Séance du 2 mars 2000
LIMITATION DU CUMUL DES MANDATS
Suite de la discussion en troisième lecture d'un projet
de loi organique et en nouvelle lecture d'un projet de loi
M. le président.
Nous reprenons :
- la discussion, en troisième lecture, du projet de loi organique, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en troisième lecture, relatif à la
limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs
conditions d'exercice ;
- et la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi, adopté avec
modifications par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif à la
limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions et à leurs
conditions d'exercice.
Dans la suite de la discussion générale commune, la parole est à M. Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce matin, M.
Allouche, dans son intervention, a préfiguré pour le Sénat un avenir dont il
serait intéressant de savoir s'il correspond à la volonté du Gouvernement...
M. Guy Allouche.
Un avenir radieux !
M. Jean-Jacques Hyest.
Il serait plutôt, pour moi, apocalyptique...
M. Patrick Lassourd.
Machiavélique !
M. Jean-Jacques Hyest.
... puisque le rôle du Sénat deviendrait tout à fait différent de celui que
lui confère la Constitution, à savoir représenter les collectivités
territoriales.
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas incompatible !
M. Jean-Jacques Hyest.
D'aucuns avaient voulu, naguère, transformer le Sénat en Un super Conseil
économique et social. Ce serait, à mon avis, une erreur, compte tenu de notre
culture politique et de la nécessité d'instaurer un équilibre dans les
institutions.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
On l'a défendu avec vous contre certains de vos amis actuels !
M. Jean-Jacques Hyest.
Absolument, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Alain Gournac.
Continuez de le défendre !
M. Jean Chérioux.
Très bien !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
En tant que chambre de réflexion !
M. Jean-Jacques Hyest.
De toute façon, quand il s'agit de défendre les institutions de la République,
les frontières peuvent parfois transcender les clivages politiques !
M. Jean Chérioux.
Heureusement !
M. Jean-Jacques Hyest.
Monsieur le ministre, après les deux lectures au cours desquelles, comme vous
l'avez indiqué, le dialogue a été un peu difficile entre les deux assemblées,
nous en revenons à la question suivante : quelles justifications à la
limitation du cumul des mandats ? Il en existe plusieurs.
La première justification serait la disponibilité. Cet argument est pertinent
jusqu'à un certain point. Il signifierait que ceux qui ont parfois occupé des
fonctions éminentes, tant au Parlement que dans leur collectivité locale,
n'auraient pas fait leur travail. La loi de 1985 était, à mon avis, une
nécessité parce qu'il y avait quelques abus. On sait bien que les mandats,
lorsqu'ils sont trop nombreux à être cumulés, sont exercés non plus
véritablement mais par délégation. Il y a alors dispersion, et je conçois donc
tout à fait que le cumul des mandats ait été limité en 1985.
Mais cet argument de la disponibilité n'est pas non plus pertinent dans la
mesure ou, comme nous le savons fort bien, la disponibilité des élus n'est pas
à la mesure de leurs mandats.
On pourrait donner nombre d'exemples de parlementaires assidus qui exercent
des responsabilités au sein du Parlement ainsi qu'au plan local. Inversement,
on a tous connu des parlementaires qui n'étaient pas plus présents dans
l'hémicycle qu'en commission et qui exerçaient pourtant très peu de
responsabilités locales.
M. Jean Chérioux.
On ne les a même pas connus, monsieur Hyest, parce qu'on ne les a jamais vus
!
M. Jean-Jacques Hyest,
Effectivement ! Les deux choses ne sont donc pas liées.
Monsieur Allouche, ce matin, vous avez soutenu que la limitation du cumul des
mandats permettrait une revalorisation de la fonction parlementaire. C'est, à
mon avis, une illusion, car le Parlement - vous le savez d'ailleurs bien -
souffre de beaucoup d'autres maux qui n'ont rien à voir avec le cumul des
mandats !
M. Guy Allouche.
Le cumul aggrave !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je vais vous donner quelques exemples.
