuite, accroître le pouvoir d'achat. Beaucoup d'inexactitudes ont été
entendues sur ce sujet. Au total, depuis 1997, le pouvoir d'achat par tête
s'est accru de 1,1 % par an en moyenne. En particulier, la suppression des 4,8
points de cotisations maladies, auxquels se sont substitués 4,1 points de CSG,
a permis de distribuer du pouvoir d'achat aux salariés. Au total, depuis 1997,
le SMIC net s'est déjà accru de l'équivalent d'un treizième mois. Avec la
mesure que nous vous proposons ici, c'est donc un avantage du même ordre, en
termes de gain de pouvoir d'achat, qui sera consenti aux smicards d'ici à
2003.
Enfin, troisième objectif, il convient de lutter contre les « trappes à
inactivité ». Cette mesure renforce en effet l'attrait du revenu d'activité par
rapport aux minima sociaux et complète ainsi une série de dispositions déjà
prises par le Gouvernement pour rendre financièrment moins pénalisant le retour
à l'emploi, qu'il s'agisse de la réforme des dégrèvements de la taxe
d'habitation, de la réforme des aides au logement ou de la mise en place de
l'intéressement des RMistes, qui permet le cumul d'un revenu d'activité et de
l'allocation pendant un an. Vous l'avez compris, cette mesure de ristourne
dégressive de la CSG et de la CRDS a un seul but : l'emploi.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que nous pouvons
nous réjouir de la poursuite de l'assainissement financier de la sécurité
sociale.
Le redressement des comptes est, d'abord, le fruit des réformes structurelles
que nous avons patiemment engagées. C'est ce qui nous permet de faire
progresser les acquis sociaux, aussi bien en matière de santé qu'en matière de
mesures en faveur des familles, des retraités ou des victimes d'accidents du
travail, et je ne doute pas que les précisions que je viens d'apporter
conduiront M. Descours à modifier le jugement qu'il a cru devoir porter devant
la presse voilà quelques jours.
J'attends naturellement avec intérêt son discours, dans lequel il ne manquera
certainement pas de souligner l'évolution des politiques par rapport à celles
qui ont été menées, dans une période antérieure, par une majorité qu'il
soutenait.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Vous ne serez pas déçue, madame le ministre !
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Dominique Gillot,
secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, Mme la ministre vient de le dire,
l'équilibre des comptes de la sécurité sociale a été atteint. Cet objectif
était délibérément visé, et nos concitoyens souhaitaient qu'on l'atteigne, car
ils savent que, sans cet équilibre, il n'y a ni d'égalité, ni qualité, ni
justice dans l'accès aux soins.
Nous n'ignorons pas le mécontentement qu'expriment certains professionnels de
santé, pas plus que les efforts réalisés par nombre d'entre eux pour nous aider
à atteindre cet objectif d'équilibre.
Mais parce que cet équilibre est encore fragile - la branche maladie continue
à être déséquilibrée - nous veillerons à ce qu'aucun dérapage ne vienne le
compromettre. Le fait qu'il soit retrouvé nous permet en tout cas de parler
aujourd'hui avec sérénité de la santé publique.
Longtemps sous-estimée, la définition claire d'une politique de santé publique
est devenue en quelques années une exigence des élus, des professionnels et, de
façon encore plus large, des usagers et des citoyens.
Même si, cette année, l'exercice nous conduit encore à parler surtout des
comptes de la sécurité sociale, je vais, puisque vous m'y encouragez,
développer rapidement les grands axes de cette politique de santé publique que
poursuit le Gouvernement et qui sont les suivants : rendre égal l'accès aux
soins, renforcer la sécurité, développer la transparence et le droit des
malades, développer la prévention et l'éducation pour la santé, continuer
d'améliorer la prise en charge des malades.
Premier axe, donc, rendre égal l'accès aux soins.
Désormais, l'ensemble de nos concitoyens bénéficient d'un accès aux soins de
santé grâce à la mise en oeuvre de la CMU et grâce aussi à la prolongation du
dispositif d'aide médicale gratuite, ce qui permettra d'adapter les dispositifs
les uns par rapport aux autres.
Par ailleurs, l'élaboration des programmes régionaux d'accès à la prévention
et aux soins, les PRAPS, a dynamisé la mobilisation de l'ensemble des
intervenants dans le domaine de l'accès aux soins.
Les hôpitaux, quant à eux, ont mis en place des permanences d'accès aux soins
de santé, les PASS, qui permettent l'accès à des consultations à tout moment.
Près de 300 permanences d'accès aux soins ont été financées en 1999, et nous
renforcerons les moyens de ces permanences l'année prochaine.
J'en viens au deuxième axe, à savoir le renforcement de la sécurité.
Vous le savez, le besoin de sécurité sanitaire est une exigence forte de nos
concitoyens. Le 1er janvier dernier, la mise en place, prévue par la loi, de
l'établissement français du sang est venue renforcer le dispositif de
prévention sanitaire prévu par le législateur en juillet 1998. Ce dispositif
sera prochainement complété par la création de l'agence de sécurité sanitaire
environnementale, chargée d'expertiser et d'évaluer l'impact potentiel des
perturbations de l'environnement sur la santé humaine.
En trois ans, la France se sera dotée d'un dispositif permettant l'évaluation
scientifique, la gestion des risques et la transparence des décisions. Ce
dispositif permet à la France d'impulser, grâce à un savoir-faire et à une
expérience reconnus, une politique européenne de sécurité sanitaire.
Nous poursuivons, par ailleurs, les programmes de lutte contre les infections
nosocomiales et les accidents iatrogènes. Les techniques de fonctionnement de
la sécurité anesthésique, de l'accueil et du traitement des urgences sont
progressivement encadrées.
Le troisième axe consiste à développer la transparence et les droits des
malades.
Nos concitoyens souhaitent un système de soins plus transparent et plus ouvert
à leur propre participation, nous le savons tous.
Le développement de l'accréditation contribue à cet effort. L'Agence nationale
d'accréditation et d'évaluation en santé, l'ANAES, a rendu publics, en juin
2000, les premiers comptes rendus d'accréditation : en juillet, quelque 186
établissements de santé étaient engagés dans la procédure d'accréditation.
A la suite des états généraux de la santé, qui ont montré la forte attente de
la population, nous proposerons, dans les semaines qui viennent, à travers le
projet de loi de modernisation du système de santé, une réponse aux attentes
exprimées, en suivant les conclusions du Premier ministre lors de la clôture de
ces états généraux.
Alors que la science, la médecine ont beaucoup progressé et ont permis un
accroissement important de la longévité, la prévention doit maintenant être au
centre de notre système de santé.
Il convient, tout d'abord, de lutter contre les maladies infectieuses, en
poursuivant le programme national de lutte contre l'hépatite C. En 2001, ce
programme de dépistage et de prévention sera renforcé, en particulier en
direction des usagers de drogues, des personnes détenues et des professionnels
réalisant des tatouages et du piercing.
Nous continuerons avec détermination la lutte contre le sida. En 2001, nous
allons renforcer les actions à destination des publics les plus vulnérables, à
savoir les femmes, les populations migrantes et les jeunes.
Pour améliorer la prise en charge des personnes malades en situation de
précarité, nous proposons le transfert du dispositif expérimental d'appartement
de coordination thérapeutique destiné aux personnes atteintes du sida dans le
cadre commun de la loi de 1975 relative aux institutions médico-sociales.
Ensuite, nous prenons en charge et nous prévenons les pratiques addictives. Il
s'agit, avant tout, du tabagisme et de l'abus d'alcool. Si nous ne réussissons
pas à inverser la tendance, il s'agira probablement dans les prochaines années
des causes empêchant la progression de l'espérance de vie.
En ce qui concerne la lutte contre le tabagisme, nous poursuivons les actions
annoncées en mai 1999 selon trois axes : le renforcement de l'information de la
population, l'aide au sevrage tabagique et la protection des non-fumeurs.
Le délistage des produits de substitution nicotiniques a ainsi permis de
doubler le nombre de tentatives de sevrage. Quand on sait qu'un fumeur sur deux
déclare avoir envie d'arrêter de fumer, nous devons nous appuyer sur cette
détermination pour protéger la santé de nos concitoyens.
Pour consolider les consultations de prévention individuelle de l'alcoolisme
réalisées dans les structures d'hébergement, nous proposons une prise en charge
par l'assurance maladie des organismes locaux chargés de ces consultations.
Ces efforts s'inscrivent dans la poursuite des objectifs fixés par le plan
triennal de lutte contre la drogue et de prévention des dépendances adopté en
juin 1999.
D'autres programmes de prévention tout aussi importants sont mis en oeuvre.
Sans entrer dans le détail, je citerai ceux qui concernent la prévention du
suicide, que j'ai présenté à Nantes à la fin du mois de septembre,
l'application de la loi du 23 mars 1999 relative à la protection de la santé
chez les sportifs et à la lutte contre le dopage, enfin, la nutrition, qui est
le thème prioritaire de santé publique porté par la France pendant sa
présidence européenne et qui sera le thème d'un colloque européen en décembre
prochain.
Nous allons continuer d'améliorer la prise en charge des malades, et tout
d'abord des malades atteints d'un cancer. C'est une priorité essentielle de
santé publique car chaque année 250 000 nouveaux malades sont diagnostiqués.
Le dispositif français dans ce domaine n'est pas suffisamment organisé. La
Cour des comptes l'a relevé dans le rapport qu'elle nous a remis au début de
cet automne. En février dernier, Martine Aubry et moi-même avons annoncé un
ambitieux programme national qui s'articule autour de cinq axes, que Mme Guigou
vous a rappelés tout à l'heure.
L'un des axes attendu de ce programme concerne le dépistage généralisé des
cancers du sein, du col de l'utérus et colorectal. En juillet dernier, la
circulaire précisant les modalités du dépistage du cancer du sein a été publiée
; celle concernant le cancer colorectal le sera dans les semaines qui viennent.
Les discussions tarifaires sont en cours. Ces programmes vont donc pouvoir se
généraliser comme prévu, progressivement, en garantissant l'égalité d'accès à
toutes les personnes.
Pour compléter ce dispositif de lutte contre le cancer, une ambitieuse
politique de santé publique du prélèvement et de la greffe a été engagée
parallèlement. La greffe ne peut réussir que s'il y a prélèvement et
disponibilité du greffon. En ce domaine, nous devons faire un gros effort pour
sensibiliser nos concitoyens à cet acte de solidarité majeur.
Nous poursuivons par ailleurs les programmes que nous avions annoncés : lutte
contre la douleur, développement des soins palliatifs, organisation de
l'hospitalisation à domicile.
En ce qui concerne la santé des femmes, vous connaissez l'engagement du
Gouvernement dans ce domaine. Je rappellerai simplement notre volonté de
garantir l'accès à l'IVG et à la contraception et les projets de loi visant à
revoir et à moderniser les lois Neuwirth et les lois Veil.
En matière de santé mentale, au-delà du programme d'actions concernant la
prévention du suicide que j'ai évoqué, nous avons entamé une large réflexion
nationale dans le domaine de la santé mentale.
L'attente de nos concitoyens évolue en ce domaine alors que l'image
traditionnelle de la psychiatrie accuse un décalage grandissant, qui se
manifeste désormais aussi par une désaffection des professionnels de santé pour
la psychiatrie publique du secteur, qu'il s'agisse des médecins ou des
infirmières.
Nous souhaitons donc travailler avec tous les professionnels à une intégration
renforcée du dispositif de prise en charge des maladies mentales dans le
dispositif général de l'offre de soins.
Avant de conclure, j'aimerais rappeler deux autres programmes qui me tiennent
à coeur.
Il s'agit, en premier lieu, de la prise en charge des enfants dysphasiques et
dyslexiques - vous savez que 4 % à 5 % des enfants sont concernés. Avec le
ministre de l'éducation nationale, nous avons mis en place un plan d'actions
qui permettra une prévention de ces troubles du langage, un diagnostic plus
rapide, plus sûr, et une meilleure prise en charge.
Il s'agit, en second lieu, de la santé des personnes détenues. Depuis trois
ans, nous avons renforcé l'accès aux soins, développé la prévention des
pratiques addictives et amélioré le dépistage du VIH et des hépatites. Avec
Elisabeth Guigou, nous souhaitons renforcer ces actions en permettant, en
particulier, que les personnes détenues qui en ont besoin puissent être
hospitalisées dans de bonnes conditions, dans des conditions dignes de la
personne humaine. A cette fin, l'installation d'unités sécurisées
interrégionales a été décrétée dans huit centres hospitalo-universitaires.
Par ailleurs, nous avons engagé la définition de guides de bonnes pratiques
pour la prise en charge, l'accompagnement et le suivi de patients atteints de
maladies rares et pourtant très graves, ainsi que de leur famille.
Telles sont, en quelques mots, les grandes lignes de la politique de santé
publique que nous menons. Je suis convaincue que cette politique va dans le
sens des aspirations et des besoins de nos concitoyens. Elle participe à
l'amélioration des conditions de santé de tous. Je suis également convaincue
que nous devons aujourd'hui nous engager résolument dans la modernisation de
notre système de santé, une modernisation voulue et comprise par tous les
professionnels de santé et qui doit se traduire par une plus large place faite
aux usagers et aux malades.
Aujourd'hui, par la politique que nous menons, et notamment par la loi de
lutte contre les exclusions, nous avons contribué à faire reculer les
inégalités de santé. Demain, pour aller plus loin, nous devons introduire plus
de démocratie au coeur du système de santé. Je sais que cet idéal rencontre
l'adhésion de beaucoup d'entre vous et je vous en remercie.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe
communiste républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du
RDSE).
M. le président.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres
financiers généraux et l'assurance maladie.
Madame le ministre, je
voudrais d'abord vous souhaiter la bienvenue au Sénat dans vos nouvelles
fonctions, mais vous dire que le texte que vous avez à défendre pour la
première fois dans cet hémicycle souffre de beaucoup de critiques partagées par
de nombreuses personnes.
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Guy Fischer.
C'est exagéré !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Il est dommage - et je m'adresse également à l'opposition
sénatoriale - que les conseils d'administration des caisses et les
professionnels de santé n'aient pas lu avec les mêmes lunettes que vous, si
j'ose dire, le projet de loi que vous nous proposez.
(Sourires).
Je rappelle en effet, au cas où quelqu'un dans cet hémicycle l'aurait oublié,
que les quatre conseils d'administration des caisses ont tous, à l'unanimité -
j'insiste - voté contre le projet de loi de financement de la sécurité
sociale.
Quant aux professionnels de santé, il faut croire que tous les efforts que
vous nous avez déclaré vouloir faire, madame le ministre, en faveur des
kinésithérapeutes, des infirmiers et des médecins ne sont pas arrivés jusqu'à
eux puisqu'ils ont fait une journée « santé morte » le 26 octobre, jour où vous
inauguriez vos nouvelles fonctions à l'Assemblée nationale. Et les spécialistes
fermeront leur cabinet à partir du 15 novembre.
Votre discours introductif ne m'a pas, pour ma part, convaincu, mais peut-être
convaincra-t-il les professionnels de santé...
La sécurité sociale est en excédent - c'est vrai - pour la première fois
depuis dix ans.
Au-delà de cette bonne nouvelle, que personne ne conteste, pouvons-nous dire
que la France dispose d'une sécurité sociale en meilleure santé ? Je ne le
pense pas et je souhaiterais, à cet égard, faire deux observations sur les
années 1999 et 2000.
Première observation, le redressement des comptes a été fragile. Il s'explique
par une forte augmentation de la masse salariale grâce au dynamisme de la
création d'emplois et malgré la modération salariale,...
M. Claude Domeizel.
C'est bien de le reconnaître !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... ce qui s'explique, selon le Gouvernement lui-même, par la
mise en place des trente-cinq heures.
Le Gouvernement rappelle que le redressement de la sécurité sociale est à
porter à l'actif non seulement de la croissance, mais également des « mesures
structurelles » ; madame la ministre, vous venez de nous le redire. Toutefois,
ces « mesures stucturelles » ne sont pas des mesures d'économie, mais
correspondent à l'affectation de nouveaux prélèvements à la sécurité
sociale.
Il faut souligner que pour ces deux raisons - mesures structurelles et forte
augmentation de la masse salariale - la sécurité sociale bénéficie de ce que
nous appelons, probablement abusivement, une « cagnotte sociale ». De
prélèvement obligatoire en prélèvement obligatoire, cette « cagnotte sociale »
se serait élevée à 7 milliards de francs en 1999 et à 12,5 milliards de francs
en 2000.
Même limitée - surtout en comparaison de la « cagnotte fiscale » ! - force est
de constater que cette « cagnotte sociale » a été utilisée intégraleme nt pour
financer le dérapage des dépenses maladie, sur lesquelles je reviendrai dans un
instant.
Le régime général, je l'ai dit, est équilibré en 1999. Mais le contenu de cet
équilibre a été profondément modifié : alors que la loi de financement
prévoyait un équilibre de la branche maladie, celle-ci a connu un déficit de 9
milliards de francs. L'excédent des branches vieillesse, famille et accidents
du travail vient masquer ce déficit, mais il est clair qu'en additionnant des
choux et des navets - au mépris d'ailleurs de la loi de 1994, qui instaurait
l'indépendance des branches - nous arrivons à l'équilibre de la sécurité
sociale que Mme Aubry a présenté à la commission des comptes. Mais personne ne
doit perdre de vue que l'assurance maladie est, en réalité, en déficit de 9
milliards de francs.
En 2000, le régime général disposerait d'un excédent global de 3,4 milliards
de francs : la branche maladie resterait déficitaire mais les autres branches
seraient excédentaires. Encore faut-il préciser, et la Caisse nationale des
allocations familiales l'a déjà fait, que le Gouvernement modifie les règles du
jeu, en transférant à la branche famille, sur l'exercice 2000, 2 milliards de
francs de dépenses supplémentaires au titre de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire.
En réalité, seul l'écart de progression entre ces prélèvements et ces dépenses
explique le rétablissement des comptes. Tout retournement de conjoncture
reposerait le problème du « trou » de la sécurité sociale, « trou » dont la
disparition, comme vous, me réjouit.
Deuxième observation, le Gouvernement a dénaturé considérablement l'outil que
devaient constituer les lois de financement de la sécurité sociale. Il a
notamment refusé, contre toute attente, de déposer un projet de loi de
financement rectificatif, un « collectif social ».
Un « collectif social » était en effet nécessaire en raison de l'annulation
par le Conseil constitutionnel d'une des recettes du fonds de financement des
trente-cinq heures - le fameux FOREC - la taxe sur les heures supplémentaires.
Ce fonds n'était plus équilibré. La preuve en est, et nous y reviendrons dans
un instant, que c'est en définitive au projet de loi de financement 2001 qu'il
revient de lui affecter de nouvelles recettes.
Un « collectif social » était également nécessaire en raison du « plan hôpital
» du Gouvernement, présenté par Mme Aubry au mois de mars dernier. Nous ne
sommes pas opposés à ce plan, mais il est pour moitié financé par la sécurité
sociale, raison supplémentaire de présenter un projet de loi de financement
rectificatif !
Un « collectif social » était enfin nécessaire en raison des charges nouvelles
que doit supporter la branche famille, à travers l'accélération de la prise en
charge de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par la CNAF.
L'absence de loi de financement rectificative n'est cependant pas tout.
Le Gouvernement dénature l'outil des lois de financement de la sécurité
sociale en faisant adopter, dans le cadre d'une procédure d'urgence de droit,
des dispositions dont les textes d'application tardent systématiquement à
paraître. Le meilleur exemple, pour la loi de financement de la sécurité
sociale de 2000, c'est le FOREC, qui n'existe pour l'instant que sur le papier.
Or si le projet de loi est adopté, le FOREC aura un budget de 85 milliards de
francs en 2001.
Le Gouvernement dénature aussi l'outil des lois de financement en multipliant
les mesures du type « diverses mesures d'ordre social ». Or le législateur de
la loi organique de 1996 avait voulu que la loi de financement de la sécurité
sociale soit un « texte court », centré sur les enjeux du financement de la
protection sociale.
Le Gouvernement dénature encore l'outil des lois de financement de la sécurité
sociale en multipliant les fonds, ce qui parcellise le financement de la
protection sociale.
Un appel exhaustif de cette quinzaine à vingtaine de fonds figure dans mon
rapport écrit. Je serais incapable de les citer tous. Je suppose d'ailleurs que
personne n'en serait capable.
