SEANCE DU 10 OCTOBRE 2000
M. le président.
La parole est à M. Demuynck, auteur de la question n° 886, adressée à M. le
ministre de l'intérieur.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, au vu du projet de loi relatif à la solidarité
et au renouvellement urbains ou des récentes réformes de fiscalité locale,
force est, hélas ! de déplorer le jacobinisme dont le Gouvernement nous
gratifie ces temps-ci.
Pourtant, ces quelques coups d'éclat ne doivent pas occulter ce que tout élu
local constate depuis plusieurs mois, à savoir la multiplication manifeste des
lettres d'observation des préfets sur la base d'un pointillisme exacerbé.
Que le contrôle de légalité constitue la garantie de l'unité républicaine,
j'en suis le premier partisan.
Mais qu'il débouche sur un formalisme excessif et déplacé, je ne peux que m'y
opposer.
En effet, tous les élus vous le diront : les lettres d'observation se
multiplient, brident ainsi la libre administration des collectivités
territoriales et augmentent, par là même, les risques d'un contentieux devant
les juridictions administratives.
Dès lors, les communes, en grande majorité sûres de leur bon droit et
soucieuses de respecter leurs engagements, doivent s'attacher les conseils de
juristes et mobiliser leurs services pour défendre leur dossier.
Ainsi les collectivités locales devront-elles de plus en plus consacrer une
part non négligeable de leur budget aux frais de justice. J'entends ici,
évidemment, les cas dans lesquels l'Etat prend l'initiative de déférer une
décision locale devant le juge.
Dès lors, il paraît logique que le renforcement récent du contrôle de légalité
soit accompagné d'une compensation financière de la part de l'Etat, celui-ci
démultipliant les cas de contentieux juridictionnel.
Le Gouvernement est-il prêt à prendre en charge les conséquences des
débordements tatillons de ses fonctionnaires ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, le secrétaire
d'Etat chargé de l'outre-mer, qui défendra cet après-midi devant l'Assemblée
nationale une grande loi de décentralisation pour l'outre-mer, ne peut que
désapprouver, bien sûr très courtoisement, le procès en jacobinisme que vous
avez voulu instruire ce matin.
Pour répondre plus directement à votre question, le contrôle de légalité est,
vous l'avez reconnu, la contrepartie nécessaire du principe constitutionnel de
libre administration des collectivités locales.
Sur le fondement de l'article 72 de la Constitution, le représentant de l'Etat
dans le département doit veiller au respect par les collectivités locales des
lois en général et, en particulier, des lois régissant le fonctionnement et les
compétences desdites collectivités.
Le Conseil d'Etat, que je cite une seconde fois ce matin dans cet hémicycle, a
d'ailleurs rappelé que la responsabilité de l'Etat pourrait être engagée, et
elle l'est parfois, sur le fondement d'une faute lourde pour défaut de contrôle
de légalité.
Par conséquent, il n'est pas véritablement envisageable, ni sans doute même
souhaitable, de modifier les règles, notamment législatives, de contrôle qui
concernent aujourd'hui les collectivités locales.
Néanmoins, le grand nombre d'actes transmis par les collectivités locales -
six millions d'actes - a conduit à définir, dans un souci d'efficacité et sans
doute aussi de bonne compréhension mutuelle, une stratégie locale de contrôle.
Celle-ci tend, d'une part, à assurer un contrôle plus cohérent, plus pertinent
et, d'autre part, à développer - et c'est essentiel, l'élu local que je suis
est d'accord avec vous sur ce point - la fonction de conseil auprès des
élus.
A cet effet, une circulaire interministérielle entre le ministère de
l'intérieur et le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a été
élaborée dans le domaine délicat de la commande publique. Une démarche
similaire est entreprise avec le ministère de l'équipement, des transports et
du logement dans le domaine de l'urbanisme.
Les lettres d'observations, que vous avez mentionnées et qui sont élaborées
dans le cadre du contrôle de légalité, permettent d'éviter au préfet de
recourir au différé préfectoral en offrant aux collectivités locales la
possibilité soit d'apporter les éléments susceptibles de lever toute
incertitude sur la légalité de l'acte contesté, soit de réformer l'acte lorsque
les collectivités locales sont convaincues de son illégalité. Ces lettres
d'observations sont donc tout à fait utiles.
L'accroissement du nombre de lettres d'observations ne se traduit d'ailleurs
pas systématiquement par une augmentation du nombre de recours contentieux, je
veux le souligner. Par conséquent, si les collectivités sont amenées à
renforcer, comme vous l'avez souligné, leurs services juridiques pour assurer
la fiabilité de leurs décisions, elles n'ont pas, en revanche, à constater
d'augmentations substantielles de leurs frais de justice.
En tout état de cause, - et je suis sûr que vous m'en donnerez acte - il ne
saurait être envisagé d'allouer aux collectivités locales une aide financière
tendant à rembourser des frais de justice générés par l'élaboration d'actes
illégaux.
M. Christian Demuynck.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Monsieur le secrétaire d'Etat, selon l'analyse que je fais de la loi, le fait
que l'Etat décide de contrôler les actes produits par les collectivités
territoriales me paraît tout à fait normal.
Le problème, monsieur le secrétaire d'Etat, est le suivant : vous décidez de
faire contrôler les collectivités territoriales par les préfets et les
sous-préfets qui, depuis quelque temps, se sont entourés d'une flopée
d'attachés. Soit ! Mais peut-être eût-il été préférable de s'interroger sur
d'éventuels autres besoins, plutôt que de renforcer ce contrôle de légalité et
d'augmentet le nombre de fonctionnaires. Bref, lorsqu'un préfet ou un
sous-préfet a un doute, dans la mesure où ils sont tout de même quelque peu
inquiets des suites de ce contrôle par les cours régionales des comptes ou la
Cour des comptes, ils adressent au maire une lettre d'observation. Si la
réponse de celui-ci ne les satisfait pas ou s'ils ont un simple doute, ils font
un déféré préfectoral sachant que, de toute façon, la collectivité ne pourra
rien faire à leur encontre. Ils préfèrent donc la facilité. La collectivité,
quant à elle, est obligée de s'entourer de juristes, et éventuellement de
recruter du personnel pour pouvoir se défendre.
Aussi, lorsque le tribunal administratif décide que le préfet a tort, je
propose que soient remboursés à la collectivité les frais qu'elle a engagés
afin de prouver sa bonne foi.
FINANCEMENT DE LA POLITIQUE AGRICOLE COMMUNE