Lors du dernier débat budgétaire, certains collègues avaient exprimé le
sentiment que la gendarmerie avait besoin de crédits ; le ministère de
l'économie, des finances et de l'industrie avait alors considéré que des
crédits supplémentaires n'étaient pas nécessaires. Or, on vient de trouver 800
millions de francs pour la gendarmerie !
M. Alain Gournac.
Bizarre !
M. Jean-Jacques Hyest.
Et le Parlement n'a pas été informé, que je sache !
M. Alain Gournac.
On l'apprend par la presse !
M. Jean-Jacques Hyest.
Je prendrai un autre exemple : dix milliards de francs en trois ans vont être
affectés aux hôpitaux. Le Parlement n'en a pas été informé, alors qu'il a voté
un budget à la fin de l'année dernière !
Ce n'est donc certainement pas à l'occasion du débat sur la limitation du
cumul des mandats que nous résoudrons le problème du rôle du Parlement ! Le
nouvel équilibre nécessaire entre le pouvoir exécutif et le Parlement est un
problème d'ensemble qui n'est pas lié strictement au problème qui nous
préoccupe aujourd'hui.
M. Jean Chérioux.
C'est sûr !
M. Jean-Jacques Hyest.
La deuxième justification à la limitation du cumul des mandats serait un
meilleur partage des responsabilités.
Il faut effectivement s'interroger sur le partage des responsabilités et la
nécessité d'amener une nouvelle génération aux responsabilités. Pour autant, il
n'est pas sain de mettre tout le monde à la même toise, d'autant que le projet
de loi présenté a ce défaut considérable de ne pas tenir compte de l'importance
des mandats.
C'est pourquoi, monsieur le président de la commission des lois, je
soutiendrai votre proposition, comme je l'avais soutenue en première lecture
d'ailleurs, parce que ce n'est pas la même chose que d'être maire d'une commune
de 500 habitants et maire d'une métropole.
L'idéal aurait été - à mon avis - mais ce serait très difficile à mettre en
place - de donner aux élus un permis à points, en attribuant un certain nombre
de points à chaque mandat. Et on aurait tout pris en considération ! Cela
aurait été très intéressant, car cela aurait empêché certains de cumuler des
responsabilités importantes et un mandat parlementaire, ou des responsabilités
locales importantes.
Peut-être pourrions-nous affecter de coefficients importants le fait d'être
maire d'une grande ville et président d'une communauté urbaine ? Ce serait cela
le réalisme. En effet, je crois que les mandats ne sont pas homogènes, qu'on le
veuille ou non. Certes, le fait d'être maire d'un village nécessite une grande
disponibilité morale vis-à-vis de la collectivité - le maire d'un village est
responsable vingt-quatre heures sur vingt-quatre de ce qui s'y passe - mais, en
même temps, ce n'est pas une disponibilité aussi importante que celle qui est
requise du maire d'une grande agglomération. Et ne pas en tenir compte est une
illusion de géomètre.
M. Alain Gournac.
Oui !
M. Jean-Jacques Hyest.
Mais on sait très bien que l'esprit de géométrie est d'un côté ; j'espère que
l'esprit de finesse est de l'autre !
S'agissant du projet de loi organique, nous avons considéré qu'un enracinement
était nécessaire. Mandat ou fonction ? On peut en discuter. Mais, bien souvent
la responsabilité exécutive, qui est d'ailleurs fréquemment le cheminement des
élus avant d'accéder au mandat parlementaire, me paraît être une nécessité.
Certains ont rappelé combien avaient été riches les débats, au Sénat, sur
l'intercommunalité. C'est lié au fait que nombre de représentants de la nation
sont aussi élus locaux et ont donc une grande expérience.
Nous pourrions envisager, bien entendu, que la durée de certains mandats soit
limitée dans le temps. Ce serait une autre option qui n'a pas été creusée. Mais
peut-être, à l'avenir, pourrait-on envisager, comme cela se fait dans d'autres
démocraties occidentales, de passer d'une fonction à l'autre ?
