Séance du 13 octobre 1999
RELATIONS AVEC LES ADMINISTRATIONS
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi
(n° 391, 1998-1999), modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux droits des
citoyens dans leurs relations avec les administrations. [Rapport n° 1
(1999-2000).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les
sénateurs, le projet de loi que je vous propose d'adopter à présent et qui est
relatif aux « droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations
» participe de la réforme de l'Etat à laquelle je m'emploie depuis plus de deux
ans. Il contribuera à l'oeuvre entreprise depuis bien longtemps, marquée par
quelques grandes étapes comme la décentralisation, le renouveau du service
public. Il poursuit et étoffe un projet de mon prédécesseur, M. Perben. La
réforme de l'Etat est une oeuvre continue et le présent projet de loi, qui
vient devant vous pour la deuxième fois, constitue un pas en avant. Vous avez
adopté, en mars dernier, une partie des dispositions qu'il comportait pour que
les administrations soient plus simples d'accès, plur rapides dans leurs
réponses, moins opaques dans leur fonctionnement, bref plus respectueuses des
droits des citoyens.
De nombreux éléments d'amélioration sont désormais adoptés par les deux
chambres du Parlement dans une rédaction conforme. Aujourd'hui, nous avons à
débattre des points sur lesquels l'accord n'est pas encore intervenu, et à ce
titre je souhaite insister en premier lieu sur les mesures qui figurent dans le
titre Ier.
Elles traduisent la volonté de ce Gouvernement de rendre plus transparentes et
accessibles l'administration et ses règles.
Ainsi, l'article 2 institue l'obligation pour les administrations d'organiser
un accès simple aux normes de droit et fait de la diffusion des textes
juridiques une mission de service public. L'article 3 constitue une mise en
pratique de cette mission, par la codification, dont le Sénat vient, à
l'instant, d'adopter une modalité.
Ces deux articles forment un tout et vous aurez à coeur, j'en suis sûr,
mesdames, messieurs les sénateurs, de les adopter pour assurer l'information
des citoyens sur les règles qui les concernent. Ils manifestent l'attachement
du Gouvernement et du législateur à ce que l'accès au droit soit ouvert à tous.
Il est normal, d'une part, que les administrations, productrices de normes,
aient à charge de diffuser celles-ci et de le faire dans une forme accessible à
tous nos concitoyens, et pas aux seuls spécialistes. Il est normal, d'autre
part, que la loi fasse de cette obligation de diffuser clairement une mission
de service public.
D'autres dispositions me paraissent mériter votre approbation. Je pense, par
exemple, à l'article 10, sur lequel le Gouvernement a déposé un amendement. Il
s'agit d'améliorer une rédaction qui, jusque-là, n'était pas encore
satisfaisante, malgré la clarté supplémentaire apportée par les travaux de
l'Assemblée nationale. Cet article vise à instaurer la transparence sur
l'utilisation des fonds publics et présente deux volets. L'un de ces volets
crée pour toutes les administrations l'obligation de communiquer, sur demande
d'un usager, leurs propres comptes. L'autre volet concerne les organismes
bénéficiaires de subventions et fait obligation à ceux-ci de retracer
l'utilisation desdites subventions dans un compte d'emploi. Ces comptes
d'emploi et la comptabilité des organismes subventionnés seront mis à la
disposition du public.
Je signale, pour qu'il n'y ait pas de malentendu sur sa portée exacte, que cet
amendement se limite aux subventions - j'insiste bien sur ce terme - attribuées
par une libre décision de l'organisme public qui les verse et qu'il n'inclut
pas les aides versées selon des règles précises, je pourrais presque dire à
déclenchement automatique, qui concernent principalement les entreprises.
Subventions et aides, il faut bien faire la distinction entre ces deux
catégories. L'amendement ne vise que des subventions.
Compte tenu des améliorations qui répondent à des objections faites ici même
en première lecture - je viens d'essayer d'y répondre - je vous demanderai, le
moment venu, d'approuver cet effort de transparence.
Ce projet de loi a l'ambition de contribuer à la défense et à la promotion de
notre service public, à la modernisation de l'administration française en même
temps qu'à l'accroissement des droits des citoyens. Il ne devrait pas soulever
de difficulté majeure. Les élus ici présents ont tous à coeur le même objectif
en la matière.
Il existe pourtant trois points au moins sur lesquels ma position diffère
sensiblement de celle qui a été prise par la commission des lois. Je souhaite
dès à présent vous dire quelques mots de ces trois ordres de difficulté.
Le premier point porte sur le dépôt de consignation devant le juge. Vous aviez
introduit cette mesure en première lecture, mesdames, messieurs les sénateurs.
