Séance du 13 octobre 1999






VOLONTARIATS CIVILS

Adoption d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 293, 1998-1999), relatif aux volontariats civils institués par l'article L. 111-2 du code du service national. [Rapport n° 5 (1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voici venu le temps d'instaurer en France un véritable système de volontariats civils.
Ce texte est attendu, je le sais, tant en France qu'à l'étranger. Il est attendu parce qu'il est dès aujourd'hui nécessaire, après la fin de la conscription, de prolonger les formes civiles du service national, de renforcer une des formes de l'engagement civique de notre jeunesse et d'assurer le rayonnement culturel et économique de notre pays. Je connais le souci permanent qu'a la Haute Assemblée, tout particulièrement Mmes et MM. les sénateurs élus par les Français de l'étranger, de voir atteints ces objectifs.
L'institution de volontariats civils est attendue également car ceux-ci vont permettre de continuer à répondre à des besoins bien identifiés : besoin de protection ressenti par la population et besoin de cohésion sociale, de solidarité tant nationale qu'internationale.
En premier lieu, ce projet de loi répond à plusieurs nécessités.
Tout d'abord, il est nécessaire de tirer les conséquences de la suppression du service national dans tous les domaines d'intervention des appelés du contingent.
La loi de programmation militaire 1997-2002 et la loi de 1997 portant réforme du service national ont engagé le mouvement vers la professionnalisation des armées, prévue pour 2002, et la disparition du service national sous sa forme actuelle. Les coopérants du service national vont dès lors disparaître.
Le système des coopérants du service national vous est familier. C'est un système ancien qui, pendant trente-cinq ans, a permis à des dizaines de milliers de jeunes gens - 150 000 environ - d'effectuer leur service national à l'étranger, d'abord dans le cadre de l'aide aux pays en développement, puis, au fil des années, au service de l'action extérieure de la France, politique, économique et culturelle d'une manière plus générale.
A l'heure actuelle, 5 000 jeunes gens environ sont incorporés chaque année au titre de la coopération, ce qui veut dire, compte tenu de la durée du service, de 6 000 à 8 000 jeunes Français présents simultanément à l'étranger.
Ces jeunes, vous les connaissez bien. Vous les avez rencontrés dans nos ambassades, dans les services de la coopération au développement, dans des organisations non gouvernementales, mais aussi dans des entreprises, dans des laboratoires de recherche. Dans tous ces domaines, ils fournissent, par leur compétence et leur dynamisme, une contribution importante à l'action extérieure de la France, à la présence et au rayonnement de notre pays dans le monde. L'utilité et l'efficacité de leur contribution sont reconnues par tous, autant par leurs « employeurs » que par nos correspondants étrangers.
A côté des coopérants du service national proprement dits, il existe d'autres formes de service civil, sur le territoire français, qui offrent aux jeunes Français un choix alternatif.
Depuis 1965, 75 000 objecteurs de conscience et 31 000 volontaires de l'aide technique ont apporté aux structures publiques, parapubliques ou privées un concours précieux. En outre, 70 000 policiers auxiliaires les ont rejoints à partir de 1986, ainsi que 4 000 sapeurs-pompiers et, depuis 1992, 45 000 appelés au titre du « service ville ».
A l'énoncé de cette liste de fonctions si utiles, on comprend bien qu'il est devenu nécessaire d'anticiper l'échéance de la disparition de ces formes de service national, de façon à assurer la continuité de l'activité des services, des organismes et des sociétés qui y font appel et à permettre à tous les jeunes Français de trouver dans le volontariat civil une réponse à leur désir d'engagement civique.
Cette réforme permettra également de progresser encore davantage vers la parité entre les sexes, puisque nous allons donc substituer un système ouvert à tous, filles et garçons, à des fonctions jusqu'ici attribuées en priorité aux seuls garçons.
Par ailleurs, il est nécessaire d'exprimer le lien entre l'individu et la nation, ce que permettait auparavant le service national de façon forte.
A cet égard, le volontariat civil est lui aussi fondé sur le sentiment d'appartenance à la communauté française et sur la volonté de servir cette communauté.
Il est également nécessaire d'assurer le rayonnement culturel et économique de la France. Or, ce rayonnement implique une présence plus nombreuse de nos compatriotes à l'étranger.
Si l'on compare la France à ses principaux partenaires sur le plan de l'expatriation, notre pays accuse un important retard. Ce dernier s'explique en grande partie par l'histoire et constitue un handicap à l'heure de la mondialisation.
Mais cette réalité n'est pas une fatalité. La fibre de l'étranger se contracte jeune, et le volontariat civil m'apparaît comme un bon moyen pour donner aux jeunes Françaises et Français l'envie de regarder au-delà des limites de leur univers proche, de leur pays.
C'est un enjeu majeur pour notre action culturelle et, partant, pour la réussite de notre combat visant à préserver la diversité culturelle, ce qui est un sujet d'actualité à la veille du débat des négociations au sein de l'Organisation mondiale du commerce. Les Français ne sont bien sûr pas les détenteurs uniques de la volonté de lutter contre l'uniformisation culturelle mais une présence non arrogante à l'étranger répond souvent à l'attente de nombreux pays. C'est particulièrement le cas pour ce qui est de la défense de notre langue.
C'est essentiel pour notre présence scientifique dans les laboratoires, qu'il faut favoriser dans le monde entier.
C'est vrai également pour notre présence économique et pour le développement de nos entreprises.
C'est vrai également pour la poursuite de notre aide au développement, notamment au travers des organisations non gouvernementales.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si ce projet de loi est nécessaire, car il doit succéder aux formes civiles du service national en France et à l'étranger, il répond également à des besoins bien identifiés dans plusieurs domaines.
Au titre du besoin de protection des populations, dans les domaines de la défense civile, de la sécurité et de l'ordre public comme dans celui de la défense de l'environnement, le système du volontariat civil va permettre de prolonger les formes non militaires du service national sur le territoire français.
De même que les appelés remplissent des tâches et des services essentiels pour la collectivité, il est important de maintenir cette ouverture qui correspond à une attente forte de la part de nos concitoyens et qui se prolonge souvent par une professionnalisation.
Le besoin de cohésion sociale et de solidarité est en croissance continue, et c'est un besoin auquel la politique de la ville et les diverses actions en faveur de l'intégration entendent répondre.
Second volet « national » du volontariat civil, la possibilité offerte aux jeunes de s'investir dans l'accompagnement social des rénovations des quartiers dits « sensibles » sous ses différents aspects - enfance, personnes âgées, animation, projets pédagogiques, sport - prolonge et donne plus de moyens à la politique de la ville qui est, comme vous le savez, une des priorités de l'action gouvernementale.
Les volontaires, comme aujourd'hui les appelés, seront de précieux auxiliaires des services municipaux ou départementaux chargés, depuis la loi d'orientation sur la ville, de « remettre de l'Etat dans les quartiers qu'il avait désertés ».
J'en viens au besoin de solidarité internationale.
Parmi les grands pays industrialisés, la France est celui qui consacre la part la plus importante de son produit par habitant à l'aide au développement ; c'est d'ailleurs l'une de ses fiertés. Notre pays a un rôle particulier, ouvre une voie spécifique vers plus de solidarité internationale.
Charles Josselin développera bien entendu ce point, mais je souhaite réaffirmer ici, devant vous, que la France entend contribuer à mobiliser toutes ses énergies pour remplir ce rôle ; et celles de notre jeunesse sont assurément les plus fécondes et les plus prometteuses.
Pour maintenir ce haut niveau de solidarité internationale, nous avons besoin que de jeunes volontaires s'engagent auprès des services de la coopération et dans les organisations non gouvernementales.
A ce stade, je voudrais cependant préciser un point et peut-être devancer une question. Le volontariat civil n'a pas pour vocation de devenir un service civil pour la paix. Cette tâche incombe en effet aux Nations unies. L'ONU a ses propres modes de recrutement et n'admet d'ailleurs pas les mises à disposition, qui risqueraient de renforcer une prédominance excessive des pays les plus riches. La France, comme de nombreux autres Etats, contribue à fournir à l'ONU ou aux organisations multilatérales qu'elle a mandatées les compétences recherchées.
En toutes occasions, les autorités françaises ne manquent pas de rappeler la place majeure que doivent occuper les Nations unies, pour un monde multipolaire, culturellement diversifié et géré de manière pacifique. Il serait par conséquent paradoxal de mettre en place une réforme qui concernerait directement l'une des missions principales de l'ONU : la prévention et le maintien de la paix. Aussi ne le faisons-nous pas.
Mesdames, messieurs les sénateurs, avant de laisser Charles Josselin poursuivre et compléter l'exposé de ce projet de loi, je voudrais simplement vous dire combien je me réjouis des conditions de travail qui ont présidé à la préparation de ce texte, conditions de travail fructueuses et constructives entre, d'une part, la commission des affaires étrangères et son rapporteur, dont je tiens à saluer ici le travail, et, d'autre part, les membres de mon cabinet ministériel et l'administration du ministère des affaires étrangères.