Enfin, et tel est le plus gros défaut de ce projet de loi, depuis quelques
années, si, grâce à l'effort de tous, notamment des caisses, les comptes
sociaux ont incontestablement gagné en fiabilité, compte tenu de la «
tuyauterie » dissimulée dans ce texte - je m'excuse de répéter ce terme qui
connaît quelque succès -, ils ont perdu en lisibilité. Or, on ne peut pas avoir
l'échange démocratique que vous appelez de vos voeux, d'abord avec le
Parlement, puis avec la population, si nous ne connaissons pas la teneur des
comptes sociaux.
Je vous mets d'ailleurs au défi, madame le ministre, madame le secrétaire
d'Etat, d'expliquer simplement le financement du FOREC et de répondre à une
interrogation écrite sur la base de ces documents.
(Exclamations amusées sur
les travées du RPR.)
Les conditions de fonctionnement de la commission des comptes de la sécurité
sociale suscitent également des questions.
La presse parle du rapport de la commission des comptes ; en fait, les comptes
sont établis par la direction de la sécurité sociale - je déplore d'ailleurs
que son directeur soit parti - dont les hypothèses tendancielles sont de plus
en plus discutables.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, me
permettez-vous de vous interrompre ?
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je vous en prie.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre, avec l'autorisation de M. le rapporteur.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le rapporteur, je ne
peux pas vous laisser mettre en cause un haut fonctionnaire, en l'occurrence le
directeur de la sécurité sociale.
M. Bras a besoin, pour son travail, de sortir de temps en temps de l'hémicycle
; de toute façon, il n'est pas tenu, contrairement aux représentants du
Gouvernement, d'être présent en permanence pour écouter les débats.
M. Guy Vissac.
Il n'a pas été mis en cause.
M. Alain Gournac.
Du calme !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Madame le ministre, j'entretiens les meilleures relations
avec M. le directeur de la sécurité sociale, comme avec ses prédécesseurs, et
je ne le mets absolument pas en cause.
Je voulais dire que c'est lui et ses prédécesseurs qui rédigent le rapport de
la commission des comptes de la sécurité sociale. Or M. Monier nous a présenté
un texte tenant compte de décisions qui n'étaient ni votées ni même présentées
au Parlement. C'est cela qui est choquant. D'ailleurs, je déposerai quelques
amendements tendant à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes
de la sécurité sociale, dans laquelle je siège depuis une douzaine d'années.
Par ailleurs, le dernier rapport de septembre 2000 ne mentionne même pas les
comptes du FOREC. Mme Gillot peut témoigner que je l'ai signalé
immédiatement.
Enfin, le Gouvernement modifie constamment l'affectation des prélèvements
sociaux. La répartition des droits sur les tabacs entre l'Etat, la CNAMTS et
maintenant le FOREC a été modifiée par toutes les lois de financement de la
sécurité sociale, sauf celle de 1999. Le prélèvement social de 2 % sur les
revenus du patrimoine a fait l'objet de quatre modifications en trois ans.
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 franchit, du
point de vue des « tuyauteries », un palier considérable : on peut parler
désormais de « bricolage financier permanent », et nous allons voir
pourquoi.
Une conjoncture économique toujours très favorable explique l'excédent prévu
pour 2001. La prévision de croissance de la masse salariale est de 5,9 %, ce
qui représente un « pari » d'une croissance historique reposant sur une
progression élevée du salaire moyen par tête, qui reste bien évidemment à
confirmer.
(M. Fischer s'exclame.)
Voyons ! Il y a quatre ans que vous êtes au pouvoir. Encore que vous, sur la
sécurité sociale !...
(M. Fischer s'exclame de nouveau.)
Pour le régime général, le Gouvernement indique un excédent tendanciel de 15,3
milliards de francs, la branche maladie parvenant presque à l'équilibre.
Hélas ! la loi de financement de la sécurité sociale - les partenaires sociaux
l'ont déploré - est devenue la loi de financement des trente-cinq heures, et
cette « loi » est impitoyable...
En effet, l'année dernière déjà, la loi de financement de la sécurité sociale
pour 2000 avait détourné au profit du FOREC 5,6 milliards de francs de droits
sur les alcools dont bénéficiait auparavant le fonds de solidarité vieillesse,
la compensation de cette perte étant assurée par les trois branches du régime
général, qui ont ainsi effectivement contribué au financement des 35 heures.
Pour équilibrer les comptes du FOREC en 2000 - 67 milliards de dépenses
prévues - le projet de loi de financement prévoit de lui affecter
rétroactivement, notamment en raison de la décision du Conseil constitutionnel,
5,4 milliards de francs de droits sur les alcools, aujourd'hui encore versés au
fonds de solidarité vieillesse, tandis que le collectif budgétaire de fin
d'année, que nous voterons au mois de décembre, devrait lui affecter 3,1
milliards de francs de droits sur les tabacs.
En 2001, face à l'explosion des dépenses de ce fonds, qui sont estimées à 85
milliards de francs, « la réforme des cotisations patronales » connaît de
nouveaux avatars, puisque son assiette est étendue aux vignettes des véhicules
des sociétés et aux conventions d'assurance.
Par ailleurs, le champ de compétences du FOREC est élargi aux exonérations de
la loi Robien et à certaines exonérations de cotisations d'allocations
familiales.
Je vais essayer de vous apporter des éclaircissements sur le financement du
FOREC sans recourir à des transparents. Nous avons pourtant demandé à M. le
président du Sénat de pouvoir projeter des images dans l'hémicycle.
M. le président.
Monsieur Descours, la possibilité de visionner des transparents existe d'ores
et déjà au Sénat, dans les salles de commission notamment. Cette possibilité
est à l'étude pour l'hémicycle et j'espère que MM. les questeurs accepteront
l'enveloppe financière qui serait nécessaire.
Comme vous le voyez, l'idée n'est pas abandonnée.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je dirai donc quelques mots, sans images, sur ces «
tuyauteries » du financement du FOREC en 2001.
Le Gouvernement prévoit de lui affecter 7,1 milliards de francs de droits sur
les tabacs qui sont aujourd'hui affectés à la CNAMTS. Cette diminution de
recettes est compensée au sein de la caisse par une augmentation du taux de la
CSG maladie. Dans le même temps, le taux de la CSG affecté au fonds de
solidarité vieillesse baisse à due concurrence. En revanche, la branche famille
« allège » les charges du FSV, en reprenant une fraction des majorations pour
enfants. On voit bien quel est le circuit entre tous ces organismes.
Toutes ces « tuyauteries » affreusement compliquées ont un objectif très
simple : financer les trente-cinq heures.
Le FOREC disposera donc en 2001 de plus de 18 milliards de francs autrefois
affectés à la sécurité sociale, à savoir des excédents de la branche famille et
du FSV.
Il reste que j'ai encore des doutes sur l'équilibre du FOREC en 2001.
En 2003, alors que son budget devrait atteindre 110 milliards de francs de
dépenses, son financement apparaîtra encore plus problématique. On ne voit
pourtant pas quelles taxes supplémentaires pourraient encore lui être
affectées, tant la collection présentée aujourd'hui par le Gouvernement est
complète.
Lorsque l'on examine plus précisément les différents flux financiers organisés
par le projet de loi entre l'Etat et la sécurité sociale, force est de
constater que l'Etat sort « gagnant » : il ne finance plus en rien le passage
aux trente-cinq heures, comme je le décris en détail dans mon rapport écrit.
Ces différentes réaffectations de recettes montrent également que le
Gouvernement n'a pas respecté le « plan de financement » de la couverture de
base de la couverture maladie universelle, qui prévoyait d'affecter 28 % du
prélèvement social de 2 % à la CNAMTS. Il ne reste désormais plus rien des 28 %
du prélèvement social, ce qui représente plus de 3 milliards de francs en
2001.
Madame le ministre, j'ai bien écouté ce que vous avez dit sur l'augmentation
du plafond pour bénéficier de la CMU. Nous n'aurons pas l'occasion d'en
discuter au cours de ce débat qui porte très précisément sur le financement de
la sécurité sociale.
Je rappellerai simplement du haut de cette tribune que, malgré l'augmentation
que vous avez annoncée, l'allocation versée aux adultes handicapés restera
au-dessous du plafond de la CMU.
M. Alain Gournac.
C'est vrai !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je veux maintenant insister sur les reproches que j'adresse
au Gouvernement : dans ce projet de loi, il porte atteinte à trois grands
principes.
Le premier principe, c'est l'universalité de la CSG et de la CRDS sur les
revenus d'activité.
La réduction dégressive de CSG proposée à l'article 2 du projet de loi souffre
de plusieurs défauts majeurs.
Tout d'abord, elle remet en cause l'universalité du financement de la
protection sociale alors que six gouvernements successifs, de droite comme de
gauche, pendant dix ans, ont essayé de consolider ce prélèvement qui a été
qualifié de « citoyen ». Introduire des dispositifs d'exonération revient à
reproduire l'erreur qui a été commise avec l'impôt sur le revenu : la base et
l'assiette de l'imposition sont appelées à se réduire petit à petit.
C'est d'ailleurs l'une des raisons essentielles pour lesquelles les conseils
d'administration des caisses ont voté contre.
Par ailleurs, ce mécanisme est inéquitable.
Ainsi, un couple disposant de deux salaires au niveau du SMIC - l'exemple a
été cité à l'Assemblée nationale - bénéficiera de deux réductions à taux plein,
alors qu'un couple percevant un seul salaire à 1,4 fois le SMIC ne bénéficiera
d'aucune réduction et qu'un célibataire titulaire d'un revenu égal au SMIC
bénéficiera de la même ristourne qu'un smicard père de trois enfants.
La réduction dégressive de la CSG est compensée, nous dit-on, et c'est vrai, à
la CNAMTS, à la CNAF et au FSV. Mais elle l'est d'une manière qui nous paraît
incertaine car elle s'opère à travers des fractions de la taxe sur les
conventions d'assurance, dont l'assiette est bien évidemment différente de
celle de la CSG.
Ce dispositif sera difficile à mettre en oeuvre par les entreprises et
probablement par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS,
et les organismes de recouvrement. Permettez au président du conseil de
surveillance de le souligner.
Enfin, sa constitutionnalité - mais nous verrons bien - m'apparaît douteuse,
notamment en raison des « pluriactifs » qui pourraient maximiser l'avantage de
réduction de CSG, alors que leurs revenus seraient supérieurs à 1,4 SMIC.
Le deuxième principe auquel le Gouvernement porte atteinte est le financement
de la dette sociale.
Vous l'avez dit, voilà un instant, madame le ministre, l'exonération de CRDS
pour les retraités modestes et les chômeurs non imposables, et la ristourne de
CRDS sur les revenus d'activité représentent une diminution de recettes qui
n'est pas nulle puisqu'elle atteint 2,8 milliards de francs en 2001 et sera de
4,1 milliards de francs dès 2003. Or, la CADES, la caisse d'amortissement de la
dette sociale, est financée quasi exclusivement par la CRDS, afin de rembourser
la dette sociale, jusqu'au 31 janvier 2014.
De plus, l'article 3 apparaît étranger au domaine des lois de financement de
la sécurité sociale : l'annulation du dispositif par le Conseil constitutionnel
est donc possible.
Enfin, le Gouvernement porte atteinte au champ de la loi de financement, par
l'extension de la solidarité nationale aux régimes complémentaire
vieillesse.
Je me suis réjoui - je le dis sincèrement car nous avons suffisamment débattu
de cette question au cours des années précédentes - qu'une issue ait été
trouvée après seize ans de conflit entre l'AGIRC, l'ARRCO et l'Etat. Mais le
Gouvernement propose de confier au FSV, à cet organisme chargé de financer les
avantages non contributifs des régimes de base, le soin de financer une dette
de l'Etat à l'égard de ces régimes complémentaires vieillesse. La disposition,
là aussi, apparaît étrangère au « champ » de la loi de financement, qui est
limité aux régimes de base.
Je ne parlerai pas des autres mesures du projet de loi, qui constituent un
catalogue souvent hétéroclite, ni des réformes structurelles auxquelles nous
aspirons et qui sont reportées, nous semble-t-il, aux calendes grecques.
Au total, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001
présente des équilibres incertains et un dispositif « parasité » par le
financement des 35 heures et les dispositions fiscales introduites par le
ministère des finances.
Madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
voudrais maintenant évoquer l'assurance maladie.
Le passage de Mme Martine Aubry au ministère de l'emploi et de la solidarité
se solde par un bilan qu'il est difficile de qualifier de positif.
M. Jean Chérioux.
Il est catastrophique !
(Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Charles Descours,
rapporteur.
Voyez comme ils sont méchants !
M. Alain Gournac.
Disons calamiteux !
M. Jean Chérioux.
Heureusement que l'on a un gentil rapporteur !
M. le président.
Mes chers collègues, veuillez ne pas interrompre l'orateur !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je crois qu'à son départ Mme Aubry a laissé un véritable
champ de ruines
(Mme Dieulangard proteste.)
La dérive des dépenses s'est poursuivie, l'ONDAM n'a pas été respecté à trois
reprises, les professionnels de la santé sont exaspérés et dans la rue, les
hôpitaux s'agitent et les cliniques privées s'enfoncent dans la crise.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Quel bilan !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je crois que l'on peut tirer trois enseignements de l'analyse
de l'évolution de l'assurance maladie.
Premier enseignement : l'ONDAM est bafoué et la volonté du Parlement
superbement ignorée. Je l'avais également dit à la commission des comptes.
La dérive inquiétante des dépenses d'assurance maladie se poursuit
inexorablement : l'ONDAM a ainsi été dépassé de 11,3 milliards de francs en
1999 et devrait l'être encore, malgré son « rebasage », d'au moins 13,2
milliards de francs en 2000.
Pour 2001, l'article 44 du projet de loi prévoit que l'ONDAM est fixé à 693,3
milliards de francs soit, selon l'exposé des motifs du projet de loi, « une
progression de 3,5 % par rapport aux dépenses attendues de 2000 ».
Pour la deuxième année consécutive, le taux de progression de l'ONDAM de
l'année
n
+ 1 est donc calculé à partir de l'ONDAM réalisé et non par
rapport à celui qui est voté.
En 2001, l'opération de rebasage est cependant plus complexe. L'ONDAM réalisé
en 2000 serait de 671,5 milliards de francs. Le Gouvernement n'a cependant pas
choisi ce chiffre pour son ONDAM rebasé. Il a souhaité le corriger de l'effet
des reports de liquidation, évalué à 2,4 milliards de francs, et de la marge de
manoeuvre pour 2000, estimée à 600 millions de francs.
Le taux de progression de l'ONDAM 2001 n'est donc que de 3,25 %, si on le
calcule par rapport au chiffre prévisionnel des dépenses 2000 ; mais il est
évident qu'il est mieux d'afficher une progression de 3,5 % pour les
professionnels de santé !
Toutefois, si l'on compare l'ONDAM 2001 à l'ONDAM voté par le Parlement en
2000, la progression est non plus de 3,25 %, mais de 5,3 %. On constate donc -
vous l'avez dit tout à l'heure, madame - une forte dérive des dépenses
d'assurance maladie.
Autant dire que le taux de 3,5 % a un caractère très virtuel et qu'il vise
surtout à frapper l'opinion publique et les professionnels de santé.
L'expérience des quatre premières lois de financement montre, en effet, que le
débat porte surtout sur le taux de progression affiché par le Gouvernement,
alors même que le seul chiffre ayant une existence juridique est celui de
l'ONDAM voté, en l'occurrence 693,3 milliards de francs cette année.
Au terme de ces quatre premières lois de financement de la sécurité sociale,
quel bilan peut-il être tiré ?
Seul le premier ONDAM de l'histoire parlementaire, celui de 1997, a été
respecté. Sur quatre années, de 1997 à 2000, l'écart entre l'objectif voté et
l'ONDAM réalisé s'accroît d'année en année, pour atteindre plus de 13 milliards
de francs en 2000. Il faut savoir que le dérapage cumulé de ces quatre années
s'élève à plus de 33 milliards de francs entre ce que nous avons voté et ce qui
a été réalisé.
Le vote de l'ONDAM, s'il ne correspondait pas à l'ouverture d'un volume
limitatif de crédits, n'en avait pas moins, à notre sens, une portée normative.
En cas de dépassement prévisionnel de l'ONDAM, le constituant et le législateur
organique avaient prévu que des lois de financement rectificatives devaient
acter ce dépassement et proposer des mesures correctrices.
Or, depuis l'entrée en fonction de ce gouvernement, aucun projet de loi de
financement rectificatif n'a été déposé devant le Parlement. Le Gouvernement
propose seulement chaque année au Parlement d'adopter un nouvel ONDAM, en
faisant comme s'il ne s'était rien passé, comme si les déficits ne devenaient
pas des dettes. Le vote du Parlement perd ainsi, année après année, un peu plus
de signification.
Aucune analyse n'a pu confirmer la pertinence et l'utilité de ces dépenses
supplémentaires. Personne n'est en mesure de dire quel bénéfice la population
en a tiré, faute de choix explicites de priorités sanitaires.
Certes, le déficit de la branche maladie du régime général se réduit, mais
cette amélioration tient plus à la forte progression des recettes qu'à la
modération des dépenses.
Ce déficit a été de 9 milliards de francs en 1999 ; il devrait atteindre 6
milliards de francs en 2000. Selon les chiffres du projet de loi, qui reposent
sur des hypothèses fragiles, le régime général resterait déficitaire pour
l'assurance maladie de près de 1,4 milliard de francs en 2001. Un simple
dérapage des dépenses ou une moindre progression des recettes suffirait
cependant à revenir au niveau de déficit des années précédentes.
Deuxième enseignement : le système conventionnel est désormais moribond.
La forte progression des dépenses d'assurance maladie intervient dans un
contexte de dégradation très sensible des relations entre les pouvoirs publics
et les professionnels de santé.
Au lieu de tenter de favoriser le dialogue conventionnel, la loi de
financement de la sécurité sociale pour 2000 a défini, dans son article 24, un
mode de régulation qui est exclusivement comptable et dans lequel plus rien
n'est à négocier : l'ajustement se fait automatiquement, par des lettres clés
flottantes.
Cet article a donné délégation aux caisses nationales d'assurance maladie, au
sein de l'enveloppe soins de ville, pour la gestion d'un objectif de dépenses
déléguées, c'est-à-dire d'une enveloppe correspondant aux honoraires des
différents professionnels conventionnés - ou, à défaut sous règlement
conventionnel minimum - avec l'assurance maladie.
La première application concrète de ces dispositions s'est traduite par une
baisse du tarif des lettres clés décidée au mois de juillet par Mme Aubry et
touchant essentiellement les radiologues, les cardiologues et les
kinésithérapeutes.
Ces mesures ont suscité une très vive émotion chez les professionnels de
santé, qui a abouti à la journée « santé morte » du 26 octobre dernier.
L'application pratique des lettres clés flottantes - qui signifie des
sanctions collectives - s'est donc révélée, comme l'avait prévu le Sénat, tant
inefficace que très néfaste à la qualité et au contenu des relations entre
l'assurance maladie et les professionnels de santé.
Ce mécanisme, qui consiste à baisser les tarifs au fur et à mesure de
l'augmentation des dépenses, est pernicieux, car il aboutit à diviser les
professionnels de santé et à affaiblir les syndicats qui, n'ayant plus rien à
négocier, ne peuvent plus « maîtriser » leur base. Comme l'a souligné l'une des
personnes que j'ai auditionnées : « qui signe la convention perd les élections
».
Ce mécanisme est aussi absurde, car il incite les professionnels à « prendre
de l'avance » sur les volumes pour anticiper les baisses de tarifs qui peuvent
intervenir en cours d'année malgré la signature d'une convention.
Ce mécanisme est enfin injuste, car il sanctionne de manière collective sans
tenir compte des comportements individuels.
Les ordonnances Juppé prévoyaient aussi des sanctions collectives, j'en suis
conscient ; cela m'évitera de vous l'entendre dire ! Mais, je l'affirme
solennellement, cinq ans après les ordonnances de 1996, il est clair que l'on
ne peut bâtir un dialogue avec les professionnels de santé que sur la base de
sanctions individuelles,...
M. Alain Gournac.
Bravo !
M. Charles Descours,
rapporteur.
... et en aucun cas de sanctions collectives !
Ce qui était vrai en 1996 et qui nous a été reproché l'est encore plus cinq
ans plus tard ! Il n'y aura donc pas de dialogue conventionnel avec des
sanctions collectives ; c'est clair et net.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Comme l'année dernière, je vous proposerai donc un mécanisme
alternatif de maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la
responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des
pratiques médicales, dans l'intérêt des patients.
Mme Martine Aubry avait affirmé son intention, dès son entrée en fonction, de
rénover le dialogue avec les professionnels de santé.