En revanche, ce que je n'accepte pas, c'est que l'on prétende que notre refus
de l'impossibilité de cumul de fonctions pour les parlementaires va nous mettre
en porte-à-faux vis-à-vis des élus locaux. Au contraire, je considère que,
puisque nous sommes convaincus qu'il est nécessaire que les parlementaires
aient un enracinement local s'ils le souhaitent, nous devons faire de même pour
les élus locaux et ne pas accepter qu'un président de conseil général ne puisse
pas être maire de son village. C'est la cohérence et c'est la logique ! Et que
l'on ne nous dise pas qu'il s'agit de problèmes d'influence car, quand on est
maire d'un village, cela n'influe ni sur son mandat parlementaire ni sur sa
responsabilité d'exécutif local.
Cette proximité vis-à-vis de la population me paraît indispensable pour
certains, qui sont déconnectés des réalités. C'est ainsi que, à chaque
alternance, à droite comme à gauche, on voit apparaître quelques personnages
dont la trajectoire s'apparente à celle des étoiles filantes : Saint-Just à la
petite semaine le plus souvent - et nous en connaissons à l'Assemblée nationale
en ce moment - ils seraient bien incapables de se faire élire durablement, j'en
prends le pari.
Pour ma part, je crois que nous n'avons pas à recevoir de leçons de ces
personnages et je trouve dommage que certains soient influencés, ou plutôt
abandonnent le terrain, laissant lesdits personnages faire seuls la loi à
l'Assemblée nationale.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je trouve inconvenant qu'un sort
particulier soit fait aux parlementaires européens.
On veut nous imposer une loi ordinaire puisqu'on le peut - même si le
président Larché vous a dit, monsieur le ministre, que cela dépendait aussi de
votre décision - mais je crois qu'il est injuste et dangereux que les
parlementaires européens n'aient plus aucun enracinement local.
M. Henri de Richemont.
Ce n'est pas très grave !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est d'ailleurs pas pour cela qu'ils iront davantage à Strasbourg, parce
que l'on peut très bien s'organiser, les travaux de l'assemblée européenne
permettant d'exercer un mandat local tout en étant présent au Parlement
européen.
M. Henri de Richemont.
Personne ne les connaît !
M. Jean-Jacques Hyest.
Enfin, il y a quand même des choses que je ne comprends pas : pourquoi
interdire à un président de chambre d'agriculture d'être maire de son village ?
Il est agriculteur, il peut être maire de son village !
M. Alain Gournac.
Oui, c'est nul !
M. Jean-Jacques Hyest.
Pourquoi interdire à un président de chambre des métiers d'être maire ?
M. Henri de Richemont.
C'est nul !
M. Jean-Jacques Hyest.
Encore faut-il préciser que les députés ont quelque peu rectifié leur texte en
deuxième lecture : alors qu'ils avaient initialement prévu d'étendre
l'interdiction à tous les membres du bureau, celle-ci ne concerne plus que la
fonction de président. Quoi qu'il en soit, je crois qu'il s'agit vraiment là de
bassesses...
M. Alain Gournac.
Eux-mêmes ont hésité !
M. Jean-Jacques Hyest.
On interdit aussi aux membres des tribunaux de commerce d'être élus, mais les
conseillers prud'hommes échappent à cette interdiction. Bizarre ! Pourtant l'un
et l'autre participent à la fonction de justice ! Mais les conseillers
prud'hommes, eux, ont le droit d'être élus !
On interdit à un président de chambre d'agriculture d'être maire, mais cette
interdiction ne s'applique pas à un président de syndicat de fonctionnaires. Au
nom de quoi ?
M. Guy Allouche.
Ce n'est pas du tout la même chose !
M. Jean-Jacques Hyest.
Ce n'est pas pareil, selon vous ? Mais il faudrait alors interdire à un
président de mutuelle et à beaucoup de ceux qui participent à la vie économique
et sociale d'être élus locaux ! Je crois que c'est une erreur profonde.