Je ne doute pas que le débat qui va suivre permettra d'améliorer encore ce texte avec, pour souci constant, de mettre en place un volontariat civil qui donne à la France des moyens supplémentaires dans son action sur le plan international et national, au plus près de nos concitoyens. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme vous l'aurez compris après avoir entendu M. le ministre des affaires étrangères et en prenant connaissance de l'excellent rapport de M. Del Picchia, le projet de loi sur les volontariats civils qui vous est présenté aujourd'hui traduit non seulement une volonté mais aussi une nécessité.
La volonté est celle de la France de poursuivre, de renforcer son engagement au service de la solidarité internationale tant dans les domaines de la coopération et de l'aide au développement que pour répondre à des situations d'urgence, notamment humanitaire.
La nécessité, inséparable de cette volonté, concerne notre jeunesse ; il nous faut répondre positivement, dans un cadre juridique approprié, soucieux d'efficacité, à une double attente, très forte, régulièrement exprimée : être utiles, donner du sens à une volonté d'engagement citoyen, mais aussi, dans le même temps, pouvoir faire bénéficier les personnes concernées d'un apprentissage supplémentaire capable de faciliter l'insertion professionnelle.
En présentant ce projet de loi, le Gouvernement souhaite répondre ainsi à des exigences qui sont aussi bien individuelles que collectives, grâce à une démarche visant à associer, concrètement, les progrès de la citoyenneté à des possibilités réelles d'expérience et de formation.
Le premier objectif est donc de promouvoir de nouvelles solidarités, tout en intégrant la réalité existante.
L'esprit de la loi tient, je l'ai déjà dit, à notre souci partagé d'apporter des réponses adaptées aux exigences de solidarité, constamment rappelées à la fois dans et hors de nos frontières ; ce qui signifie que nous devons nous inscrire, bien sûr, dans une continuité d'action, mais en affinant les moyens d'une ambition renforcée.
La continuité, c'est affirmer, en les poursuivant, les missions civiles confiées à ce jour à des appelés du service national. M. Hubert Védrine l'a rappelé à l'instant, ce sont plus de 6 000 jeunes Français qui contribuent actuellement à la politique de coopération de notre pays, donc à la présence, au rayonnement de la France dans cent cinquante Etats sur les cent quatre-vingt-neuf qui sont recensés aux Nations unies. Ce sont, par exemple, plusieurs centaines de jeunes actuellement employés dans les écoles françaises hors de nos frontières.
Les missions principales que, compte tenu des formes actuelles et des perspectives de notre coopération, ce projet de loi entend confier aux volontaires civils correspondent à notre idée du rôle de la France, mais répondent aussi aux attentes concrètes, fortes et parfois pressantes de nos partenaires.
La première de ces missions est de favoriser davantage les échanges culturels et scientifiques. Le volontariat civil devra - et je sais que les sénateurs y seront attentifs - constituer un moyen important au service de la diffusion de la langue française et être associé aux actions régulières ou ponctuelles de la francophonie. A ce jour, ce sont 1 500 coopérants qui oeuvrent dans les services publics, dans les entreprises françaises des pays de l'espace francophone.
Une autre mission essentielle consiste à aider les projets de développement et à promouvoir la coopération technique. Puisque notre souci en cette matière est d'être efficaces, il s'agit de continuer à soutenir des projets précis qui réclament une aide spécifique, ciblée, parfois limitée dans le temps. De ce point de vue, le volontariat représente, à l'évidence, une réponse appropriée.
Bien sûr, les volontaires nouveaux pourront participer, comme le font leurs aînés - c'est un point important qu'il convient de souligner -, au développement des entreprises françaises sur les marchés extérieurs, et donc à la défense de nos intérêts économiques à l'étranger. Je suis sûr que le ministre en charge du commerce extérieur sera évidemment sensible à cet aspect du dossier !
Actuellement, près de 4 500 jeunes Français sont employés au titre du service national en entreprise, le CSNE. Le Gouvernement fonde quelque espoir dans la possibilité d'élargissement de cette forme de volontariat en entreprise à des milieux sociaux, à des professions qui, jusqu'alors n'avaient que très rarement l'opportunité d'y avoir accès. Il faut convenir que le système existant fonctionne plutôt, en ce moment, en circuit fermé.
Deuxième idée force, nous voulons, en créant ce volontariat civil, redéfinir, revisiter, en quelque sorte, les missions de solidarité.
Sur le plan international, l'intention du Gouvernement est d'abord de soutenir les actions menées par les associations de solidarité, qui oeuvrent avec beaucoup de détermination, avec courage, souvent avec succès, et de les soutenir au moyen de conventions capables de définir un cadre juridique clarifié et adapté.
L'article 5 du projet de loi qui vous est soumis précise, par exemple, le cadre conventionnel dans lequel une organisation non gouvernementale, mais aussi une entreprise, un établissement public, une collectivité locale, pourront accueillir un volontaire et lui donner les moyens d'accomplir sa mission.
Ces exigences de solidarité ne s'inscriront d'ailleurs pas uniquement dans le cadre d'une expatriation, le ministre des affaires étrangères vous l'a rappelé. Parce que synonyme de responsabilité et d'ouverture, le volontariat civil pourra s'accomplir aussi à l'intérieur de nos frontières, constituant alors une forme de solidarité que l'on pourrait qualifier de nationale et qui aura vocation à participer au renforcement de notre cohésion sociale.
Je rappelle à mon tour l'aide offerte aux publics en difficulté, à l'amélioration du cadre de vie, à l'action culturelle ou éducative, mais je pourrais aussi citer les missions de protection des personnes, des biens, ainsi que les actions en faveur de l'environnement. Cette pratique de la solidarité concourra, à n'en pas douter, à l'éducation civique de notre jeunesse, en lui faisant mieux comprendre le besoin des vertus républicaines, en lui donnant les repères dont elle est aujourd'hui très largement démunie.
Bref, vous l'aurez compris, les objectifs de ce volontariat civil sont de poursuivre mais aussi d'amplifier les missions de coopération afin d'accroître à l'étranger le rayonnement de la France et de favoriser l'action au service de la collectivité nationale. Ces objectifs ne peuvent être qu'étroitement associés à un engagement moral et individuel.
Encore faut-il que le dispositif réponde de façon adéquate et précise aux attentes individuelles. Et, puisque nous voulons sauvegarder, fortifier, étendre les principes de civisme et de générosité, le volontariat civil doit être une démarche à la fois simple, claire et pragmatique.
Il s'agit donc de conférer au volontariat civil un statut spécifique valorisant, qui ne saurait constituer un obstacle, une sorte de concurrence vis-à-vis des autres formes de l'engagement social. Au contraire, la présente loi entend favoriser la complémentarité entre les divers dispositifs existants, qui fonctionnent d'ailleurs efficacement.
C'est ainsi que le statut de volontaire civil - j'insiste sur ce point - est soumis aux règles de droit public. Il se distingue donc nettement des emplois-jeunes : sur notre territoire, dans le domaine de la cohésion sociale et de la solidarité, il s'agira, pour le volontariat, non pas de répondre à des besoins émergents non satisfaits - c'est le rôle des emplois-jeunes - mais d'apporter une aide complémentaire et nécessairement plus temporaire. N'étant pas une activité appelée à durer, se limitant à des missions d'intérêt général, il va de soi que le volontariat civil n'entre pas en concurrence avec l'emploi salarié.
J'ajoute qu'il est également différencié du volontariat de droit privé associatif, qui relève du décret du 30 janvier 1995 et qui continuera de constituer une alternative pour l'action des associations.
Par ailleurs, pour être réellement attractif, ce statut public doit prendre en compte dans ses modalités les besoins du volontaire durant le temps de sa mission, ainsi que ses aspirations légitimes à voir son travail et, pourquoi pas ses mérites reconnus une fois sont volontariat accompli.
En ce qui concerne la satisfaction des besoins, il est prévu, vous le savez, le versement d'une indemnité mensuelle à taux fixe, assortie, le cas échéant, d'une indemnité complémentaire, ainsi que la garantie d'une couverture sociale générale.
Quant à la reconnaissance du travail fourni, le statut prévoit une validation officielle des acquis. L'Etat s'est, pour sa part, d'ores et déjà engagé à assimiler le temps du volontariat à une période d'assurance pour l'ouverture et le calcul des droits à la retraite et à comptabiliser ce temps effectif dans le calcul de l'ancienneté de service en cas d'accès du volontaire à la fonction publique.
Mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l'ai souligné en préambule, nombre de jeunes souhaitent pleinement s'investir dans une action susceptible de profiter autant aux autres qu'à eux-mêmes. Le volontariat civil doit donc proposer à ces jeunes une expérience unique et fondatrice.