Force est de constater que, trois ans et demi après, les relations
conventionnelles entre l'assurance maladie et les professionnels de santé
libéraux sont dans une situation de blocage qui semble durable.
M. Claude Evin, qui est rapporteur de l'Assemblée nationale et avec qui nous
avons l'habitude de travailler, souligne dans son rapport la nécessité d'un
nouvel élan en matière de politique conventionnelle. Je souscris à ce souhait,
mais, je le répète, ce n'est pas en maintenant le dispositif de régulation
actuel, fondé sur les lettres clés flottantes et des sanctions collectives,
qu'on relancera le dialogue !
De même, en matière de médicament, la politique du Gouvernement s'avère
essentiellement répressive. L'adoption par le Parlement, en 1999, d'un
mécanisme permanent de taxation des entreprises pharmaceutiques a, comme prévu,
fortement incité ces dernières à conclure un accord global de régulation avec
le Comité économique des produits de santé.
Ce dispositif a été si efficace que le Gouvernement propose cette année de
l'accroître encore pour en faire un système de prélèvement à caractère quasi
confiscatoire : les entreprises devraient reverser 70 % du dépassement si le
chiffre d'affaires des médicaments dépasse 3 % en 2001.
Un amendement adopté par l'Assemblée nationale prévoit en outre une forte
augmentation de la taxe sur les grossistes-répartiteurs, laquelle portera
également sur les ventes directes de génériques aux officines.
Troisième enseignement : les réformes sont enterrées.
Les orientations de santé publique sont ainsi toujours absentes des projets de
loi de financement de la sécurité sociale. Madame Gillot, je vous ai écoutée
avec attention, vous les avez pourtant affirmées. L'année dernière, on nous
avait aussi parlé d'un projet de loi d'orientation sanitaire, que nous n'avons
jamais examiné. Or nous ne pouvons pas discuter de ces orientations à
l'occasion du projet de loi de financement de la sécurité sociale !
Il importe absolument que la loi de financement ne soit pas une simple
juxtaposition de chiffres. Il revient en effet à cette loi, à travers l'ONDAM,
de traduire, dans son domaine, les priorités de santé publique arrêtées.
Actuellement, ce n'est pas le cas. Il s'agit encore aujourd'hui, cinq ans après
la première loi de financement, d'un agrégat comptable qui a dérivé, que le
Gouvernement a « rebasé » et auquel il a appliqué mécaniquement des
pourcentages de progression.
Dépourvu de tout contenu en santé publique, de tout lien avec les besoins des
malades, avec les progrès de la médecine et,
a fortiori,
avec les
priorités de l'action publique, l'ONDAM constitue aujourd'hui un arbitrage
nécessairement contesté entre les contraintes financières de l'assurance
maladie et le souci des pouvoirs publics d'apaiser les tensions que connaît
notre système de soins.
La situation est encore aggravée par l'accumulation des retards dans la mise
en place des outils de la maîtrise médicalisée des dépenses.
Je ne prendrai que deux exemples : la tarification à la pathologie et les
réseaux de soins.
La loi du 27 juillet 1999 a prolongé, pour une période de cinq ans que je
considère comme beaucoup trop longue, les expérimentations en matière de
tarification à la pathologie. Depuis, on ne voit rien venir : un cahier des
charges définissant les modalités de cette expérimentation devrait être établi,
nous dit-on, pour la fin de l'année 2000. Ce sera peut-être un petit cadeau de
Noël !
L'expérimentation des réseaux et filières de soins ne progresse pas davantage.
Je tiens d'ailleurs à souligner les difficultés que nous rencontrons depuis
trois ans, puisque ni la commission des finances ni la commission des affaires
sociales n'ont pu auditionner le président du conseil d'orientation des
filières et des réseaux. Nul doute qu'il soit extrêmement occupé. Toutefois,
nous envisageons de le faire auditionner l'année prochaine par la commission
des affaires sociales et d'en tirer les conséquences s'il ne répond pas à notre
invitation, voire de nous rendre sur place vérifier ses travaux.
Sept réseaux ont, en tout et pour tout, été agréés depuis quatre ans. Espérons
que la possibilité de régionaliser ces expérimentations, offerte par un
amendement de M. Claude Evin - encore lui ! - adopté par l'Assemblée nationale,
et que nous soutiendrons d'ailleurs, redonnera un peu plus de tonus à ce
processus.
Parallèlement, la réforme de l'hôpital semble au point mort.
Nous croyons beaucoup à l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en
santé, et la procédure d'accréditation par cette Agence nous semble bonne. Mais
elle avance beaucoup trop lentement : 200 établissements s'étaient engagés dans
la procédure à la fin du mois de septembre, dix comptes rendus d'accréditation
ont été transmis aux établissements concernés ; il reste plus de 3 700
établissements à accréditer.
Le Gouvernement a injecté 12 milliards de francs sur trois ans dans l'hôpital.
C'était sans doute nécessaire, nous ne le contestons pas. Mais nous ne savons
toujours pas - nous serions très intéressés de vous entendre sur ce point,
madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat - comment et avec quel
financement les hôpitaux passeront aux 35 heures au 1er janvier 2002...
Enfin, les cliniques privées traversent une crise sociale sans précédent, qui
résulte à la fois de la création d'emplois consécutive à la mise en oeuvre de
la réduction du temps de travail et des retombées des différentes mesures
prises en faveur des personnels de l'hospitalisation publique, à travers les
protocoles de mars.
Aujourd'hui, il s'agit de la survie d'un grand nombre de ces cliniques, et je
voudrais les assurer de notre soutien en cette période extrêmement difficile
qu'elles traversent.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Je voudrais maintenant, en quelques mots, évoquer nos
propositions.
Face à un projet de loi de financement de la sécurité sociale qui constitue
désormais un appendice de la politique fiscale - et je suis sûr que l'on est
d'accord avec moi sur ce point, y compris sur la gauche de l'hémicycle, puisque
c'est bien ce qu'ont dit vos collègues du groupe communiste à l'Assemblée
nationale
(Murmures sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen) -
ou un appendice de la politique fiscale ou de la politique de
l'emploi, mais qui opère à ce titre, non sans brouiller les pistes, des
transferts financiers massifs, je voudrais insister sur trois principes.
Premier principe : réaffirmer l'universalité du financement de la sécurité
sociale - et, sur ce point, je vous l'assure, tous les partenaires sociaux sont
d'accord avec nous.
Nous sommes favorables à toute mesure permettant de lutter contre « la trappe
à inactivité » - c'est-à-dire l'absence de toute stimulation financière à
prendre ou à reprendre un emploi - et, de façon générale, permettent le retour
à l'emploi, y compris les mesures proposées par les partenaires sociaux
eux-mêmes.
Nous nous inquiétons également des conséquences sur l'évolution des salaires
d'une politique générale et autoritaire de réduction du temps de travail.
Mais nous constatons que le choix fait par le Gouvernement d'une ristourne de
CSG et de CRDS non seulement est complexe et inéquitable, comme je l'ai dit
tout à l'heure, mais bouleverse les fondements mêmes du financement de la
protection sociale. Je ne suis pas seul à le penser, les partenaires sociaux le
disent aussi !
L'instrument d'une politique fiscale et,
a fortiori,
budgétaire reste
le projet de loi de finances. Je me suis rapproché de M. Philippe Marini,
rapporteur général de la commission des finances, pour étudier un mécanisme
alternatif : un crédit d'impôt progressif s'adressant à tous les foyers fiscaux
dont les revenus vont jusqu'à 1,8 fois le SMIC et prenant en compte les charges
familiales. Ce mécanisme sera proposé par la commission des finances lors de la
discussion du projet de loi de finances.
Second principe : améliorer la lisibilité du financement de la sécurité
sociale.
A cette fin, la commission des affaires sociales vous proposera - ce n'est pas
nouveau puisqu'elle le fait depuis 1994 - de réaffirmer le principe de
séparation des branches afin de mettre un terme aux multiples détournements de
recettes que comporte le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Au-delà de la réaffirmation d'un principe, nous entendons ainsi préserver le
fonds de solidarité vieillesse, dont les excédents doivent contribuer au
financement des retraites de demain - qui peut être contre ? - et permettre à
la branche famille de conserver les moyens nécessaires à une politique
ambitieuse - encore plus ambitieuse, madame le ministre, que celle que vous
avez définie il y a un instant.
La commission des affaires sociales vous proposera, par ailleurs, d'adopter un
dispositif de sincérité comptable à travers deux articles additionnels visant à
renforcer le rôle et à améliorer le fonctionnement de la commission des comptes
de la sécurité sociale.
Deux autres articles additionnels tendront à assurer une plus grande
transparence des circuits financiers des prélèvements sociaux, afin de les
rendre plus compréhensibles par les assurés et les contribuables.
La commission des affaires sociales proposera également de compenser à la
CADES les exonérations de CRDS. Il est en effet inadmissible de continuer à
transmettre aux générations futures nos dettes. Nous touchons déjà à l'exercice
2014. Si nous continuons dans cette voie, nos enfants et petits-enfants seront
encore confrontés, au milieu du XXIe siècle, aux dettes que nous aurons
accumulées.
L'ensemble du dispositif de remboursement de la dette sociale est ébranlé,
alors même que ce dispositif repose pour partie sur la signature de la CADES
sur les marchés de capitaux. Il appartient à l'Etat d'assumer ses
responsabilités et de compenser cette exonération, donc cette perte, par une
imputation sur le prélèvement de 12,5 milliards de francs que lui verse chaque
année la CADES.
Troisième principe : définir les objectifs pour notre protection sociale.
La commission propose tout d'abord de sanctionner le Gouvernement sur sa
gestion de l'assurance maladie.
L'année 2000 est à cet égard exemplaire : l'ONDAM, pourtant rebasé, a été
dépassé.
Dans un contexte à la fois d'échec dans la maîtrise des dépenses, de confusion
des responsabilités entre les acteurs, de rupture avec les professionnels de
santé, de mépris enfin pour le Parlement, la commission des affaires sociales
propose d'opposer à l'ONDAM une sorte de « question préalable », c'est-à-dire
un rejet solennel.
J'ai conscience que, sans ONDAM, une loi de financement est amputée d'un
élément central. Notre décision est donc d'une exceptionnelle gravité. Il
s'agit d'un geste politique, que nous vous proposons de faire en connaissance
de cause, tant la dérive observée depuis quatre ans nous semble grave et devoir
être sanctionnée clairement : ce n'est pas en effet seulement l'ONDAM qui
dérive mais, avec lui, notre système de soins et le débat démocratique autour
de la sécurité sociale.
En contrepartie, nous vous proposons d'instituer un système de maîtrise
médicalisée des dépenses, fondé sur la régionalisation et la responsabilisation
des professionnels de santé. Il se substituerait au dispositif - que je
continue de considérer comme absurde - des « lettres clefs flottantes » et des
« rapports » de la CNAMTS.
Notre deuxième objectif, qui vous sera présenté par Jean-Louis Lorrain, est
d'aider les familles en créant un « compte de réserve » pour « mettre à l'abri
» les excédents de la branche famille.
Troisième objectif de protection sociale : engager une véritable réforme des
retraites, sujet sur lequel reviendra M. Alain Vasselle, rapporteur pour
l'assurance vieillesse.
Au total, les comptes de la sécurité sociale tels qu'ils résultent des
propositions de la commission laissent au régime général un excédent de près de
10 milliards de francs. Ce n'est pas excessif par rapport à l'exédent présenté
par le Gouvernement : 4,3 milliards de francs. Il suffirait d'un point de masse
salariale en moins par rapport à la prévision retenue par le Gouvernement pour
annuler un tel excédent.
Le compte du fonds de solidarité vieillesse dégagerait ainsi un excédent
cumulé de 19 milliards de francs, susceptible d'être affecté au fonds de
réserve.
En conclusion, je dénoncerai le poids excessif que représente le FOREC dans
les comptes de la sécurité sociale. En réalité, aujourd'hui, plus qu'une loi de
financement de la sécurité sociale, c'est une loi de financement des 35 heures
que nous examinons, ce que nous avons essayé de corriger.
Telles sont les analyses et les propositions que je souhaitais présenter, au
nom de la commission des affaires sociales. J'essaierai, au cours de la
discussion des articles, de montrer pourquoi nous avons pris cette position.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Jean Faure remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la
présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. JEAN-FAURE
vice-président
M. le président.
La parole est à M. Lorrain, rapporteur.
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille.
Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d'état, mes
chers collègues, lieu privilégié de l'ouverture à l'autre, de l'éducation des
enfants, de la solidarité entre les générations, la famille est l'une des
valeurs essentielles sur lesquelles repose notre société.
Cet attachement, notre pays l'a toujours affirmé. A la Libération, c'est dans
la Constitution que furent gravées la fidélité et l'attention que porte la
France à la famille. Mais cette famille n'est pas seulement une affaire privée,
elle a besoin d'être soutenue.
C'est là la raison d'être de notre politique familiale : renforcer le maillon
central de la chaîne par laquelle la République peut transmettre ses
valeurs.
Le retour à la croissance économique a procuré des moyens considérables qui
ont fait naître, dans toutes les familles, l'espoir qu'elles seraient davantage
écoutées et davantage aidées.
Mais le Gouvernement ne répond pas, semble-t-il, à leurs attentes.
Les années précédentes, c'était précisément le manque de moyens qui avait
justifié des mesures qui ont durement frappé les familles.
Et pourtant, aujourd'hui, les excédents importants que connaît la branche ne
serviront pas à doter notre pays d'une politique familiale à la mesure de ses
besoins.
En ce qui concerne les excédents ponctionnés, que je l'on retrouvera tout au
long de mon propos, je serai bref sur les comptes de la branche famille en
1999-2000. Je me contenterai de quelques rappels.
Après quatre années difficiles, de 1994 à 1998, la branche affiche pour 1999
un excédent confortable de près de 5 milliards de francs. Pour 2000, la
dernière commission des comptes de la sécurité sociale a annoncé un excédent de
près de 7 milliards de francs. Toutefois, cette annonce ne repose pas sur une
image fidèle des comptes.
Pour cet exercice, le Gouvernement a en effet décidé, au mépris de l'objectif
de dépenses voté par le Parlement l'an dernier et sans concertation avec ses
interlocuteurs familiaux, la prise en charge par la branche famille, à
concurrence de 4,5 milliards de francs, de la majoration de l'allocation de
rentrée scolaire.
Sans ce transfert, l'excédent de la branche pour 2000 serait supérieur à 10
milliards de francs, net de la reprise par l'Etat du fonds d'action sociale en
faveur des travailleurs immigrés et de leurs familles.
Pour 2001, le Gouvernement va beaucoup plus loin. Le projet de loi de
financement comporte ainsi la gamme à peu près complète des techniques de
prélèvement sur la branche famille.
Tout d'abord, il ampute ses recettes, en la privant notamment du produit de la
taxe de 2 % sur les revenus du capital qui lui revenaient.
Il est vrai qu'il compense sa politique de ristourne dégressive de CSG par une
part de la taxe sur les conventions d'assurance, mais il s'agit d'une recette
peu dynamique et à l'avenir incertain.
Ensuite, il met à la charge de cette branche des dépenses qui relèvent
d'autres branches. Cette année, le Gouvernement a décidé le transfert de la
majoration de pension pour enfant depuis le fonds de solidarité vieillesse.
Qu'importe que cette majoration, qui a été transférée au FSV en raison des
difficultés du régime général en 1993, soit, par essence, une dépense de
l'assurance vieillesse ; l'objet du transfert est simplement de prélever 3
milliards de francs sur les familles pour cette années et, il faut le dire, 20
milliards de francs à terme.
Enfin, et pour faire bonne mesure, le Gouvernement achève, dès 2001, la
débudgétisation de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire qui pèse
désormais, pour près de 7 milliards de francs, sur la branche famille.
Ainsi, l'excédent de la branche famille, qui aurait dû être normalement de
plus de 14 milliards de francs en 2001, ne sera, en définitive, que de 7
milliards de francs, les 8 autres milliards de francs étant détournés au profit
du budget ou du FOREC, c'est-à-dire, ainsi que l'a dit Charles Descours, du
financement des 35 heures.
Il est vrai que nos attentes sont déçues !
Pourtant, l'année 2000 avait bien débuté, sous le signe des promesses. Un
ministère délégué à la famille et à l'enfance avait été créé. Lors de la
conférence sur la famille du 15 juin dernier, un plan de 10 milliards de francs
de dépenses nouvelles avait été annoncé.
Mais rien dans le projet de loi de financement ne semble à la hauteur de ces
engagements.
L'accueil des tout petits devrait être un axe fort de la politique
familiale.
Une somme de 1,5 milliard de francs est prévue en faveur des crèches sous la
forme d'un fonds d'investissement alimenté par les excédents de la branche
famille en 1999.
Cet effort est bienvenu, mais il ne faut pas fonder sur lui des espoirs qu'il
ne peut exaucer. Lors du vote de la loi famille de 1994, c'est-à-dire pour la
période 1995-1999, l'accueil des jeunes enfants avait été l'objet de toutes les
attentions. Mais, comme le souligne la CNAF, seulement 2 milliards sur les 3
milliards de francs prévus pour les dispositifs en faveur de la petite enfance
ont été dépensés. A la fin de l'exercice 1999, il restait donc un peu moins de
1 milliard de francs.
Les élus locaux, les acteurs familiaux savent bien que la création de
nouvelles places de crèches engendrent des dépenses considérables, d'entretien,
de fonctionnement et de personnel. Je soulignerai à ce propos que ce
partenariat avec les collectivités et les associations mérite d'être mis en
valeur, car ce sont elles les véritables créatrices.
D'ailleurs, le Gouvernement lui-même propose d'augmenter de 1,7 milliard de
francs le budget du fonds d'action sociale de la CNAF, fonds qui subventionne
massivement les crèches.
Ce fonds d'investissement permettra-t-il de déclencher la création de 40 000
places nouvelles comme l'annonce le Gouvernement ? Rien n'est moins sûr, mais
nous pouvons toujours espérer...
Mais si la volonté de résoudre les problèmes de l'accueil des jeunes enfants
va dans le bon sens, elle ne va pas au bout de sa logique : le Gouvernement a
en fait concentré l'essentiel de son action sur l'accueil collectif.
La réforme du barème de l'aide à l'emploi d'une assistante maternelle ne
touchera que les familles les plus modestes et pour un montant de 500 millions
de francs en 2001. Dans son rapport, la Cour des comptes a consacré un
développement à la forte baisse du dispositif de l'AGED, l'allocation de garde
d'enfant à domicile. Il ne semble pas que le nouveau dispositif proposé pour
les assistantes maternelles puisse compenser cette baisse.
Les crèches ne répondent ni au besoin de flexibilité des mères en matière
d'horaire ni aux contraintes qui se posent en milieu rural.
Une bonne politique en matière d'accueil de la petite enfance doit être une «
politique qui marche sur ses deux jambes », c'est-à-dire qui favorise à la fois
l'accueil collectif et l'accueil individuel.
Le Gouvernement a par ailleurs annoncé une simplification des barèmes des
aides au logement.
Cette réforme devait se faire par le haut puisque tous les allocataires et,
parmi eux, des familles, devaient voir leur situation s'améliorer.
Mais ces dernières ne sont pas les premiers destinataires de la réforme car,
comme le rappelle le Gouvernement « l'objectif est de corriger les phénomènes
des "trappes à inactivité" et de contribuer à la politique du Gouvernement en
matière de retour à l'emploi ».
La politique familiale ne saurait être confondue avec une politique de lutte
contre l'exclusion pas plus qu'avec une politique de l'emploi. La politique
familiale doit s'adresser à tous.
En déboursant 700 millions de francs, c'est un peu la branche famille qui paye
le prix de la politique - par ailleurs justifiée - de lutte contre la pauvreté.
Mais le Gouvernement souhaite faire de sa politique familiale une politique
ciblée. Pour ma part, je préférerais qu'il la cible sur l'ensemble des familles
!
S'agissant de la réforme des aides au logement, nous sommes favorables à la
mise en place d'une harmonisation. Si cette réforme était menée au nom de la
politique familiale, elle devrait instaurer une plus forte progressivité des
aides en fonction du nombre d'enfants. Or force est de constater qu'il n'en est
rien.
Nous nous proposerons, dans le courant de cette année, de mener une enquête
sur les implications quantitatives des propositions de réforme de l'aide au
logement, qui semblent déboucher sur une régression.
On pourrait démonter le mécanisme. Avec la croissance, de nombreux
allocataires dont les revenus ont augmenté voient leurs aides diminuer, voire
supprimées s'ils sortent des conditions d'attribution du dispositif. Les
économies ainsi réalisées par la diminution des dépenses d'aides au logement
viennent minorer la contribution réelle de l'Etat aux organismes chargés de la
gestion des aides à la personne.
