Séance du 27 novembre 1998
M. le président. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'agriculture et de la pêche.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette année, le budget de l'agriculture et de la pêche n'a pas été présenté comme étant prioritaire par le Gouvernement, qui privilégie, dans le budget général pour 1999, la justice, la sécurité et la lutte contre l'exclusion.
Atteignant 33,5 milliards de francs en 1999, soit 2,4 % des crédits des budgets civils, le budget de l'agriculture et de la pêche diminue de 6 % par rapport à 1998, affichant la plus forte baisse, tous fascicules budgétaires confondus.
Cette diminution s'explique, en fait, par la réduction, que nous venons d'évoquer de 2,9 milliards de francs de la subvention d'équilibre accordée au BAPSA. En effet, hors subvention d'équilibre au BAPSA, le budget de l'agriculture s'établit à 28,2 milliards de francs, soit une augmentation de 3 % par rapport à 1998.
Pour son budget de 1999, le ministre de l'agriculture et de la pêche a annoncé quatre priorités, en cohérence avec celles qui sont affichées dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole, dont ce budget devrait permettre la mise en oeuvre.
Je tiens à rappeler à ce sujet que l'examen du budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 1999, qui comprend de nombreuses dispositions budgétaires en relation étroite avec le projet de loi d'orientation agricole, ne préjuge en rien les positions qui seront prises par le Sénat sur ce texte en janvier prochain.
Les priorités affichées par le ministre demeurent donc des priorités « classiques », où l'on retrouve certaines des priorités annoncées pour 1998, en particulier l'installation, l'enseignement et les retraites.
La première priorité concerne le financement des contrats territoriaux d'exploitation, les fameux CTE.
Je vous rappelle que les CTE, mesure phare du projet de loi d'orientation agricole adopté en première lecture à l'Assemblée nationale, sont destinés « à rémunérer les exploitants pour les services non marchands qu'ils rendent à la collectivité en matière de préservation et d'amélioration de l'environnement naturel et à appuyer l'orientation des exploitations vers des modes de production favorables à l'emploi, à l'équilibre des activités sur les territoires et à la qualité des produits ».
Une ligne budgétaire spécifique leur est consacrée dans le projet de loi de finances avec le « fonds de financement des CTE », doté de 300 millions de francs pour 1999, auxquels devraient s'ajouter 150 millions de francs de crédits européens, soit un total de 450 millions de francs pour la première année.
Pour les 300 millions de francs inscrits au budget du ministère, l'abondement de ce fonds serait opéré par redéploiement de crédits existants. En effet, 140 millions de francs proviendraient du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, qui disparaîtra ; 100 millions de francs seraient prélevés sur les crédits des offices ; 45 millions de francs proviendraient des dotations affectées aux opérations groupées d'aménagement foncier, les OGAF, qui disparaîtront également ; enfin, 15 millions de francs seraient pris au fonds d'installation en agriculture, le FIA.
Je tiens à souligner que le financement du dernier tiers, soit 150 millions de francs, par des aides communautaires demeure encore largement aléatoire : le projet de réforme de la PAC, qui fait l'objet de négociations difficiles, constituera un enjeu décisif pour le financement de ces contrats.
La deuxième priorité du ministre est la formation et l'installation.
Les crédits demandés pour l'enseignement, la formation et la recherche en 1999 s'établissent à 6,9 milliards de francs en dépenses ordinaires, en augmentation de 6 % par rapport à 1998. L'année 1998 avait déjà connu une hausse de ces crédits de 4,9 %.
En matière d'installation des jeunes, l'objectif fixé par le ministère est de 10 000 installations aidées de jeunes agriculteurs en 1999. Pourtant, l'effort budgétaire ne nous semble pas, a priori, à la hauteur de cette annonce. D'une part, les crédits de la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, sont simplement reconduits, à 645 millions de francs ; d'autre part et surtout, le fonds d'installation en agriculture, créé en 1998, a perdu près de 10 % de ses crédits, redéployés en direction du fonds de financement des CTE.
La troisième priorité du ministre est la sécurité et la qualité alimentaires.
Je ne m'étendrai pas sur cette question, le Sénat ayant, à maintes reprises, témoigné de son souci de la sécurité et de la qualité alimentaires. La crise de la vache folle et le développement de la culture des plantes transgéniques ont imposé un effort accru dans ce domaine.
La quatrième et dernière priorité est la revalorisation des petites retraites agricoles. Je me contente de l'évoquer, puisque le sujet vient d'être exposé et que le budget du BAPSA vient d'être adopté.
Après avoir rappelé les grands axes qui se dégagent de ce projet de budget pour 1999, je souhaiterais vous faire part de quelques observations que m'inspire son examen.
Ma première remarque porte sur la disparition du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER.
L'an dernier, à cette tribune, j'avais souhaité que le projet de loi d'orientation agricole reprenne le dossier des procédures d'aménagement rural et garantisse ainsi l'avenir du FGER. Or, cette année, le projet de loi de finances prévoit la disparition du FGER au sein du nouveau fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation. En effet, les crédits du FGER, 140 millions de francs, sont entièrement redéployés vers ce fonds et la ligne budgétaire du FGER est désormais supprimée : en un mot, le FGER n'existe plus.
