SEANCE DU 10 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Vallet, auteur de la question n° 822, adressée à Mme le
ministre de la jeunesse et des sports.
M. André Vallet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ces derniers temps, la voix de certaines
instances, notamment européennes, s'est élevée pour demander une plus grande «
sécurisation », voire l'interdiction des courses camarguaises de taureaux.
Ces propositions, qui ne sont, je l'espère, que la traduction ponctuelle du
drame qui s'est déroulé en avril dernier dans les arènes de Vauvert, dans le
Gard, suscitent la plus grande incompréhension en Camargue, y compris
d'ailleurs dans la famille de la victime : « Il ne faut rien changer », a
déclaré le fils, qui a refusé de porter plainte.
Des voix se sont donc élevées afin que soient renforcées les mesures de
sécurité des manifestations taurines. Il a notamment été proposé que soient
installés des grillages et des barres d'acier au pied de ceux-ci, pour empêcher
les bêtes de sauter.
Pour beaucoup, isoler le spectateur de la piste dénaturerait la tauromachie
camarguaise et ruinerait l'esprit de l'arène, qui recherche l'osmose entre la
représentation spectaculaire et le public. La participation collective au jeu
taurin est une raison structurelle de la persistance et de la continuité de la
tauromachie camarguaise. Le plus grand danger serait sans doute que l'on
transforme une tradition ancestrale en un pur spectacle, séparant le public du
jeu taurin.
Dès lors, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous m'indiquer si les
propositions de « sécurisation » ou d'interdiction des jeux taurins, qui en
dénaturent largement l'esprit, sont approuvées par le Gouvernement ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, en accord avec Mme
Marie-George Buffet, je vais m'efforcer de vous répondre avec une grande
précision sur ce sujet grave et très important.
Les courses camarguaises sont régies par un document intitulé « Statut et
règlement de la Fédération française de la course camarguaise », document qui a
été agréé par le secrétariat d'Etat à la jeunesse et aux sports en 1975.
Comme pour toute activité donnant lieu à un rassemblement important de
spectateurs, l'organisation d'une telle manifestation doit respecter les
prescriptions relatives à la sécurité. Ainsi les installations doivent-elles
avoir fait l'objet d'une visite de la commission départementale de sécurité, en
application, notamment, de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation
et à la promotion des activités physiques et sportives.
Il doit être en outre rappelé que les organisateurs de manifestations
sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif, lorsque le public et le
personnel qui concourt à la réalisation de la manifestation dépassent 1 500
personnes, sont tenus d'en faire la déclaration au maire ou à Paris, au préfet
de police.
Par ailleurs, et là aussi de manière générale - mais je crois ces rappels
utiles - le maire, conformément aux dispositions du code général des
collectivités territoriales, est chargé de la police municipale, laquelle
comprend notamment « le maintien du bon ordre dans les endroits où il se fait
de grands rassemblements d'hommes tels que spectacles, jeux... ».
Il convient d'ajouter que les communes sont propriétaires des arènes dans
lesquelles se déroulent les courses camarguaises. En tout état de cause, le
ministre de l'intérieur n'a pas compétence pour déterminer de quelque manière
que ce soit les conditions de la pratique de ce sport : c'est bien aux
fédérations sportives agréées par le ministère chargé des sports que le
législateur a entendu confier l'exécution d'une mission de service public. Tel
est l'objet de l'article 16 de la loi du 16 juillet 1984 que j'ai citée tout à
l'heure. Ce même texte prescrit notamment que les fédérations sportives « font
respecter les règles techniques et déontologiques de leurs disciplines ».
Le Conseil d'Etat, dans une jurisprudence constante, a décidé que les
décisions prises par les fédérations sportives habilitées constituent des actes
administratifs. Il en résulte que les fédérations sportives « exercent leur
activité en toute indépendance » - il s'agit de l'article 16 précité - et que
les décisions qu'elles prennent sont susceptibles d'être déférées au juge
administratif.
Au demeurant, il ressort des renseignements obtenus par le ministère de
l'intérieur - et cela répond encore plus directement, me semble-t-il, au souci
que vous exprimiez - que le règlement édicté par la Fédération française de la
course camarguaise n'est pas, à brève échéance, susceptible d'être affecté par
des modifications. Par conséquent, la tradition associée à la pratique des
courses sera maintenue. Toutefois, vous l'avez rappelé, à la suite du grave
accident survenu à la fin du mois d'avril dans les arènes de Vauvert, la
fédération a décidé, très certainement à juste titre, de mettre en place une
commission, rassemblant des maires, des membres de la fédération en cause et
des manadiers, chargée de mener une réflexion sur les normes de sécurité.
Il est apparu en outre, lors de l'enquête administrative qui a suivi, que la
hauteur des barrières de protection n'était pas en conformité avec la
réglementation existante. Le renforcement des barrières et leur aménagement ont
été réalisés rapidement : en pratique, dans les quinze jours qui ont suivi
l'accident dont vous avez rappelé la gravité. Bien entendu, entre ces deux
dates, toute activité taurine avait été suspendue.
J'espère avoir répondu avec précision à vos préoccupations, monsieur le
sénateur.
M. André Vallet.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Vallet.
M. André Vallet.
Je tiens tout d'abord à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir
indiqué avec force qu'il n'est pas question de modifier la réglementation des
courses camarguaises et d'avoir souligné qu'une telle décision appartient à la
fédération régissant ce sport.
Cependant, vous n'avez pas complètement répondu à ma question, monsieur le
secrétaire d'Etat, puisque je vous ai interrogé avant tout sur les initiatives
que voulait prendre Bruxelles en la matière. Je vous ai demandé de m'indiquer
si le Gouvernement approuvait les quelques initiatives qui ont été lancées par
la Commission et qui tendraient à trop renforcer, tout au moins de notre point
de vue, la sécurité dans les arènes.
MAÎTRISE DES ANIMAUX DANGEREUX