SEANCE DU 10 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Signé, auteur de la question n° 857, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je voudrais attirer l'attention sur le trouble
persistant que représentent les chiens de type molossoïde pour l'ordre public
et la sécurité des personnes...
M. Christian Demuynck.
C'est vrai !
M. René-Pierre Signé.
... tout au moins lorsque ces animaux ne sont pas maîtrisés, voire quand ils
sont élevés en vue de servir d'armes à leurs propriétaires. Si la loi
réglementant la détention, la déclaration et la reproduction de ces animaux est
bonne, il semble pourtant que l'application de ce texte requière des moyens qui
font actuellement défaut aux forces de police et plus particulièrement aux
forces de gendarmerie.
M. Christian Demuynck.
Très bien !
M. René-Pierre Signé.
Faute d'être pleinement appliquée, la législation crée, en fait, une économie
souterraine hautement profitable pour les trafiquants d'animaux. Elle génère
aussi un engouement malsain, une sorte de mythe construit autour de la
dangerosité des pitbulls et autres rottweillers.
J'observe que les premières victimes du risque créé par la circulation
incontrôlée de ces chiens sont des populations défavorisées, des personnes de
tous âges qui vivent dans les cités des périphéries de nos villes, et même,
monsieur le secrétaire d'Etat, dans nos petites communes rurales.
Parallèlement, un trafic d'animaux dangereux se développe, des combats de
chiens sont organisés. Certains s'enrichissent au mépris de toute légalité.
Personnellement, je comprends la circonspection des forces de l'ordre chargées
de capturer les chiens. Quels sont les moyens qui peuvent être mis en oeuvre
afin d'améliorer la formation et la protection en vue de ces missions
difficiles. De façon plus générale, quelles mesures le Gouvernement
envisage-t-il de prendre pour renforcer l'efficacité de la loi de 1999 et pour
la rendre effective ?
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, avant de vous donner la parole, et pour vous
encourager, je dois vous dire que je publie régulièrement à Marseille des
arrêtés anti-pitbulls mais que, en réalité, tout le monde s'en bat l'oeil et le
flanc gauche ! (
Sourires.
)
M. Christian Demuynck.
Eh oui !
M. le président.
Vous avez la parole, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le président, je ne peux que
vous encourager à poursuivre dans cette voie !
Monsieur Signé, la lutte contre la délinquance très spécifique que constituent
les troubles occasionnés par les chiens de type molossoïde - pitbulls,
rottweillers et bien d'autres, hélas ! - pour l'ordre public et la sécurité des
personnes représente, je tiens à le confirmer ce matin devant vous, l'une des
priorités des services de police, et de gendarmerie, d'ailleurs, en application
de la loi de 1999 relative aux animaux dangereux et errants et à la protection
des animaux.
Je voudrais rappeler, et j'attire votre attention sur ces chiffres, que la
police nationale a d'ores et déjà déployé une activité importante dans ce
domaine, constatant 10 450 infractions et procédant à la capture et au
placement en fourrière de 925 chiens dangereux au cours du premier semestre de
l'année 2000, sur les 453 circonscriptions métropolitaines de sécurité
publique. Je crois, monsieur le sénateur, que, là, il n'y pas trace de
circonspection, il existe une réelle détermination.
La création d'unités spécialisées pour l'interpellation de ces animaux
apportera une aide complémentaire aux services de police pour lutter contre le
danger réel et incontestable que présentent ces chiens.
D'ores et déjà, trois unités spécialisées ont été constituées en région
parisienne et de nouvelles structures, après formation des fonctionnaires,
seront créées dans les départements qui sont fortement affectés par le
phénomène des chiens molosssoïdes.
Par ailleurs, il convient de noter que l'émergence d'une économie souterraine
est liée à la détention de ces animaux, et les services de la sécurité publique
et de la police judiciaire s'emploient à lutter, je le crois efficacement,
contre cette délinquence spécifique.
En outre, en concertation avec le ministère de l'agriculture et de la pêche,
une mission d'étude a été confiée à l'inspection générale de l'administration
ainsi qu'à l'inspection générale de la police nationale sur les problèmes posés
par la mise en oeuvre de la loi du 6 janvier 1999, que vous avez rappelés.
Cette mission a pour objet de constater les difficultés rencontrées par les
différents services chargés de l'application de cette loi et de proposer les
mesures les plus adaptées et les plus rapides pour les surmonter.
Mais il convient également, et votre question, monsieur le sénateur de la
Nièvre, y invitait le Gouvernement, de ne pas limiter ces mesures aux zones
urbaines. En effet, cette forme de délinquance n'épargne pas les territoires
ruraux. Il conviendra que les forces de gendarmerie soient également dotées des
moyens et d'une formation adaptés.
M. René-Pierre Signé.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Signé.
M. René-Pierre Signé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie de votre réponse.
Vous savez mieux que moi que la loi définit certaines obligations pour les
détenteurs de tels chiens : tatouage, vaccination, assurance, déclaration à la
mairie, nécessité de museler et de tenir en laisse. En outre, le maire peut, si
la loi n'est pas respectée, ordonner la confiscation de l'animal.
Toutefois, la plupart du temps, ces dispositions ne sont pas suivies d'effet.
Si cette loi marque un progrès, elle me paraît néanmoins perfectible. Surtout,
son application est freinée par trois obstacles.
Le premier, c'est le nombre insuffisant des fourrières et leur mauvaise
adaptation à l'hébergement de tels chiens. Ce problème relève peut-être
d'ailleurs moins du Gouvernement que de l'échelon départemental.
Le deuxième obstacle, c'est l'insuffisance de formation des policiers et
particulièrement des gendarmes en milieu rural. Il s'agit d'une formation
périlleuse et d'une entreprise à risques.
Le troisième obstacle, c'est la dotation insuffisante en matériels de capture.
Les gendarmes me font part, comme à vous sans doute, monsieur le secrétaire
d'Etat, de ce problème.
Il faut savoir que tous ces chiens sont dangereux, contraitement aux
apparences et même si chaque propriétaire d'un tel animal prétend que son chien
est paisible. En effet, ces animaux sont potentiellement dangereux et ils
deviennent immanquablement dangereux un jour ou l'autre. Ces chiens de première
catégorie doivent donc disparaître. Or, comme je l'ai dit tout à l'heure, il
existe des élevages clandestins, et ces animaux font l'objet d'un trafic très
lucratif ; des combats de chiens sont organisés, même à Nevers !
Monsieur le secrétaire d'Etat, il serait bon que les forces de police et les
forces de gendarmerie soient sensibilisées à ce problème et, surtout, qu'elles
soient dotées d'un matériel adéquat, qui permette la capture des animaux
concernés.
RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DE LÉGALITÉ