C'est pour cela que le volontariat doit constituer une véritable expérience professionnelle. Ce sera donc une activité à temps plein, exigeant l'acquisition de compétences et une évaluation sur la durée des actions entreprises.
Ce sera aussi, et plus globalement, une expérience formatrice de l'individu en ce qu'elle fera appel autant à son sens de la responsabilité qu'à ses connaissances ou à ses capacités d'adaptation.
Mais ce sera d'abord une expérience humaine : l'ouverture au monde et aux autres, la découverte et l'apprentissage de cultures différentes dans le souci permanent d'échanger, d'acquérir, de partager des savoirs. En définitive, vous l'aurez compris, la motivation individuelle, davantage que le cursus universitaire ou le trajet professionnel, déterminera prioritairement l'accès au volontariat.
Il s'agira tout d'abord d'encourager. Cela signifie que les jeunes gens et les jeunes filles - la mixité est un élément de ce texte - souhaitant s'engager auront l'assurance d'être efficacement encadrés et aidés et de pouvoir s'en remettre, à chaque étape, à une autorité clairement identifiée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la volonté du Gouvernement est donc bien de créer le cadre juridique qui permettra aux jeunes volontaires de participer activement, par un engagement civique, à des actions d'intérêt collectif. Le volontariat civil, je l'ai dit, doit être regardé comme le rapprochement de l'engagement individuel et d'un besoin collectif dans le cadre d'une volonté publique et générale qui l'ordonne et lui donne son sens.
Je suis convaincu qu'une occasion unique pour l'apprentissage ainsi que l'expression d'une citoyenneté active, responsable, mise au service d'un humanisme réfléchi qui justifie et qui caractérise au quotidien l'action de la France dans le monde, nous sont ainsi offertes.
Voilà la philosophie, les enjeux, les défis de ce texte qui institue un volontariat civil et que nous proposons avec confiance au débat de la Haute Assemblée. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Messieurs les ministres, vous nous avez très bien expliqué le contenu, les objectifs, la philosophie du présent projet de loi, je n'ai donc pas à y revenir. De plus, mon rapport écrit contient, mes chers collègues, tous les éléments et précisions utiles. Je me bornerai donc à évoquer l'analyse de la commission sur ce texte.
Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui était incontestablement attendu, car l'idée d'un service civil volontaire s'était imposée dès l'annonce de la réforme du service national, en 1996.
Il s'agissait tout autant de permettre aux jeunes Français de s'engager volontairement au service de la collectivité dans des domaines non liés à la défense que de préserver un certain nombre d'activités assurées aujourd'hui dans le cadre des formes civiles du service national.
Ce n'est pas la première fois que le Parlement aborde la question du volontariat, puisqu'il en avait débattu lors de la discussion du projet de loi présenté par le gouvernement précédent et que la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a défini, rappelons-le, le volontariat dans les armées et posé le principe des volontariats civils.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc examiné ce texte avec le sentiment qu'il n'était que temps de tirer l'ultime conséquence de la réforme du service national.
Je dirai même qu'il y avait, de notre point de vue, une certaine urgence à définir un cadre permettant, d'ici à quelques mois, de prendre le relais de plusieurs formes civiles du service national qui ont fait la preuve de leur grande utilité, en particulier la coopération.
Face à cette attente, comment considérer le projet de loi qui nous est présenté ?
Tout d'abord, constatons qu'il demeure limité dans ses ambitions, trop limité sans doute aux yeux de ceux qui auraient peut-être souhaité un dispositif plus novateur, mais aussi plus coûteux, capable de mobiliser autour d'un engagement citoyen une large fraction de la jeunesse.
La réforme s'effectue à enveloppe financière constante, c'est-à-dire que les pouvoirs publics n'y consacreront pas plus de moyens qu'aux actuelles formes civiles du service national. Il s'agit donc d'une approche a minima, avant tout destinée à tenter de maintenir l'existant, ce qui n'est déjà pas si simple.
Pour atteindre cet objectif, le projet de loi a pris le parti délibéré d'établir un cadre uniforme qui couvrira l'ensemble des volontariats en métropole, outre-mer et à l'étranger, et ce dans les différents domaines prévus par la loi de 1997 : la cohésion sociale et la solidarité, la prévention et la sécurité civile, la coopération internationale et l'aide humanitaire.
L'unité du statut a pour avantage de rappeler que le volontariat civil est avant tout une période d'engagement au service de la collectivité, qui mérite une prise en compte équivalente quelle que soit sa forme ou son domaine d'exercice.
Il n'en demeure pas moins que les volontariats civils ne répondent pas tous aux mêmes besoins et que, selon les secteurs, le statut proposé se révélera plus ou moins bien adapté.
On peut déjà constater que, dans certains domaines, des orientations précises ont été arrêtées pour le recrutement des volontaires civils, pour répondre à un besoin bien défini. Tel est le cas, me semble-t-il, pour les diverses formes de volontariat à l'étranger, au sein des services des ministères des affaires étrangères et des finances ou auprès des entreprises. Il en va de même pour le volontariat de l'aide technique outre-mer ou pour le volontariat dans la sécurité civile.
En revanche, beaucoup moins claire paraît la mise en oeuvre du volontariat de cohésion sociale et solidarité. Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous avoir donné à ce sujet des précisions qui ne figuraient pas dans le projet de loi.
Dans ce domaine, le volontariat civil risque d'être mal identifié et perçu comme un dispositif supplémentaire, au demeurant peu attractif, parmi les multiples formules d'insertion sociale et professionnelle des jeunes. Ainsi, les emplois-jeunes, beaucoup mieux rémunérés, couvrent déjà plusieurs domaines d'intervention potentiels des volontaires civils. Certaines formes civiles du service national sont d'ailleurs déjà remplacées par des emplois-jeunes, avec les adjoints de sécurité dans la police ou les aides-éducateurs dans les établissements scolaires. A l'évidence, ce volet « cohésion sociale et solidarité » souffre encore d'une imprécision.
Enfin, pour compléter cette analyse du projet de loi, on ne peut passer sous silence une interrogation majeure : quel sera l'écho de ce volontariat civil auprès des jeunes ?
J'ai tenté de recenser, dans mon rapport écrit, les facteurs favorables - en particulier, vous l'avez dit, l'extension du volontariat civil aux jeunes filles - et les facteurs limitatifs qui influeront sur le succès de la formule.
J'ai également essayé d'évaluer, secteur par secteur, les perspectives raisonnablement envisageables.
Il en ressort un bilan assez mitigé, plutôt optimiste pour le volontariat des entreprises à l'étranger, plutôt confiant pour les services du ministère des affaires étrangères et les postes d'expansion économique, ou encore pour l'aide technique outre-mer et, enfin, plus réservé pour l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui a déjà engagé une transformation de ses postes de coopérants en postes d'enseignants résidents.
Mais s'il est un secteur qui affiche son pessimisme, c'est bien le secteur associatif, en métropole et plus encore dans le domaine de la solidarité internationale, dans lequel les organisations non gouvernementales emploient actuellement quelque 440 coopérants. C'est là l'un des grands paradoxes de ce projet de loi et son principal point faible. Le secteur associatif ne sera pas, comme on aurait pu le penser, le réceptacle naturel du volontariat civil.
Le coût des volontaires civils excédera, en effet, les capacités de nombre d'associations, alors que l'aide financière de l'Etat se limitera à la prise en charge de la couverture sociale. En outre, les limites d'âge et de durée prévues par le projet de loi cadrent assez mal avec les exigences des ONG qui recherchent souvent des profils plus expérimentés, pour des périodes plus longues que ne le prévoit le texte.
Au total, il apparaît que les ONG devront essentiellement s'appuyer sur le statut du volontariat de solidarité internationale, régi par le décret du 30 janvier 1995, sans doute plus adapté à leurs attentes. La consolidation de ce décret paraît donc indispensable. Monsieur le ministre, vous nous avez donné des assurances à ce sujet et je crois que les organisations non gouvernementales en seront satisfaites.
Mes chers collègues, comme vous pouvez le constater, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc émis sur ce projet de loi des appréciations qui ne sont pas positives.
Néanmoins, elle a estimé que, malgré des limites et des points faibles, dont il faut être bien conscient, le projet de loi a un mérite essentiel et, disons-le, important. En effet, à condition d'être rapidement adopté, ce texte devrait permettre de mettre en place une formule relativement simple, capable de relayer un grand nombre des activités actuellement assurées grâce aux formes civiles du service national.
Je pense en premier lieu à la coopération du service national en entreprise, dont le succès est allé croissant d'année en année, vous l'avez rappelé, messieurs les ministres.
