SEANCE DU 14 NOVEMBRE 2000
HOMMAGE À JACQUES CHABAN-DELMAS
M. le président.
Madame la ministre, mes chers collègues, au nom du Sénat, je voudrais saluer
la mémoire de Jacques Chaban-Delmas, qui nous a quittés trente ans, presque
jour pour jour, après le général de Gaulle.
(Mme le ministre, Mmes et MM.
les sénateurs se lèvent.)
Résistant de la première heure, plus jeune général de brigade de l'armée
française à vingt-neuf ans, député, maire de Bordeaux pendant près d'un
demi-siècle, président de l'Assemblée nationale pendant seize ans, Premier
ministre du président Georges Pompidou : nous connaissons tous l'homme public
qui prit une part décisive à la libération de la France ainsi qu'à la mise en
place des institutions de la Ve République et marqua de sa forte personnalité
la vie politique de notre pays.
Jacques Chaban-Delmas n'était pas seulement le résistant, le compagnon de la
Libération, le patriote, l'homme d'Etat suscitant l'estime de tous, par-delà
les options politiques des uns et des autres. J'ai eu le privilège de le
connaître et de travailler auprès de lui pour son projet de « nouvelle société
» : panache, dynamisme, mais aussi ouverture d'esprit, simplicité et
gentillesse sont les qualités qui me viennent à l'esprit lorsque j'évoque son
souvenir.
Cet homme, qui a si bien incarné notre nation, restera ainsi - j'en suis
convaincu - dans le coeur des Français tout à la fois comme un précurseur à
l'écoute de l'avenir et un homme attentif aux mouvements qui traversent en
profondeur notre société.
Je souhaite que le Sénat s'associe à l'hommage solennel qui lui a été rendu ce
matin aux Invalides et je vous propose d'observer, après l'intervention de
madame la ministre, une minute de silence.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président, je
demande effectivement la parole.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Elisabeth Guigou,
ministre de l'emploi et de la solidarité.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, Jacques Chaban-Delmas vient de nous quitter.
Ce matin, aux Invalides, la nation lui a rendu hommage. Au nom du Gouvernement,
je voudrais m'associer à cet hommage qui a été rendu à l'un des plus fidèles et
des plus ardents serviteurs de la République.
A l'heure où nous évoquons sa mémoire, sa famille et ses proches s'apprêtent à
l'accompagner dans sa dernière demeure, dans la petite ville d'Ascain, dans les
Pyrénées-Atlantiques, à laquelle, nous le savons, il était très attaché.
A Mme Chaban-Delmas, à sa famille, à ses amis, je voudrais adresser mes
condoléances, celles du Gouvernement et, naturellement, l'expression de ma
profonde sympathie dans ces moments douloureux.
Toute sa vie, Jacques Chaban-Delmas a eu la passion de la France. Tous ceux
qui l'ont connu retiennent de lui l'image d'un être généreux et d'un homme
d'une grande élégance à tous égards.
Il a servi la nation et la République. Il a occupé, très jeune, de hautes
fonctions. Dans chacune, il a manifesté la détermination d'un homme de
conviction et la vitalité, qu'on lui connaissait, du vrai sportif qu'il
était.
Jeune inspecteur des finances, il s'est engagé dans la Résistance, où ses
qualités lui ont valu d'être nommé délégué militaire national du chef de la
France libre, puis compagnon de la Libération. Il a été également, nous le
savons tous, à vingt-neuf ans, le plus jeune général de la République, en
1944.
Nous rendons aussi hommage au grand parlementaire qu'il a été. Député de la
Gironde pendant un demi-siècle, trois fois président de l'Assemblée nationale,
pendant seize ans au total, il a marqué la vie parlementaire de deux
Républiques. Il a donné à la fonction de président de l'Assemblée nationale une
très grande autorité, un éclat à la mesure de l'idée que se font tous ceux qui
pensent que le Parlement doit être fort dans une vraie démocratie.
Il a aussi été maire de Bordeaux pendant quarante-huit ans, et nous savons
qu'il a aménagé cette ville avec un tempérament de bâtisseur infatigable.
Mais c'est surtout à l'homme politique que je voudrais rendre hommage, à celui
qui a voulu incarner la « nouvelle société ».
Lorsqu'il est devenu Premier ministre en septembre 1969, nommé par Georges
Pompidou, Jacques Chaban-Delmas voulait réformer l'Etat à la fois pour le
rendre plus fort et pour mettre en oeuvre une véritable décentralisation. Il
lui semblait que la société française était bloquée : blocage des rapports
sociaux, difficulté d'assurer l'adaptation de notre économie à la nouvelle
donne internationale, inquiétudes de la société qui s'était manifestée lors des
événements de mai 1968. Il pensait qu'il fallait offrir une autre perspective,
généreuse, positive, à la société française, pour qu'elle se prenne elle-même
en main et qu'elle reprenne confiance en elle.
En tant que ministre de l'emploi et de la solidarité, je veux me souvenir de
l'impulsion qu'il avait donnée pour rénover l'action sociale de l'Etat et le
dialogue avec les partenaires sociaux, en s'appuyant sur les conseils avisés de
quelques conseillers, dont vous avez fait partie, monsieur le président, et qui
étaient placés, je crois, sous l'autorité de Jacques Delors. Son action au
Gouvernement reste notamment marquée par la création du SMIC et par la relance
de la formation professionnelle.
Sans doute s'est-il heurté, à cette époque, au conservatisme de beaucoup ;
sans doute ne lui a-t-on pas laissé tout le temps nécessaire pour réussir
pleinement ; mais, en tout cas, le sillon qu'il a tracé demeure tangible
aujourd'hui encore, et c'est bien là la marque des grandes réussites.
M. le président.
Je vous remercie, madame la ministre, de vous être associée à l'hommage que
nous rendons à un grand Français.
Je vous invite maintenant, madame la ministre, mes chers collègues, à observer
une minute de silence.
(Mme le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de
silence.)
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