Cette situation semble devoir constituer le dernier des épisodes de la courte existence mouvementée qu'a connue le FGER depuis sa création en 1995.
A cet égard, je vous rappelle que le FGER avait déjà failli disparaître en 1997 en raison d'une dotation nulle dans le projet de loi de finances, finalement portée à 150 millions de francs par les deux assemblées.
Il a fait, chaque année, l'objet de nombreuses annulations de crédits symboliquement choquantes. A l'automne 1997, je vous rappelle également que le ministre avait annoncé que « la sauvegarde du FGER » constituerait une de ses « priorités pour 1998 » et, pourtant, il disparaîtra de facto le 31 décembre 1998.
Ma deuxième remarque concerne les crédits destinés à la forêt.
Au sujet de ces crédits, je remarque avec satisfaction que plusieurs chapitres bénéficient de hausses de crédits pour 1999. Globalement, les engagements de l'Etat et du Fonds forestier national, le FFN, augmentent de 2,2 % dans le projet de loi de finances.
Toutefois, la situation financière du FFN demeure préoccupante. Je vous rappelle en effet qu'à la suite de la réforme de la taxe forestière en 1991 le FFN a connu une baisse brutale de ses recettes annuelles, en dépit de mesures de redressement prises en 1994 et 1995 sur l'initiative du Sénat.
Le problème de l'affectation d'une ressource pérenne au FFN, étudiée par le précédent gouvernement dans le cadre de sa loi d'orientation agricole, n'est pas encore résolu. J'ai bien noté que le compte rendu du conseil des ministres de mercredi dernier prévoit que « les objectifs et les moyens du FFN seront revus ». Dans quel sens le financement du FFN sera-t-il ainsi « revu » ?
En outre, le rapport de notre collègue à l'Assemblée nationale Jean-Louis Bianco, intitulé La Forêt : une chance pour la France et remis le 25 août dernier au Premier ministre, préconise, afin de financer l'effort de compétitivité et d'emploi demandé à la filière bois, « une mise à niveau du FFN ». Le prochain projet de loi d'orientation forestière, qui devrait s'inspirer des propositions contenues dans ce rapport, sera, je l'espère, l'occasion pour le Gouvernement d'apporter une solution à cette situation.
Ma troisième remarque a trait aux calamités agricoles.
La ligne budgétaire consacrée à la subvention de l'Etat au Fonds national de garantie des calamités agricoles est vide pour 1999. Le Gouvernement justifie cette dotation nulle par la bonne situation de la trésorerie du fonds. Or, dans le même projet de loi de finances, il nous propose, à l'article 74, de proroger d'un an les majorations des taux des contributions additionnelles établies au profit de ce fonds, « compte tenu de la situation du Fonds national de garantie des calamités agricoles et afin de préserver ses capacités d'indemnisation ». M. le ministre pourra sans doute nous expliquer cette présentation pour le moins paradoxale, qui aboutit à diminuer la contribution de l'Etat et à augmenter celle des agriculteurs...
Ma dernière remarque a trait à la question des SAFER.
Je souhaiterais évoquer, à la demande de plusieurs de mes collègues, la baisse des droits de mutation prévue à l'article 27 du projet de loi de finances qui risque d'avoir des conséquences négatives sur l'activité des SAFER.
Le projet de loi d'orientation agricole, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, réaffirme le rôle des SAFER et, pourtant, le vote de cet article 27, s'il ne s'accompagne pas de mesures compensatrises pour les SAFER, ne risque-t-il pas de les mettre en difficultés ?
En ce qui concerne le projet de budget de l'agriculture et de la pêche, je m'aperçois que la subvention de fonctionnement aux SAFER - 43,7 millions de francs - n'est absolument pas revalorisée. Je souhaiterais donc connaître les mesures prévues par le Gouvernement pour compenser la perte de l'avantage compétitif accordé aux SAFER par rapport au marché libre, justifié, je le rappelle, par leur mission de service public. La situation est urgente, car des transactions sont d'ores et déjà différées.
Je suis arrivé au terme de mon intervention. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous indique que la commisison des finances a émis un avis favorable sur ce projet de budget. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'agriculture. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'examen des crédits inscrits au budget du ministère de l'agriculture revêt cette année une importance particulière : d'abord, parce que nous avons changé de ministre - cela me paraît important et nous allons pouvoir apprécier son action - ensuite, parce que l'agriculture française est aujourd'hui soumise à deux réformes.
En premier lieu, au plan communautaire : la nouvelle réforme de la politique agricole commune a été longuement et parfaitement analysée par la commission des affaires économiques au mois de juin dernier.
En second lieu, au plan national : notre agriculture doit faire l'objet d'une nouvelle loi d'orientation. L'esprit du texte actuel exprime une évolution significative par rapport à celui qui avait présidé à l'élaboration du premier projet et surtout aux objectifs des précédentes lois d'orientation de 1960 et 1962. Alors que celles-ci visaient à moderniser l'agriculture dans des structures agrandies, le projet actuel se fixe comme objectif de redéfinir la place de l'agriculture dans la société. L'activité de production, rappelons-le, reste la fonction première des exploitations agricoles. Mais à cette fonction économique, insuffisamment prise en compte selon votre rapporteur, le texte du Gouvernement consacre les fonctions sociales et environnementales.