M. Jean Chérioux.
Il n'y aura plus que des fonctionnaires parmi les élus locaux !
M. Jean-Jacques Hyest.
Oui, et c'est une erreur profonde, c'est une déformation complète de notre
conception de la démocratie.
Par ailleurs, monsieur le ministre, en ce qui concerne les organismes de
coopération intercommunale, nous n'avons pas interdit à un maire - et je crois
que nous avons eu raison, ne serait-ce que pour faire réussir la coopération
intercommunale dans le monde rural et pour développer les communautés de
communes - d'être en même temps président d'un organisme de coopération
intercommunale. Or, ainsi que le disait notre collègue Nicolas About, dans une
ville nouvelle, le poids considérable de la gestion d'un syndicat
d'agglomération nouvelle ou d'une communauté urbaine, et demain d'une
communauté d'agglomération, est-il bien compatible avec un mandat de maire ?
Nous pouvons en douter !
M. Henri de Richemont.
Demandez à M. Delebarre !
M. Jean-Jacques Hyest.
Au demeutant, ce serait sans doute un service à rendre à certains donneurs de
leçons que de les laisser continuer demain à présider ces organismes de
coopération intercommunale, alors que, en fait, ils assumeraient un cumul bien
plus important que s'ils étaient maires !
Voilà pourquoi il me paraît raisonnable de voter les propositions de la
commission des lois du Sénat, même si je sais qu'il y aura forcément des
évolutions. Mais je préfère laisser évoluer les choses progressivement,
apprivoiser les réformes, plutôt que de vouloir, comme notre collègue Guy
Allouche, réformer la société.
(M. Allouche fait un signe de
dénégation.)
Vous l'avez dit textuellement, mon cher collègue !
M. Alain Gournac.
Oui ! Ce matin !
M. Jean-Jacques Hyest.
Moi, je n'entends pas réformer la société, mais je tiens, comme parlementaire,
à accompagner les évolutions de la société et à les encourager.
M. Marcel Charmant.
M. Allouche aussi !
M. Jean-Jacques Hyest.
C'était vrai aussi, d'ailleurs, en ce qui concerne la parité ! Je pense que
c'est une erreur que de vouloir réformer la société par décret, que de vouloir
faire le bonheur du peuple malgré lui.
M. Jean Chérioux.
On a vu où cela menait !
M. Jean-Jacques Hyest.
En tout cas, puisque nous empêchons, paraît-il, de grandes réformes, je suis
certain que, même sans texte, tous nos collègues de gauche auront à coeur
d'appliquer lors du prochain renouvellement ce qu'ils tentent de nous imposer
aujourd'hui.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR
et des Républicains et Indépendants.)
M. Marcel Charmant.
On l'a déjà montré sur la parité, et sur le cumul aussi !
M. Jean Chérioux.
C'est un trucage !
M. le président.
La parole est à M. Flosse.
M. Gaston Flosse.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'évoquerai
simplement, en premier lieu, le cas principal d'incompatibilité de mandats
prévu par le projet de loi organique et sur lequel le débat s'est quelque peu
cristallisé lors des précédentes lectures : je veux parler de l'interdiction
qui serait faite à un parlementaire national d'exercer simultanément un mandat
exécutif local, sujet le plus médiatisé et le plus controversé de cette
réforme.
Je me suis déjà exprimé sur ce point lors d'une précédente lecture et je ne
reviendrai donc que sur une remarque essentielle : si la motivation de
l'interdiction faite à un élu chef d'un exécutif local d'être en même temps
parlementaire est déjà difficile à comprendre en métropole, elle l'est encore
plus outre-mer.
M. Jacques Larché,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Très bien
!