Elle n'a pas été reprise par les députés qui ne souhaitaient pas restreindre le
recours au juge pour les associations. Je partage d'ailleurs sur ce point
l'avis des députés : s'agissant d'un projet de loi qui vise à élargir les
droits des usagers, et notamment leur accès au droit, le Gouvernement ne
souhaite pas ériger de barrières, notamment financières. Ne pensez pas pour
autant que je méconnaisse les difficultés que connaissent trop souvent les élus
pour mener à bien leurs projets d'aménagement, en raison de l'attitude abusive
de certains requérants. Mais les associations ont aussi beaucoup fait pour
préserver notre environnement, et il serait injuste de les frapper d'une
suspicion systématique. Pour moi, l'amendement proposé par la commission des
lois apporte une mauvaise réponse à une vraie question. J'y reviendrai le
moment venu.
Le deuxième point de divergence concerne les maisons des services publics. A
la demande de certains élus, le principe de leur création a été introduit, au
début de l'année, dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le
développement durable du territoire. J'ai alors dit que, si les maisons des
services publics contribuent à l'aménagement du territoire, leur création vise
surtout à simplifier l'accès aux services publics...
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
... et à instaurer la polyvalence utile, nécessaire
même, dans le contact avec l'usager.
J'ai rappelé alors que le cadre juridique, nécessaire pour placer les maisons
des services publics dans un dispositif de droit public, figurerait, comme
c'est logique, dans le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs
relations avec les administrations, que nous examinons aujourd'hui.
La commission des lois vous propose aujourd'hui d'intégrer les trois articles
dans la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du
territoire : j'y suis résolument défavorable.
M. Gérard Delfau.
Très bien !
M. Emile Zuccarelli,
ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la
décentralisation.
Il est logique que la loi d'orientation pour
l'aménagement et le développement durable du territoire comporte des éléments
relatifs à diverses politiques publiques, mais, pour autant, l'ensemble des
politiques publiques citées n'ont pas vocation, désormais, à figurer dans cette
loi d'orientation, dont le titre même souligne le caractère général et qui ne
paraît en aucun cas convenir à des dispositions plongeant presque dans
l'intimité de la relation entre l'usager et le service public.
Le troisième point de désaccord m'amène à vous entretenir d'un titre dont vous
n'aviez pas été saisis en première lecture et qui a été introduit lors du débat
à l'Assemblée nationale par amendement du Gouvernement : il s'agit du titre IV
bis
portant des dispositions relatives à la fonction publique.
L'ordre du jour des assemblées n'a pas permis d'inscrire un projet de loi
portant diverses dispositions d'ordre social, qui aurait eu vocation à
recueillir les mesures en cause. Or celles-ci présentent désormais un caractère
d'urgence.
Les unes visent à mettre la situation d'un certain nombre d'agents des
fonctions publiques de l'Etat et des collectivités territoriales en conformité
avec une jurisprudence du Tribunal des conflits, appelée couramment « arrêt
Berkani », qui fait de tout agent employé par une collectivité publique non pas
un fonctionnaire, mais un agent de droit public.
Les autres dispositions, relatives aux maladies de longue latence et aux
pensions d'invalidité, font bénéficier les agents de la fonction publique de
dispositions applicables aux salariés relevant du régime général de la sécurité
sociale. Elles répondent au besoin de prendre en considération des situations
souvent dramatiques que le code des pensions ne permet pas de traiter ; je
pense notamment, à cet égard, au problème de l'amiante.
Enfin, des mesures de validation stabilisent la situation de certains agents,
après des décisions du juge administratif qui la privaient de base légale.
Nous aurons l'occasion de revenir sur chacune de ces mesures ; je souhaite
déjà, à ce stade, vous sensibiliser sur l'opportunité de les adopter dans
l'intérêt des agents concernés. J'admets volontiers qu'il aurait été préférable
qu'elles figurent dans le texte initial. C'est donc au bénéfice de l'urgence
que je vous demanderai votre accord ; je suis là, bien entendu, pour vous
fournir toutes les explications nécessaires.
Dans ce titre, la commission des lois propose de supprimer les deux articles
transposant la jurisprudence « Berkani ». Elle entend ainsi répondre à des
incertitudes quant aux effets de ces articles sur la position des agents
concernés. Je m'expliquerai bien sûr devant vous sur la portée de ces mesures,
et je ne doute pas que vous adopterez ensuite ces modifications qui clarifient
la position des agents.
Mesdames, messieurs les sénateurs, malgré ces désaccords de départ, nous
allons aujourd'hui, j'en suis sûr, améliorer encore ce texte. Je voudrais
saluer, au début de l'examen de ce texte, notre volonté - elle nous est
commune, j'en suis sûr - de répondre toujours mieux aux besoins de la
population et aux exigences de notre temps en matière de services publics, en
facilitant l'évolution des administrations vers plus d'accessibilité,
d'efficacité et de réactivité. Nos concitoyens nous adressent une demande
persistante sur ce point, et nous devons donc y répondre pour faciliter les
progrès dans tous les domaines, notamment pour permettre l'intégration de
chacun des habitants de ce pays, pour accompagner l'essor de notre économie et
pour que nos services publics soient à même de contribuer, en même temps qu'au
développement et à l'amélioration de notre science juridique et administrative,
au rayonnement de notre pays.
(Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Emmanuel Hamel.
Défendez nos services publics face à Bruxelles !
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