D'ailleurs notre collègue, M. Michel Souplet, rapporteur de ce projet de loi, devrait remettre son rapport dans les semaines à venir.
Cette double réforme de l'agriculture française doit permettre à notre agriculture d'affronter, d'une part, la reprise des négociations agricoles dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce et, d'autre part, l'intégration des pays d'Europe centrale et orientale, tout en préservant l'identité agricole française et européenne.
C'est dans ce contexte que s'inscrit l'avis de la commission des affaires économiques et du Plan sur les crédits du ministère de l'agriculture.
En matière budgétaire, les crédits du ministère de l'agriculture dans le projet de loi de finances pour 1999 sont en baisse de près de 6 % par rapport à ceux de 1998. Hors subvention d'équilibre au BAPSA, le montant des crédits progresse de 3 % par rapport à celui de 1998 pour s'établir à 28,2 milliards de francs.
Quatre priorités traduisent la politique du Gouvernement.
La première priorité est de prévoir dès à présent, dans le projet de loi de finances pour 1999, le financement des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, que devrait mettre en place la loi d'orientation agricole. Ces contrats sont destinés à guider l'intervention économique dans la voie d'un rééquilibrage à la fois territorial et social de l'agriculture.
Ce fonds de financement des CTE est doté de 300 millions de francs mobilisés par redéploiement - cela a déjà été dit - auxquels devraient s'ajouter, selon M. le ministre, des cofinancements européens : ainsi, 450 millions de francs devraient pouvoir être mobilisés dès 1999 dans l'optique des CTE.
Votre rapporteur pour avis se félicite, mes chers collègues, d'un tel effort de prévision budgétaire de la part du Gouvernement. En revanche, il s'interroge sur deux points essentiels.
En premier lieu, le Gouvernement a considéré dès septembre 1998 comme acquise la mise en place des CTE. Celle-ci, si elle a fait l'objet de négociations avec les professionnels, n'a cependant pas, à notre connaissance, été approuvée par le Parlement.
Or, soit le Gouvernement considère qu'il s'agit d'une simple mesure d'ordre administratif - comme cela semble être le cas, puisqu'une phase de préfiguration des CTE est actuellement mise en oeuvre dans quatre-vingts départements - et la légalisation d'un tel dispositif ne nous paraît alors guère utile, soit il s'agit d'un dispositif législatif, qui nécessite un débat et une adoption par le Parlement et, dans ce cas, c'est faire fi de la représentation nationale que de proposer de redéployer 300 millions de francs de crédits dès le mois de septembre 1998, six mois avant l'adoption définitive du texte d'orientation, d'autant plus que des chapitres importants, tels que le FGER, et les OGAF, les opérations groupées d'aménagement foncier, presque asséchés, se trouvent dépourvus de dotations budgétaires.
En second lieu, le Gouvernement considère qu'un tiers des crédits affectés aux CTE - si ceux-ci étaient mis en place - proviendrait de crédits communautaires. Une telle déclaration m'étonne. Certes, il est tout à fait judicieux d'élaborer le projet de loi d'orientation agricole à l'aune de la réforme de la PAC, néanmoins, j'avais cru comprendre que le ministre de l'agriculture s'opposait globalement au projet de la Commission européenne.
Monsieur le ministre, vous avez sans doute obtenu des assurances de M. Fischler, commissaire européen chargé de l'agriculture, s'agissant du financement des CTE. Présagent-elles d'un accord global sur les propositions de la Commission européenne ? (M. le ministre sourit.) Par ailleurs, comme je l'ai indiqué devant la commission des affaires économiques, les dernières propositions de la Commission relatives au financement du budget communautaire paraissent privilégier la « renationalisation » d'une part importante des aides agricoles. Est-ce à dire qu'à trop vouloir décentraliser les aides le Gouvernement français a précipité une politique de « renationalisation » des aides agricoles ? Quid dès lors des 150 millions de francs de crédits attendus pour le financement des CTE ?
La deuxième priorité, c'est la formation et l'installation, afin « d'assurer l'avenir des jeunes » en agriculture.
La troisième priorité du ministère de l'agriculture concerne la sécurité et la qualité de l'alimentation, avec une dotation en progression de 10,5 %, à la hauteur, fort légitimement, des nouveaux enjeux liés à la protection des consommateurs.
La quatrième et dernière priorité a trait aux retraites : il s'agit de la deuxième étape du plan pluriannuel de revalorisation.
En 1998, une première étape a permis d'augmenter jusqu'à 500 francs par mois la retraite de 274 000 personnes ; mais n'oublions pas, monsieur le ministre, que les prélèvements de la contribution sociale généralisée ne sont pas du tout appréciés par les retraités !