M. Gaston Flosse.
Nos spécificités, tant géographiques que statutaires, rendent indispensable le
maintien de liens étroits entre les territoires et les instances nationales. Or
un exécutif local est certainement le seul à pouvoir prétendre entretenir de
tel rapports privilégiés entre des interlocuteurs séparés par des milliers de
kilomètres. Leur implantation locale n'est, en outre, pas négligeable en cette
période de mutations statutaires qui nécessitent dialogue et concertation.
Ma position est donc claire et fidèle à l'esprit de la majorité sénatoriale et
de notre excellent rapporteur : il faut conserver la possibilité pour un
parlementaire d'exercer une fonction exécutive.
M. Alain Vasselle.
Bravo !
M. Gaston Flosse.
Je souhaite maintenant aborder le problème complexe de l'assimilation de
fonctions et mandats propres aux institutions de la Polynésie française à des
mandats et fonctions métropolitains.
L'article 8
bis
du présent projet de loi organique assimile les
fonctions de président du gouvernement de la Polynésie française, de président
de gouvernement et de membre de gouvernement à celles de président de conseil
général et dispose que ces fonctions sont incompatibles avec d'autres mandats
locaux métropolitains ou ultramarins en dehors de celui de conseiller
municipal.
Je soulignerai, en premier lieu, l'anachronisme que constitue une telle
assimilation compte tenu de l'évolution statutaire de ce territoire et du
particularisme de ses institutions. Mais je n'ai pas l'intention d'entamer, à
ce stade de la discussion, le débat sur le caractère contestable de ce procédé.
C'est le fond du problème que je souhaite aborder aujourd'hui.
Quelles sont les conséquences de l'assimilation introduite par l'article 8
bis
du projet de loi organique ? Elles ont trait, d'une part, à
l'impossibilité de cumuler les mandats de président ou de membre du
gouvernement avec celui de parlementaire européen, ce que je ne conteste
pas.
Elles concernent également l'interdiction faite au président du gouvernement
d'exercer les fonctions de maire, à l'instar de ce qui est prévu pour un
président de conseil général. Je ne le conteste pas non plus.
Je suis, en revanche, extrêmement choqué que l'on ait songé à appliquer le
même régime d'incompatibilité aux membres du gouvernement. Pourquoi avoir voulu
les assimiler à des présidents de conseils généraux en leur ôtant par là même
toute possibilité d'être maire, alors qu'aucune disposition similaire n'est
prévue pour la Nouvelle-Calédonie ou pour la Corse, dont seuls les présidents
de gouvernement ou de conseil exécutif sont assimilés à des présidents de
conseils généraux ? Les ministres du gouvernement central eux-mêmes peuvent
être maires en vertu de la Constitution !
Pourquoi avoir introduit de telles dispositions, tant dans la loi organique en
son article 8
bis
qu'en l'article 11 de la loi simple, alors qu'elles
apparaissent purement et simplement inéquitables et injustifiables ?
M. Alain Vasselle.
Très bien !
M. Gaston Flosse.
Sans doute est-ce là une erreur d'appréciation, et je remercie notre excellent
rapporteur d'avoir su la déceler et la comprendre. Je salue d'ailleurs une
nouvelle fois sa grande vigilance s'agissant des textes relatifs à l'outre-mer,
dont il connaît parfaitement les spécificités.
La commission a su rétablir l'harmonie et l'équité au sein des différentes
collectivités territoriales de la République. Les élus polynésiens se voient
donc appliquer les mêmes incompatibilités que leurs homologues en métropole. Il
n'y a ni privilège ni handicap.
Je voterai le texte de la commission des lois, qui correspond à nos souhaits.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le mouvement
en faveur de la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions
électives est amorcé depuis 1986. Il a pour ambition, nous le savons, de
contribuer à rénover et à moderniser la vie politique. Il participe de cette
volonté de rechercher un meilleur fonctionnement de nos institutions
démocratiques en permettant une plus grande disponibilité pour les élus afin
que ceux-ci puissent exercer leur mandat.