Les deux tiers du financement de l'Etat sont donc assurés par des mesures
d'économie, ce qui n'est pas sans poser un certain nombre de problèmes,
notamment une insuffisante prise en compte du fait familial, le montant de
l'aide étant fonction soit des ressources du ménage, soit du nombre de
personnes au foyer. Or ce dernier critère n'est pas prépondérant : un RMistes -
nous avons eu l'occasion de le constater - pourra percevoir la même aide qu'une
famille de quatre personnes disposant d'un revenu mensuel de 7 500 francs.
La politique familiale ne saurait donc être confondue avec la politique de
lutte contre l'exclusion, que, par ailleurs, nous pouvons soutenir.
Le Gouvernement propose enfin de mettre en oeuvre, conformément à l'annonce
faite lors de la dernière Conférence de la famille, une allocation de présence
parentale.
Je ne peux à cet égard que regretter que le Gouvernement ait laissé de côté la
moitié de la proposition que le Sénat avait faite en juin dernier par la voix
de notre collègue Lucien Neuwirth.
Je rappelle que nous avions proposé, avant la Conférence de la famille de
1999, que soit pris en compte le temps voué aux proches en fin de vie, aux
jeunes enfants gravement malades, mais aussi les souffrances psychosociales
importantes de façon que les membres des familles touchées ne soient pas
obligés de se rendre chez le médecin pour se faire délivrer d'éventuels arrêts
de travail. Bien sûr, nous n'avons pas été suivis, et l'article 40 a été
invoqué.
La famille, c'est le lieu des solidarités les plus essentielles.
Par ailleurs, un consensus s'était dessiné lors du vote de la loi sur les
soins palliatifs pour humaniser les derniers moments de ceux qui souffrent. Or
que peut apporter de mieux à ces hommes et à ces femmes la solidarité nationale
sinon la présence de leurs proches pour les accompagner dans leurs deniers
instants ?
Permettre la présence d'un parent auprès de son enfant gravement malade est,
certes, un progrès, mais c'est aussi une mesure de faible ampleur, qui ne
touchera que 10 000 familles et coûtera 500 millions de francs.
Cela est d'autant plus regrettable que la branche famille disposait de moyens
considérables, qui auraient pu permettre de mener une politique familiale
beaucoup plus ambitieuse, et dabord une revalorisation de la base mensuelle de
calcul des allocations familiales qui ne soit pas essentiellement
symbolique.
Cette base mensuelle est en fait le curseur de la politique familiale de notre
pays. C'est l'indicateur de la croissance du pouvoir d'achat apporté aux
familles par la politique familiale.
Elle n'augmentera cette année que de 1,8 % pour une évolution des prix hors
tabac attendue de 1,3 %. En dix ans, elle a augmenté moins vite que les prix.
Je vous laisse juge des raisons qui conduisent à revaloriser les retraites de
2,2 % et les prestations familiales de seulement 1,8 %.
Les excédents de la branche auraient pu également répondre à une attente
pressante des familles, en particulier la prise en charge des jeunes adultes.
Or, rien n'est fait dans ce domaine.
L'année 1999 avait été celle d'un immense recul. En contrepartie de
l'indispensable rétablissement de l'universalité des allocations familiales, le
Gouvernement avait abaissé le plafond du quotient familial.
Le quotient familial n'est pas un avantage donné aux familles ; c'est un
instrument de justice fiscale qui permet qu'un célibataire disposant des mêmes
ressources paie plus d'impôt sur le revenu qu'une famille nombreuse.
MM. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse,
et Alain Gournac.
Très bien !
M. Jean-Louis Lorrain,
rapporteur.
Au-delà de ces aspects, c'est d'une politique familiale à
l'ambition nouvelle qu'il faut maintenant doter la France. Les conditions sont
réunies. En dehors des éléments financiers que vous constatez, notre pays
connaît une situation démographique favorable en 1999 et en 2000. Mais, à 1,8 %
enfant par femme, il n'atteint pas le seuil de 2,1 enfants qui assure le
renouvellement des générations.
Or le désir d'enfants des parents demeure important. C'est ainsi qu'apparaît
un décalage entre le souhait des familles et les contraintes qui sont les
leurs. La croissance retrouvée ne peut pas tout : c'est le devoir de notre
politique familiale d'aider les familles à réaliser ce désir du second ou du
troisième enfant.
Le 6 avril dernier, le Président de la République a rappelé les principes qui
doivent conduire ce nouvel élan de notre politique familiale.
La poursuite d'une politique familiale digne des attentes des Français ne peut
reposer que sur des moyens importants. Le principe de séparation des branches
de la sécurité sociale est inscrit dans la loi. Cette prescription voulue par
le législateur doit être scrupuleusement respectée.
La politique familiale ne se résume pas à la lutte contre les exclusions. Elle
doit s'adresser à toutes les familles : même si une attention particulière peut
et doit être apportée aux plus fragiles, à celles dont les moyens sont les
moins importants, à celles qui sont désemparées, qui souffrent, elle ne peut
pas se résumer à cette seule direction.
La politique familiale doit être neutre vis-à-vis des choix des familles. Il
n'y a pas de place pour l'idéologie dans le soutien qui leur est apporté.
Parce qu'aucune politique ne saurait être mise en place sans ou contre l'avis
des intéressés, la prise des décisions doit se faire dans la concertation.
Comment le Gouvernement peut-il présenter devant nous un projet de loi que le
conseil d'administration de la CNAF a presque unanimement condamné ?
M. Charles Descours a résumé tout à l'heure les propositions de notre
commission au sujet du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour
2001.
Pour ma part, je me réjouis qu'au terme d'une concertation étroite avec le
rapporteur général de la commission des finances nous soyons tombés d'accord
pour retourner aux familles les économies réalisées dans le budget général au
détriment de la branche famille et proposer un rétablissement du quotient
familial à son niveau originel actualisé.
Je vous proposerai, en outre, la création d'un « compte de réserve spécifique
» des excédents de la branche famille. Il s'agit d'un compte dans lequel la
politique familiale trouvera les moyens d'une action ambitieuse. Il s'agit
aussi d'un compte de sanctuarisation des excédents qui offre une lisibilité
accrue des ressources disponibles pour les familles.
Par ces mesures, nous montrerions que les familles ne doivent pas craindre un
effet cliquet des prestations familiales, qui les pénaliserait constamment.
Si le Président de la République a rappelé, à l'occasion de la remise de la
Médaille de la famille française, que, « au milieu des transformations que
connaît notre société, s'il est une institution qui tient bon tout en
s'adaptant, c'est la famille », il a aussi affirmé avec force que celle-ci « a
besoin d'être aidée et soutenue car elle ne trouve pas les conditions les plus
favorables à son épanouissement dans l'organisation actuelle de la société et
de l'économie ».
C'est donc dans ce souci d'apporter un soutien accru à la famille que je vous
demanderai d'appuyer les propositions que nous présentons en sa faveur.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle,
rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance
vieillesse.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, cette année, « tout va très bien,
madame la marquise ».
(Sourires.)
M. Jean-Claude Gaudin.
Il y en a encore !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Les régimes de retraite connaissent une embellie. C'est donc
un rapport résolument optimiste qui devrait pouvoir être présenté aujourd'hui.
Cela ne peut être que de nature à donner le sourire à Mme Guigou, qui vient de
prendre ses fonctions au ministère de l'emploi et de la solidarité. Hélas !
comme l'a rappelé tout à l'heure Charles Descours, il ne faut pas se fier aux
apparences : derrière l'arbre de ces chiffres positifs, il y a la forêt des
difficultés, du moins pour ce qui concerne la branche vieillesse.
En vérité, c'est un sentiment de vive inquiétude qui l'emporte. En effet,
l'année 2000 est marquée par la décision du Premier ministre de refermer le
dossier de la réforme des retraites jusqu'en 2002 : chacun d'entre nous l'a
compris en écoutant sa déclaration du 21 mars dernier.
Aussi, avant d'aborder le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001, je voudrais dire quelques mots du contexte dans lequel il
intervient.
J'évoquerai, en premier lieu, les excédents fragiles de 1999-2000, puis, en
second lieu, le dossier de l'avenir des retraites.
Nous le savons tous, la conjoncture économique française est aujourd'hui
exceptionnellement favorable. Les régimes qui étaient précédemment équilibrés
ou en léger déficit renouent avec les excédents ; ceux dont l'équilibre n'est
acquis qu'au moyen de transferts améliorent leur autofinancement.
Cette bonne santé résulte avant tout d'un surcroît de recettes. Mais elle est
aussi le fruit d'une moindre augmentation des dépenses. En effet, partent
aujourd'hui en retraite des hommes et des femmes qui sont nés durant la Seconde
Guerre mondiale. Ils et elles font partie de ces classes démographiques creuses
de 1939 à 1945 freinant ainsi la progression du nombre total de retraités et
permettant aux régimes de réaliser des économies.
La CNAV annonce un excédent de 3,5 milliards de francs pour 2000 et de 3,3
milliards de francs pour 2001.
J'observe, au demeurant, que jamais ce résultat n'aurait pu être affiché s'il
n'avait été procédé à la réforme de 1993, ce que je me suis plu à rappeler à
Mme Aubry à chaque débat sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale et que je me plais désormais à vous rappeler, madame le ministre. C'est
en effet M. Balladur qui a pris cette initiative en sa qualité de Premier
ministre, Mme Veil étant alors en charge des affaires sociales.
Cette réforme a consisté à allonger la durée de la vie active et à modifier la
base de liquidation des pensions. On en a peu parlé : elle est entrée en
application en douceur, elle n'a pas provoqué de déplacements de foules, elle a
été parfaitement intégrée par l'opinion publique. Elle n'en a pas moins été la
première pierre des réformes structurelles engagées en France dans ce domaine,
et on la doit à un gouvernement qui a été fort décrié par le gouvernement
actuel.
J'ai encore en tête les paroles de Mme Aubry faisant référence à la tentative
de réforme engagée par M. Juppé sur les régimes spéciaux, qui a, certes, été
une source majeure de difficulté pour son gouvernement, en 1995. Mais elle
n'était pas pour autant fondée à dire que les gouvernements précédents
n'avaient rien fait, alors que le gouvernement de M. Jospin, lui, agissait !
J'aimerais donc bien entendre de votre bouche, madame le ministre, ou de la
bouche d'un autre membre du Gouvernement, que M. Balladur avait pris une
initiative très importante.
M. Guy Fischer.
Ne rêvez pas !
(Sourires.)
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je sais bien, monsieur Fischer, qu'il ne faut pas rêver, mais
peut-être, vous, auriez-vous l'honnêteté intellectuelle de reconnaître cette
vérité que je viens d'énoncer.
Quoi qu'il en soit, l'excédent aujourd'hui constaté est fragile parce que,
nous le savons, les perspectives des retraites demeurent inquiétantes.
Le Gouvernement, après les nombreuses études réalisées depuis 1991, a voulu
disposer d'un nouveau diagnostic.
Le rapport commandé par M. Jospin à M. Charpin est explicite. Les faits sont
têtus : dans l'hypothèse d'un taux de chômage de 6 %, le besoin de financement
de nos régimes sera de 290 milliards de francs par an en 2020 et de 700
milliards en 2040 !
Et puis il y a eu la diversion du rapport Teulade, qui a tenté de relativiser
les difficultés à venir.
En février dernier, notre commission a souhaité entendre M. Teulade et M.
Charpin.
M. Alain Gournac.
J'y étais !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Nous avons constaté que le rapport Teulade reposait sur une
erreur méthodologique majeure. Il a donc bien fallu revenir au diagnostic du
commissariat du Plan, qui reste intégralement fondé.
Je souligne au passage que le conseil d'orientation des retraites, qui a été
mis en place sur l'initiative de l'actuel gouvernement, ayant examiné certaines
conclusions du rapport Teulade, arrive à la même conclusion que les membres de
la commission des affaires sociales dans leur majorité.
Si l'on assiste donc à la victoire du rapport Charpin, c'est le rapport
Teulade qui triomphe en définitive puisque, fort des perspectives rassurantes
que lui permettait de faire apparaître un oubli de taille dans l'évolution des
pensions, M. Teulade proposait la méthode douce de l'expectative. Or c'est bien
cette méthode qu'a retenue le Gouvernement.
A ce titre, le rapport Teulade a rempli son office, l'objectif politique a été
atteint : il s'agissait de faire croire aux Français qu'il n'y avait pas
urgence à réformer, qu'il y avait tout lieu d'attendre, que tout allait pour le
mieux dans le meilleur des mondes et qu'on pouvait patienter jusqu'à 2010 ou
2020 pour engager quelque réforme que ce soit.
Le 21 mars dernier, au moment d'annoncer une réforme longtemps différée, le
Premier ministre a ainsi choisi de créer une instance de concertation
permanente, le Conseil d'orientation des retraites, qui a pour mission de
déposer un rapport en 2002 ; je pense que la date n'a pas été choisie d'une
manière innocente...
M. Jean-Claude Gaudin.
Sûrement pas !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Après le Livre blanc de 1991, les perspectives des retraites
en 1995, le rapport Charpin de 1999, ne pensez-vous pas, mes chers collègues,
que ce rapport conclura également qu'il est urgent d'agir ?
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. Jean-Claude Gaudin.
D'attendre !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Au total, l'année 2000 n'est, en matière de retraites, qu'une
nouvelle année de perdue. Au temps des rapports succède celui des reports ! Or,
devant les ajustements importants à réaliser, le facteur temps est
déterminant.
Dans ce contexte, que penser du projet de loi de financement pour 2001 sinon
qu'il repose sur l'incohérence et l'illusion ?
Comme la loi de financement pour 2000, il comporte essentiellement un
arbitrage, opéré sans perspectives, entre le souci de faire participer les
retraités dès aujourd'hui aux fruits de la croissance - ce qui paraît légitime
et compréhensible - et la nécessité d'afficher un abondement du fonds de
réserve des retraites.
Mais cet arbitrage est en quelque sorte bouleversé par la nécessité de boucler
le financement des 35 heures, au sujet duquel M. Descours a montré avec
beaucoup de pertinence et de talent à quelle usine à gaz il avait donné
lieu.
Au-delà de la complexité des circuits financiers, qui porte atteinte à
l'intelligibilité du projet de loi, ce sont les contradictions et les
incohérences politiques du Gouvernement qui apparaissent clairement.
La revalorisation des pensions retenue dans l'article 19 du projet de loi est
de 2,2 %, ce qui représente un « coup de pouce » de 0,5 % pour les
retraites.
Mes chers collègues, j'ai auditionné des retraités qui se disaient
représentatifs des associations de retraités à l'échelon national et ils m'ont
fait valoir que les comptes n'y étaient pas.
M. Alain Gournac.
Pas du tout !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En fait, les 2,2 % concernent le premier étage des pensions
de retraite !
M. Alain Gournac.
Et voilà !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
En ce qui concerne le deuxième étage, ils n'ont aucune
information qui puisse leur donner des perspectives quant au maintien ou à
l'évolution du pouvoir d'achat.
M. Alain Gournac.
C'est exact !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Si le deuxième étage n'évolue pas dans les mêmes proportions,
ce n'est plus de 2,2 % dont ils bénéficieront
(M. Claude Domeizel
s'exclame),
mais de 1,1 %, alors que l'inflation s'élèvera à 1,8 %. Par
conséquent, ils subiront une perte de pouvoir d'achat.
Il serait intéressant, madame le ministre, que vous puissiez rassurer les
retraités sur ce point et leur faire valoir que, en définitive, le partage de
la croissance sera effectif au travers de l'évolution du deuxième étage, encore
que, sur ce point, la décision appartienne aux responsables concernés.
Cette revalorisation est sans nul doute économiquement possible aujourd'hui,
dans un contexte caractérisé par une croissance forte des recettes et un
rapport démographique favorable. D'aucuns la trouveront d'ailleurs
insuffisante.
Cet arbitrage est-il fondé ? En l'absence de toute perspective de réforme, de
toute indication sur l'ampleur de l'effort nécessaire et sur sa nature même, le
Gouvernement ne peut répondre.
Aussi, cette revalorisation parfaitement acceptable, voire insuffisante,
aujourd'hui, souffre pourtant d'un grief majeur : elle ne s'inscrit dans aucune
politique permettant de garantir les pensions qui seront versées demain.
En outre, cette année, le fonds de solidarité vieillesse est à nouveau
précarisé. Dans la lignée des lois de financement précédentes, il perd la
totalité des droits sur les alcools qui lui étaient affectés. Il perd
également, comme l'a rappelé Charles Descours, 0,15 point de CSG.
De surcroît, et nous y reviendrons lors de l'examen des articles, deux mesures
du projet de loi tendent à modifier le champ d'intervention du fonds de
solidarité vieillesse.
Ces mesures étendent, d'une part, le périmètre d'intervention du FSV dans le
domaine de la protection sociale complémentaire en mettant à sa charge le
règlement d'un engagement pluriannuel contracté par l'Etat auprès des
organismes ARRCO et AGIRC. Or il s'agit d'une dette de l'Etat envers ces
régimes complémentaires et elle ne devrait en aucun cas trouver sa place dans
le FSV. Il n'a pas été créé pour cela ! Il a été créé en 1993, sur l'initiative
de M. Balladur, alors Premier ministre, et de Mme Veil, alors ministre d'Etat,
ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville, uniquement pour
prendre en charge toutes les dépenses dites de solidarité, c'est-à-dire tout ce
qui concerne le non-contributif.
D'autre part, ces mesures transfèrent à la CNAF, comme l'a justement rappelé
Jean-Louis Lorrain, le paiement des majorations de pension pour enfant, qui
s'élèvera, à terme, à plus de 20 milliards de francs.
Le FSV est devenu un système complexe, avec des mécanismes qui s'inscrivent
dans un circuit financier où chacun a du mal à s'y retrouver ! Mes chers
collègues, j'ai ici deux tableaux.
(M. Alain Vasselle, rapporteur, montre un
premier tableau.)
Voilà ce qu'était le FSV à sa création, en 1993 :
relativement simple dans sa conception et dans son fonctionnement.
(M. Alain
Vasselle, rapporteur, montre un second tableau.)
Voilà ce qu'il est devenu
en 2001 ! Vous voyez la complexité du dispositif : les entrées, les sorties !
(Exclamations sur les travées du RPR.)
M. Claude Domeizel.
On ne voit rien !
M. Alain Gournac.
Au contraire, c'est très net !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Lisez le rapport !
M. Jean-Claude Gaudin.
C'est effectivement compliqué !
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Et le FOREC, ce n'est pas mieux !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Evidemment, quand on présente ces tableaux, cela gêne notre
ami Claude Domeizel et d'autres, mais ils montrent bien que l'on crée une
certaine obscurité dans l'ensemble du dispositif, si bien que personne ne s'y
retrouve. Tout à l'heure, Charles Descours aurait pu nous montrer le tableau
qui illustre les « tuyaux » qui partent du FSVet qui vont à la CNAM, à la CNAF
et à la branche vieillesse. Nous sommes loin du dispositif législatif qui a été
adopté en son temps et tendant à instaurer l'étanchéité de chacune des
branches. Cela a complètement explosé !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Bien sûr !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
L'ardoise d'une quinzaine de milliards de francs, ainsi
laissée au fonds de solidarité vieillesse en 2000-2001, n'a pour finalité que
le financement direct ou indirect du FOREC, c'est-à-dire des 35 heures. Que
viennent faire les 35 heures dans le fonds de solidarité vieillesse et comment
allez-vous l'expliquer aux Français ? Bien d'autres choses ne sont sans doute
pas plus brillantes.
M. Guy Fischer.
Il y a la ristourne dégressive Juppé, pour une part importante !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Effectivement !
Or les excédents du fonds de solidarité vieillesse comme les excédents de la
branche vieillesse doivent, dans la logique même développée par le
Gouvernement, alimenter le fonds de réserve pour les retraites. Il s'agit non
plus d'un arbitrage entre les retraites d'aujourd'hui et celles de demain, mais
d'un choix entre la réduction du temps de travail d'aujourd'hui et les
retraites de demain.
Mes chers collègues, avec le disposoitif imaginé dans le cadre du projet de
loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le FSV perd, cette année -
c'est l'ancien président du comité de surveillance du FSV qui vous parle - 11
milliards de francs, non compensés par l'Etat.
