Séance du 10 février 2000








M. le président. Avant de mettre aux voix les conclusions de la commission des affaires économiques, je donne la parole à M. Schosteck pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Schosteck. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que le Sénat vient d'examiner et qui présente une palette variée de mesures innovantes destinées aussi bien aux micro-projets qu'aux petites et moyennes entreprises est le fruit des réflexions du groupe de travail « Nouvelles entreprises et territoires », créé par la commission des affaires économiques et du Plan en juin 1998.
Je tiens, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, à rendre un hommage particulier aux membres de ce groupe de travail qui, devant l'urgence qu'il y avait à renverser la tendance à la diminution de la création d'entreprises dans notre pays et face à l'attentisme du Gouvernement, a pu nous proposer un dispositif qui tend à améliorer l'environnement et l'accompagnement de la création et du développement des entreprises sur notre territoire.
Ce texte est, en effet, une véritable « boîte à outils » pour les acteurs du développement local, en même temps qu'il prévoit des mesures pour libérer les initiatives et donner un nouveau souffle à la création d'entreprise.
Alors que la seule innovation économique du Gouvernement est la loi sur les 35 heures, le Sénat doit s'honorer de proposer, comme il vient de le faire aujourd'hui, un dispositif qui favorise la création et le développement des entreprises, dans une optique d'aménagement et de développement du territoire.
Aujourd'hui, le Gouvernement persiste et signe dans une voie économique rétrograde et inadaptée. C'est bien, en effet, ce gouvernement, et aucun autre, qui, lors de l'examen par notre Haute Assemblée du projet de loi sur l'aménagement et le développement durable du territoire, a opposé une fin de non-recevoir aux propositions faites dans ce domaine par la commission spéciale instituée alors et rapportées par notre collège Gérard Larcher.
Je pense ici tout particulièrement à la création de fonds communs de placement de proximité pour drainer l'épargne des particuliers vers les entreprises des zones fragiles de notre territoire.
Aujourd'hui, donc, ce dispositif innovant est adopté et amélioré par les trois rapporteurs, nos excellents collègues Joseph Ostermann, Paul Girod et Francis Grignon, qui ont su notamment démontrer la pertinence et la nécessité des souscriptions directes des particuliers dans le capital des sociétés non cotées en mutualisant l'épargne des investisseurs.
Le Sénat a ainsi, une fois de plus, montré la voie, et c'est la raison pour laquelle le groupe du Rassemblement pour la République votera cette proposition de loi avec une grande satisfaction.
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'il est au moins un objectif qui nous rassemble dans cet hémicycle, c'est bien celui qui tend à favoriser l'installation et la reprise des petites entreprises artisanales et commerciales, tout particulièrement dans nos départements ruraux.
Chiffres à l'appui, la preuve est faite que ce secteur est déjà particulièrement créateur d'emplois, et les relations régulières que j'entretiens avec les deux chambres des métiers de mon département en attestent.
Cependant, nous ne partageons pas la même philosophie de l'aide aux entreprises. Rien de surprenant à cela !
Nous disons péréquation quand vous omettez d'en parler ; nous exigeons le contrôle des fonds publics ; nous proposons la participation des salariés aux orientations de l'entreprise ; nous préconisons la mobilisation des financements, certes à l'échelon régional mais avec une mutualisation des risques, avec une limitation de ceux des collectivités locales et une garantie pour elles du retour sur investissement.
Pourquoi des collectivités locales aux budgets déjà serrés devraient-elles prendre tant de risques et attendre de façon aléatoire un éventuel retour sous forme de taxe professionnelle ou d'emplois, pendant que les boursicoteurs peuvent obtenir davantage, y compris en gonflant artificiellement la bulle financière ? Et je n'évoque pas ici les fonds de pension, qui attendent des retours sur investissement supérieurs à 15 % !
Si, demain, nous pouvions taxer davantage les revenus de la spéculation boursière, qui est néfaste pour l'emploi - il suffit de voir grimper la bourse quand une entreprise licencie - et transférer les fonds ainsi dégagés vers les PME et PMI créatrices d'emplois, alors, oui, nous aurions bien travaillé.
Voilà quelques-uns des éléments de notre conception. Mais ce n'est pas ce que nous trouvons dans cette proposition de loi. Aussi, comme je l'ai annoncé tout à l'heure, nous voterons contre, en émettant le voeu que, très vite, ce chantier soit remis en route sur de nouveaux critères plus sociaux, plus démocratiques et plus efficaces.
M. le président. La parole est à M. Bellanger.
M. Jacques Bellanger. Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce matin, nous avons indiqué que nous émettions un certain nombre d'objections sur ce texte, même si nous approuvions quelques-unes de ses mesures. Nous avons également indiqué que, pour notre part, nous souhaitions contribuer sans aucun esprit partisan à l'élaboration de ce texte, tant le sujet nous semble important.
Je crois que nous avons rempli notre contrat, car nous sommes parfois allés très loin dans les concessions, notamment en ce qui concerne le statut du créateur d'entreprise et certaines autres dispositions qui ne recueillaient pas notre plein accord mais à propos desquelles nous voulions faire progresser le débat avec M. le rapporteur.