M. Hilaire Flandre. A annuler !
M. Gérard César, rapporteur pour avis. En 1999, 1,2 milliard de francs devraient être consacrés dans le BAPSA à la revalorisation des petites retraites agricoles. La nouvelle mesure proposée par le Gouvernement devrait coûter 1,6 milliard de francs en année pleine et concerner 607 000 retraités agricoles. Ces mesures restent néanmoins inférieures à celles qui ont été adoptées de 1993 à 1995.
N'oublions pas, nous l'avons souvent tous rappelé dans cet hémicycle, que les retraités et les OPA attendent toujours d'arriver à l'objectif de 75 % du SMIC, pendant la présente législature comme cela a été rappelé, je crois, dernièrement.
Mes chers collègues, la commission des affaires économiques a donné un avis défavorable sur le projet de budget du ministère de l'agriculture et ce pour trois raisons principales : premièrement, le caractère aléatoire et peu compréhensible du financement du CTE, avant même que le Parlement ait statué sur cette mesure au fond ; deuxièmement, la forte baisse des crédits affectés à la POA - moins de 10 % - alors que nous savons pourtant tous qu'elle prépare l'avenir par l'investissement, en particulier dans les coopératives et dans l'agro-alimentaire ; troisièmement, la suppression des crédits affectés au fonds de garantie contre les calamités agricoles qui constitue un enjeu grave, surtout dans les départements situés au sud de la France, à l'heure où doit s'engager une réflexion sur la mise en oeuvre des mécanismes d'assurance récolte.
En conclusion, monsieur le ministre, je souhaite, au moment où se préparent les discussions relatives aux prêts bonifiés agricoles pour 1999, attirer votre attention sur les files d'attente celle-ci peut atteindre jusqu'à six mois dans un certain nombre de départements et sur la nécessité d'une baisse significative des taux d'intérêt bonifiés de l'ensemble des catégories de prêts pour 1999 qui, par rapport aux taux du marché, à la complexité de leurs critères d'attribution, découragent les postulants. Il est donc nécessaire de simplifier les critères et d'augmenter, bien sûr, la bonification qui, sinon, ne correspondrait plus à rien de significatif. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à rappeler que la relative faiblesse des crédits consacrés à la pêche maritime et aux cultures marines - moins de 200 millions de francs - ne doit pas masquer l'importance économique, sociale et culturelle de ces secteurs en France, qui jouent un rôle essentiel en matière d'aménagement du territoire.
L'avis de la commission des affaires économiques intervient cette année dans un contexte national globalement positif, et ce malgré les incertitudes qui pèsent sur le plan communautaire.
Au niveau national, la relance de la production amorcée en 1995 et en 1996 a connu un léger repli d'environ 5 % en 1997, en parallèle avec la baisse du nombre de navires et de pêcheurs. Malgré cette baisse, le chiffre d'affaires pour 1997 s'accroît de 4,65 %.
Cette embellie contraste avec l'importance du montant du déficit commercial enregistré en 1997 pour les produits de la pêche, déficit estimé à 11,2 milliards de francs.
Dans le domaine communautaire, l'année 1998 aurait dû être une « simple année de transition », le plan de sorties de flotte 1998 étant un préalable indispensable à la modernisation de la flotte de pêche. Ce plan vise à apurer le retard de la flotte de pêche française au titre du IIIe programme d'orientation pluriannuel, plus connu sous l'appellation de POP III, et à atteindre les objectifs intermédiaires du POP IV au 31 décembre 1998.
L'interdiction des filets maillants dérivants à partir de 2002, adoptée au Conseil pêche du mois de juin dernier, sur les bases de la proposition de la Commission de 1994, constitue une décision lourde de conséquences pour les pêcheurs français et, plus largement, pour les pêcheurs européens. Je considère que cette interdiction est totalement injustifiée, puisqu'elle dépasse largement les obligations découlant de la conférence des Nations unies sur les stocks chevauchants et qu'elle conduit à acculer les pêcheurs à capturer des espèces encore plus menacées.
C'est dans cet environnement que s'inscrit l'action des pouvoirs publics.
Si l'année 1997 avait été marquée par l'adoption de la loi d'orientation sur la pêche maritime et les cultures marines, l'année 1998 a été consacrée à la parution d'un certain nombre des textes d'application. Sur plus de 30 textes prévus, à peine un tiers a fait l'objet d'une publication, monsieur le ministre. Rappelons que l'article 55 de la loi, qui a donné lieu à quatre décrets et arrêtés, a trait au régime dit COREVA de couverture complémentaire d'assurance vieillesse agricole, qui n'a aucun rapport avec la pêche.
Si l'on peut se féliciter de l'adoption de cette loi, on peut considerer néanmoins qu'un retard trop important dans la mise en place des textes d'application serait préjudiciable à cet ambitieux projet lancé depuis plus de deux ans.
Sur le second point, celui du budget proprement dit, les dotations consacrées à la pêche maritime et aux cultures marines sont stables à 186,29 millions de francs, soit 0,24 % d'augmentation par rapport à celles de l'année précédente.
Les dotations ordinaires pour 1999 s'élèvent à 147,59 millions de francs, dont 95,59 millions de francs à l'Office interprofessionnel des produits de la mer, l'OFIMER, et 52 millions de francs à la restructuration des entreprises de pêche et de cultures marines.
