Séance du 8 mars 2000
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à Mme Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme je l'indiquais lors de la discussion générale et comme le débat l'a d'ailleurs montré, le projet de loi relatif à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, loin d'être l'accumulation de mesures disparates ou hétéroclites mise en avant par certains de nos collègues, vient achever une refonte de la loi de 1984 relative aux activités physiques et sportives. La discussion de ce texte a, certes, révélé des incompréhensions, voire des désaccords - j'y reviendrai brièvement - mais elle aura permis de lever certaines ambiguïtés tout en vous donnant l'occasion, madame la ministre, d'apporter de multiples explications, de manière souvent très précise, sur tel ou tel aspect du texte.
Avec mes amis Ivan Renar et Guy Fischer, au nom du groupe communiste républicain et citoyen, nous avons voté un certain nombre d'amendement, après débat. Nous avons donc dialogué.
A quelques semaines de la présidence de la Communauté par notre pays, je crois très sincèrement que nous devons faire front pour que puisse avancer, dans le sport comme nous parvenons à le faire pour la culture, une certaine conception tournant résolument le dos à ceux qui ne voudraient voir dans les valeurs du sport que la seule voie à de substantiels profits.
Il va sans dire, mes chers collègues, que la démocratisation du mouvement sportif ne va pas sans bousculer quelques habitures ici ou là. Nous y arriverons cependant : habitués que nous sommes de la chose politique, nous savons qu'il faut souvent, très souvent expliquer et expliquer à nouveau pour mener à bien une politique de changement. N'est-ce pas, monsieur le rapporteur ? (M. le rapporteur sourit.)
A ce titre, je ne doute pas que les dispositions de l'article 8 du projet de loi, qui visent la reconnaissance de chacun dans des domaines propres, permettront à de nouvelles discussions d'aboutir.
Comme je l'ai affirmé et comme vous nous le rappeliez, madame la ministre, seul le sport doit demeurer au centre de nos préoccupations, et plus spécialement une conception du sport mettant les sportifs dans leur pratique professionnelle ou amateur au coeur de notre appareil juridique, en ayant le souci de la préservation des valeurs fondamentales et profondément humaines, dans le succès comme dans la défaite, qui sont véhiculées par cette activité physique et sportive.
J'insisterai à nouveau sur le chemin parcouru par les femmes dans la conquête de droits nouveaux, et notamment de droits sportifs nouveaux, en vous citant un extrait des propos de Sandrine Roux, ex-capitaine de l'équipe de France de football, dans le livre Le sport, elles en parlent, publié par les éditions Lunes et préfacé par Mme Marie-George Buffet : « Mon père, dit Sandrine, a proposé de me faire jouer sous un nom masculin. Je cachais mes cheveux sous un bonnet en hiver, une casquette en été ; je jouais dans les buts car c'était le seul poste que je pouvais occuper en raison de mon déguisement ; si j'avais joué sur le champ, on se serait posé des questions : un joueur avec une casquette... »
Certes, nous n'en sommes plus là aujourd'hui, et la loi valide, d'une certaine manière, les évolutions de notre société, même si c'est trop souvent avec du retard.
Aujourd'hui, l'occasion nous est donnée, par ce texte, de prendre en compte, voire d'anticiper les évolutions du mouvement sportif. Cet instant ne doit pas être manqué, pas plus que Paris ne doit manquer le rendez-vous de 2008 avec les jeux Olympiques : nous soutenons de tout coeur et activement la candidature de la capitale. Rassemblons-nous donc pour que soient prises en compte les transformations du mouvement sportif, pour une présidence de l'Union européenne novatrice sur les questions sportives et, enfin, pour que Paris - n'est-ce pas, monsieur le président du groupe d'études sur le sport ? - prenne toute sa place dans le mouvement olympique de 2008.
Nous regrettons de ne pouvoir adopter en l'état le texte qui nous est proposé, mais nous ne doutons pas qu'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale viendra à bout de tout ce qui nous sépare. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Faure applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Lagauche.
M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de regretter les annonces faites par voie de presse par le président du Comité national olympique et sportif français. De tels procédés ne sont profitables ni au mouvement sportif ni au débat que nous avons eu durant ces deux journées au Sénat ! Est-il bien sérieux, à l'heure où nous oeuvrons pour redistribuer l'argent aux petits clubs, d'en dépenser pour de grandes déclarations peu constructives par ailleurs ?
Mais j'en reviens à notre débat, qui s'est révélé une nouvelle fois très fructueux et qui devrait être l'une des ultimes phases de mise à profit de deux années de concertation avec le mouvement sportif.
Certes, la réflexion s'est poursuivie sur plusieurs points et débouchera, je l'espère, sur le vote de dispositifs équilibrés en commission mixte paritaire.
Je pense à l'article 7 sur la profession d'agent sportif, à l'article 11 qui concerne le régime d'autorisation par les fédérations de manifestations sportives, ou au dispositif prévu à l'article 23 bis sur la pluriactivité dans le domaine sportif. Je pense aussi, bien entendu, à l'article 32 sur la validation des acquis professionnels ou bénévoles.
