Séance du 30 mars 2000
M. le président. « Art. 1er. - Il est inséré, en tête du code de procédure pénale, un article préliminaire ainsi rédigé :
« Article préliminaire. - I. - Les personnes qui concourent à la procédure pénale participent à la recherche de la manifestation de la vérité, dans le respect des principes ci-après, qui sont mis en oeuvre dans les conditions prévues par la loi.
« II. - La procédure pénale doit être juste et équitable, respecter le principe du contradictoire et préserver l'équilibre des droits des parties.
« Elle doit garantir la séparation des autorités chargées de l'action publique et des autorités de jugement.
« Les personnes se trouvant dans des conditions semblables et poursuivies pour les mêmes infractions doivent être jugées selon les mêmes règles.
« III. - L'autorité judiciaire veille à l'information et à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale.
« IV. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie.
« Elle a le droit d'être informée de la nature des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.
« Les mesures de contraintes prises à son encontre doivent l'être sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire.
« Ces mesures doivent être proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et strictement limitées aux nécessités de la procédure. Elles ne doivent en aucun cas porter atteinte à sa dignité.
« Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.
« Toute personne condamnée a le droit de faire examiner sa condamnation par une autre juridiction. »
Par amendement n° 1, M. Jolibois, au nom de la commission, propose de rédiger comme suit le texte présenté par cet article pour l'article préliminaire du code de procédure pénale :
« Article préliminaire. - Toute personne suspectée ou poursuivie est présumée innocente tant que sa culpabilité n'a pas été établie dans le respect des droits de la défense, du caractère contradictoire de la procédure et de l'équilibre des droits des parties.
« Elle a le droit d'être informée des charges retenues contre elle et d'être assistée d'un défenseur.
« Les mesures de contrainte dont cette personne peut faire l'objet sont prises sur décision ou sous le contrôle effectif de l'autorité judiciaire. Elles doivent être strictement limitées aux nécessités de la procédure, proportionnées à la gravité de l'infraction reprochée et ne pas porter atteinte à la dignité de la personne.
« Il doit être définitivement statué sur l'accusation dont cette personne fait l'objet dans un délai raisonnable.
« Les atteintes à la présomption d'innocence sont prévenues, limitées, réparées et réprimées selon les dispositions prévues par la loi.
« L'autorité judiciaire veille à la garantie des droits des victimes au cours de toute procédure pénale. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Charles Jolibois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet « article préliminaire » est une sorte d'énoncé de principes généraux.
En première lecture, nous avions réduit cet article pour n'y laisser subsister que les alinéas qui avaient un caractère concret, considérant qu'il n'est pas normal, dans un code de procédure pénale, de réitérer l'affirmation de principes généraux qui sont inscrits dans la Déclaration de 1789 et autres textes de valeur constitutionnelle.
Nous persistons à penser que certains des principes que l'Assemblée nationale a voulu faire figurer dans cet article, en raison de leur généralité, n'y ont pas leur place. Nous proposons donc de nouveau de ne retenir que les dispositions concrètes.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Elisabeth Guigou, garde des sceaux. Comme je l'ai indiqué en première lecture, je suis persuadée qu'un accord pourra intervenir entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur la rédaction de cet article, qu'un compromis sera trouvé entre la concision du Sénat et l'exhaustivité de l'Assemblée nationale.
Sur cet amendement, je m'en remets donc à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Michel Charasse. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je comprends l'esprit de la démarche de la commission des lois, bien que, par principe, je ne sois pas favorable à toutes ces dispositions que l'on a, aujourd'hui, tendance à placer en exergue de toutes les lois, qui ne font qu'affirmer des principes existants ou évidents et qui n'ont absolument aucune valeur normative.
Toutefois, je voudrais dire à notre aimable et sympathique rapporteur que, quitte à rappeler des principes qui figurent déjà dans la Constitution, dans la Déclaration de 1789, dans les conventions internationales, dans la jurisprudence, il vaudrait mieux les rappeler tous. Car enfin, il est tout de même curieux que, dans la rédaction proposée pour cet article, on oublie de préciser que le principe numéro un, qui doit être respecté en toutes circonstances, c'est celui de la liberté individuelle ! La liberté individuelle est la règle et tout ce qui est écrit dans l'article 1er, c'est l'exception, ou la manière d'habiller l'exception.
Monsieur le rapporteur, je regrette que les mots « liberté individuelle » ne figurent nulle part dans votre texte. Si je ne peux pas vous demander de le modifier en séance, je souhaite que, en commission mixte paritaire, s'il y en a une, on essaie de faire apparaître la liberté individuelle, qui est la règle, tandis que les contraintes qui pèsent sur la liberté constituent l'exception ; c'est d'ailleurs pour cela que vous écrivez qu'elles doivent être strictement limitées.
En l'état, je ne vois pas très bien ce qu'apporte la rédaction proposée par la commission des lois, même si, je le répète, je comprends la démarche intellectuelle de nos collègues.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1, pour lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. Robert Bret. Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstient.
M. Robert Badinter. Le groupe socialiste également.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 1er, ainsi modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er