Je citerai simplement quelques chiffres à cet égard : en 1983, 228 jeunes ont effectué leur service national sous cette forme ; ils étaient 1 663 en 1988, soit cinq ans plus tard, 2 583 en 1994, 3 690 en 1998 et 4 300 cette année, en 1999.
Première expérience professionnelle à l'étranger, tremplin pour l'emploi, cette forme de service, très appréciée et recherchée par les jeunes, joue un rôle considérable pour les performances des entreprises françaises à l'étranger. Il n'est pas exagéré de dire aujourd'hui que sa pérennisation, au travers du volontariat civil à l'étranger, constitue un véritable enjeu national. En effet, on évoque même la possibilité de compter quelque 10 000 volontaires civils en entreprise dans les prochaines années.
Le projet de loi devrait également donner aux pouvoirs publics les moyens de maintenir l'apport bénéfique des appelés dans les services de l'Etat à l'étranger, dans de nombreux organismes outre-mer et dans les services départementaux d'incendie et de secours.
La commission s'est donc attachée à privilégier une approche pragmatique et un souci d'efficacité, considérant que l'heure était à la recherche non plus d'un volontariat « idéal », mais à la mise en place très rapide, dans le cadre des contraintes financières qui ont été rappelées, des procédures de recrutement pour faire face aux besoins très réels engendrés par l'extinction progressive de la conscription.
La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donc concentré son travail sur des améliorations du texte préservant l'économie générale de celui-ci et regroupées autour de trois préoccupations principales, à savoir la réussite de la période de transition, au cours de laquelle le volontariat civil devra impérativement pouvoir tabler sur le vivier potentiel le plus large possible, l'amélioration du statut du volontariat civil, quelque peu en retrait par rapport au projet précédent sur les plans fiscal et social, en prenant également en compte la reconnaissance du volontariat dans l'insertion sociale et professionnelle, et enfin la situation particulière des associations de solidarité internationale, afin que leur action au service du développement, qui constitue elle aussi un enjeu national, puisse être confortée dans le cadre d'un statut pleinement reconnu.
En conclusion, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je crois pouvoir dire que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, malgré ses réserves, a considéré le volontariat civil comme une création utile pour notre jeunesse et utile pour le pays. Les amendements qu'elle a adoptés renforceront le texte en préservant l'objectif d'une adoption rapide par le Parlement. En effet, il est désormais urgent de préparer la relève de nombreux appelés par les futurs volontaires civils et surtout faire connaître le volontariat civil aux jeunes, par un indispendable effort de communication auprès de tous ceux qui, d'ici à quelques mois, ne seront plus concernés par le service national sous sa forme actuelle.
Messieurs les ministres, je tenais à le souligner tant cet effort est important. Une campagne de communication nous paraît nécessaire dans les écoles, les universités et lors de la journée APD, l'appel de préparation à la défense.
Il serait regrettable, mes chers collègues, de priver notre pays du vivier de compétence et de dévouement que représente aujourd'hui la jeunesse française.
C'est sous le bénéfice de ces observations que la commission vous demande d'adopter le projet de loi relatif aux volontariats civils assorti des amendements qu'elle propose. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Ferrand.
M. André Ferrand. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, c'est le troisième volet « Coopération internationale » du projet de loi relatif au volontariat civil que nous examinons ce soir, et plus particulièrement la partie qui concerne le domaine économique et le volontariat en entreprise dont je souhaite vous entretenir.
Je voudrais tout d'abord exprimer ma vive appréciation à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, et particulièrement, à son rapporteur, pour la qualité du travail accompli et la pertinence des améliorations qui nous sont proposées et qui visent principalement à rendre plus attrayantes les dispositions de cette loi tant attendue.
En effet, ne nous y trompons pas, mes chers collègues, c'est un texte important que nous examinons ce soir.
Il est important, car l'ambition de tous ceux qui l'ont inspiré et qui ont soutenu, porté et poussé ce projet, craignant qu'il n'arrive trop tard, est de lui permettre d'assurer sans rupture la continuité, dans ses effets positifs, aujourd'hui reconnus par tous, du système des CSN, et plus particulièrement des CSNE.
Cette institution, cela a été rappelé, a permis depuis 1983 à quelque 32 000 de nos jeunes compatriotes de participer au développement international de nos entreprises, les plus grandes au début, puis, progressivement - cette évolution est heureuse - de celles de taille plus modeste, les PME.
En même temps, ces jeunes acquéraient une expérience professionnelle ainsi que cette ouverture sur le monde que les Français, réputés casaniers, n'ont pas naturellement dans leurs gènes. Cela leur a très largement facilité l'accès à l'emploi, car ils ont souvent été embauchés par les entreprises, en particulier les PME, qu'ils avaient servies.
L'enjeu est donc fondamental pour notre commerce extérieur, pour l'internationalisation de nos PME et pour l'apprentissage à la mobilité internationale de nos jeunes compatriotes ; autant de conditions à la présence et au rayonnement de notre pays dans le monde.
Il n'a échappé à personne que la grande différence entre la situation actuelle et celle que nous préparons réside dans la disparition du caractère obligatoire du service national. Nos jeunes n'auront plus, demain, cette obligation et ils auront évidemment tendance, en particulier les mieux diplômés d'entre eux, à vouloir entrer directement dans les entreprises pour y commencer une carrière, d'entrée plus rémunératrice.
En revanche, on le sait, on peut heureusement s'attendre à un renfort important de jeunes filles et de jeunes femmes auxquelles le nouveau système sera beaucoup plus naturellement accessible que le service national actuel.
S'il est difficile de dessiner le profil du volontaire en entreprise à l'international issu du projet que nous étudions et de ses futurs textes d'application, on peut au moins imaginer qu'il sera diplômé à un moindre niveau, et plus souvent une femme que le CSNE d'aujourd'hui.
S'il faut nous féliciter que des jeunes de niveau BTS ou DUT puissent, plus nombreux, accéder à l'emploi à l'international, il nous faudra cependant nous attacher à ce que leur niveau moyen de formation et de spécialisation soit tel que leur image reste suffisamment bonne, pour que les entreprises les réclament, et valorisante pour susciter le maximum de vocations de qualité.
Messieurs les ministres, pour atteindre cet objectif déterminant, il aurait évidemment mieux valu que nous disposions d'un texte qui eut été plus cohérent parce que tout entier consacré à cette catégorie des volontaires à l'international.
Ce n'est pas le cas du projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui. Nous le regrettons, mais nous ne nous étendrons pas sur ce point car le temps nous est maintenant particulièrement compté. C'est donc par la qualité des textes d'application qu'il faudra compenser les effets de la confusion qui pourrait naître de ce mélange des genres.
Aujourd'hui, pour que le système que nous nous apprêtons à mettre en place prenne avec succès le relais de l'actuel, nous devons satisfaire à trois conditions : premièrement, il faut faire vite ; deuxièmement, il faut rendre le système aussi attrayant que possible ; troisièmement, il faudra rapidement, beaucoup et bien communiquer.
Premièrement, il faut faire vite car, vous le savez, on a beaucoup tardé. Aujourd'hui, alors que chacun sait que la fin du service national obligatoire est programmée, bien peu savent qu'un système de substitution est en préparation. Dès lors, les entreprises prévoient d'autres solutions de remplacement qui excluent ces jeunes qu'il n'est pas non plus possible d'informer et d'inviter à s'engager dans cette voie, tant que les conditions dans lesquelles ils pourraient le faire ne sont pas définies.
Il faut craindre les conséquences d'une telle rupture. Pour l'éviter, pendant que nous fonctionnons encore selon l'ancien schéma, il faudra pouvoir, dès que possible, amorcer le nouveau dispositif et l'ouvrir aussi largement que possible. L'article additionnel proposé par la commission va dans ce sens et facilitera la transition.
Il est également indispensable que le calendrier parlementaire prenne en compte cette urgence.
Quant aux textes d'application, je pense que nous pouvons faire confiance aux acteurs concernés. Nous avons ainsi toutes les raisons de penser que l'administration, en particulier la direction des relations économiques extérieures, en concertation avec ses partenaires privilégiés tels que le CFME ACTIM fera en sorte que ces textes « sortent », le moment venu, dans les meilleurs délais.
Ainsi que le prévoit l'amendement à l'article 17 proposé par la commission, qu'il nous faut soutenir avec vigueur, le Conseil supérieur des Français de l'étranger sera auparavant consulté.
Deuxièmement, s'il faut faire vite, il est également nécessaire que le dispositif proposé soit attractif. Il devra l'être à la fois pour les entreprises et pour les jeunes.
Les entreprises, quant à elles, seront sensibles à la possibilité qui pourrait leur être donnée, dans le décret d'application, de se grouper à deux ou plus pour partager les frais et les services d'un volontaire, de pouvoir confier à ce dernier la responsabilité d'une activité située à la fois sur plusieurs pays, de voir leur éligibilité au système appréciée avec souplesse en fonction des services réels qu'elles rendent à nos activités économiques internationales plutôt que de la nationalité de leurs propriétaires et dirigeants ou un calcul plus ou moins tatillon de la part française de leur capital social.