Les articles adoptés ne nous satisfont pas et nous comptons, là encore, sur la commission mixte paritaire pour qu'un dispositif garantissant la qualité et la sécurité de l'encadrement ainsi que la reconnaissance du travail effectué par les bénévoles soit finalement voté.
En revanche, nous ne pouvons rejoindre la commission et la majorité sénatoriale qui, sur de nombreux articles, n'ont pas toujours fait preuve d'une réelle prise en compte de l'évolution du sport. Nous avions présenté plusieurs amendements permettant de faire face au développement des sports de nature. Ils ont été, dans leur grande majorité, rejetés.
De plus, nous ne pouvons souscrire à la réécriture de l'article 8. Il est, pour nous, essentiel que soit inscrite dans la loi la possibilité donnée aux associations d'adapter certaines règles de pratiques sportives.
Nous ne sommes pas plus favorables au nouvel article 9, notamment parce que la possibilité pour les fédérations de limiter le nombre de jours de compétition a disparu. La majorité sénatoriale n'ignore pourtant pas la surcharge des calendriers et ses conséquences sur la santé des sportifs !
L'article 22, dans la rédaction adoptée, ne contient plus l'alinéa qui donnait une valeur réglementaire à la charte qui définit les droits et obligations des sportifs de haut niveau, mesure pourtant très attendue par les intéressés.
Nous sommes donc contraints de voter contre le texte modifié par la Haute Assemblée, et nous espérons, je le répète, que la commission mixte paritaire permettra de régler les points de désaccord qui subsistent entre les deux assemblées, au profit du mouvement sportif. (Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Murat.
M. Bernard Murat. Hier, lors de la discussion générale, vous avez déclaré, madame le ministre : « Ce que je veux, c'est construire une loi pour le sport, pour son développement, pour ses valeurs ». Vous n'êtes pas la seule ! Nous avons tous ici les mêmes vues quant à la destinée que nous souhaitons pour le sport français. Tous, ici, nous voulons favoriser la promotion du sport et de ses valeurs. Tous, nous sommes attachés à la défense de l'éthique dans et par le sport.
Cependant, madame le ministre, notre approche et la vôtre ne sont pas exactement identiques. Vous préférez que l'Etat veille au développement du sport alors que, pour notre part, nous estimons que seul un renforcement du mouvement sportif à travers ses fédérations permettra un développement harmonieux du sport.
De la même manière, vous avez déclaré avoir organisé une véritable concertation depuis plus de deux ans, tant avec les bénévoles qu'avec le mouvement sportif. Or je constate que, encore une fois, le Gouvernement organise des réunions et des concertations, mais qu'il n'écoute pas ce que l'on a à lui dire. Organiser la concertation est une chose, écouter et répondre aux attentes du mouvement sportif en est une autre.
Ainsi, alors que le mouvement sportif vous demande de renforcer ses compétences, vous proposez de remettre en cause le principe de la règle d'initiation, de progression et de compétition.
Votre projet de loi, tel qu'adopté par la majorité plurielle, nous ramène à l'époque de Léo Lagrange. Tout le système de la formation est remis en cause et il est à craindre que notre jeunesse ne soit encadrée par des hommes ou des femmes qui n'auront pas les compétences requises. Comme le dit aujourd'hui David Douillet, « la formation ne s'improvise pas sur un terrain ».
Par ailleurs, votre projet de loi risque d'instaurer une fracture sociale au sein du milieu sportif, alors que ce dernier avait jusqu'à maintenant été épargné.
Madame le ministre, comment pouvez-vous justifier qu'une personne ayant encadré une colonie de vacances pendant quelques années puisse devenir du jour au lendemain éducateur sportif dans n'importe quelle discipine, même à risques ?
Comme je l'avais déjà indiqué lors de l'examen de la proposition de loi sur les clubs professionnels, je souhaite qu'un équilibre soit trouvé entre le sport de masse et le sport professionnel, entre les intérêts des sports médiatiques et les sports comprenant peu de licenciés, car il n'y a pas le sport de droite et le sport de gauche, il y a le sport pour notre jeunesse.
Je sais, madame le ministre, que vous partagez ce point de vue ; c'est pourquoi nous vous aiderons à continuer dans cette voie.
Je tiens, enfin, à remercier notre commission des affaires culturelles, qui nous a permis, par ses propositions, de préserver cet équilibre. Je tiens personnellement à remercier tout particulièrement notre rapporteur, notre collègue M. James Bordas, car, par la justesse de son analyse et sa parfaite connaissance du monde sportif, il nous a permis d'améliorer considérablement ce texte. Nous souhaitons que la commission mixte paritaire prendra en compte les deux jours de travail constructifs qui se sont déroulés ici, dans une ambiance tout à fait conviviale.
C'est pourquoi, avec les membres de mon groupe, nous voterons le projet de loi sur les activités physiques et sportives tel que modifié par la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du groupe du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Ambroise Dupont.