Les dépenses en capital se montent à 78,9 millions de francs, c'est-à-dire un montant identique à celui de l'année passée.
La dotation du chapitre 44-36, en quasi-reconduction avec 147,59 millions de francs, masque néanmoins deux évolutions : ainsi l'article 20 passe de 22 millions de francs à 52 millions de francs, et l'article 30 de 125,13 millions de francs à 95,59 millions de francs, la section sociale du Fonds d'intervention et d'organisation des marchés des produits de la pêche maritime et des cultures marines, le FIOM, étant transférée au Comité national des pêches maritimes et des élevages marins.
S'agissant du chapitre 64-36, le montant de la dotation est maintenu en autorisations de programme comme en crédits de paiement.
En raison de la stabilité des crédits affectés à la pêche maritime et aux cultures marines, votre rapporteur pour avis vous propose de donner un avis favorable sur les crédits destinés à ces secteurs. ( Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Emorine, en remplacement de M. Henri Revol, rapporteur pour avis.
M. Jean-Paul Emorine, en remplacement de M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour l'aménagement rural. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte du projet de loi de finances pour 1999 se révèle extrêmement important, sur les plans tant communautaire que national, en matière d'aménagement et de développement rural.
Au niveau communautaire, votre rapporteur tient à souligner à nouveau l'importance des crédits européens en matière d'aménagement rural. C'est pourquoi un examen minutieux des propositions de la Commission européenne contenues dans l'Agenda 2000 et de ses répercussions en matière de politique rurale est nécessaire.
Au niveau national, les semaines à venir seront décisives pour l'aménagement rural. Le Gouvernement a en effet déposé, au mois de juillet dernier, sur le bureau de l'Assemblée nationale un texte tendant à modifier la loi n° 95-115. Votre rapporteur pour avis, sans procéder à un examen détaillé de ce texte - examen qui sera effectué par notre collègue Jean Pépin - en fait dans son rapport une première présentation et en souligne les difficultés.
De plus, cet avis est l'occasion de faire le bilan du comité interministériel de l'aménagement et du développement du territoire qui s'est tenu au mois de décembre 1997. Il semblerait, monsieur le ministre, que les quatre-vingts mesures en faveur des régions et du développement du territoire adoptées à Auch, le 10 avril 1997, ne soient plus à l'ordre du jour.
En outre, l'examen prochain par la Haute Assemblée du projet de loi d'orientation agricole sera l'occasion d'évoquer les difficultés posées par le contrat territorial d'exploitation.
Cet avis, qui n'a pas d'équivalent à l'Assemblée nationale, est la manifestation de l'intérêt que le Sénat porte à l'aménagement rural. Notons, comme chaque année, que l'aménagement et le développement de l'espace rural sont considérés à la fois comme la déclinaison rurale d'une politique globale de l'aménagement du territoire, comme l'un des aspects naturels de la politique agricole et comme l'un des objets possibles de prescriptions environnementales.
En ce qui concerne le budget, si l'on retient les seuls crédits explicitement considérés comme d'aménagement rural dans le bleu budgétaire, les dotations représentent près de 36,24 millions de francs, soit une baisse d'environ 3,3 % par rapport à 1998.
La dotation budgétaire destinée au fonds de gestion de l'espace rural, dans le projet de loi de finances pour 1999, disparaît au profit des contrats territoriaux d'exploitation, dont le financement reste relativement incertain, notamment en matière de crédits communautaires.
Une autre approche conduit à considérer comme des crédits d'aménagement rural les crédits gérés par les services en charge de ce volet de la politique au ministère de l'agriculture : la direction de l'espace rural et de la forêt.
Il faut alors ajouter aux crédits budgétairement considérés comme des crédits d'aménagement rural les crédits d'aménagement foncier et d'hydraulique, et ceux des grands aménagements régionaux. Ces crédits sont, eux aussi, en baisse de 17,86 % en crédits de paiement.
Le bilan est identique si l'on prend en compte les crédits destinés aux interventions spéciales dans les zones agricoles défavorisées et aux actions spécifiques.
Ce sont ainsi plus de 1,5 milliard de francs que le budget de l'agriculture consacrera à la compensation de contraintes particulières, soit une baisse de 13 %.
Si l'on prend comme référence le document consacré aux concours publics à l'agriculture, en regroupant toutes les dépenses d'aménagement rural, ce sont environ 2,5 milliards de francs qui seraient consacrés à l'aménagement rural, avec une participation communautaire de l'ordre des trois cinquièmes.
Monsieur le ministre, je ne peux, dans un tel contexte, que proposer de donner un avis défavorable sur ce projet de budget pour l'aménagement rural pour 1999, et ce pour trois raisons principales que je me permets de vous rappeler.
La première est la disparition du fonds de gestion de l'espace rural.
La deuxième est l'apparition d'un fonds pour les contrats territoriaux d'exploitation dont le financement est plus qu'incertain, notamment au niveau communautaire. En outre, une première étape de préfiguration des CTE a été mise en oeuvre, alors que la représentation nationale n'a pas encore approuvé cette disposition.