Elles apprécieront également la possibilité de conventions de durées diverses qu'elles pourront adapter à leurs besoins.
Quant aux jeunes, s'il est vrai que l'ouverture plus grande du système aux femmes constituera une source supplémentaire de candidatures, il n'en faudra pas moins, pour assurer son succès, faire en sorte que ce nouveau produit apparaisse aussi séduisant que possible.
Les propositions de la commission concernant la défiscalisation complète de toutes les formes possibles d'indemnités, ainsi que l'extension de la couverture sociale aux ayants droit vont, très heureusement, dans ce sens.
Les différentes études et les rencontres menées et organisées en partenariat entre le CFME-ACTIM qui, vous le savez, est l'organisme gestionnaire des CSNE, et les conseillers du commerce extérieur de la France avec les universités, les grandes écoles, les entreprises, les organisations professionnelles, l'ANPE internationale, les associations d'anciens élèves et les étudiants eux-mêmes ont montré à quel point il était important qu'une telle expérience puisse être considérée comme valorisante dans un parcours préprofessionnel ou un curriculum vitae.
La commission a ouvert des pistes intéressantes dans ce sens grâce à deux articles additionnels, dont l'un prévoit la délivrance par le ministre compétent d'un « certificat d'accomplissement du volontariat » et l'autre, relatif à l'article 13 du projet de loi, dispose que « le temps effectif de volontariat civil est compté dans la durée d'expérience professionnelle requise pour le bénéfice de la validation des acquis professionnels en vue de la délivrance d'un diplôme de l'enseignement supérieur ou technologique ou d'un titre professionnel ».
C'est pour conférer une « vertu diplômante » de ces périodes passées en entreprise que les textes d'application devront inciter les écoles et les universités à les inscrire dans leurs cursus.
Troisièmement, enfin, dès que ces nouvelles règles, parées de tout le pouvoir attractif que nous voulons leur donner, seront définitives, il faudra faire en sorte de les porter à la connaissance de tous les acteurs : étudiants, entreprises, écoles, universités...
C'est un véritable plan de communication qu'il faudra mettre au point, et tous les partenaires qui se sont engagés avec conviction et efficacité autour de ce projet, dès que la fin du service national obligatoire a été annoncée, devront à nouveau être mobilisés.
Nous savons qu'eux aussi, conscients de l'importance de l'enjeu, attendent avec impatience l'issue du processus législatif et réglementaire et se tiennent prêts à apporter avec enthousiasme leur contribution.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est sur cette note positive que je voudrais conclure.
Vous l'avez compris, toutes les bonnes volontés, les nombreuses forces attachées à la réussite de cette forme de pérennisation évolutive d'un système qui a tant apporté à notre présence dans le monde et à l'internationalisation de notre jeunesse attendent avec impatience que nous leur donnions les moyens de poursuivre leur mission. Ne les décevons pas.
Le groupe des Républicains et Indépendants, quant à lui - est-il besoin de le dire ? - votera en faveur du texte proposé par la commission. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Penne.
M. Guy Penne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord souligner que ce projet de loi s'inscrit dans la continuité d'une réforme commencée voilà quelques années et qui a abouti avec le vote de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national.
Ce vaste mouvement de réforme, qui a bouleversé l'organisation de notre défense, a mis sur la sellette le nécessaire projet de loi dont nous débattons ce soir. Nous savons tous que les volontariats civils ont été institués par l'article L. 111-2 du code du service national voté en 1997.
Comme le signale l'exposé des motifs du projet de loi, depuis 1965, près de 150 000 coopérants ont accompli leur service national à l'étranger, dans les ambassades, les entreprises, des organisations non gouvernementales ou grâce à la coopération technique.
Nous avons aussi près de 31 000 volontaires de l'aide technique dans les départements, territoires et collectivités d'outre-mer.
Par ailleurs, plus de 75 000 objecteurs de conscience en métropole ont effectué leur service national, sous des formes civiles, au service de la communauté.
Il ne faut pas oublier non plus les 70 000 policiers auxiliaires, depuis 1986, les 4 000 sapeurs-pompiers auxiliaires et les 45 000 appelés au titre du « service ville » depuis 1992.
Il était donc évident qu'il fallait trouver une solution à l'abandon des formes civiles actuelles du service national. La philosophie du projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre, vise justement à « préserver et même à développer, dans le cadre d'un nouveau service civil de volontariat, une mission au bénéfice du rayonnement international de la France, ainsi qu'une réponse aux besoins croissants de sécurité, de prévention, de cohésion sociale et de solidarité ».
Nous partageons vos objectifs et nous pensons que le projet de loi répond, pour l'essentiel, aux questions soulevées par la professionnalisation des armées et, surtout, par la disparition du service national sous sa forme actuelle.
Les jeunes Français, garçons et filles, pourront, entre dix-huit et vingt-huit ans, effectuer, pendant une période comprise entre six et vingt-quatre mois, un volontariat civil dans trois domaines.
Ils pourront l'effectuer au titre de la prévention, de la défense et de la sécurité civiles, par des missions de protection des personnes, des biens ou de l'environnement. Les volontaires seront affectés dans les services spécialisés dans la protection des populations et de l'environnement au sein d'établissements publics et des collectivités territoriales.
Ils pourront aussi effectuer un volontariat civil dans le domaine de la cohésion sociale et de la solidarité, afin d'aider les personnes en difficulté, d'améliorer le cadre de vie et de participer à des actions culturelles ou éducatives.
Enfin, ils pourront effectuer un volontariat civil au bénéfice de la présence de la France à l'étranger afin de contribuer au développement des entreprises françaises sur les marchés extérieurs, à l'aide au développement et à la diffusion de la culture et de la langue françaises.
Ces actions doivent pouvoir se développer aussi dans les départements, les territoires et les collectivités d'outre-mer et en Nouvelle-Calédonie.
A l'avenir, l'abandon des formes civiles actuelle du service national privera un grand nombre d'administrations et d'entreprises d'une ressource souvent indispensable ; je pense aux coopérants du service national en administration, les CSNA, et aux coopérants du service national en entreprise, les CSNE. Un récent rapport du Conseil économique et social évalue à 1 600 postes le nombre des volontaires du service national qu'il faudra remplacer.
Il y a donc une certaine urgence à adopter ce projet de loi concernant avant tout les formes de volontariat civil issues de la réforme du service national.
Néanmoins, je persiste à croire qu'il est nécessaire de prendre le temps de mener une réflexion vaste et approfondie sur le statut social du volontaire et sur la place des volontariats dans notre société. Cela concerne, bien entendu, non seulement les volontariats issus du service national, mais aussi d'autres formes possibles de volontariats dont les dispositifs doivent être améliorés.
Un sujet de préoccupation réside dans la capacité que notre pays aura à susciter le volontariat civil tel qu'il est défini dans le projet de loi et à en élargir le recrutement, le rendant attractif, transparent et démocratique. Il ne faudrait pas que le volontariat, notamment celui qui se déroule à l'étranger, soit réservé à une élite diplômée ou ayant les appuis nécessaires pour décrocher les meilleures opportunités.
Les jeunes Françaises et Français auront donc la possibilité de s'impliquer dans un projet utile, en France ou à l'étranger. Ce projet de loi règle les « droits et obligations du volontaire civil », détermine le montant de l'indemnité mensuelle, identique pour toutes les formes de volontariat, et définit un régime complet de protection sociale du volontaire.
Je ne reviendrai pas sur les points déjà traités par le rapporteur. Les débats en commission ont dégagé un large consensus autour des mérites de ce projet de loi. La discussion des amendements nous permettra d'aborder quelques insuffisances.
Toutefois, je souhaiterais m'attarder sur certains aspects qui méritent notre considération.
Tout d'abord, un point très important doit, à mon avis, régir l'ensemble de l'approche face à ce projet de loi : le volontariat civil, qui est régi par un statut de droit public, a une spécificité propre.
Il ne s'agit pas d'une forme de bénévolat ; il ne s'agit pas d'un emploi déguisé.
Le bénévolat est nécessaire, il faut l'encourager et nous admirons la générosité des bénévoles, qui se manifeste dans des associations et, plus largement, dans de nombreuses activités de la vie sociale. Mais le bénévolat n'est pas le volontariat civil.
Celui-ci ne doit pas non plus entrer en concurrence avec l'emploi. Le recours au volontariat, en France ou à l'étranger, ne doit pas devenir un moyen de créer de vrais-faux emplois, mal rémunérés et allant à l'encontre de la politique du Gouvernement, qui est clairement orientée vers la lutte contre le chômage.
L'idéal serait que le volontariat civil ne se substitue pas à un emploi rémunéré potentiel ou existant ; aussi, il devrait avoir pour objet des activités non lucratives et qui défendent l'intérêt commun.