Beaucoup de nos collègues sont intervenus sur ce sujet, et j'ai
particulièrement noté l'intervention de notre collègue Jean-Jacques Hyest sur
les avancées et les défauts de ce système, excluant toute réflexion sur le
cumul des activités publiques et privées. Certes, le débat est trop vaste pour
être abordé dans le même temps, mais cela donne tout de même un aspect très
limité à l'ensemble de nos réflexions.
Même limité aux fonctions publiques, restons donc dans le sujet. L'objectif
est louable, mais il est difficile à mettre en oeuvre, comme le démontrent les
débats qui ont animé nos hémicycles et les différentes navettes qui sont
intervenues entre nos deux assemblées.
Au moment où nous évoquons ce texte pour la troisième fois, j'attire votre
attention sur un point qui me paraît essentiel pour le bon fonctionnement de la
démocratie et qui ne saurait, dès lors, être occulté de notre débat
d'aujourd'hui.
Dans le cadre des règles encadrant le cumul des mandats, il m'apparaît
important d'assurer aux titulaires de mandats électifs une égalité d'accès à
certaines fonctions tout en respectant le choix des électeurs.
Cette égalité d'accès doit être assurée pour tous les mandats, même pour les
nouvelles fonctions qui sont apparues en grand nombre depuis deux ans avec le
développement spectaculaire des nouveaux espaces de coopération de gestion
intercommunales. Après l'ère des districts et des communautés de communes, nous
en arriverons bientôt à l'ère des pays.
Dès lors, comment permettre à l'ensemble des élus issus du suffrage universel
de participer à la mise en oeuvre de ces nouveaux espaces de projet et de
développement tels que le législateur a souhaité qu'ils s'organisent au travers
d'établissements publics de coopération intercommunale dotés d'une fiscalité
propre, qui seront la base des futurs pays ? Voilà une question qui me paraît
importante pour l'avenir.
Toute législation afférente aux fonctions électives publiques me semble devoir
respecter scrupuleusement une stricte et authentique égalité entre les
candidats élus au suffrage universel.
Or, dans l'état actuel des textes, l'égale représentativité des élus issus du
suffrage universel sur les territoires qui englobent ou recouvrent une
structure intercommunale n'est malheureusement pas assurée - ce sera mon
premier point - ce qui me semble paradoxal dans la mesure où les différentes
catégories d'élus issus du suffrage universel sont les animateurs naturels de
ces nouvelles structures de solidarité et de projet.
Le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale, combiné avec les
dispositions de la loi du 13 juillet 1999 relative au renforcement et à la
simplification de la coopération intercommunale, dite loi Chevènement, monsieur
le ministre, n'assure pas aux organes délibérants des structures
intercommunales, espaces de projet et de solidarité en émergence, une égale
représentativité des élus issus du suffrage universel sur les territoires qui
les recouvrent ou les englobent.
L'Assemblée nationale a bien renoncé, en troisième lecture, à rendre
incompatible les mandats de parlementaire et de maire avec la fonction de
président d'un établissement public de coopération intercommunale doté d'une
fiscalité propre.
Les structures de coopération intercommunale étant considérées comme le
prolongement naturel d'une fonction élective sans conséquence sur le cumul des
mandats, ce dont je doute - le « permis à points » de notre collègue M. Hyest
est, à cet égard, intéressant - il est alors possible d'être président d'un
EPCI tout en étant maire et parlementaire.
Toutefois, le projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en
troisième lecture, prévoit que le parlementaire ne peut exercer qu'un seul
mandat local. Il pourra donc être conseiller municipal, puis maire et président
d'une structure intercommunale. En revanche, il ne pourra pas être conseiller
général et président d'un EPCI puisqu'il ne peut être conseiller municipal. Je
ne suis pas certain que tout le monde ait vu cette inégalité.
Certes, la commission des lois du Sénat propose d'exclure les communes de
moins de 3 500 habitants du dispositif, confirmant ainsi la position antérieure
du Sénat tenant à la spécificité des petites communes. Toutefois, le problème
reste entier dans les communes de plus de 3 500 habitants.
