Séance du 21 octobre 1999







M. le président. La parole est à M. Autain.
M. François Autain. Ma question s'adresse à Mme Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle.
Madame la secrétaire d'Etat, dans un rapport rendu public au mois de mars dernier, le professeur Nisand a souligné les difficultés rencontrées par des jeunes femmes enceintes devant se résoudre à interrompre leur grossesse, difficultés résultant de deux dispositions de la loi de 1975 : il s'agit de la limitation à dix semaines de grossesse du délai légal d'intervention et de l'exigence d'une autorisation parentale pour les mineures.
En ce qui concerne le délai légal d'intervention, pour leur quasi-totalité les pays européens ont retenu une limite au moins égale à douze semaines. La Suède, la Grande-Bretagne et les Pays-Bas sont même allés beaucoup plus loin.
Lors des débats sur la loi de 1975, les craintes de risques médicaux pour la femme en cas d'intervention au-delà de dix semaines avaient conduit à retenir ce délai. Ces risques se sont révélés infondés. Or, compte tenu du décalage existant entre les législations nationales, environ 6 000 françaises vont chaque année à l'étranger recourir à une IVG.
En ce qui concerne les mineures, des études de l'Institut national d'études démographiques montrent que c'est avant l'âge de seize ans que les rapports sexuels sont le moins protégés. Cinquante-six pour cent des jeunes entre vingt et vingt-quatre ans ayant eu une première relation sexuelle entre quatorze et quinze ans déclarent ainsi n'avoir utilisé aucun moyen de contraception. Certes, chacun reconnaît la nécessité d'un effort accru en matière de prévention, mais n'y a-t-il pas un problème de principe à continuer à exiger pour l'IVG une autorisation parentale quand celle-ci n'est pas demandée pour une femme qui accouche sous X ou encore, et cela me paraît paradoxal, quand, aux termes de l'article 144 du code civil, elle n'est pas non plus nécessaire pour se marier à quinze ans révolus ?
Dans un contexte où l'on a désormais la preuve que la législation sur l'avortement n'a pas entraîné sa banalisation - on compte aujourd'hui 30 000 avortements de moins qu'en 1976 - allez-vous, madame la secrétaire d'Etat, proposer au Parlement de modifier sur ces deux points la loi de 1975 et, si oui, dans quel délai ? (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle. Vous avez raison de le souligner, monsieur le sénateur, la loi de 1975 - texte fondamental - souffre d'une application insuffisante et ses dispositions ne couvrent pas toutes les situations sociales, parfois dramatiques, rencontrées par les femmes et les adolescentes. M. le Premier ministre a reçu très récemment le professeur Nisand, dont Martine Aubry, Dominique Gillot et moi-même approuvons nombre des recommandations.
M. Henri Weber. Excellent rapport ! Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a présenté, le 16 juillet dernier, un plan d'action articulé sur deux grands objectifs.
Le premier consiste à renforcer l'information sur la contraception. Le Gouvernement met en place, je vous le rappelle, une grande campagne de communication qui permettra de réaffirmer le droit de chacun à la contraception en l'associant à des valeurs de liberté et de responsabilité.
Cette campagne, qui mobilise un budget important, puisqu'il s'agit de 20 millions de francs, doit commencer très prochainement et durera un an.
Le second objectif de ce plan est de rendre plus efficace la loi de 1975 et de faire en sorte que l'hôpital public assume pleinement sa mission et applique ladite loi.
Le 16 juillet dernier, Mme Martine Aubry a présenté, d'une façon très détaillée, l'ensemble de ces mesures. Je sais bien que M. le président ne me permettrait pas de les rappeler car cela nécessiterait un temps de parole beaucoup plus important que celui dont je dispose. Je ne les rappellerai donc pas.
M. le président. Je vous remercie, madame le secrétaire d'Etat.
Mme Nicole Péry, secrétaire d'Etat. Je veux encore préciser qu'elles visent à consolider les structures hospitalières publiques en personnels et en moyens médicaux. Je citerai la mise à disposition de la mifépristone dans les pharmacies hospitalières.
Dans un an, nous ferons un nouvel état des lieux afin de vérifier dans quelle mesure la situation aura progressé concrètement sur le terrain. Le Gouvernement, pas plus que vous, ne peut accepter la situation de ces femmes qui partent en autobus à l'étranger parce qu'elles ont dépassé le délai légal de dix semaines, ni la détresse de ces adolescentes. L'ouverture d'un large débat de société pouvant conduire à une modification de la loi sera alors d'actualité. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

APPLICATION DE LA LOI SUR LES 35 HEURES
DANS LES TRANSPORTS ROUTIERS