Cette perte précarise, je le répète, la situation du fonds de solidarité
vieillesse. Comme nous le savons, celui-ci dépend très largement de la
conjoncture : lorsque la conjoncture est favorable, ce qui est le cas, elle
dégage des excédents, mais on est en train de les pomper pour financer les 35
heures ; lorsque la conjoncture est défavorable, le fonds de solidarité
vieillesse se trouve dans une situation difficile, qui peut devenir
catastrophique. Il faut espérer que nous n'aurons jamais à rencontrer ce type
de situation, car je plains ceux qui auraient à la gérer si un renversement de
conjoncture se produisait dans quelques années.
Au-delà de ces arbitrages « au jour le jour » et sous la pression d'un
diagnostic - celui du rapport Charpin - qui confirmait ceux qui étaient déjà
formulés en 1991 et 1995, le Gouvernement se devait de prendre des initiatives,
sauf à faire apparaître clairement qu'il avait définitivement renoncé à ouvrir
le dossier des retraites. La création d'un fonds de réserve constitue donc,
dans l'immédiat, la seule mesure concrète prise par le Gouvernement. Mais elle
relève d'un plan de marche grevé d'incertitudes !
M. Claude Domeizel.
Enfin, vous le reconnaissez !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Hormis le cas orphelin, monsieur Domeizel, de la fraction du
prélèvement de 2 % sur les revenus du patrimoine,...
M. Alain Gournac.
Eh oui !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... les ressources du fonds sont soit hypothétiques, soit
exceptionnelles.
Hypothétique, telle est bien la nature de la moitié des recettes devant
abonder le fonds en 2020 : les excédents de la CNAVTS, les excédents du fonds
de solidarité vieillesse et des produits de la C3S. Or, à titre d'exemple, le
fonds de solidarité vieillesse, également appelé à abonder le fonds de réserve,
est dépouillé de ses ressources au profit du FOREC au point d'ôter toute
crédibilité à l'idée d'excédents.
Les ressources exceptionnelles sont au nombre de trois : la contribution
spontanée de la Caisse des dépôts et consignations en 2000, qui est restée
d'ailleurs sans lendemain, le versement des caisses d'épargne et le produit de
la vente des licences UMTS.
Ces recettes exceptionnelles présentent l'inestimable avantage, pour le
Gouvernement, d'être indolores, car elles n'apparaissent ni sur les feuilles
d'impôts ni sur les fiches de salaires : rien, en quelque sorte, qui puisse
s'apparenter à un « surcotisation ».
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
En réalité il s'agit de gagner du temps : le fonds de
réserve, dont la création a été annoncée à la va-vite lors de la présentation
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, n'est
toujours pas l'objet d'un projet abouti et sa gestion à long terme n'offre
aucune visibilité.
M. Alain Gournac.
C'est le brouillard !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le montant de ce fonds - 1 000 milliards de francs en 2020 -
a-t-il un sens ? Le Gouvernement déclare que cette somme correspond à la moitié
des déficits prévisionnels des régimes de retraite entre 2020 et 2040. Cette
affirmation est-elle fondée ? Je rappelle que, dans l'hypothèse la plus
extrêmement favorable retenue par le rapport Charpin, à savoir celle d'un taux
de chômage de 3 % en 2020, les besoins de financement de nos régimes de
retraite atteindraient 220 milliards de francs par an en 2002 et 600 milliards
de francs par an en 2040,...
M. Alain Gournac.
Ils ne seront plus au pouvoir !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
... soit une augmentation d'environ 20 milliards de francs
par an à partir de cette période. Ainsi, dans le scénario le plus favorable, le
fonds de réserve ne permettrait le paiement des retraites que pendant quatre
ans et serait épuisé en 2024. A cette date, le problème de la dette accumulée
entre 2010 et 2020, qui, pour le seul régime général, s'établira à 600
milliards de francs, restera entier.
Autrement dit, en 2024, non seulement on aura épuisé la totalité des 1 000
milliards de francs qui auront été placés dans le fonds de réserve, mais il
restera encore la dette de 600 milliards de francs de la CNAVTS, pour laquelle
on n'aura trouvé aucune source de financement. Il serait souhaitable, madame le
ministre, que vous nous disiez quelles sont les intentions du Gouvernement dans
ce domaine. Je vous rappelle qu'en commission des affaires sociales je vous ai
posé la question de savoir ce que ferait le Gouvernement entre 2010 et 2020
pour permettre à la CNAVTS de financer ces 600 milliards de francs. Peut-être
s'agit-il d'une omission de votre part, mais je n'ai pas eu de réponse à cette
question. J'espère avoir plus de chance aujourd'hui.
M. Claude Domeizel.
L'avez-vous vous-même ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas moi qui suis au Gouvernement, monsieur Domeizel
! Laissons à chacun la responsabilité de ses actes !
C'est donc sur cette somme de 1 000 milliards de francs que le Gouvernement
est solennellement interpellé aujourd'hui. Ainsi sommes-nous quelques-uns à
nous interroger sur le choix par le Gouvernement de ce chiffre de 1 000
milliards de francs. S'agit-il d'un chiffre symbolique signifiant, en quelque
sorte, « beaucoup », mais qui reste en réalité dérisoire au regard des besoins,
ou bien s'agit-il d'autre chose ?
Lors des auditions auxquelles j'ai procédé en qualité de rapporteur pour
l'assurance vieillesse, un éclairage nouveau m'a été apporté. Ce montant de 1
000 milliards de francs aurait une cohérence, mais dans le cadre d'une réforme
de grande ampleur visant à porter la durée d'activité à 42 ans et demi pour
tous les salariés, du secteur privé comme du secteur public.
Le Gouvernement confirme-t-il ou infirme-t-il que ce fonds de 1 000 milliards
de francs ne serait que la partie visible d'une réforme d'ampleur qu'il ne se
résout pas à annoncer et qui consisterait à repousser de 3 à 5 ans, selon les
cas, l'âge de la retraite ?
Mes chers collègues, avec Jean Delaneau, président de la commission des
affaires sociales, nous revenons d'une mission d'étude sur les retraites en
Suède et en Italie. Plusieurs de nos collègues étaient présents, notamment
Alain Gournac, Jean-Louis Lorrain et Marie-Madeleine Dieulangard. J'ai encore
le souvenir des informations qui nous ont été données dans ces deux pays. Ils
sont beaucoup plus en avance que nous en ce qui concerne la réforme de leurs
régimes de retraite.
M. Claude Domeizel.
Bien sûr !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ils ont engagé des réformes structurelles que notre
Gouvernement n'a toujours pas entamées, à l'exception de ce qui a pu être fait
par M. Balladur précédemment. La prise de conscience est tout à fait récente.
Je vous renvoie à un communiqué des Quinze du 7 novembre dernier : ils ont
reconnu qu'une réforme des régimes de retraite était inéluctable. Un rapport
établi au profit des quinze pays dresse le constat suivant : « sans entrer dans
le détail sur les moyens de redresser la situation, l'une des mesures à
laquelle ne pourront échapper les pays membres de l'Union européenne sera de
revoir à la hausse l'âge du départ de la retraite ». Ce n'est pas moi qui le
dit !
M. Guy Fischer.
Quel programme ?
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
M. Fabius lui-même, ministre de l'économie, des finances et
de l'industrie, déclare ceci : « Il y a un problème partagé par presque tous
les Etats, c'est l'alourdissement des dépenses publiques de retraite. » Nous
nous en étions aperçu ! « Le deuxième constat, c'est la nécessité de réforme de
fond de ces régimes, car une simple amélioration ne suffirait pas à régler les
problèmes. Il y aura donc des décisions délicates à prendre dans chacun de nos
pays. »
On assiste donc à une prise de conscience, au moins chez certains membres du
Gouvernement, quant à la nécessité d'engager des réformes de fond. Mais, pour
le moment, nous ne voyons pas du tout poindre à l'horizon un soupçon de réforme
structurelle en ce qui concerne les retraites. Seul le fonds de réserve a été
constitué et il est loin de correspondre aux besoins des retraites de demain.
Il devrait disposer de 1 000 milliards de francs en 2020, dont 300 milliards de
francs proviendraient des intérêts financiers. Ces 300 milliards de francs
correspondent à la moitié des déficits prévisionnels des régimes de retraite
entre 2020 et 2040.
La confiance que place le Gouvernement dans les marchés financiers censés
procurer 300 milliards de francs d'intérêts est étonnante, alors même qu'il
refuse aux salariés du secteur privé la mise en place de plans d'épargne
retraite.
M. Alain Gournac.
C'est contradictoire !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
C'est dommage ! Les intérêts peuvent représenter 30 % des
sommes versées pendant vingt ans.
En outre, le Gouvernement passe complètement sous silence les besoins de
financement des régimes de retraite entre 2006 et 2020. Or, je le répète, le
déficit cumulé de la seule branche vieillesse s'élèvera à 600 milliards de
francs.
Par ailleurs, les déficits prévisionnels cumulés des régimes des années
2020-2040 représenteraient, selon l'hypothèse d'un taux de chômage à 6 %, 10
000 milliards de francs et non pas 2 000 milliards de francs. Il s'agit donc
non pas de la moitié, mais du dixième des déficits prévisionnels entre 2020 et
2040.
Dans le même temps, mes chers collègues, demeure une interrogation : celle de
la coexistence problématique des dettes et des réserves.
En partageant les produits des licences UMTS entre les fonds de réserve pour
les retraites et la caisse d'amortissement de la dette publique, le présent
projet de loi, combiné avec l'article 23 du projet de loi de finances, prend le
risque d'un rapprochement révélateur : celui de la constitution de « réserves »
parallèlement à la persistance de dettes considérables.
Ces 14 milliards de francs affectés à la caisse d'amortissement de la dette de
l'Etat sont à comparer au stock de dettes de l'Etat de 5 000 milliards de
francs à la fin 2000 et au déficit budgétaire prévu pour 2001, soit 186
milliards de francs, qui viendra accroître cette dette.
Cette comparaison est également l'occasion de rappeler qu'au sein même des
finances sociales le fonds de réserve, quand bien même il atteindrait
effectivement 1 000 milliards de francs, coexisterait, dès 2020, avec un
déficit cumulé de la seule branche vieillesse du régime général de 600
milliards de francs.
La démarche reste ainsi essentiellement optique, qui consiste à prétendre
faire des réserves tout en laissant les dettes s'accumuler ou, en termes plus
imagés, comme le dit Charles Descours en parlant de « comportement de sapeur
Camember », à faire des « tas » à côté des « trous », et à demander au
Parlement de voter solennellement un léger grossissement des « tas », de
préférence à un léger comblement des « trous » !
L'an dernier, le rapport sur l'assurance vieillesse pour le projet de loi de
financement s'achevait sur cet avertissement du commissaire au Plan, M. Charpin
: « Le principal danger serait de ne pas affronter le problème en temps utile.
On se placerait alors vers 2010 dans une situation où les arbitrages seraient
extrêmement douloureux à prendre. Faute de les avoir anticipés, on risquerait
de faire porter tout le poids du rééquilibrage des retraites sur un nombre
relativement faible de générations qui pourraient alors refuser un effort
supplémentaire. »
Le 21 mars dernier, la déclaration solennelle de M. Lionel Jospin « sur
l'avenir des retraites » a confirmé, au-delà des craintes formulées l'année
dernière, que le Gouvernement avait résolument choisi d'attendre.
Nous avons voté, en 1998, la création du fonds de réserve, en considérant
toutefois qu'une telle création n'avait de sens que si elle s'accompagnait
d'une réforme des retraites.
En rétablissant, comme Charles Descours l'a indiqué, les excédents du fonds de
solidarité vieillesse, nous contribuons même à l'alimenter. Le Gouvernement
s'est en effet « calé » sur les excédents du fonds de solidarité vieillesse
pour alimenter le fonds de réserve, alors que, dans le même temps, par le
projet de loi de financement de la sécurité sociale, il vient le dépouiller
complètement des excédents dont il dispose pour financer les 35 heures. C'est
la fuite en avant !
En revanche, il est indispensable, mes chers collègues, que, sous le contrôle
étroit du Parlement, soient garanties l'efficacité financière et la
transparence juridique des sommes qu'il collecte. Ce sera l'objet d'un des
amendements présentés par vos rapporteurs.
Concernant le fonds de réserve dont il faut assurer la dynamique de gestion et
la complète transparence, n'est-ce pas le rôle du Parlement, mes chers
collègues, de pousser le Gouvernement à agir lorsqu'il se complaît, concernant
les retraites, dans une position attentiste, ô combien confortable à la veille
des échéances électorales qui se profilent à l'horizon ?
Il était, à mon sens, de notre devoir de dénoncer, à cette tribune, devant les
Français, l'inaction du Gouvernement : elle tranche nettement avec l'action du
gouvernement Balladur, qui a été le seul à engager les premières réformes
structurelles dont vous profitez des effets et sur lesquelles vous vous appuyez
pour reporter à demain les initiatives nécessaires !
(Protestations sur les
travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et
citoyen ; vifs applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
Or, dois-je vous rappeler ce vieux proverbe, mes chers collègues : il ne faut
jamais remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour même ?
(Exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen.)
C'est l'avenir des futurs retraités des nouvelles générations d'actifs qui est
en jeu. Vous seule, madame le ministre, et votre gouvernement, avec la majorité
qui vous soutient, porterez la responsabilité de l'avenir sombre que vous avez
décidé de réserver aux futurs retraités et aux futurs actifs, parce que vous
restez dans l'incapacité d'agir.
(Très bien ! et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. Guy Fischer.
Quel catastrophisme !
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jacques Oudin
rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Madame le ministre, mes premiers
mots seront d'abord pour vous saluer et vous souhaiter la bienvenue dans vos
nouvelles fonctions, pour la présentation, au Sénat, de ce cinquième projet de
loi de financement de la sécurité sociale, ensuite, pour vous souhaiter bon
courage dans votre nouvelle tâche, qui sera d'autant plus rude que le tableau
qui s'offre à nous - vous avez entendu mes collègues rapporteurs - est presque
désespérant.
Je vais analyser devant vous quelques aspects de ce bilan, mais ma liste sera
loin d'être exhaustive, tant les sujets de satisfaction sont rares.
Pour commencer, je vous exprimerai notre indignation sur la façon dont votre
ministère a répondu aux questionnaires de la commission des finances. Le 4
juillet 2000, le président de la commission des finances adressait à Mme le
ministre de l'emploi et de la solidarité deux questionnaires, l'un sur le
projet de loi de finances, l'autre sur le projet de loi de financement de la
sécurité sociale, comportant le premier trente-cinq, le second trente-huit
questions. Au 8 novembre, et rien n'a changé depuis, vos services n'avaient pas
répondu à six questions sur dix, s'agissant de la loi de financement.
Ces questions restées sans réponse, vous les trouverez à la page 239 de mon
rapport : aucune réponse sur la CADES, sur l'individualisation de la trésorerie
des branches, sur la rationalisation du réseau des caisses, sur les comptes de
la santé, sur l'informatisation du système de soins, sur le médicament, sur le
redéploiement des capacités hospitalières, sur la politique d'équipement
hospitalier, sur les dépenses d'hospitalisation, sur l'évolution des transferts
de compensation vieillesse.
Cela fait beaucoup, et je n'ai pas tout cité.
Ce mépris de la représentation nationale méritait d'être dénoncé à cette
tribune.
Mais, m'exprimant au nom de la commission des finances, je vais maintenant me
cantonner au sujet qui est le mien : les chiffres.
Je traiterai de cinq points : les comptes, la CSG et la CRDS, l'assurance
maladie, les retraites et, enfin, l'outil que représente la loi de
financement.
En ce qui concerne les comptes, qu'il s'agisse de leur élaboration ou de leur
contenu, les progrès constatés ne peuvent cacher les insuffisances
accumulées.
Sur l'élaboration, si nous pouvons nous féliciter de voir s'achever la réforme
comptable des droits constatés que j'avais demandée ici même, en 1994, je
crois, en revanche quelle n'est pas notre déception, pour ne pas dire notre
colère, devant l'ensemble des manipulations - je dis bien : « manipulations » -
qui brouillent la transparence et la fiabilité de ce texte.
Où est la clarté des comptes, avec ces transferts incessants entre la loi de
finances et la loi de financement ? A cet égard, les tableaux présentés tout à
l'heure par M. Vasselle étaient très significatifs, même si nous ne pouvions
pas toujours les lire parfaitement depuis l'hémicycle.
Où est la clarté des comptes, quand les dépenses du FOREC ne sont votées nulle
part ?
Où est la clarté des comptes, quand les conventions librement consenties par
votre prédécesseur intègrent, dans le compte tendanciel du régime général, le
coût de mesures qui ne sont encore ni discutées ni, bien entendu, votées ?
Vous avez devant vous un colossal travail pour acquérir une certaine
crédibilité en matière de chiffres et de comptes. Vous savez comme moi que
l'excédent annoncé pour la sécurité sociale est purement factice et qu'il peut
varier de un à quatre selon les méthodes de calcul adoptées. Cela me fait
d'ailleurs penser à l'excédent de la SNCF. Bien que l'ensemble du système
ferroviaire ait besoin de 65 milliards de francs pour équilibrer ses comptes,
la SNCF présente un compte en équilibre et même en excédent !
Qui a écrit que « les diverses mesures de transfert font perdre une grande
partie de leur signification aux soldes des branches du régime général » ?
C'est le secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité
sociale.
Tout cela pour souligner que l'ensemble des chiffres que vous nous présentez
sera sujet à caution, comme mes prédécesseurs à cette tribune l'ont souligné
avant moi.
Nous espérons vraiment, connaissant votre souci de rigueur, que l'année
prochaine, sous votre impulsion, certaines de ces pratiques auront changé.
Venons-en à ces chiffres. Vous nous avez indiqué, tout en en félicitant le
Gouvernement, que la sécurité sociale est revenue à l'équilibre. Nous vous
répondons : « heureusement ! »
Avec la formidable croissance économique que notre pays a connue depuis deux
ans, avec les centaines de milliards de francs de recettes supplémentaires que
vous avez obtenus, un déficit aurait été inconcevable. La question n'est donc
pas celle de l'excédent, mais bien celle de son contenu.
Alors que vous prenez tout juste vos fonctions, je tiens à vous dire que, sur
ce point également, les choses vont plutôt mal.
Cet excédent est le fruit d'une conjonction historique, puisque les recettes
progressent plus vite que les dépenses. Nous avons rarement connu cette
situation. Nous la connaissons, c'est heureux, mais nous pouvons penser qu'elle
ne durera pas toujours.
Je reconnais que votre prédécesseur a fortement contribué à cette situation,
mais elle l'a fait en augmentant les prélèvements et non pas en maîtrisant les
dépenses, ce qui aurait été, en fait, la seule voie acceptable.
L'année dernière, j'énumérais à cette tribune la liste des douze prélèvements
créés ou augmentés depuis 1997. Cette année, je pourrais en ajouter deux
nouveaux : la taxe sur les conventions d'assurance et la taxe sur les véhicules
de société. Mais je me contenterai de citer deux chiffres : les prélèvements
sociaux représentaient, en 1997, 20,4 % du PIB ; quatre ans plus tard, ils
atteindront 21,4 %, soit un point de plus de PIB, et ce alors même que
l'ensemble des prélèvements obligatoires devraient diminuer, si l'on en croit
les discours du Premier ministre. Le contraste est saisissant.
La méthode de votre prédécesseur était sans faille et sans gloire : augmenter
les prélèvements et faire croire que le retour à l'équilibre relevait d'une
action volontariste. La seule volonté qu'elle a démontrée pendant son passage
rue de Grenelle aura été celle de la hausse de la pression fiscale sociale, et
certainement pas celle de la réforme.
Nous espérons que vous vous engagerez sur une autre voie, plus saine, celle
des vraies réformes, qui ne peuvent passer que par la maîtrise de la
dépense.
Le deuxième constat porte sur la CSG et sur la CRDS.
Les mesures proposées dans ce projet de loi de financement préparé par votre
prédécesseur sont particulièrement critiquables.
Sur la CSG, d'abord. Nous vous expliquerons, dans le cours des débats, que
votre ristourne dégressive est complexe et qu'elle est loin de simplifier les
relations entre l'Etat et la sécurité sociale. Nous soulignerons également
toutes les injustices qu'elle entraîne entre familles, entre ménages ayant un
ou deux actifs, entre actifs et pluriactifs ; le débat nous permettra de
revenir sur ces différents aspects.
A mes yeux, la critique la plus grave porte sur la remise en cause même du
contrat social que constitue cette mesure. Je ne suis pas certain que vos amis,
madame le ministre, aient parfaitement perçu toutes les implications de ce que
vous nous proposez.