Donc, à partir de ce texte, un parlementaire également conseiller général ne
pourra désormais plus être membre d'un EPCI, dans la mesure où l'article 36 de
la loi du 13 juillet 1999 prévoit que « l'établissement public de coopération
intercommunale est administré par un organe délibérant composé de délégués élus
par les conseils municipaux des communes membres », avant de préciser que « ces
délégués sont élus par les conseils municipaux des communes intéressées parmi
leurs membres ».
La conjonction des dispositions du présent projet de loi et de l'article 36 de
la loi du 13 juillet 1999, en prévoyant que seuls peuvent siéger au sein des
structures intercommunales les membres élus des conseils municipaux des
communes membres de la structure de coopération, n'assure donc pas une
représentation équitable des compétences des élus issus du suffrage universel
dans une même circonsription, et tel est le cas des conseillers généraux.
Il n'est guère satisfaisant et il apparaît peu logique d'exclure du
fonctionnement des structures intercommunales les conseillers généraux,
régionaux, députés ou sénateurs, tous issus du suffrage universel, dès lors que
leur circonscription englobe ou recouvre l'aire géographique d'une structure
intercommunale, et alors même que l'article L. 229 du code électoral, que tout
le monde semble avoir oublié, dispose que : « Les députés et les sénateurs sont
éligibles dans toutes les communes du département où ils ont été candidats ».
Cette disposition mérite, à l'évidence, une grande réflexion.
Ce texte apparaît, de surcroît, paradoxal dans la mesure où, d'un côté, on
encourage le développement rapide de l'intercommunalité et, de l'autre, on
exclut de ce processus les compétences reconnues des différentes catégories
d'élus issus du suffrage universel.
Dans ces conditions, et afin que l'égalité soit respectée, j'ai déposé un
amendement qui a pour objet, tout en maintenant les dispositions de l'article
36 de la loi du 13 juillet 1999, d'autoriser les conseils municipaux des
communes membres à désigner, au sein de l'administration, autrement dit de
l'organe délibérant, d'un EPCI à fiscalité propre, des élus issus du suffrage
universel dans la circonscription qui englobe l'aire géographique d'une
structure intercommunale, c'est-à-dire le conseiller général, le conseiller
régional et, bien entendu, le parlementaire.
Un conseiller général d'un canton qui comporte une structure intercommunale
pourrait, dès lors qu'il est élu dans une circonscription qui recouvre ou
englobe une structure intercommunale, être désigné par la commune pour être son
délégué au sein de l'organe délibérant d'un EPCI à fiscalité propre sans être
titulaire d'un mandat municipal.
C'est là une solution pour éviter des inégalités, sans pour autant se référejr
à cette distinction, qui semble poser quelques problèmes, entre les communes
selon qu'elles ont plus ou moins de 3 500 habitants.
Cet amendement a également le mérite d'affirmer que les élus issus du suffrage
universel doivent être associés au processus de développement de
l'intercommunalité, tant il est vrai qu'ils sont les entrepreneurs et les
animateurs naturels des territoires qu'ils représentent.
La volonté des territoires de se regrouper au sein de nouvelles formes
d'organisation se traduit aujourd'hui par l'explosion de l'intercommunalité,
l'émergence d'agglomérations et, bientôt, de pays qui créent ou créeront de
nouvelles structures de solidarité, de projet, de développement et de
contractualisation.
Il m'apparaît donc nécessaire de garantir, par cet amendement, une authentique
et égale représentativité des différentes catégories d'élus au sein des organes
délibérants des EPCI, afin d'assurer une complémentarité et une synergie des
compétences, des expériences et des sensibilités au service d'un développement
dynamique et démocratique d'une intercommunalité de projet.
Tel est l'objet de ma démarche, qui rencontrera, je l'espère, l'approbation du
Sénat, ou permettra, au moins, de trouver une solution juste et acceptable.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...
La discussion générale commune est close.
PROJET DE LOI ORGANIQUE