Ensuite, je pense qu'il est aussi nécessaire de veiller à préserver et à encourager des formes de volontariat de droit privé, reconnues par l'Etat. Je fais référence notamment aux dispositions prévues par le décret n° 95-94 du 30 janvier 1995 relatif aux volontaires et aux associations de volontariat pour la solidarité internationale.
Finalement, le volontariat à l'échelle de l'Union européenne peut jouer un rôle important dans le développement du volontariat, mais aussi pour dynamiser la démarche vers une citoyenneté européenne.
Il serait donc important que le Gouvernement prenne en compte cette dimension pour que, à l'occasion d'une prochaine lecture, ici au Sénat, l'accès au volontariat de ressortissants de l'Union européenne soit incorporé au texte de loi. De même, je vous demande d'étudier l'ouverture du volontariat civil à des ressortissants des pays avec lesquels la France pourrait passer des conventions d'échange et de partenariat.
Je pense que cet aspect pourrait intéresser, surtout, les volontaires qui se destinent à la coopération internationale au développement sous toutes ses formes.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger sur quelques points précis. Comment faire pour que les ONG qui travaillent à l'étranger puissent continuer à disposer de l'appui de l'Etat, comme elles en bénéficient actuellement à travers les coopérants ? Quelles passerelles peuvent exister entre notre système de volontariat civil, les volontaires internationaux régis par le décret de 1995 et le service volontaire européen ?
Nous pensons que ce volontariat civil, tout en favorisant l'attachement des jeunes à la nation, leur permettra de servir les intérêts nationaux et internationaux de la France.
Nous approuvons la démarche du Gouvernement, et c'est pour cela que le groupe socialiste votera ce texte.
MM. Robert Del Picchia et Hubert Durand-Chastel. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Durand-Chastel.
M. Hubert Durand-Chastel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la globalisation actuelle nécessite une présence renforcée de nos ressources humaines dans le monde. Or la présence française à l'étranger est nettement insuffisante, très inférieure à celle de nos principaux partenaires et concurrents. Pourtant un quart de notre produit national brut résulte du commerce extérieur, et cette part continuera à croître dans les prochaines années, avec l'accélération des transports et la diminution de leurs coûts.
L'excellente formule des coopérants du service national constituait jusqu'à présent le véritable vivier de l'expatriation, puisque environ les deux tiers des CSN envoyés à l'étranger y retournaient après leur service pour s'y installer. Comme il s'agissait en général de recrues de haut niveau, cette élite apportait aux pays d'accueil des éléments positifs de développement et contribuait au prestige de la France dans le monde. Avec la fin du service national obligatoire, il fallait trouver une formule de substitution.
Le Gouvernement a prévu leur remplacement par un volontariat civil qui fait l'objet du projet de loi que nous examinons aujourd'hui. Les Français de l'étranger approuvent la mise en place du nouveau dispositif, leur assemblée représentative s'étant prononcée à plusieurs reprises à ce sujet.
Personnellement, je ne peux que regretter qu'une loi spécifique pour le volontariat civil à l'étranger n'ait pas été retenue, car nos lois sont territoriales et les conditions métropolitaines sont bien distinctes de celles qui prévalent à l'étranger !
Par ailleurs, l'accomplissement de volontariats civils dans l'Hexagone présente le risque non négligeable de juxtaposition avec des formules d'emploi existantes, les emplois-jeunes par exemple. En outre, le volontariat civil instauré dans le domaine de la cohésion sociale et de la solidarité pourrait même retarder le développement des services non marchands à la personne, dont notre pays a pourtant besoin pour créer de nouveaux emplois.
Quoi qu'il en soit, le présent projet de loi est extrêmement important pour, d'une part, permettre à notre jeunesse d'acquérir une expérience sociale et professionnelle et, d'autre part, maintenir la position de notre pays à l'extérieur.
Le statut de droit public donné aux volontaires est une très bonne formule et assure à ces derniers la meilleure garantie possible à l'étranger, en particulier en matière de protection sociale et de sécurité. L'ensemble des dispositions prévues est satisfaisant et les amendements présentés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, destinés à améliorer le dispositif, ne modifient pas fondamentalement le texte initial.
Cependant, l'inclusion dans la loi du volontariat civil dans l'Hexagone a abaissé, à mon sens, le régime indemnitaire qu'il aurait convenu d'offrir aux volontaires à l'étranger. Certes, des prestations supplémentaires permettent de combler cette différence, mais il me semble que le plafond de 50 % de la rémunération afférente à l'indice brut 244 de la fonction publique, soit moins de 3 000 francs, est bien modeste par rapport au SMIC et qu'il s'applique bien mal aux volontaires de haute qualification qui ont constitué, jusqu'à présent, la grande majorité des partants.
N'y a-t-il pas une sous-estimation qui n'est pas du tout incitative pour les meilleurs, alors même que le service national ne sera plus obligatoire ? Reconnaissons que, pour la métropole, un haut niveau de compétence ne pouvait être requis pour les objecteurs de conscience, les policiers auxiliaires ou les volontaires de l'aide technique départementale. Au contraire, les missions principales des futurs volontaires à la coopération internationale et à l'action humanitaire continueront à porter sur la diffusion de la langue et de la culture françaises dans le monde, la présence française dans les domaines de la recherche internationale, de la défense des intérêts économiques au sein des postes d'expansion économique et des entreprises. Ces affectations réquièrent des volontaires motivés et préparés.
Certes, le volontariat civil à l'étranger constitue une expérience enrichissante sur le plan personnel et prépare nos futurs cadres à l'international. Pour cette raison, on peut craindre que la qualité des futures recrues ne soit pas équivalente à celle de leurs prédécesseurs. Notre commerce extérieur, brillant actuellement, risque d'en pâtir.
En outre, le nombre de volontaires civils à l'étranger peut aussi être affecté par les médiocres conditions offertes ; bien sûr, l'emploi des jeunes est et restera difficile, mais cette observation concerne essentiellement les moins bien préparés qui n'apporteraient pas aux pays d'accueil les valeurs qui leur permettraient d'y réussir avec un développement créateur.
Un élément très positif de ce nouveau dispositif est la possibilité pour les jeunes filles d'accéder désormais à toutes les formes de volontariat civil ; elles n'étaient que très peu nombreuses précédemment à occuper des postes de CSN à l'étranger. Cet aspect devrait contribuer à augmenter les potentialités de recrutement, les filles s'engageant fréquemment dans des actions volontaires. Ainsi, la parité inscrite dans la Constitution est-elle encouragée.
Enfin, je souhaite profiter de cette discussion pour attirer l'attention du Gouvernement sur le statut d'autres volontaires, les volontaires de la solidarité internationale, qui reste précaire car dépendant du seul décret du 30 janvier 1995. Les associations qui gèrent ces volontaires, très appréciés à l'étranger, attendent une reconnaissance législative de leur action par l'établissement d'un statut clair et stable de leurs bénévoles, dont l'activité ne chevauche d'ailleurs pas celle des futurs volontariats civils.
Il a été certes précisé que le présent texte n'abrogerait pas le décret de 1995, qui relève d'un statut privé. Les associations concernées avaient initialement demandé de faire coexister les deux textes, qui sont respectivement de droit public et de droit privé, mais, d'un point de vue juridique, cela aurait prêté à confusion. De plus, le Premier ministre a souhaité que les débats soient séparés.
Répondant à ma question lors du Bureau permanent du Conseil supérieur des Français de l'étranger en décembre 1998, un fonctionnaire des affaires étrangères avait indiqué qu'il y aurait un autre débat sur le décret de 1995. Quelles sont les intentions du Gouvernement à ce sujet? Selon quel calendrier ce débat pourra-t-il avoir lieu ? La célébration du centenaire de la « loi 1901 » ne fournirait-elle pas une très bonne occasion, monsieur le ministre ?
La commission des affaires étrangères du Sénat a souhaité, dès à présent, engager l'avenir en déposant un amendement visant à insérer un article additionnel après l'article 15 qui, nous l'espérons, incitera le Gouvernement à se diriger dans cette voie.
Elle souhaite également que les textes d'application soient pris rapidement après le vote, afin que l'on puisse commencer à recruter au plus tôt pour assurer la relève des CSN actuels.
Il s'agit en effet pour l'Etat d'encourager toutes les formes de volontariat, alors que notre jeunesse est de plus en plus encline à la générosité et à l'action humanitaire, et que des professionnels compétents souhaitent consacrer quelques années de leur vie à une activité bénévole au service des hommes et du développement.
Je vous remercie, monsieur le ministre, des réponses que vous m'apporterez, afin que je vote ce texte en toute satisfaction. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Bécart.