Depuis sa substitution aux cotisations salariales maladie, la CSG, Charles
Descours l'a parfaitement montré, symbolise le lien entre l'assuré et les
régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Ces régimes continuent
d'ailleurs à s'appeler « régimes d'assurance » ; ils supposent donc l'existence
d'un rapport financier direct entre l'assuré et l'organisme versant les
prestations. Les cotisations, puis la CSG ont symbolisé ce lien.
En revanche, exonérer de CSG des millions de salariés actifs et substituer à
leurs versements des recettes de l'Etat revient tout simplement à rompre cette
liaison et donc à ouvrir la voie à l'étatisation de l'assurance maladie. Un tel
mécanisme, une telle évolution sont contraires aux principes fondateurs de
notre sécurité sociale.
En agissant ainsi, vous donnez des arguments supplémentaires à ceux qui
s'interrogent sur la nécessité de maintenir le mode actuel de gestion paritaire
des caisses. En voulant modifier en profondeur le mécanisme de la CSG, vous
risquez d'altérer de façon irréversible notre sécurité sociale, cette
institution à laquelle nous sommes tant attachés et qui est au coeur de notre
contrat social.
Agir ainsi est désolant, alors que d'autres mécanismes existaient pour
atteindre les mêmes objectifs de garantie du pouvoir d'achat. Nous vous le
démontrerons le moment venu, au cours de ce débat.
De même, s'agissant de la CADES, vous agissez avec ce que je pourrais appeler
une légèreté critiquable. En privant la caisse de deux années de recettes, vous
en allongez le terme d'autant. Vous remettez ainsi en cause la force de cette
institution, qui réside dans sa crédibilité financière internationale.
Vous n'avez pas le droit de parler de baisse des prélèvements. Les
exonérations de CRDS ne sont que des reports de prélèvements de ceux que vous
exonérez aujourd'hui sur ceux qui paieront la CRDS deux ans de plus.
Vous avez tort d'arguer des bons résultats de la CADES pour les gaspiller
aussitôt. Là aussi, d'autres moyens existaient. Notre excellent collègue
Philippe Adnot évoquera tout à l'heure différents aspects de la gestion de la
CADES.
Le troisième point que je souhaiterais aborder ce soir a trait à l'assurance
maladie.
Dans ce domaine, vous avez repris, madame le ministre, un chantier en
friche.
Ma première inquiétude concerne la disparition de tous les modes de régulation
en matière de dépenses de santé. La situation est telle que je ne suis pas loin
de partager l'opinion du député Claude Evin - avec lequel nous avons eu tant de
débats, pourtant - quand ce dernier parle de la « mort du système conventionnel
».
Dans la situation actuelle, tout est à reconstruire, semble-t-il.
Il faudra le faire sur la base d'un dialogue à rétablir avec l'ensemble des
professionnels de santé, tant on a pu constater que leur sentiment de
délaissement, voire de persécution pouvait bloquer toutes les vélléités de
réformes.
Pour restaurer ce dialogue, et je partage ici l'analyse de M. Descours, il
faut abandonner les mécanismes de responsabilité collective et opter résolument
pour la responsabilité individuelle.
Le deuxième domaine de l'assurance maladie que j'évoquerai est celui de
l'hospitalisation. Votre prédécesseur a réussi en la matière un exploit. Elle
est parvenue à briser ce qui fonctionnait de manière satisfaisante,
c'est-à-dire les cliniques, pour subventionner fortement ce qu'il fallait à
tout prix réformer, à savoir l'hôpital public.
Je ne remets pas en cause, bien entendu, l'existence de problèmes majeurs dans
les hôpitaux. Cependant, comment taire la situation dramatique des cliniques
?
Dans les cliniques, toutes corrections faites - je dis bien « toutes
corrections faites » -, un même acte coûte de 30 % à 50 % moins cher que dans
un hôpital.
Or, vous êtes en train de les asphyxier par des décisions que l'on peut
qualifier d'irréfléchies. Dans ce secteur, l'absence d'infirmières devient
dramatique. Elle est le fruit de la réduction du nombre de places initiée par
votre prédécesseur à son arrivée et de la mise en oeuvre inconsidérée des 35
heures.
Le quatrième point de ce rapide exposé concerne bien évidemment les retraites,
mais j'ai des scrupules à aborder de nouveau ce sujet, après l'excellente
intervention de M. Alain Vasselle voilà quelques instants.
En matière de retraites, la politique du Gouvernement relève presque de
l'irresponsabilité, compte tenu du vieillissement de notre population, et les
dernières analyses de l'INSEE sont très significatives à cet égard.
Je ne dirai rien de la suppression, sans solution de remplacement, du mode de
revalorisation des pensions mis en place en 1993.
Je me concentrerai sur les deux axes de l'inaction gouvernementale que sont la
politique des rapports et la virtualité du fonds de réserve.
Sur ce sujet, le Gouvernement a mis au point une méthode infaillible : il
consulte, il demande un rapport, il engage un contre-rapport, puis met en place
une instance de concertation chargée de faire des études et, dans le présent
projet de loi de financement, propose même de doter notre administration de
nouveaux moyens statistiques - c'est bien, peut-être - probablement pour lancer
de futures études. A n'en pas douter, si nous continuons dans cette voie, nous
aurons bientôt la plus belle collection au monde d'études sur les retraites.
La logique de cette politique des rapports est évidente : il s'agit de
repousser toute décision après les échéances électorales majeures. Or nous
savons bien qu'alors il sera presque trop tard.
Cela apparaît avec plus de force encore pour le fonds de réserve. Vous héritez
en la matière d'une situation scandaleuse. Deux ans après la création de ce
fonds, nous n'en connaissons toujours ni l'objectif, ni les modes pérennes de
financement, ni les méthodes de gestion, ni les organismes de surveillance, ni
le terme, ni la structure juridique. Cela fait beaucoup !
Vous pensez calmer les impatiences et les inquiétudes en alimentant ce fonds
au coup par coup. Mais ce que, visiblement, votre prédécesseur n'a pas compris,
et ce que tous les exemples étrangers nous montrent, c'est que seules la
transparence, la visibilité et la prévisibilité à long terme permettent de
minorer le coût de l'ajustement inéluctable. La citation du rapport Charpin
faite tout à l'heure par M. Vasselle était, à cet égard, excellente. En effet,
il y a un moment où le coût sera tel que les générations présentes refuseront
peut-être d'en supporter la charge.
Quant à la promotion d'une épargne retraite individuelle, le Gouvernement
laisse - et c'est bien - les fonctionnaires bénéficier de la Préfon, les
professions libérales des dispositifs Madelin - c'est bien aussi - et les
agriculteurs de mécanismes propres, mais il laisse les salariés du secteur
privé dépourvus de tout système sérieux.
Face au silence du Gouvernement, le Sénat a adopté, la semaine dernière, sur
l'initiative de la commission des finances et de notre collègue Joseph
Ostermann, un mécanisme d'épargne retraite volontaire, construit sur une base
collective, facultative et respectueuse de l'équilibre des régimes par
répartition, auxquels nous sommes tous attachés. Simultanément, l'opposition
républicaine vient de publier ses propositions, propositions dont la lecture
pourrait, je le crois, utilement vous inspirer.
Ecoutons d'ailleurs ce que nous disent les institutions internationales.
La Commission européenne propose - et je serais heureux de connaître la
position du Gouvernement à cet égard - une directive sur les fonds de retraite
par capitalisation, en soulignant l'intérêt et l'urgence de leur
développement.
La semaine dernière, l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement
économiques, publiait, quant à elle, une étude montrant les effets positifs de
l'élévation de l'âge de la retraite dans les pays ayant adopté cette mesure, et
on nous a présenté, voilà quelque instants, les exemples de la Suède et de
l'Italie.
Malgré cela, malgré le coup de vent annoncé, en dépit des premières avaries et
des avertissements venant de l'étranger, le paquebot du Gouvernement français
maintient obstinément le cap, et il le maintiendra jusqu'à ce qu'il rencontre
sur sa route, peut-être, un iceberg fatal... Quant aux victimes, elles sont
connues d'avance.
Le dernier point que je souhaite aborder a trait à l'outil même que représente
la loi de financement de la sécurité sociale.
La réforme constitutionnelle que nous avons adoptée voilà quelques années a
permis à notre pays de rattraper un retard démocratique majeur. J'ai été l'un
des initiateurs de cette loi constitutionnelle, refusée d'abord en 1992, puis
en 1994 et acceptée en 1995.
Cependant, cinq ans après, il est temps de faire un premier bilan et de
réfléchir aux évolutions futures.
Qu'avons-nous fait de l'outil ? Comment l'améliorer ?
Des objectifs qui semblaient impossibles en 1995 deviennent possibles. Il
s'agit, par exemple - et nous en avons parlé - de la mise en oeuvre d'un
article d'équilibre, qui serait une bonne initiative.
D'autres qui semblaient des avancées majeures atteignent leurs limites : après
Charles Descours, je veux parler de l'ONDAM. Chacun a conscience que les
relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont loin d'être
satisfaisantes et qu'il n'est plus possible d'avoir un tel éclatement des
prélèvements obligatoires.
Nous ne pouvons que dénoncer le caractère scandaleux et antidémocratique de
pratiques qui aboutissent à ce que des dizaines de milliards de francs de
dépenses, comme celles du FOREC, échappent à tout contrôle et à tout vote
parlementaires. Puisque M. Charles Descours parlait tout à l'heure des fonds,
j'ai consulté son rapport et, en dehors de la CADES, j'en ai listé vingt et un,
ce qui est tout de même tout à fait étonnant !
Nous savons qu'il est malsain de ne pas embrasser par des comptes consolidés
l'ensemble du champ des finances publiques et des finances sociales alors que
les institutions internationales nous jugent fortement sur ces comptes agrégés.
Cette remarque est, je crois, importante.
Votre prédécesseur, madame le ministre, et le Gouvernement portent une
responsabilité majeure parce qu'ils ont sacrifié l'outil des lois de
financement de la sécurité sociale à des convenances d'affichage politique.
J'ai déjà évoqué le FOREC. J'ai déjà dit tout le mal que j'en pensais, ainsi
que des méthodes utilisées pour l'ONDAM. A quoi celui-ci sert-il quand le
Gouvernement le rebase à deux reprises, passant ainsi l'éponge sur une
trentaine de milliards de francs de dépassements ?
De même, où est la réflexion sur la santé publique et le contenu des 100
milliards de francs de dépenses supplémentaires consacrées à la santé en cinq
ans ? Cet argent a-t-il apporté un bien-être, financé des innovations, réduit
des inégalités, ou bien s'est-il fondu dans la masse de la dérive des dépenses
? C'est une question sur laquelle nous n'avons pas complètement les réponses
que nous souhaiterions.
Il faut donc revoir le schéma des lois de financement de la sécurité sociale
pour leur donner une autre ampleur et davantage de crédibilité.
Espérons que la réforme annoncée, attendue et espérée de l'ordonnance portant
loi organique relative aux lois de finances donnera enfin l'occasion de lancer
un débat approfondi et constructif. Encore faut-il, bien entendu, madame le
ministre, que le Gouvernement le veuille.
Comme vous le constatez, les sujets d'inquiétude ne manquent pas. Nous
connaissons vos qualités de rigueur et d'objectivité. J'espère que la
description sévère mais juste que je viens de faire, au nom de la commission
des finances, et qui rejoint celle de la commission des affaires sociales, vous
permettra d'avoir une autre vision sur une réalité qui est encore très
sombre.
La conjoncture économique vous a donné et vous donne toujours une occasion
unique de redresser le cap. Ne la manquez pas. Il en va de votre responsabilité
face à un peuple qui a toujours marqué son profond attachement à son système de
protection sociale.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que la commission des finances ait
émis un avis négatif sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale
pour 2001.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Madame la ministre, je
vous accueillais mardi dernier à la commission des affaires sociales et je vous
disais que la majorité des membres de celle-ci n'était pas malveillante mais
serait sans doute sévère, surtout lorsqu'il s'agit de discuter d'un budget
désormais plus important que celui qui est présenté par le projet de loi de
finances. Je regrette d'ailleurs - mais je sais quelles étaient ce jour-là vos
obligations - que nous n'ayons pu en discuter que pendant une heure.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Et quart !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Cependant, je ne doute
pas que ces critiques sévères, qui pour l'instant ne s'adressent pas
directement à vous, vous allez malgré tout les assumer, les combattre
crânement. En effet, nous connaissons votre tempérament.
Après les exposés très complets des trois rapporteurs de la commission des
affaires sociales et du rapporteur pour avis de la commission des finances, mon
intervention sera brève.
Je voudrais simplement, au moment où nous abordons le cinquième projet de loi
de financement de la sécurité sociale, exprimer un motif d'inquiétude et vous
faire part d'un motif de satisfaction.
S'agissant, tout d'abord, du motif d'inquiétude, M. Charles Descours vient de
souligner combien, depuis quatre ans, le Gouvernement avait dénaturé cette
nouvelle catégorie de loi et, ajouterai-je, trahi non seulement l'esprit, mais
encore la lettre de la réforme constitutionnelle de 1996.
Or notre commission est fondamentalement attachée à ces lois de financement
qui doivent permettre chaque année au Parlement de débattre des enjeux
financiers de notre protection sociale.
Certes, la matière en elle-même est complexe. Notre protection sociale se
caractérise par une grande diversité des intervenants et par la multiplication
des affectations de recettes qui résulte de la séparation des risques,
séparation que vous essayez d'ailleurs de contourner.
Les lois de financement elles-mêmes relèvent d'une logique particulière
puisque les objectifs votés par le Parlement ne sont pas des plafonds de
crédits qui entraîneraient, s'ils étaient dépassés, l'interruption des
prestations ou des remboursements. Mais j'ai bien noté, et nous saurons vous le
rappeler, l'engagement que vous avez pris, dans votre propos liminaire, de
faire respecter les objectifs votés par le Parlement.
La matière est donc complexe, mais, après tout, le Parlement et ses
commissions permanentes en ont l'habitude et le rôle essentiel qui est le leur
est bien de rendre intelligibles les textes compliqués.
Je voudrais, à ce titre, rendre hommage à Charles Descours, Jean-Louis Lorrain
et Alain Vasselle pour l'intensité et la qualité du travail effectué, ainsi
qu'à Jacques Oudin qui vient de nous présenter les conclusions de la commission
des finances. Je sais, puisqu'il vient de nous le faire dire à l'instant, que
le président de la commission des finances serait présent parmi nous s'il
n'était retenu par des problèmes importants au sein de sa commission.
Mais encore faut-il que la complexité soit sinon nécessaire, du moins qu'elle
ne puisse être évitée.
Or, j'ai la conviction que le Gouvernement organise cette complexité pour
procéder, dans une opacité volontaire, à des transferts financiers illégitimes.
Je pense en particulier à ces ponctions répétées et, de surcroît, rétroactives
qui sont opérées sur la branche famille et le fonds de solidarité vieillesse.
MM. Jean-Louis Lorrain et Alain Vasselle l'ont parfaitement démontré tout à
l'heure.
De cette confusion organisée par le Gouvernement, je citerai seulement deux
exemples.
Le Gouvernement a créé, l'an dernier, un fonds « de financement de la réforme
des cotisations patronales de sécurité sociale », le fameux FOREC, dont tout le
monde a parlé. De fait, le débat sur la réforme de l'assiette des cotisations
patronales est ancien et tourne autour de la question suivante : faut-il ou non
introduire, à côté de la masse salariale, d'autres éléments de la valeur
ajoutée ?
Mais que fait le Gouvernement ? Il affecte à la compensation des exonérations
de cotisations sociales pas moins de six impôts et taxes. Il s'agit, et c'est
un peu un inventaire à la Prévert, des droits sur les tabacs, des droits sur
les alcools, de la taxe sur les véhicules de société, de la taxe sur les
conventions d'assurances, de la contribution sur les bénéfices des sociétés, de
la taxe sur les activités polluantes, qui, aujourd'hui mardi 14 novembre 2000,
alors que le Premier ministre va devoir chercher un certain nombre de milliards
de francs pour résoudre le problème des farines animales, pourrait avoir une
utilisation plus judicieuse.
M. Alain Gournac et M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Dans tout cela, où est
la réforme des cotisations patronales ? Nulle part, sauf à prétendre que les
tabacs et les alcools, dont les droits sont payés par les consommateurs,
entreraient par exemple dans l'assiette des cotisations patronales, ce qui
serait à l'évidence absurde.
A quel objectif répond alors la création du FOREC ?
Est-ce un objectif de clarification ? Ce serait un paradoxe, tant le mécanisme
rend désormais incompréhensible non seulement la loi de financement mais aussi
la loi de finances.
Est-ce l'objectif d'un meilleur contrôle ? Ce serait une plaisanterie, dès
lors que ce fonds échappe à tout contrôle puisqu'il n'a pas été encore
juridiquement mis en place.
De quoi s'agit-il alors ? La réponse est simple. Il s'agit de dégonfler
optiquement la masse des dépenses budgétaires et de faire en sorte qu'en
définitive le budget de l'Etat se retire totalement du financement d'une
politique de l'emploi fort aventureuse - nous le constatons chaque jour
davantage -, à savoir les trente-cinq heures.
C'est la première confusion, qui frise l'impudence, organisée par le
Gouvernement : présenter comme une réforme des cotisations patronales la
non-compensation à la sécurité sociale des exonérations de charges décidées par
l'Etat.
Le second exemple, je le tire du transfert de majoration de l'allocation de
rentrée scolaire.
Depuis 1993, le Gouvernement décidait chaque année d'une telle majoration, qui
était prise en charge par le budget général.
Lors de la Conférence sur la famille de juin 1999, il annonce la pérennisation
de cette majoration.
A dire vrai, cette annonce semblait relever de l'effet de manche. En effet,
les familles étaient habituées à cette majoration, régulièrement reconduite
chaque année, et on ne voit donc pas ce qu'il y avait de bien nouveau dans
cette décision.
En réalité, de quoi s'agissait-il ? Dès lors que le Gouvernement annonçait sa
pérennisation, la majoration de l'allocation de rentrée scolaire était élevée
au rang de prestation familiale, et il était normal, concluait le Gouvernement,
que les 7 milliards de francs correspondants soient pris en charge par la
branche famille.
On se demande véritablement pourquoi le Gouvernement - l'actuel ou le
précédent, d'ailleurs - n'a pas pris plus tôt une telle décision : il est rare,
en effet, qu'une bonne nouvelle se traduise par une économie budgétaire de 7
milliards de francs !
C'est la seconde confusion que je tenais à souligner : celle qui consiste à
transférer une charge nouvelle à la branche famille sous couvert de
pérennisation d'une prestation.
A travers les mécanismes qu'il met en place, sciemment illisibles, à travers
le discours dont il les accompagne, sciemment confus voire inexact, le
Gouvernement ne dupe certes pas les spécialistes des finances sociales, mais il
réduit à néant les espoirs de pédagogie, de clarté et de démocratie qui étaient
attachés à la réforme constitutionnelle de 1996.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il prend ce faisant une
lourde responsabilité,...
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
... car, sans cette
pédagogie, sans cette clarté, sans cette démocratie, il n'y aura pas de
redressement durable des comptes sociaux, il n'y aura pas de garantie quant à
l'avenir de notre modèle de protection sociale.
J'exposerai un motif de satisfaction ensuite ; il n'est pas mince mais il ne
s'adresse pas au Gouvernement.
Face, en effet, à la multiplication des jeux de miroirs entre la loi de
financement et la loi de finances, qui résulte des tuyauteries mises en place
par le Gouvernement, le débat parlementaire sur ces deux textes financiers
courait un risque de confusion et d'incohérence.
Aussi, je me félicite du travail fait en commun par les deux commissions
compétentes : la commission des finances et la commission des affaires
sociales.
Non seulement leurs analyses sont proches, voire identiques, mais encore leurs
propositions sont coordonnées, qu'il s'agisse du mécanisme du crédit d'impôt
que la commission des finances proposera de substituer à l'improvisation que
représente la ristourne dégressive de la CSG, qu'il s'agisse de l'amélioration
du quotient familial ou encore de l'affectation du produit des licences de la
téléphonie mobile.
Je tiens à en donner acte à mon collègue M. Alain Lambert, président de la
commission des finances, et à M. Philippe Marini, rapporteur général, qui a
bien voulu se joindre à nous lors de la conférence de presse organisée voilà
quelques jours.
A l'évidence, nous sommes prêts à aborder chaque année, au printemps, un débat
d'orientation consolidé sur les finances publiques, c'est-à-dire sur le projet
de loi de finances ainsi que sur le projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Je déplore que, face à une telle demande, appuyée par M. le président
du Sénat, le Gouvernement se dérobe.