La troisième est la présentation du projet de loi d'orientation et d'aménagement durable du territoire, qui inquiète fortement votre rapporteur pour avis. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le chiffre d'affaires de l'industrie agro-alimentaire a été, en 1997, de 792 milliards de francs, soit 17 % du chiffre d'affaires industriel total. Avec 19 % du chiffre d'affaires des produits alimentaires de l'Union européenne, les industries agro-alimentaires représentent la deuxième industrie alimentaire d'Europe derrière l'Allemagne.
Comme l'ensemble des années quatre-vingt-dix, l'année 1997 se caractérise par une croissance de la consommation à domicile des ménages relativement faible. Ainsi, la consommation des ménages en produits des industries agro-alimentaires n'a augmenté que de 0,6 % en volume contre 0,1 % l'année précédente. Malgré cette consommation des ménages atone, la demande intérieure a été soutenue, principalement par le dynamisme de la restauration hors domicile, dans un contexte de hausse des prix à la production des industries agro-alimentaires de 1,6 %.
En outre, la croissance des industries agro-alimentaires a été principalement tirée par les exportations. Leur progression a permis d'atteindre un excédent commercial record de 40 milliards de francs, en hausse de 25 %.
L'industrie alimentaire démontre à nouveau sa primauté au sein des secteurs exportateurs et excédentaires de l'économie française. La France est le premier exportateur mondial de produits alimentaires transformés devant les Etats-Unis, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Grande-Bretagne.
Ce bilan positif concerne aussi, monsieur le ministre, la situation de l'emploi. En effet, après le recul de 1 % en 1996, l'emploi dans l'industrie alimentaire a connu une croissance de 1,4 % en 1997.
Cette reprise des industries agro-alimentaires en 1997 ne doit pas masquer les différents enjeux auxquels ce secteur est confronté.
Le premier grand défi pour l'industrie alimentaire est sa nécessaire adaptation à l'évolution rapide du contexte international et communautaire : mise en place et rôle grandissant de l'Organisation mondiale du commerce, nouvelle organisation du marché au sein de l'Union européenne et perspectives de croissance et de marchés dans le monde.
Par ailleurs, l'environnement européen devrait modifier en profondeur les conditions concurrentielles des industries agro-alimentaires : l'élargissement de l'Union européenne, la réforme de la politique agricole commune et l'introduction de l'euro sont donc autant de nouveaux défis.
Enfin, les perspectives de croissance et de marchés dans le monde à l'horizon 2010, notamment en Asie et en Amérique latine, et ce malgré les crises actuelles, devraient créer des courants d'échanges importants à destination et en provenance de ces zones.
Ce contexte, à la fois nouveau et incertain, impose à l'industrie alimentaire une triple exigence : elle doit répondre aux besoins du marché, assurer une coordination des différents opérateurs de la chaîne alimentaire et adopter des modes d'organisation et de gestion adaptés.
Monsieur le ministre, cette adaptation des industries agro-alimentaires sera d'autant plus vite effectuée que l'environnement institutionnel public et privé aura su créer ou améliorer les conditions de développement.
C'est dans ce contexte que s'inscrit le projet de budget pour 1999.
Signalons, à titre liminaire, que les concours publics en faveur des industries agro-alimentaires, les IAA, représentent seulement 0,5 % du total des dépenses destinées à l'agriculture et à la forêt et qu'ils proviennent, pour moitié, de l'Union européenne.
Les crédits d'investissement spécifiquement consacrés aux industries agro-alimentaires - les crédits de politique industrielle - poursuivent leur baisse, les crédits de paiement passant de 173,18 millions de francs à 154,50 millions de francs ; les autorisations de programme avec 150,18 millions de francs sont stables.
Rappelons que les crédits affectés à la prime d'amélioration agricole, la POA, régionale se font en cohérence avec les interventions des collectivités territoriales et de l'Union européenne.
Si les autorisations de programme de l'article 10 du chapitre 61-61 et de l'article 20 du même chapitre sont reconduites, il n'en est pas de même pour les crédits de paiement, qui baissent de 10 % à l'article 10 et de 10,78 % à l'article 20.
Ainsi, les dotations budgétaires affectées à l'article 10 baissent de 10 % et celles qui sont consacrées à l'article 20 de 10,78 %.
En revanche, les crédits affectés aux actions de promotion, notamment à la SOPEXA, la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles et alimentaires, augmentent de 10 millions de francs. Il s'agit, monsieur le ministre, d'un rééquilibrage après la baisse de 20 % de ces dotations dans la loi de finances de 1998, permettant de retrouver un niveau de subvention qui n'avait pas été atteint depuis trois ans.
Il convient d'ajouter aux crédits de politique industrielle d'autres dotations du ministère qui concernent également l'agroalimentaire. Un grand nombre de ces dotations sont en hausse, notamment celles qui financent les actions de développement de la qualité et de la sécurité des produits et de promotion. Ainsi, les crédits destinés à la sécurité et à la qualité des aliments - qui constituent une priorité budgétaire - augmentent de 10,5 % , ceux qui sont affectés à la promotion des signes de qualité sont majorés de 16 % et les dotations consacrées à l'Institut national des appellations d'origine sont portées à 76 millions de francs.