M. Jean-Luc Bécart. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous abordons, avec ce texte, le dernier volet législatif traitant des conséquences de la réforme de notre outil de défense. Cette réforme, centrée sur la professionnalisation complète de nos forces armées d'ici à 2002, a été mise en route par le Président de la République en février 1996.
Nous n'étions pas convaincus, mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même - et nous ne le sommes toujours pas - du bien-fondé de la création d'une armée de métier. Nos préférences allaient vers une modernisation du service national plutôt que vers sa suppression ou son maintien en l'état. Néanmoins, nous sommes évidemment conscients de la nécessité de ce présent projet de loi, très attendu compte tenu de l'importance qu'avaient prises, en France et à l'étranger, les différentes formes civiles du service national.
Cette évolution n'était pas sans poser quelques questions de fond, d'abord, sur l'universalité du service national, les plus diplômés ayant plus tendance à faire un service civil, les moins diplômés un service militaire, ensuite, sur cette différence de traitement entre jeunes Français et, enfin, sur les abus, certes peu nombreux, mais constatés ici ou là et consistant à utiliser une main-d'oeuvre à bon marché au lieu d'emplois stables et normalement rémunérés.
Cela étant, il faut souligner ici tous les acquis positifs résultant de l'activité de ces jeunes appelés, tant en métropole, dans les services de sécurité civile, les services sociaux, sanitaires, dans les quartiers défavorisés..., que dans les départements et les territoires d'outre-mer ou encore à l'étranger avec les coopérants, les CSNE...
Il fallait donc trouver une formule qui permette, sous la forme du volontariat, de pérenniser ces missions d'intérêt général, qu'elles soient au bénéfice du rayonnement international de notre pays ou qu'elles contribuent à répondre à certains besoins de cohésion sociale, de solidarité et de prévention en métropole.
Même si ce projet de loi reste limité dans ses ambitions, car bridé par une enveloppe financière qui ne sera pas supérieure à celle du service national civil, il a, à nos yeux, beaucoup de mérites. Il convient d'ailleurs qu'il soit adopté rapidement, car, en cette période de transition et, plus précisément, d'extinction par paliers de la ressource en appelés, il est urgent de lancer le nouveau système sous peine de désamorcer le mouvement.
Cela dit, nous ne cacherons pas certaines interrogations.
La première porte sur l'attractivité de la rémunération : 3 000 francs mensuels, certes complétés, éventuellement, par la prise en charge des frais de subsistance, d'équipement et de logement. Tout cela ne va pas bien loin.
Il est vrai que nos craintes peuvent être atténuées en ce qui concerne la plupart des missions à l'étranger, ces dernières possédant des attraits particuliers évidents. Mais en ce qui concerne l'activité de volontariat en France, l'incertitude est plus forte.
On peut se demander, sans vouloir jouer les « Monsieur Plus », quelles sont les raisons de la différence de rémunération entre un volontariat civil, d'une part, et un volontaire militaire, voire un « emploi-jeunes », d'autre part. Cette différence de traitement ne risque-t-elle pas d'être mal vécue dans les services ou associations où volontaires civils et emplois-jeunes vont se côtoyer ou travailler ensemble ?
Certaines associations, certaines ONG, aujourd'hui accueillant des jeunes du service national, auront, on le sait bien, du mal à accepter des jeunes volontaires faute de pouvoir payer la rémunération, les frais annexes et une partie de la couverture sociale.
On peut aussi se demander comment remplacer les jeunes qui avaient opté pour le statut d'objecteurs de conscience, car même avec l'ouverture du système aux filles, on voit mal une « relève » s'effectuer. En effet, mis à part quelques anarchisants, quelques intégristes de la non-violence ou adhérents de sectes, la plupart de ces jeunes s'abritaient derrière ce statut pour échapper au service militaire.
Je partage l'essentiel des propositions de M. le rapporteur visant à améliorer ce texte, et je tiens à rendre hommage à la qualité de son travail. Néanmoins, je suis plus que réservé sur le principe de l'exonération fiscale de l'indemnité de base du volontariat civil. Je ne suis pas sûr que créer ainsi un régime dérogatoire soit la meilleure solution.
Si nous sommes nombreux ici à déplorer la modicité de la rémunération de base, il vaudrait mieux essayer de trouver un accord avec le Gouvernement, sans tomber dans le jeu de la surenchère, pour la fixer à un niveau plus convenable, plutôt que d'entrer dans une logique de régime dérogatoire, logique fort contestable, puisqu'elle peut s'appliquer demain dans beaucoup de domaines.
Au total, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous approuvons ce projet de loi, tout en espérant que le Gouvernement se montrera ouvert aux propositions visant à l'améliorer. (Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Trucy.
M. François Trucy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi portant réforme du service national de 1997 a créé, entre autres choses, le volontariat civil.
L'article L. 111-2 de cette loi substitue donc au service national, fondé sur l'obligation, un volontariat traduisant un choix personnel et le désir d'être utile à la communauté nationale.
Ainsi pourra continuer à se développer le sentiment d'appartenance à la nation et, tandis que le volontariat dans les forces armées pérennisera le lien armées-nation, le volontariat civil sera le gage d'un esprit de solidarité nationale tout aussi nécessaire.
Ces préoccupations ont motivé remarquablement notre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui a produit un travail méritant nos louanges.
Dès que le débat sur la réforme du service national s'est engagé, aux interrogations sur ses conséquences militaires se sont ajoutées de nouvelles inquiétudes.
Il s'agit, tout d'abord, de celles qui sont relatives à la disparition, au terme de la période transitoire, de l'effort d'intégration, d'éducation et de formation que les cadres de l'armée de métier faisaient au profit des jeunes appelés du contingent et plus particulièrement les plus défavorisés d'entre eux. Qui allait relayer l'armée ? Quelles institutions civiles, coûteuses et complexes remplaceraient l'institution militaire ? Ces questions restent toujours sans réponse.
La deuxième inquiétude était partagée par l'ensemble des ONG et des associations oeuvrant dans le cadre de la solidarité. Comment remplacer les coopérants issus du service national ?
A cette question majeure, la loi de réforme répondait que le service national universel comportait non seulement des obligations - le recensement, l'appel de préparation à la défense et l'appel sous les drapeaux, actuellement suspendu - mais aussi le volontariat.
L'article. 111-3 que je ne reprends pas détaillait toutes les conditions et les premières informations sur ce concours personnel et temporaire à des missions de service public, soit en France, dans le domaine de la prévention, de la solidarité et de l'aide technique, soit à l'étranger dans les domaines de la coopération internationale et de l'aide humanitaire.
Une loi ultérieure devait définir les conditions d'exercice. Elle arrive ; nous l'examinons.
C'est clair : ce projet de loi ne concerne qu'un sous-ensemble parmi tous ceux qui oeuvrent dans le domaine immense de la solidarité nationale et internationale, le sous-ensemble de celles et de ceux qui, dans la continuité des formes civiles anciennes du service national, adhèrent à un volontariat civil, bien distinct des formes du volontariat de droit privé, qui, reconnues par l'Etat, bien entendu, continuent de constituer une alternative forte pour l'action des associations qui offrent un cadre adapté à des objectifs spécifiques.
Le décret du 30 janvier 1995 a fixé le statut de ces dernières.
Il faut être bien conscient que, de la sorte, le projet de loi que nous examinons ne concerne que les jeunes gens de dix-huit à vingt-huit ans, s'engageant pour un maximum de vingt-quatre mois à travailler dans un service de l'Etat à l'étranger ou dans les DOM-TOM auprès d'une personne morale autre que l'Etat mais dont les activités sont agréées par un des ministères compétents et sous l'autorité d'un ministre. Ils relèvent des règles du droit public et l'ensemble des rémunérations, indemnités, droits, garanties de tous ordres est apporté par l'Etat dans la limite des crédits disponibles.
L'ensemble de ces avantages est important, complet, et on peut sur ce point, monsieur le ministre, porter sur le projet de loi une appréciation tout à fait positive.
Le lien contractuel prévu est donc précis : le volontaire, l'Etat et une personne morale.
On ne peut prévoir aujourd'hui quel sera le succès de l'attractivité de ce statut. L'avenir le dira mais, si la mentalité de nos jeunes filles et de nos jeunes gens reste ce qu'elle est à l'heure actuelle, il n'y a aucune raison de craindre une diminution de cette ressource.
Les 150 000 coopérants à l'étranger, les 31 000 techniques dans les DOM-TOM, les 70 000 sapeurs-pompiers auxiliaires, les 45 000 appelés au service ville depuis 1965 nous donnent la mesure du challenge qui est offert à cette nouvelle forme de volontariat civil, qui veut, aux termes de l'exposé des motifs du projet de loi, « répondre à une philosophie distincte de l'emploi et du bénévolat ».
Reste, monsieur le ministre, à apporter une réponse tout aussi précise et complète à la demande des ONG, car les autres formes de volontariat ont tout autant besoin d'un statut.