Ces dérobades, nous en avons cité beaucoup, en particulier s'agissant des
retraites. C'était la tactique de Fabius, non pas celui auquel vous pensez
peut-être, mais Fabius
Cunctator
, c'est-à-dire « le Temporisateur »,
tactique qui parut un temps réussir, mais qui finit dans l'échec.
Je ne souhaite pas, pas plus que vous, sans doute, madame la ministre, ni que
vous, mes chers collègues, un tel résultat pour notre pays !
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme le ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je tâcherai de répondre
brièvement, puisque la discussion générale va se poursuivre et que j'aurai
d'autres occasions de m'exprimer. Mais je voudrais quand même à ce stade, après
les interventions des différents rapporteurs et du président de la commission
des affaires sociales, vous faire part, mesdames, messieurs les sénateurs, de
quelques remarques.
Monsieur Descours, si « le trou de la sécu » a disparu, nous y sommes pour
quelque chose ! Il faut quand même vous y faire ! Nous avons changé de
politique économique en 1997,...
M. Charles Descours,
rapporteur.
Eh oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... nous avons relancé la
croissance, nous avons diminué le chômage, et voilà le résultat !
M. Alain Gournac.
Et en Allemagne ? Et en Grande-Bretagne ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je n'avais pas cité, dans mon
propos introductif, les montants des déficits successifs du régime général,
entre 1993 et 1997, mais, puisque vous m'y poussez, je vais le faire ! Ce
déficit s'élevait, en 1993, à 56,4 milliards de francs, en 1994 à 54,8
milliards de francs, en 1995 à 57,3 milliards de francs, en 1996 à 51,4
milliards de francs, en 1997 à 33,8 milliards de francs, le total se montant à
253 milliards de francs.
En 1998, le déficit a baissé à 16,9 milliards de francs, et nous avons renoué
avec les excédents à partir de 1999. Mais cette amélioration n'est pas venue
toute seule ! Elle est due, je le répète, à la politique économique que nous
avons menée, politique qui a rompu radicalement avec celle qui avait été menée
par M. Balladur, puis par M. Juppé, et qui aurait certainement été encore
aggravée si la dissolution décidée par le Président de la République avait
donné un résultat différent ; mais les Français nous ont élus justement pour
mener une politique différente !
M. Claude Domeizel.
Heureusement !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Toutes les conditions étaient rassemblées pour que la
croissance soit rétablie !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La réduction du temps de
travail dans la fonction publique hospitalière sera effective au 1er janvier
2002. Où en sommes-nous aujourd'hui ? Mon cabinet a rencontré les grands
syndicats. Les négociations s'ouvriront prochainement pour aboutir, je
l'espère, à un accord national. Puis sera élaborée la réglementation sur
l'organisation et le temps de travail, avec, ensuite, une mise en application à
l'échelon local.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Quel sera le
financement ?
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ai bon espoir que la
réduction du temps de travail soit l'occasion de réexaminer l'organisation du
travail au sein des hôpitaux afin d'améliorer à la fois le service rendu à la
population et les conditions de travail des agents. Quant au financement,
monsieur le président de la commission des affaires sociales, la question ne se
posera qu'en 2002.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Bien sûr ! Beaucoup de
personnes sont inquiètes à ce sujet !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Chaque chose en son temps !
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cunctator !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'agissant de la CSG, M.
Descours a tenu des propos très argumentés auxquels je vais m'efforcer de
répondre brièvement.
Le Gouvernement a voulu réduire les prélèvements afin d'alléger les charges
sur le travail, et, en premier lieu, sur le travail peu qualifié. La CSG avait
d'ailleurs été mise en place pour rééquilibrer les prélèvements sociaux en
baissant les charges sur les revenus du travail et en mettant à contribution,
en compensation, les revenus financiers.
La mise en oeuvre de la CSG a été faite aussi bien par le gouvernement de
Michel Rocard, en 1990, que par celui de Lionel Jospin, en 1998, sur
l'initiative de Martine Aubry, dont je veux ici saluer l'action, car j'estime
qu'elle a été injustement attaquée par tous les rapporteurs,...
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Tout à fait !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... dans l'espoir, évidemment
vain et fallacieux, que j'allais, ne fût-ce que d'un battement de cil - mais je
ne vous ferai pas ce cadeau ! - me démarquer de la politique menée par ma «
prédécesseure ».
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Je tiens donc à saluer ici les réformes menées par Martine Aubry, au nom du
Gouvernement tout entier.
(Applaudissements sur les travées
socialistes.)
M. Alain Gournac.
Pas nous !
M. Hilaire Flandre.
Attendez de payer la note !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La mise en oeuvre de la CSG a
été faite par Michel Rocard en 1990 et par Martine Aubry en 1998, conformément
à la logique précitée et contrairement à la mesure d'augmentation de la CSG
décidée en 1993 par le gouvernement de M. Balladur, qui a été réalisée sans
baisse de cotisations salariales en compensation. Il faut quand même rappeler
certaines choses !
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Vous en profitez bien !
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il faudrait faire le
bilan du gouvernement Bérégovoy !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les mesures prises par les
divers gouvernements en matière de charges patronales ont aussi visé à alléger
les charges en priorité sur les bas salaires. C'est dans cet esprit qu'ont été
conçus les allégements liés à la mise en place des 35 heures qui permettent de
réduire le niveau des charges de sécurité sociale à 5 % du SMIC brut, contre 31
% voilà dix ans.
Nous voulons - et c'est peut-être ce qui nous distingue, monsieur Descours -
continuer les efforts pour améliorer le statut social du travail, et que cela
ne s'arrête pas aux charges patronales. Nous souhaitons que le smicard
bénéficie sur sa feuille de paie de l'allégement des charges sociales. C'est
notre politique ; c'est le sens des mesures qui ont été prises et c'est ce que
permet le projet de loi de financement de la sécurité sociale à travers cette
mesure simple, extrêmement attendue par les ménages concernés et applicable dès
janvier 2001. D'ailleurs, le Gouvernement a veillé à ce que cette mesure ne
prive pas la sécurité sociale de la moindre ressource puisque le projet de loi,
tel qu'il a été adopté par l'Assemblée nationale, prévoit une compensation
intégrale des régimes de sécurité sociale.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Pas pour la CRDS !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Si ! C'est pourquoi les
critiques que vous avez exposées ne me semblent pas fondées.
Par ailleurs, monsieur Descours, vous avez émis une crainte quant à une
inconstitutionnalité de la réduction dégressive de la CSG, avançant à cet égard
trois motifs possibles.
Vous avez tout d'abord prétendu que les pluriactifs seraient avantagés. Je
dirai qu'ils ne seront pas mieux traités que les monoactifs puisque la
pluriactivité salariée est prise en compte à travers la proratisation de la
réduction en fonction du temps de travail. De ce fait, un salarié qui perçoit
le SMIC en occupant deux emplois à mi-temps bénéficiera de la même réduction
que s'il occupait un emploi à temps plein rémunéré au SMIC. Par conséquent, le
pluriactif salarié ne sera pas avantagé.
Et je répète, après vous avoir déjà répondu à cet égard lors de mon audition
par la commission des affaires sociales - que la pluriactivité non salariée
sera également prise en compte lors de la régularisation sur les revenus de
l'année. Il sera alors demandé aux salariés de déclarer leurs revenus salariés
pour que l'URSSAF ou la mutualité sociale agricole puisse vérifier que la somme
de leurs revenus leur permet de bénéficier de la mesure. Je ne pense donc pas
que le premier motif d'inconstitutionnalité puisse être fondé.
Vous avez ensuite prétendu qu'un couple dont un seul conjoint travaille et qui
perçoit un salaire d'1,4 SMIC sera moins bien traité qu'un couple où chacun des
conjoints perçoit le SMIC.
Pour ma part, je ne vois pas là de rupture d'égalité ! Ces deux ménages ne
sont pas dans une situation semblable, puisque, dans un cas, deux personnes
travaillent et, dans l'autre cas, une seule personne occupe un emploi.
M. Hilaire Flandre.
C'est scandaleux !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Quand on veut statuer sur
l'égalité devant les charges publiques, il faut tenir compte de cette
différence de situation. J'ajoute que ce dispositif, que nous voulons et
assumons, aboutit à prendre en compte le second salaire, c'est-à-dire le
travail féminin, car nous sommes pour l'égalité entre les hommes et les femmes.
C'est donc là un résultat que nous souhaitons, je dirai même que nous
revendiquons.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Parfaitement !
M. Guy Fischer.
Très bien !
M. Hilaire Flandre.
Les gosses dans la rue et les femmes à l'usine !
M. Guy Fischer.
On vous reconnaît bien là !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Par ailleurs, je rappelle que
l'un des objectifs visés au travers de cette mesure est de favoriser le retour
à l'emploi pour les personnes à revenus modestes, et pour atteindre cet
objectif, il faut, bien évidemment, considérer séparément chaque salaire.
Enfin, dites-vous, la CSG et la CRDS ne seront plus proportionnelles. Mais je
ne vois pas là non plus de motif d'inconstitutionnalité. C'est au législateur,
et à lui seul, d'apprécier la manière dont doivent être prises en compte les
facultés contributives.
Vous soulignez que la CSG restera proportionnelle sur d'autres types de
revenus. La réponse se trouve à la page 87 de votre rapport, monsieur Descours
: « A force de "propos" autorisés de certains économistes et de différents
penseurs dans la presse, certains ont pu croire que la CSG était un deuxième
impôt sur le revenu.
« Or, la CSG est au moins triple : il existe une CSG sur les revenus
d'activité, une CSG sur les revenus de remplacement, une CSG sur les revenus du
patrimoine et les produits de placement. »
On ne peut pas mieux dire ! Vous faites donc une bonne analyse, mais vous en
tirez des conséquences que je crois erronées.
Vous faites des propositions. Il est très intéressant que la majorité
sénatoriale fasse des propositions. Je salue cet effort méritoire. C'est bien
là, me semble-t-il, le rôle de toute opposition. J'allais dire « enfin ! »
(Sourires sur les travées socialistes.)
Vous proposez de retenir la technique de l'impôt négatif. En fait, vous parlez
de crédit d'impôt, mais il est plus juste de parler d'impôt négatif, car la
plupart des bénéficiaires d'un tel crédit d'impôt n'auraient jamais été amenés
à acquitter l'impôt puisqu'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu. Donc, cela
ne pourrait pas les concerner. Aussi, parlons, si vous le voulez bien, d'impôt
négatif plutôt que de crédit d'impôt.
M. Charles Descours,
rapporteur.
C'est l'expression retenue par le ministère des finances.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Lui, c'est lui ; moi, c'est moi
!
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Ce n'est pas comme avec Martine Aubry !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pourquoi ne pas avoir retenu la
technique de l'impôt négatif ? Nous avons, naturellement, réfléchi à cette
intéressante question qu'encore une fois vous avez le mérite de soulever dans
notre débat.
D'abord, parce qu'elle aurait été trop lourde à gérer. La réduction
dégressive, que nous avons choisie, sera gérée par les employeurs pour les
salariés et par les organismes de recouvrement, URSSAF ou caisse de MSA.
Entreprises et organismes ont depuis longtemps l'habitude d'appliquer des
dispositifs d'allégement de charges sociales. Ils ont une longue expérience
liée à la réduction des cotisations patronales, qui sont très diversifiées et
très développées.
En revanche, la mise en place d'un impôt négatif aurait été beaucoup plus
lourde et beaucoup plus coûteuse. Elle aurait nécessité, de notre point de vue,
la mise en place de procédures et de moyens administratifs nouveaux.
Surtout, la mise en place de l'impôt négatif aurait été très longue à produire
ses effets, alors que la réduction dégressive peut être mise en oeuvre dès le
1er janvier prochain, s'agissant des salariés, et lors de la première échéance
de cotisations de l'année prochaine, soit le 15 mai, s'agissant des
non-salariés.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Electoralement, c'est préférable !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Pour mettre en place l'impôt
négatif, il aurait fallu un délai très long, environ quinze mois pour les
salariés, et même plus pour les non-salariés, en raison du temps nécessaire
pour connaître définitivement les revenus des intéressés.
Un tel délai était incompatible avec l'objectif de la mesure, qui, je le
rappelle, est avant tout de favoriser la reprise d'activité, le retour à
l'emploi, en augmentant le revenu d'activité net. C'est aujourd'hui, je crois,
qu'il faut le plus utilement agir sur ce terrain.
Vous avez également plaidé, monsieur Descours, pour une loi de financement
rectificative de la sécurité sociale. On vient de me passer à l'instant un
extrait très intéressant du rapport sénatorial de 1996, donc écrit par l'un de
vos amis de la majorité sénatoriale de l'époque et d'aujourd'hui, si ce n'est
par vous-même !
J'en donne lecture : « Il semble que l'intervention d'une loi de financement
rectificative ne se justifierait que dans des circonstances exceptionnelles,
par exemple un bouleversement très important en cours d'année des conditions de
l'équilibre financier de la sécurité sociale ou, le cas échéant, un changement
de majorité parlementaire suivi de la formation d'un nouveau gouvernement. »
Nous n'en sommes pas là. Nous pouvons donc faire l'économie d'un tel projet de
loi de financement rectificative.
Monsieur Lorrain, nous n'avons pas, c'est vrai, la même conception de la
politique familiale.
M. Alain Gournac.
On s'en était rendu compte !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Votre exposé et ce que nous
proposons le montrent à l'évidence.
M. Lucien Neuwirth.
Il y a longtemps qu'on le sait !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je tiens tout de même, sur le
même ton extrêmement courtois que celui que vous avez employé, à vous dire un
certain nombre de choses.
D'abord, je ne crois pas que l'on puisse dire que, de 1993 à 1997, la
politique en faveur de la famille ait été exemplaire.
C'est tout de même pendant cette période que l'on a mis sous condition de
ressources l'allocation parentale pour jeunes enfants,...
Mme Gisèle Printz.
Oui !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
... que l'on a gelé la base
mensuelle des allocations familiales, à partir de laquelle sont calculées les
allocations familiales,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Cela a été condamné par le Conseil d'Etat !
M. Guy Fischer.
Ils l'ont reversée !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
En effet ! ... et, enfin, que
l'on a fiscalisé les indemnités journalières maternité.
Alors, c'est vrai qu'en 1994 a été produite une grande loi sur la famille.
Mais malheureusement, aucun financement n'était prévu ! Nous, nous ne voulons
pas faire d'effets d'annonce qui ne soient pas suivis de financements.
Enfin, je souligne que l'héritage, en 1997, pour la branche famille, se
soldait par un déficit de 15 milliards de francs, sans parler des prélèvements
fiscaux auxquels avaient été soumises les familles : 120 milliards de francs de
relèvements d'impôts entre 1995 et 1997.
Depuis 1997, en revanche, les familles ont bénéficié d'un certain nombre de
mesures que je crois favorables.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Pas les familles nombreuses !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
D'abord, l'extension à vingt
ans de l'âge jusqu'auquel on perçoit des allocations familiales, ce qui n'est
pas rien.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
On a retardé d'un an
l'attribution de la première allocation. Cela ne change rien !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ensuite, le bénéfice de
l'allocation de rentrée scolaire dès le premier enfant.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Et le quotient familial ?
(Sourires sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je citerai encore l'extension à
vingt et un ans du complément familial et des aides au logement, à quoi
s'ajoutent le coût de pouce sur la base mensuelle des allocations familiales en
2000 et 2001, l'alignement des loyers plafonds pour le calcul de l'allocation
au logement familial sur l'APL, ce qui augmente le montant des aides au
logement pour les familles, et le relèvement de 11 000 à 13 000 francs du
plafond du quotient familial en 2001.
Il est vrai que nous avions abaissé ce plafond - vous avez eu raison de le
rappeler - de 16 000 francs à 11 000 francs en 1998. Là encore, nous assumons.
C'était une mesure d'orientation des aides à l'égard des familles qui en ont le
plus besoin, tout cela avec un retour à l'excédent de la branche au lieu d'un
déficit de 15 milliards de francs et des allégements d'impôts, là encore très
importants, qui profitent aux familles.
Monsieur Vasselle, vous avez concentré votre analyse sur les mesures
concernant les retraites. Je vous répondrai, là encore, le plus brièvement
possible.
D'abord, vous avez dit que nous avions des excédents « fragiles » Mais, à
structure constante, nous approchons les 20 milliards de francs en 2000, ce qui
n'est tout de même pas négligeable. En plus, nous avons le fonds de réserve.
La réduction des déficits provient de recettes supplémentaires tirées d'une
croissance exceptionnelle dont nous nous félicitons tous, j'en suis sûre.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Je l'ai dit !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
C'est vrai !
En outre, les dépenses maîtrisées évoluent moins vite que le produit intérieur
brut, grâce aux mesures structurelles que nous mettons en oeuvre.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Comme M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Balladur a été l'auteur
d'une réforme relative aux retraites en 1993 ; et il est vrai qu'une loi de
juillet 1993 a pris un certain nombre de mesures, assorties, il faut le dire,
d'un relèvement de 1,3 point de la CSG.
M. Hilaire Flandre.
On est loin de 10 % !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Balladur a également
redressé la CNRACL, grâce à une hausse massive de 3,8 points des cotisations à
la charge des collectivités locales.
En fait, les mesures que M. Balladur a prises concernant les retraites,
notamment sur la durée de cotisation, en juillet 1993 avaient fait l'objet de
larges concertations sous les gouvernements précédents, notamment le
gouvernement Rocard. Et, pour le reste, il a accru les prélèvements
obligatoires.
Je suis sûre que vous discuterez cette interprétation. Je voulais tout de même
vous la livrer parce qu'il m'a semblé que vous aviez donné au Sénat une
interprétation très unilatérale de la politique menée par M. Balladur.
(Rires sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste.)
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Il faudrait parler de
celle qu'a menée M. Bérégovoy avant de parler de celle de M. Balladur !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
J'ajoute que, quand la droite
s'est attaquée aux régimes spéciaux, elle l'a fait, hélas ! d'autorité, ce qui
a provoqué les résultats que nous avons vus en 1995 et qui n'ont en rien, de
toute façon, fait avancer les choses.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
J'en ai parlé également !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
S'agissant de l'évolution des
retraites, vous avez fait état de votre préoccupation concernant les retraites
complémentaires, monsieur Vasselle.
Je vous répondrai que le Gouvernement, lui, prend des décisions sur ce qui
relève de sa compétence et de ses responsabilités, c'est-à-dire les retraites
de base. Or, de ce point de vue, les faits sont là : nous avons augmenté les
retraites de base de 2,2 %. Cela s'est traduit par un gain de pouvoir d'achat
de 1,3 % depuis 1997, alors que le pouvoir d'achat des retraites avait baissé
de 4,2 % de 1993 à 1997, du fait des prélèvements - CSG, CRDS, etc. - que je
viens de rappeler, ainsi, d'ailleurs, que du relèvement des cotisations
d'assurance maladie.
Les retraites complémentaires, ce sont les partenaires sociaux - vous le
savez, bien sûr ! - qui en discutent. Je veux souligner, à cet égard, que le
Gouvernement a réglé dans la concertation le vieux contentieux - il durait, je
crois, depuis seize ans - entre l'AGIRC, l'association générale des
institutions de retraite des cadres et l'ARRCO, l'association des régimes de
retraites complémentaires.
En apportant chaque année plus de trois milliards de francs à ces régimes, le
Gouvernement permet un mode de calcul plus favorable des retraites
complémentaires.
S'agissant du fonds de réserve, vous avez exprimé votre scepticisme. Vous avez
rappelé - mais je l'avais fait avant vous - que les mille milliards de francs
du fonds de réserve qui seront constitués d'ici à 2020, et auxquels on ne
touchera pas, ne correspondent qu'à une partie - la moitié - des besoins des
régimes par répartition pour la période 2020-2040.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Le dixième !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
La moitié, selon mon
estimation, mais ce peut être une discussion sans fin, évidemment !
Je crois que c'est parce que vous minorez l'incidence de la politique
économique que nous menons
(Rires sur les travées du RPR et des Républicains
et Indépendants)
, qui a conduit à la croissance, au recul du chômage, et
qui fait tout de même que la question des retraites se pose, que vous le
vouliez ou non, dans un contexte différent de celui de 1997.
Et comme nous avons l'intention d'être là longtemps et de poursuivre cette
politique
(Sourires),
nous continuerons sans doute à avoir, dans les
années qui viennent, une bonne croissance et une diminution du chômage.
Il est vrai, néanmoins, que le fonds de réserve ne peut pas suffire à traiter
le problème, en tout cas dans la durée, et, sur ce point, je veux vous
rassurer.