Des crédits d'autres ministères profitent également au secteur agro-alimentaire comme ceux du ministère de la recherche et, pour partie, ceux du ministère de l'aménagement du territoire.
Ainsi, la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable sur les crédits du ministère de l'agriculture consacrés à l'industrie agro-alimentaire. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Vecten, rapporteur pour avis.
M. Albert Vecten, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enseignement agricole a été, au cours de ces dernières années, victime de son succès. La croissance de ses effectifs a coïncidé avec une période d'austérité budgétaire qui a conduit à mettre en place une politique que certains ont qualifiée de « croissance maîtrisée des effectifs », terminologie à laquelle, pour ma part, j'ai toujours préféré celle plus exacte de « quotas ».
Prenant le prétexte d'une augmentation des effectifs qui, nous affirmait-on, ne correspondait plus à l'évolution des débouchés professionnels, cette politique consistait en fait à ajuster l'offre de formation aux moyens budgétaires disponibles.
Depuis 1996, je m'y suis toujours opposé et j'ai appelé à une réflexion prospective permettant d'ajuster les flux des diplômés à l'évolution du marché de l'emploi.
Les chiffres de la rentrée, avec une progression des effectifs qui avoisine 2 %, confirment la tendance au ralentissement observée l'an dernier. Elle apparaît essentiellement comme le résultat de phénomènes structurels parfaitement prévisibles.
La forte croissance des effectifs de l'enseignement agricole ne correspondait donc pas à un engouement irraisonné. Les résultats des examens comme ceux des enquêtes d'insertion professionnelle des diplômés confirment d'ailleurs le maintien des bonnes performances de l'enseignement agricole.
La progression de 6,2 % des crédits de l'enseignement agricole, qui s'élèveront en 1999 à 6 903,36 millions de francs, si elle se confirme dans les années à venir, permettra, je l'espère, de mener dans des conditions plus claires la réflexion sur l'avenir de l'enseignement agricole.
Cette progression est légitime. Depuis de nombreuses années, la parité entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole n'était plus assurée et les mesures positives que comporte le budget répondent à de réels besoins.
A ce titre, je me félicite que les efforts engagés l'an dernier en faveur de la déprécarisation des personnels de l'enseignement public soient poursuivis en 1999, notamment grâce aux mesures de transformation de crédits d'heures supplémentaires et de vacations, qui concerneront 89 emplois d'enseignants et 39 emplois de personnels non enseignants. De même, la création de 40 emplois de personnels non enseignants se révèle particulièrement bienvenue bien qu'elle ne puisse suffire à elle seule à combler les retards accumulés au cours des dix dernières années. L'augmentation des dépenses pédagogiques de l'enseignement technique permettra une prise en charge partielle des frais de stage des élèves des filières de l'enseignement technique et professionnel, dispositif dont j'avais souligné à de nombreuses reprises la nécessité. Je serai attentif à sa mise en oeuvre qui permettra, je l'espère, de répondre aux attentes des familles. Je saluerai enfin la poursuite du rattrapage - qui n'aura que trop tardé - des subventions à l'élève de l'enseignement privé à temps plein.
Ce budget répond sur plusieurs points aux observations que j'avais formulées l'an dernier, mais il présente également des points faibles parmi lesquels figure le sort réservé à l'enseignement supérieur, auquel est imposé une rigueur que rien ne justifie.
L'enseignement supérieur public ne bénéficie d'aucune création d'emploi d'enseignant et l'effort d'investissement engagé en 1998 n'est pas poursuivi. En ce qui concerne l'enseignement supérieur privé, dont les subventions de fonctionnement sont reconduites à leur niveau de 1998, j'avais déjà souligné qu'il conviendrait de réexaminer les modalités de calcul de ses subventions. Or, le retard pris dans la négociation des nouveaux contrats comme le montant des crédits inscrits dans le projet de budget laissent à penser que le principe de cette réévaluation est remis en cause. Certes, la loi ne précise pas les modalités de calcul de l'aide que l'Etat peut accorder aux écoles d'ingénieurs privées, mais force est de constater qu'elles assument leur mission de service public dans des conditions de plus en plus difficiles.
De telles évolutions ne peuvent qu'inquiéter dans la mesure où elles ne créent pas les conditions d'une rénovation en profondeur de l'enseignement supérieur agricole.
En dépit de ces réserves, le projet de budget pour 1999 permet de répondre à une situation préoccupante à bien des égards. Je souhaite que ce contexte budgétaire plus favorable soit l'occasion de conduire la nécessaire réflexion sur l'avenir de l'enseignement agricole, réflexion qui doit viser un seul objectif : l'adaptation aux débouchés professionnels.
C'est pourquoi mes chers collègues, la commission des affaires culturelles a donné à l'unanimité un avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 67 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 36 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 33 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Pastor.
M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le ministre, les qualificatifs attribués à votre budget au cours des débats seront tantôt laudatifs, je m'en réjouis pour vous, tantôt critiques, c'est le jeu de la démocratie. Les divers rapporteurs se sont bien situés dans cette ligne, les uns étant favorables, les autres plutôt défavorables.