Le décret du 30 janvier 1995 a de grandes qualités, mais ce n'est qu'un décret ; il y aura bientôt cette loi pour les volontaires de droit public, nous attendons une autre loi pour les volontaires de droit privé.
Ne faut-il pas regretter que l'ensemble, polymorphe certes, des associations, des ONG, aient leurs statuts et leurs conditions d'exercice réglées par des textes différents ?
Et quand la loi sur le bénévolat dans le sport verra le jour, parviendra-t-on à édifier un ensemble cohérent ?
Ce genre de situation où plusieurs textes voisins règlent différemment des systèmes comparables est en général source de confusion et de litiges.
En dépit de ce problème préoccupant, le groupe des Républicains et Indépendants, comme l'a indiqué mon ami André Ferrand, votera le texte amendé par le Sénat. Toutefois, il réitère son regret de ne lui voir régler que le problème des volontaires civils liés à l'Etat et redit son attachement à ce qu'un projet de loi vienne le plus rapidement possible compléter ce dispositif au profit des ONG de droit privé. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste, du RPR, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Je serai bref compte tenu de l'heure, mais je souhaite tout de même répondre maintenant à certaines des questions qui m'ont été posées.
M. le rapporteur et M. Ferrand ont insisté sur le besoin de donner de la publicité au nouveau système, et ce pour au moins deux raisons : d'abord, parce que c'est un nouveau système ; ensuite, parce que le précédent, comme je l'ai indiqué dans mon intervention liminaire, s'organisait dans une relative confidentialité.
Il y avait ceux qui savaient et les autres, et tout le monde se satisfaisait de cet état de fait. Pour notre part, nous ne voulons pas nous contenter d'une situation où, comme le rappelait M. Bécart, un partage était opéré entre ceux qui avaient fait des études et pouvaient prétendre au service civil et ceux qui n'en avaient pas fait ou qui avaient un niveau d'études moindre et qui relevaient du service militaire.
Je suis convaincu que le nouveau texte porte en lui une modification en profondeur du volontariat et, parce que le changement va être important, nous avons nécessairement du mal à en apprécier les conséquences. Il faudra, bien évidemment, mettre en place une évaluation continue des premières applications de ce nouveau système. Nous allons demander aux différents postes diplomatiques, aux consulats, d'être attentifs à la manière dont les choses vont se passer. De la même façon, nous suivrons de près la manière dont les entreprises vont utiliser le nouveau dispositif.
Les besoins en publicité, je les reconnais. Cette publicité doit être dirigée vers les établissements scolaires au sens large et concerner les élèves en fins d'études ou les étudiants. Le monde associatif me paraît être aussi un bon relais. Comme les associations vont être parties prenantes à ce système, elles auront intérêt à organiser cette publicité ; il faudra bien évidemment les y aider.
Un effort particulier d'information doit être effectué à l'égard des femmes, qui, jusqu'alors, n'étaient pas partie à l'organisation. Elles ont besoin d'être davantage informées puisque désormais elles pourront, elles aussi, être volontaires.
La journée d'information organisée par les armées est évidemment un moment privilégié. Avec le ministère de la défense, nous allons étudier concrètement quelle forme doit prendre cette information : une vidéo ? Un texte ? Il va falloir le déterminer.
M. Guy Penne a soulevé - il n'est pas le seul d'ailleurs - un certain nombre de problèmes relatifs aux moyens, évidemment insuffisants, des ONG pour faire face à ce nouveau besoin que va représenter l'appel aux volontaires civils.
En ce qui concerne le décret du 30 janvier 1995, je dirai que, malgré ses insuffisances, il peut être amélioré. J'ai entendu M. Durand-Chastel l'évoquer, en souhaitant que cette amélioration ait lieu - pourquoi pas ? - à l'occasion du centenaire de la loi de 1901.
Je suis tout prêt à examiner avec vous, monsieur le sénateur, et les intéressées, c'est-à-dire les associations, de quelle façon améliorer ce texte tout en restant dans un certaine limite. On ne peut, en effet, faire évoluer le statut de volontaire jusqu'à le faire ressembler à celui de salarié ordinaire, allais-je dire : d'autres difficultés surgiraient. Il n'est pas sûr d'ailleurs que les associations elles-mêmes n'éprouveraient pas quelques difficultés à l'appliquer.
Entre l'envie de l'intéressé de bénéficier d'une plus grande sécurité et d'une meilleure « rémunération » et la situation particulière des associations, on voit bien où se situe la difficulté.
Le régime du volontariat civil va, bien entendu, organiser la prise en charge par l'Etat de la couverture sociale de l'intéressé, un peu à l'image du décret de 1995, aux termes duquel l'Etat prend à sa charge une partie de la couverture sociale et la prime de réinsertion.
Je fais confiance aux associations pour intégrer cette nouvelle charge, dans la présentation de leur budget à destination des organismes qui les aident. Les mairies, les départements savent reconnaître les besoins réels qu'une association peut exprimer ; je ne doute pas qu'ils sauront répondre à cette nouvelle situation.
M. Durand-Chastel disait à l'instant que le niveau modeste de l'indemnisation prévue ne permettra pas de recruter des volontaires de même valeur qu'aujourd'hui. Certes, c'est bien évident. Le profil des volontaires, demain, sera probablement différent de celui des jeunes gens qui, aujourd'hui, acceptent des situations qui leur permettent d'échapper aux rigueurs supposées du service militaire. Mais parce que le profil des volontaires sera différent, parce que leurs motivations seront différentes, les aspects matériels, sans être forcément secondaires, n'auront plus la même importance. On peut penser, je le répète, que l'envie soit de servir un propre projet professionnel, comme première expérience, soit de servir tout court, permettra de recueillir des candidatures nombreuses, malgré la perspective d'une situation qui ne sera pas forcément très confortable.
Pourquoi ne pas ouvrir - c'est encore une proposition de M. Penne - le volontariat civil aux Européens ? La question a été évoquée. Je rappellerai que le volontariat civil européen n'a existé, à ce jour, que sous une forme franco-allemande. Voulu par le chancelier Kohl et le président Mitterrand, il faut bien reconnaître qu'il en était resté au stade de prototype, et la formule soulève des problèmes spécifiques. Il serait certes intéressant de reprendre l'idée, mais il n'est pas possible de le faire dans le cadre du présent projet de loi, en tout cas pas maintenant.
De la même manière, on pourrait proposer à nos partenaires du Sud de procéder à des échanges ; pourquoi des volontaires civils de chez eux ne viendraient-ils pas chez nous ? On peut tout imaginer. Là encore, c'est une idée intéressante. Je ne crois pas que nous soyons mûrs pour la mettre en pratique actuellement, mais elle pourra être évoquée au cours du dialogue avec les migrants et leurs associations en France. Pour ma part, j'y suis tout à fait prêt.
M. Durand-Chastel regrettait l'absence d'un texte spécifique au volontariat à l'étranger.
Le ministère des affaires étrangères était assez séduit par cette idée, je vous en fais la confidence ; mais on nous a fait observer que ce souhait était partagé par d'autres communautés ; on peut penser à l'outre-mer par exemple. Finalement, afin de pouvoir traiter les différentes missions, nous avons choisi d'élaborer un texte plus large.
Nous entendons répondre au besoin spécifique de volontariat à l'étranger en mettant en place une sorte de bourse « affaires étrangères », si j'ose dire, qui permettra de gérer, en commun, affaires étrangères et commerce extérieur, tout ce qui concerne les besoins des entreprises.
Monsieur Bécart, il est vrai que le présent projet de loi n'a pas pour objet d'évaluer la décision prise s'agissant de la réforme du service national. J'ai dit l'espoir - c'est également le vôtre, me semble-t-il - que ce nouveau texte soit la fin d'une certaine discrimination. C'est en effet une ouverture à de nouveaux volontaires, sans parler des filles qui pourront pleinement en profiter.
Vous avez également évoqué, monsieur le sénateur, la situation, parfois difficile, des ONG. Nous en sommes conscients et nous ferons le maximum, avec le budget que vous voterez - nous en discuterons demain matin avec votre commission - pour les aider à assumer une mission pour laquelle nous n'avons, évidemment, que de l'intérêt.
Parmi les raisons qui justifient des besoins supplémentaires, on aurait pu citer également l'ouverture de la zone de solidarité prioritaire de l'ancien champ de la coopération. C'est un argument qui milite en faveur de nouveaux moyens.
Telles sont les quelques observations que je voulais formuler en réponse à vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs. Retenez surtout que nous allons expérimenter un nouveau système. Donnons-nous les moyens d'engager cette expérience quitte à apporter les corrections nécessaires le moment venu, ce que nous ferons ensemble, si vous le voulez bien. (Applaudissements.)
M. le président. Nous passons à la discussion des articles.

Chapitre Ier

Principes

Article 1er