D'abord, le Gouvernement a créé, vous le savez, un conseil d'orientation des
retraites, qui a pour mission de mener la concertation avec l'ensemble des
partenaires sociaux, d'élaborer des scénarios, de balayer toutes les pistes
possibles pour tous les régimes - je dis bien « tous les régimes » - de faire
rapport au Gouvernement, vraisemblablement à la fin de l'année prochaine,
rapport sur la base duquel le Gouvernement annoncera, bien entendu, sa
politque, c'est-à-dire les mesures qu'il faudra prendre, assorties d'un
calendrier.
J'enchaîne avec vos remarques, monsieur Oudin, puisque vous avez beaucoup
parlé des retraites, pour vous dire, comme à M. Vasselle, que le temps passé
par le conseil d'orientation des retraites à faire de la concertation, à faire
de la pédagogie, à chercher toute une palette de solutions, n'est pas du temps
perdu, au contraire ! Nous ne sommes pas à six mois près ! S'il est vrai qu'il
est important de ne pas perdre de temps, mieux vaut procéder de la sorte
qu'agir par autorité et aboutir, inévitablement, à des blocages, comme cela a,
hélas ! été le cas en 1995.
M. Alain Vasselle,
rapporteur.
Lisez le rapport Charpin !
Mme Marie-Madeleine Dieulangard.
Nous l'avons lu !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur Oudin, je reconnais
votre esprit d'équilibre - il sied à votre rôle, puisque vous êtes membre de la
commission des finances - et je voudrais vous dire que le retour à l'équilibre
signifie, pour le Gouvernement, des recettes supplémentaires. Je vous «
remercie » à cet égard d'avoir qualifié la croissance d'« exceptionnelle »
alors que, je le répète, nous y sommes pour quelque chose !
(Sourires.)
Le retour à l'équilibre signifie également, pour le Gouvernement, des dépenses
maîtrisées. Ces dernières sont en effet inférieures à l'évolution du produit
intérieur brut, ce qui n'est pas le cas chez tous nos voisins européens.
Je voudrais également souligner, monsieur le rapporteur pour avis, qu'il n'y a
pas de prélèvement nouveau dans ce projet de loi de financement de la sécurité
sociale. Comme vous le savez, la taxe sur les conventions d'assurance, que vous
avez citée comme exemple de prélèvement nouveau, existe déjà.
(M. Oudin
s'exclame.)
Elle est seulement affectée en partie à la sécurité sociale.
Je rappelle aussi que la politique du Gouvernement en matière de prélèvements,
c'est une baisse des impôts de 90 milliards de francs cette année et de 120
milliards de francs sur les trois ans à venir.
M. Jacques Oudin,
rapporteur pour avis.
Les impôts baissent, les prélèvements obligatoires
augmentent !
M. Hilaire Flandre.
Regardez les masses !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Les prélèvements obligatoires
sont stabilisés, ils le resteront et nous avons l'espoir de pouvoir les réduire
!
En ce qui concerne les quotas infirmiers, nous augmentons cette année de 8 000
le nombre de places dans les instituts de formation de soins infirmiers. Cette
mesure ne provoquera évidemment pas d'amélioration immédiate, mais elle est
significative après une augmentation des quotas de 1 200 en 1999, de 1 000 en
1998 et, hélas !, une baisse de 2 000 en 1997.
Pour ce qui est des cliniques, je veux aussi vous donner des éléments de
réponse.
Je considère que les établissements privés de soins sont une composante
essentielle de notre système de santé et qu'à ce titre ils jouent un rôle tout
à fait complémentaire de celui de l'hôpital public.
Nous avons reconnu ce rôle puisque, dès cette année, nous avons pris des
mesures en leur faveur. C'est ainsi que nous avons instauré un véritable
partenariat en application du protocole du 1er mars 2000, avec les trois
fédérations de l'hospitalisation privée pour mettre en oeuvre une politique de
réduction des disparités tarifaires à l'échelon régional.
Nous avons également doté le fonds de modernisation des cliniques privées de
100 millions de francs pour l'année 2000, et, pour 2001, nous prévoyons une
dotation de 150 millions de francs. C'est une augmentation de 50 %.
Reconnaissez que ce n'est pas rien.
En outre, l'application de l'arrêté intéressant les établissements aux
économies réalisées sur les achats de dispositifs médicaux provoquera une
recette supplémentaire.
Par ailleurs, nous avons demandé aux caisses nationales de ne pas procéder au
recouvrement des ressources allouées en 1999 au titre du fonds d'aide aux
contrats, qui a été annulé, comme vous le savez, par le Conseil d'Etat. Ce sont
ainsi 130 millions de francs supplémentaires qui sont laissés à la disposition
des établissements.
Telles sont les dispositions que nous avons prises cette année en faveur des
établissements privés.
En 2001, nous accentuerons encore ces mesures favorables, puisque nous
prévoyons la possibilité de rémunérer l'activité d'urgence assurée par les
cliniques privées qui en ont reçu l'autorisation, en application des nouveaux
schémas régionaux d'organisation sanitaire, les SROS.
Nous avons également l'intention de fixer, pour 2001, un objectif des dépenses
des cliniques privées en progression de 3,3 %, contre 2,2 % en 2000, soit la
même progression que pour l'hôpital public. Je rappelle à ce propos à M.
Descours que la fixation de l'objectif des dépenses des cliniques n'était que
de 1,3 % en 1997, ce qui avait d'ailleurs entraîné, il s'en souvient j'en suis
sûre, une forte pression dans ce secteur.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Les résultats des cliniques étaient meilleurs en 1997 !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Certes oui, mais nous en tenons
compte.
S'agissant des difficultés de recrutement du personnel soignant, qui sont tout
à fait réelles pour les cliniques privées, nous le savons, ces dernières vont
bénéficier de l'augmentation des quotas infirmiers, ce qui n'aura évidemment
pas d'effet immédiat.
Par ailleurs, pour répondre à ces problèmes de recrutement, nous avons, par un
arrêté, aménagé l'accès aux écoles d'infirmières pour les aides-soignantes de
façon à augmenter les recrutements.
Nous voulons enfin permettre aux cliniques d'employer, comme le font les
hôpitaux, des étudiants en quatrième année de médecine faisant fonction
d'infirmiers.
Voilà les sujets sur lesquels nous avons pris des décisions, en concertation
avec les fédérations et les syndicats. Vous voyez que nous ne sommes pas restés
inactifs.
Je terminerai mon exposé en présentant quelques remarques à propos de
l'intervention de M. Delaneau.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous avez
exprimé une inquiétude : on aurait touché la lettre de la Constitution avec ce
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Je ne crois pas que l'on
puisse dire cela, d'abord, parce qu'il y a un juge constitutionnel et que, si
une mesure était inconstitutionnelle, le juge l'aurait constaté.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
C'est ce qu'il a fait
l'année dernière !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Ensuite, je ne pense pas que
transférer des recettes de l'Etat à la sécurité sociale soit contraire à la
Constitution. C'est notre orientation politique et nous l'assumons : il s'agit,
pour nous, d'alléger les charges qui pèsent sur l'emploi. D'ailleurs, cela
fonctionne bien, puisque cette politique n'est pas totalement étrangère aux 870
000 chômeurs de moins que nous enregistrons, heureusement, depuis 1997.
M. Jean Delaneau,
président de la commission des affaires sociales.
Je n'ai jamais dit cela
!
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Après d'autres intervenants,
vous avez déploré la complexité du financement de la sécurité sociale. Vous
avez raison, mais je crois qu'il ne faut pas confondre complexité et opacité.
Le financement de la sécurité sociale a toujours été complexe, ce n'est pas une
nouveauté, mais il n'est pas opaque.
M. Charles Descours,
rapporteur.
Cela ne s'améliore pas !
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Je vous dirai donc, monsieur
Delaneau, comme à M. Descours, que, concernant le FOREC, le Parlement a une
vision très précise de l'ensemble des exonérations de charges et de la façon
dont elles sont financées.
L'affectation d'une recette budgétaire à un fonds n'est d'ailleurs pas une
nouveauté, puisque M. Balladur l'a fait avec le fonds spécial veillesse.
(M.
Descours, rapporteur, s'exclame.)
Je voudrais vous dire encore, monsieur le président de la commission des
affaires sociales, que le budget de l'Etat ne se désengage pas du financement
du passage aux 35 heures, bien au contraire. Quand le budget de l'Etat se prive
d'une recette pour financer cette charge, ce n'est pas un signe de
désengagement, c'est le signe que nous voulons des recettes fiscales pérennes
et stables et que nous les préférons à des concours budgétaires révisés chaque
année.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les
rapporteurs, j'ai été très intéressée par vos propos et par vos rapports, qui
montrent que vous avez voulu faire des propositions. Ces propositions, vous
l'avez compris, ne m'ont pas convaincue.
D'abord, elles me paraissent fondées sur une analyse erronée de la situation,
parce que vous ne voulez pas admettre que, la politique économique ayant
changé, la situation est différente, ce qui nous permet d'améliorer les
résultats. Cette politique, nous l'avons voulue, et elle est en rupture avec ce
qui se pratiquait sous les gouvernements de MM. Balladur et Juppé.
Je ne peux pas être convaincue par vos propositions, ensuite, parce qu'elles
reflètent une politique autre que celle que nous menons et pour laquelle nous
avons été élus.
Vous n'aimez pas les 35 heures, c'est votre droit. Quant à nous, nous
considérons qu'elles ont puissamment contribué à l'amélioration de la situation
de l'emploi et au regain de la confiance dans notre pays. Sur la famille, nous
privilégions - c'est vrai - l'égalité professionnelle, le travail des femmes.
Nous avons, là aussi, une conception différente de la vôtre.
Enfin, nous voulons consolider le régime des retraites par répartition.
L'Assemblée nationale a d'ailleurs voté l'abrogation de la loi Thomas. Nous
continuerons dans ce sens, mais nous prendrons nos responsabilités et nous
ferons en sorte que les régimes de retraite par répartition soient financés.
En un mot, nous avons d'autres conceptions que les vôtres, mais le débat
démocratique a eu le mérite de les avoir fait apparaître à nouveau ce soir.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivant :
Groupe du Rassemblement pour la République, 60 minutes ;
Groupe socialiste, 50 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 38 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 36 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 25 minutes ;
Groupe communiste, républicain et citoyen, 23 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe,
8 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Adnot.
M. Philippe Adnot.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du
peu de temps qui m'est imparti et partageant les analyses de nos excellents
collègues, je me contenterai d'évoquer le problème de la CADES.
Lorsque la décision a été prise d'allonger la durée de remboursement de la
caisse d'amortissement de la dette sociale, je m'y suis opposé car c'était une
très mauvaise décision de gestion.
Régler par un emprunt les déficits cumulés de la sécurité sociale, puis en
reculer l'échéance, c'est un risque qu'aucune entreprise, aucune collectivité
ou encore aucun particulier ne serait autorisé à courir.
L'an dernier, madame la ministre, j'ai interrogé en vain votre ministère sur
le rythme de remboursement du capital emprunté par la CADES en émettant des
doutes sur la capacité de cet organisme à tenir ses engagements.
Aujourd'hui, je n'ai plus de doutes, j'ai une certitude : la CADES n'aura pas
fini, en 2014, de rembourser.
L'équation est simple : l'endettement actuel est de 209 milliards de francs,
auquel il faut ajouter un remboursement annuel à l'Etat de 12,5 milliards de
francs jusqu'en 2008.
La ressource, pour 2001, est de 28 milliards de francs permettant de couvrir
11 milliards de francs de frais financiers et 12,5 milliards de francs de
remboursement à l'Etat. Il reste donc 4,5 milliards de francs pour rembourser
les 209 milliards de francs que j'ai évoqués. Chacun est à même de comprendre
l'impossibilité de la tâche.
Même si l'on considère que, durant les cinq dernières années, la CADES n'aura
plus à supporter le poids de 12,5 milliards de francs de remboursement à
l'Etat, soit 62,5 milliards de francs, et qu'elle aura réussi, au rythme de 4,5
milliards de francs pendant quatorze ans, à rembourser 63 milliards de francs,
il restera encore 84 milliards de francs.
Bien sûr, on m'objectera qu'une progression de la ressource est prévue, à
hauteur de 3,5 %. Mais, je ne m'en tiens pas aux hypothèses, d'autant que,
cette année, on constate une diminution de la ressource de 700 millions de
francs.
Une augmentation de 3,5 % permet de dégager 1 milliard de francs
supplémentaire sur 28 milliards de francs, mais le coût de la ressource et les
frais financiers actuels peuvent facilement atteindre 2 milliards de francs.
C'est d'ailleurs ce qui se produira cette année et l'année prochaine.
En conséquence, je mets en doute la capacité de la CADES à honorer ses
engagements. Il faut donc s'attendre, soit à un nouvel allongement de la durée
de remboursement, soit à une augmentation des cotisations, ce qui serait
insupportable.
En fait, il existe deux dettes, l'une vis-à-vis de l'Etat et l'autre vis-à-vis
des personnes auxquelles elle a emprunté. Actuellement, elle rembourse l'Etat
et dit aux autres : nous disposons de 4,5 milliards de francs par an pour
rembourser 209 milliards de francs, les remboursements iront au rythme où ils
iront.
Je demande donc au Gouvernement de ne pas se servir en premier. Je propose que
l'Etat commence par rembourser l'endettement contracté par ailleurs et se serve
les cinq dernières années. Cela diminuerait les frais financiers tout en
couvrant l'opération.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Louis Boyer.
M. Louis Boyer.
Monsieur le président, madame le ministre, madame le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, depuis trois ans, nous assistons à une dérive progressive des
lois de financement de la sécurité sociale. Cette version pour 2001 vient
malheureusement confirmer cette dégradation.
La fixation des évolutions de dépenses par le Parlement perd peu à peu toute
signification. La loi de financement elle-même est instrumentalisée au service
de politiques étrangères à son objet. Le rapport annexé, censé fixer les
actions à venir, se réduit à un catalogue de voeux pieux.
Au total, les dépenses filent, mais les problèmes demeurent ; les recettes
croissent, mais les manipulations continuent.
L'excédent attendu est insuffisant en raison du dérapage persistant des
dépenses.
En effet, l'amélioration des comptes en 2000 doit tout à la croissance. Les
comptes du régime général de la sécurité sociale devraient être excédentaires
d'à peine plus de 3 milliards de francs.
Cet excédent, qui doit tout à la croissance, cache un dérapage persistant et
structurel des dépenses d'assurance maladie, dont le déficit devrait dépasser
les 6 milliards de francs en 2000. Leur progression, cette année, a été deux
fois supérieure à l'objectif voté par le Parlement.
Le dérapage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie devrait
dépasser 13 milliards de francs en 2000, après plus de 11 milliards en 1999 et
près de 10 milliards en 1998.
Malgré ces dérives préoccupantes, le projet de loi programme d'importantes
hausses de dépenses en 2001 et réduit l'excédent du régime général comme une
peau de chagrin.
A quoi bon d'ailleurs voter un objectif national de dépenses d'assurance
maladie ? Cet ONDAM a-t-il encore un sens ? Le Parlement était censé fixer
l'objectif d'évolution des dépenses maladie. Or le Gouvernement calcule l'ONDAM
non plus par rapport à l'objectif de l'année précédente mais par rapport aux
dépenses effectives constatées. La fixation de cet objectif en loi de
financement est donc purement factice.
Le Parlement est dépossédé de son rôle. Nous opposerons, comme le propose la
commission des affaires sociales, un rejet solennel à l'ONDAM 2001.
Nous ne nous opposons pas aux hausses de dépenses en tant que telles ; nous
constatons qu'elles ne résolvent pas les problèmes. Elles modèrent le mal sans
le traiter : les professions de santé sont mécontentes, les hôpitaux
connaissent des files d'attente et de fortes disparités régionales
subsistent.
Nous pouvons d'ores et déjà prévoir que l'ONDAM sera à nouveau dépassé. Le
dispositif de maîtrise des dépenses de santé que vous avez instauré n'y
changera pas grand-chose. Votre système de sanction collective est
injustifiable et inefficace. Si certains, dans une profession, se comportent
moins vertueusement que d'autres, pourquoi sanctionner aussi ces derniers ?
Le dérapage de la dépense peut d'ailleurs être dû à d'autres facteurs, comme
le vieillissement de la population ou les progrès thérapeutiques.
Le cas récent des masseurs-kinésithérapeutes est éclairant : ils n'ont aucune
initiative en matière de dépenses, puisque leurs actes dépendent des
prescriptions des médecins et de l'accord préalable de l'assurance maladie.
Comment pourraient-ils accepter une baisse de leurs tarifs, alors que leur
pouvoir d'achat n'a cessé de diminuer ces dernières années ? On comprend la
vigueur de leurs protestations.
C'est pourquoi le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra
l'amendement proposé par la commission des affaires sociales et visant à
substituer au système des lettres clés flottantes un mécanisme alternatif de
maîtrise de l'évolution des dépenses médicales faisant appel à la
responsabilité individuelle des médecins et contribuant à l'amélioration des
pratiques médicales.
Tandis que le Gouvernement accroît les dépenses sans procéder aux réformes
nécessaires, il détourne ou réduit les recettes de la sécurité sociale.
J'en viens aux recettes détournées et diminuées.
Le budget social est une nouvelle fois réquisitionné pour financer les 35
heures.
L'essentiel des ressources nouvelles affectées au fonds de financement de la
réforme des cotisations patronales de sécurité sociale - fonds qui a déjà été
largement évoqué - est prélevé directement ou indirectement sur la branche
famille et le fonds de solidarité vieillesse.
Là encore, le groupe des Républicains et Indépendants soutiendra les
amendements proposés par la commission des affaires sociales et rétablissant
les excédents de la branche famille et du fonds de solidarité vieillesse.
Le Gouvernement utilise également le budget social à des fins de politique
fiscale.
L'instauration d'une réduction dégressive de la CSG est particulièrement
injuste. Elle est nuisible au financement de la sécurité sociale et contraire à
son esprit.
Dans un ménage où les deux conjoints sont payés au SMIC, on n'acquittera plus
la CSG, mais dans un ménage où un seul des conjoints travaille en gagnant deux
fois le SMIC, on la paiera complètement. Où est la justice ?
M. Henri de Raincourt.
Absolument !
M. Louis Boyer.
Il est particulièrement inéquitable de faire bénéficier les contribuables
d'allégements en fonction des seuls salaires et non de leurs capacités
contributives ou de leurs charges familiales. Les arguments que vous venez de
nous donner dans votre réponse ne m'ont pas convaincu car, dans un foyer, ce
qui compte, c'est la somme qui entre et qui permet de faire vivre ses
occupants. Avec cette mesure, vous allez créer des situations différentes dans
des foyers semblables.
Par ailleurs, cela fragilise le financement de la sécurité sociale. Les 30
milliards de francs de pertes de recettes sont compensés par l'affectation des
taxes sur les conventions d'assurances. Or cette ressource est beaucoup moins
dynamique que ne l'est la CSG, assise sur l'ensemble des revenus. Si la
compensation est à peu près assurée pour cette année, elle ne le sera pas pour
l'année prochaine.
Enfin, cette réforme met fin au principe d'universalité de la CSG, qui
répondait au caractère universel de la sécurité sociale et qui marquait
l'appartenance de chaque citoyen à un grand système de solidarité.
La solidarité n'est pas mieux assurée pour les retraites.
Le Gouvernement abonde insuffisamment le fonds de réserve, qui bénéficiera en
2001 et en 2002 de moins de 20 milliards de francs par an, issus de la cession
des licences de téléphonie mobile de troisième génération. On est loin des 1
000 milliards de francs nécessaires à la sauvegarde des retraites par
répartition !
Ce fonds n'aura jamais la dimension suffisante pour faire face à l'arrivée
massive de retraités après 2005. L'intervention du Premier ministre, le 21 mars
dernier, a sonné le glas de la réforme des retraites.
Quant à la dépendance, le projet de loi que l'on nous promettait n'a toujours
pas vu le jour.
Les insuffisances notoires de ce projet de loi, ses défauts comme ses lacunes,
ont été relevées par les rapporteurs, à qui je tiens à rendre hommage pour le
travail qu'ils ont déjà accompli. Le groupe des Républicains et Indépendants
soutiendra les amendements proposés par la commission des affaires sociales.
Nous allons bientôt entrer dans une longue période électorale, que nous savons
peu propice aux réformes de fond. Il ne faut donc guère s'attendre, de la part
du Gouvernement, à une inflexion du cours des choses. Nous sommes inquiets pour
l'avenir de notre protection sociale.
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
Madame le ministre, mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre
nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux
heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.)