Mais, encore une fois, le texte n'est pas bon, et nous regrettons d'ailleurs un certain nombre de commentaires que nous venons d'entendre et qui nous confortent dans l'idée que la présente proposition de loi a plus pour objet, à la veille de manifestations annoncées, d'affirmer le point de vue de la majorité sénatoriale que de faire avancer le débat. Même si je pense que telle n'est pas la véritable intention des rapporteurs, c'est pourtant bien à cela que servira ce texte.
A partir de là, point n'était besoin de faire avancer le débat, puisque nous nous situons dans une querelle politicienne.
Je crois pourtant qu'il y a eu des échanges intéressants et que le débat parlementaire suivra son cours, même s'il n'est pas prêt de trouver sa conclusion, car une majorité ne se dégagera pas au sein du Parlement pour adopter ce texte. En effet, je le rappelle, le Parlement est composé de deux chambres, et les efforts des uns et des autres restent à l'heure actuelle insuffisants pour qu'un consensus puisse se dégager. C'est bien dommage !
En conclusion, il nous faut constater que les divergences politiques sont telles qu'il ne peut y avoir de consensus dans ce domaine. Au demeurant, ce n'est pas scandaleux ! Dans ces conditions, nous voterons, bien entendu, contre cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais d'abord féliciter les auteurs de la présente proposition de loi ainsi que nos rapporteurs, qui en ont amélioré la rédaction initiale.
Ce texte présente de nombreux avantages, et tout d'abord celui de faciliter l'accès au financement pour les créateurs d'entreprise, ce qui est important car les incertitudes qui pèsent depuis quelques mois en la matière ont fait chuter de façon sensible le nombre des demandes. Ainsi, dans mon département, que mon ami Paul Girod connaît bien lui aussi, le nombre de dossiers de créations d'entreprise déposés en 1999 n'a représenté que la moitié de ce que nous avions enregistré en 1998 et, depuis le 1er janvier 2000, il n'y en a presque pas eu.
Le fait que cette proposition de loi cadre mieux les dispositifs de soutien à la création d'entreprise est une bonne chose et va nous permettre, probablement, de repartir sur un rythme de création plus soutenu.
Ensuite, ce texte présente l'avantage de mieux accompagner les créateurs d'entreprise. Il faut en effet les aider, et les aider pendant plusieurs années. Pour ceux qui ont eu le courage de se lancer dans cette aventure - car il s'agit bien d'une aventure - il faut qu'il y ait le moins de risques possible.
A cet égard, je tiens à signaler l'existence de l'association EGEE, qui regroupe à travers la France 3 000 ingénieurs retraités pour aider les créateurs, spécialement les jeunes, à établir leur dossier et pour les suivre pendant un an, parfois deux, pour prévenir toute catastrophe prématurée. De tels exemples démontrent que l'on peut aujourd'hui mieux accompagner les créateurs d'entreprise.
En dernier lieu, les collectivités locales, les régions, les départements et les communes s'impliquent de plus en plus dans le développement local, et la présente proposition de loi s'ancre dans cette logique de développement local.
Pour ces différentes raisons, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. Souplet.
M. Michel Souplet. Après M. Pelletier, je tiens à me féliciter du travail qui a été réalisé au sein de la commission des affaires économiques et du Plan. Nous y avons participé, et j'ai apprécié le débat qui a eu lieu dans cet hémicycle.
Le hasard veut que je revienne de deux pays étrangers, où j'ai passé deux mois. J'y ai rencontré des jeunes Français qui s'y étaient installés. Pourquoi l'ont-ils fait ? A cause de la lourdeur des formalités administratives en France ! Je reviens ainsi de San Francisco, où huit à dix prix Nobel travaillent dans la recherche. Nous y avons vu de jeunes Français qui nous ont dit qu'ils étaient prêts à s'installer en France mais que ce qu'on leur offrait là-bas était tellement mieux qu'ils n'avaient plus envie de rentrer.
Ces contraintes sont telles que nous avons l'obligation, en tant que législateurs, de nous interroger. Aux Etats-Unis, on peut s'installer en quarante-huit heures. Chez nous, pour créer une entreprise, il faut des semaines, voire des mois pour obtenir les autorisations nécessaires. Des modifications et des simplifications s'imposent !
Même si le débat d'aujourd'hui ne règle pas tout, il aura permis d'améliorer la situation. On pourrait d'ailleurs aller plus loin si l'on suivait le Sénat.
Quoi qu'il en soit, le groupe de l'Union centriste votera ce texte avec plaisir.
M. Francis Grignon, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Francis Grignon, rapporteur. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je me félicite de la tonalité qui a présidé à ce débat. J'ai beaucoup écouté les arguments des uns et des autres ; j'espère que la réciproque est vraie.
Je veux remercier mes collègues Paul Girod et Joseph Ostermann, avec qui nous avons fait un travail commun pour arriver à un texte commun. Au fond - le débat d'aujourd'hui en témoigne - nous visons tous le même objectif, en ce qui concerne la création d'entreprise, les PME et les territoires. Malheureusement, nous divergeons sur les méthodes pour l'atteindre.
Sans aller jusqu'à espérer une inscription d'urgence de ce texte à l'Assemblée nationale, je veux croire, madame le secrétaire d'Etat, que tous les arguments que nous avons échangés vous inspireront, comme ils inspireront le Gouvernement lors de l'élaboration des beaux projets que vous nous avez annoncés et qui, je l'espère, viendront très rapidement en discussion, parce que nos entreprises, nos jeunes, nos territoires en ont véritablement besoin. (Applaudissements.)
M. le président. Qu'on me permette de m'associer à l'hommage rendu à tout ce travail qui a été fait et qui avait déjà éclairé le débat sur l'aménagement durable du territoire.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 254 (1998-1999).

(La proposition de loi est adoptée.)

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