Séance du 13 octobre 1999
M. le président. « Art. 2. _ Le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par le présent chapitre en ce qui concerne la liberté d'accès aux règles de droit applicables aux citoyens.
« Les autorités administratives sont tenues d'organiser un accès simple aux règles de droit qu'elles édictent. La mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public au bon accomplissement de laquelle il appartient aux autorités administratives de veiller.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées, en tant que de besoin, par décret en Conseil d'Etat. »
Par amendement n° 1, M. Amoudry, au nom de la commission, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Paul Amoudry, rapporteur. Cet amendement tend à revenir à la position adoptée par le Sénat en première lecture.
L'article 2 confie aux autorités administratives le soin d'organiser un « accès simple » aux règles de droit qu'elles édictent. Comme je l'ai déjà indiqué, cet article n'est pas normatif.
En outre, l'Assemblée nationale a repris les termes de l'article 1er de la loi du 17 juillet 1978, selon lequel « le droit de toute personne à l'information est précisé et garanti par le présent titre en ce qui concerne la liberté d'accès aux documents administratifs de caractère non nominatif ». Or ces dispositions n'ajoutent rien au droit en vigueur.
Enfin, il ne paraît pas souhaitable que la loi reprenne les solutions proposées par la jurisprudence administrative lorsque celles-ci n'ont pas de valeur législative. En l'occurrence, le pouvoir réglementaire a déjà établi que la mise à disposition et la diffusion des textes juridiques constituent une mission de service public ; c'est le décret du 31 mai 1996 relatif au service public des bases de données juridiques.
Telles sont, mes chers collègues, les raisons pour lesquelles il vous est proposé de confirmer la position adoptée par le Sénat en première lecture.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 1. Je dois même avouer que je ne comprends pas très bien la position de la commission des lois sur l'article 2.
Lors de la première lecture, je le rappelle, le Gouvernement s'est vu reprocher de proposer une disposition par trop déclarative. Le message a été entendu et l'Assemblée nationale s'est attachée à apporter de la substance à cet article, en articulant le droit à l'information avec le droit à la communication des documents administratifs établi par la CADA, la commission d'accès aux documents administratifs, en date du 17 juillet 1978, et en reconnaissant le caractère de service public attaché à la diffusion des textes juridiques. Voilà qui est important, et M. Mahéas l'a rappelé il y a un instant.
A cet égard, je voudrais préciser trois points.
Tout d'abord, cet article ouvre sur la codification traitée à l'article 3, et je considère que ces deux articles forment un tout cohérent.
Ensuite, l'article renvoie à un décret d'application dont j'ai déjà parlé en première lecture et qui en précisera le contenu : par exemple, la codification des textes réglementaires ou la communicabilité des études d'impact.
Enfin, la jurisprudence du Conseil d'Etat du mois de décembre 1997 citée par la commission était une solution d'espèce ne visant que les bases de données juridiques. La solution est ici étendue à toutes les autorités administratives. Elle relève bien, à ce titre, de la loi.
L'amendement n° 1 n'accorde pas aux travaux de l'Assemblée nationale la considération qu'ils méritaient sur ce point. Je le regrette d'autant plus que ce qui est en jeu ici, c'est l'affirmation d'une volonté de transparence des règles de droit et que je ne vois pas de raison de refuser un tel objectif.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 1.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Nous sommes bien évidemment favorables au maintien de l'article 2. L'Assemblée nationale a en effet acccompli un important travail d'explication.
Il nous paraît tout à fait normal, dans un texte ayant pour objet d'améliorer les relations entre l'administration et les citoyens, de rapprocher cette administration des citoyens, de poser le principe du libre accès aux règles de droit et de rappeler que la diffusion des textes juridiques constitue une mission de service public.
On ne peut pas dire que cela soit tout à fait dans les normes habituelles, et l'on connaît des administrations, et même quelquefois, excusez-moi de le souligner, des élus, qui retiennent un certain nombre de textes.
Quand, au sein d'une municipalité, on se trouve dans l'opposition, il n'est pas toujours facile d'obtenir certains textes. Chacun d'entre nous a des exemples en tête à cet égard. Prévoir que les autorités administratives seront tenues d'organiser un accès simple aux règles qu'elles édictent elles-mêmes me paraît donc être la moindre des choses.
Ces données concernent tant les citoyens que les administrations, qui peuvent ainsi témoigner de façon naturelle du travail qu'elles sont capables de faire pour le bien du citoyen.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois constitutionnelles de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jacques Larché, président de la commission des lois. Je comprends les arguments de M. le ministre, mais la position de la commission des lois me paraît parfaitement fondée. Ce n'est pas seulement ce problème qui est en cause, c'est une question de technique législative pour ce texte et pour beaucoup d'autres !
Nous surchargeons les lois de dispositions qui ne sont pas totalement normatives et qui résultent, en quelque sorte, de la volonté d'inscrire dans un texte, je ne dirai pas tout et son contraire, mais, dans un certain nombre de cas, tout ce à quoi l'on songe et que l'on voudrait résoudre. Or il est important de ne pas faire des lois fourre-tout.
Monsieur le ministre, nous avons voulu faire un effort considérable. Nous avons reçu vos collaborateurs. Quelque regret que nous en ayons, je leur ai dit que, pour ne pas gêner votre administration et ne pas mettre en cause la situation d'un certain nombre de personnels, nous consentions à introduire certaines des dispositions que l'Assemblée nationale a ajoutées en deuxième lecture. Mais, de grâce, ne mettez pas tout dans la loi ! Veillons à bâtir des textes qui aient une certaine rigueur juridique.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 2 est supprimé.
Article 3