M. Ambroise Dupont. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vais pas reprendre tous les arguments qui ont été développés avec talent par notre collègue James Bordas, rapporteur de ce projet de loi. Je veux d'ailleurs le remercier, au nom du groupe des Républicains et Indépendants, que je représente en cet instant, des connaissances dont il fait preuve.
Madame la ministre, nous regrettons que ce projet de loi ne soit pas accompagné des moyens financiers nécessaires à l'évolution de l'exercice des pratiques sportives.
Cependant, grâce aux améliorations que nous avons pu y apporter, notre assemblée a corrigé un certain nombre des défauts majeurs de ce texte, et notamment le remplacement du diplôme par une simple attestation de compétences.
Madame la ministre, en voulant rendre la formation sportive moins exigeante, vous multipliez les risques, l'insécurité et les problèmes de responsabilité. Vous nuisez, en réalité, à la pratique sportive.
La disposition que vous avez prise avait ému l'ensemble des éducateurs sportifs. La majorité sénatoriale a entendu et compris ces derniers et elle a rétabli le diplôme, qui fait la fierté de nos enseignants et la qualité de l'encadrement du sport en France, qualité que vous-même, madame la ministre, ne niez pas, et je vous en donne naturellement acte.
Dans ces conditions, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, fort des améliorations que le Sénat a apportées à ce projet de loi, le groupe des Républicains et Indépendants le votera tel qu'il a été amendé, espérant ainsi contribuer à l'amélioration de la pratique sportive en France.
M. le président. La parole est à M. Faure.
M. Jean Faure. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, vous me permettrez de m'exprimer non seulement au nom du groupe d'études sur le sport - je l'ai fait largement au cours de ce débat - mais aussi au nom du groupe de l'Union centriste.
Il est vrai, madame la ministre, que d'entrée de jeu nous avont été extrêmement critiques, peut-être même un peu durs, comme certains nous l'ont dit ; mais il fallait que notre inquiétude soit exprimée.
Cela étant, au cours de ces deux journées de travail, je vous ai à plusieurs reprises entendue, madame la ministre, tenir des propos qui m'ont plutôt rassuré. N'avez-vous pas approuvé les amendements que j'ai présentés, quand vous ne vous en êtes pas remise à la sagesse du Sénat ?
Dans ces conditions, je suis plutôt optimiste aujourd'hui, car le travail considérable effectué par la commission - qui, je l'espère, sera repris par la commission mixte paritaire - s'est largement inspiré des travaux du groupe d'études sur le sport. Je pense, par exemple, au domaine d'intervention des fédérations sportives, au renforcement du rôle du Comité olympique et sportif, et surtout aux relations entre mouvement et enseignement bénévoles, d'une part, et mouvement et enseignement professionnels, d'autre part.
Vous avez accepté une clarification complète sur ce point grâce à l'article additionnel que j'ai proposé après l'article 32, ce qui devrait sécuriser complètement les professionnels encadrant des sports à risques qui se déroulent dans des environnements spécifiques.
J'espère, madame la ministre, que vous pèserez de toute votre autorité au cours des débats futurs, que ce soit dans le cadre de la commission mixte paritaire - où, bien sûr, siègent certains de vos amis - ou à l'Assemblée nationale, qui prendra sans doute la décision finale, pour que les adjonctions du groupe d'études sur le sport demeurent dans ce texte, afin que les professionnels gardent toute leur place aux côtés des bénévoles. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Marie-George Buffet, ministre de la jeunesse et des sports. Monsieur le rapporteur, je tiens à vous remercier de la qualité de votre travail et de celui de la commission. Je ne voudrais pas être la seule à ne pas vous faire un compliment ! (Sourires.)
Monsieur Faure, le débat, même s'il est dur, ne me dérange pas ; je ne le crains pas. Il y faut parfois de la passion et de la conviction. Ce que je n'aime pas, ce sont les encarts publicitaires !
Nous avons travaillé ici avec la volonté d'apporter des réponses favorisant le développement de la pratique sportive dans la qualité et la sécurité.
Je regrette, pour ma part - vous le comprendrez bien ! - que plusieurs amendements aient modifié profondément le texte, parfois dans ses aspects innovants, concernant notamment la diversification des pratiques ou les jeunes ; je ne rouvrirai pas le débat sur les femmes, nous allons les rejoindre dans quelques instants !
J'espère qu'il y aura encore des avancées lors de la commission mixte paritaire, sur laquelle je ne pèserai pas de tout mon poids - je ne le peux pas et, même si j'en avais l'envie, je ne le ferais pas ! - ou, à défaut, lors de la nouvelle lecture à l'Assemblée nationale et ici même au Sénat.
Si le débat a parfois été plus vif que d'ordinaire, c'est peut-être parce que ce projet de loi, que l'on a qualifié de technique, de « coquille vide », comportait, en fait, nombre d'articles importants.
Comme toujours, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail dans la Haute Assemblée a été de qualité, et je tiens à vous en remercier. (Applaudissements.)
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