Le qualificatif que j'ai choisi de retenir est celui qui, à mes yeux, traduit le mieux la réalité : le budget de l'agriculture pour 1999 est un budget de transition. Notre collègue Mme Yolande Boyer, pour sa part, s'efforcera de présenter le budget de la pêche.
Dernier budget élaboré avant la réforme de la politique agricole commune, le budget de l'agriculture correspond à la situation que connaît aujourd'hui notre agriculture, en pleine phase de mutations et qui s'apprête, notamment grâce à la future loi d'orientation agricole, à instaurer les restructurations nécessaires à son avenir. C'est pour cela que le monde agricole, conscient des enjeux et des données, a accueilli globalement cette loi assez favorablement. Toutefois, transition ne signifie pas stagnation des moyens.
En rupture avec les années précédentes, ce budget est en augmentation de 3 %, hors subvention au BAPSA, et s'élève à 28,2 milliards de francs. Le BAPSA, quant à lui, doté de 89 milliards de francs, augmente de 1,1 %. Doté de recettes nouvelles, il permet la diminution de la subvention de l'Etat pour l'équilibrer et une revalorisation très significative des retraites, deuxième étape du processus engagé l'an dernier, mais j'y reviendrai.
Par ailleurs, ce budget pour 1999 s'inscrit dans le cadre d'une refonte de notre politique agricole que nous avons appelée de nos voeux et qui s'est traduite par le projet de loi d'orientation agricole, adopté par l'Assemblée nationale, et sur lequel nous aurons à nous prononcer dans quelques semaines. Au coeur de cette nouvelle politique, se situent les contrats territoriaux d'exploitation. Le budget pour 1999 se devait d'accompagner leur mise en oeuvre, ce que vous faites, monsieur le ministre, au moyen de quatre grandes priorités que je vais aborder brièvement.
Tout d'abord, leur mise en service concrète est assurée grâce à la création d'un fonds de financement doté de 300 millions de francs, auxquels s'ajouteront, dès 1999, des crédits européens.
Cette dotation permettra donc pour 1999 de répondre rapidement aux attentes déjà exprimées de mise en place expérimentale de CTE dans les départements.
L'avenir des jeunes constitue la deuxième priorité de ce budget pour 1999 : les 6 milliards de francs qui y sont consacrés permettront l'augmentation des crédits réservés à l'enseignement agricole et la création de 180 emplois nouveaux, dont 115 postes d'enseignants, ce qui traduit un effort important pour le secteur public.
Assurer l'avenir des jeunes, c'est aussi poursuivre activement la politique d'installation : les crédits consacrés à la dotation aux jeunes agriculteurs sont reconduits ; s'y ajouteront, là aussi, des fonds européens, ce qui permettra, espérons-le, cette année, d'atteindre l'objectif de 10 000 installations. Les jeunes non issus du monde agricole seront aidés dans leur installation grâce aux crédits du fonds d'installation en agriculture, le FIA.
Le troisième axe prioritaire de ce budget, et non des moindres, est d'assurer la sécurité sanitaire et alimentaire et de promouvoir la qualité des produits.
La toute nouvelle Agence française de sécurité sanitaire des aliments est dotée des moyens nécessaires, soient 35 millions de francs, y compris les crédits des ministères de la santé et de la consommation, à l'accomplissement des missions qui sont désormais les siennes : évaluation, veille et expertise.
Par ailleurs, et pour faire suite au règlement européen d'avril 1997 relatif à l'identification des bovins et à l'étiquetage des viandes, les crédits destinés à l'identification et à la traçabilité sont doublés, l'objectif étant de parvenir à la création d'un fichier national permettant le suivi de tout le cheptel français - j'y reviendrai dans un instant.
Enfin, la dernière des quatre grande priorités affichées est la revalorisation des retraites, deuxième étape, je l'ai dit, du processus engagé l'an dernier, qui avait permis à 270 000 retraités, titulaires des plus faibles retraites, de bénéficier d'une augmentation de 500 francs mensuels. Cette année, la mesure de revalorisation concernera plus de 600 000 retraités, dans les conditions que vous avez précédemment détaillées, monsieur le ministre. Je tiens à rappeler que jamais un tel effort n'avait été consenti en direction des plus petites retraites, même si plus d'un s'y était engagé.
Ce budget pour 1999, tel qu'il nous est proposé, se donne également les moyens d'atteindre deux grands objectifs, grâce à des instruments plus traditionnels de notre politique agricole. L'aménagement du territoire, cher au coeur de tant d'élus ici, nécessite la préservation de l'espace rural.
Dans quelques semaines, lorsque nous examinerons le projet de loi d'orientation agricole, nous aurons à dire si, oui ou non, nous voulons donner une autre logique à notre agriculture, si oui ou non nous voulons privilégier une occupation équilibrée de notre territoire.
Maintenir la vie dans les espaces ruraux, c'est conforter, voire augmenter les moyens alloués aux agriculteurs, aux éleveurs qui occupent ces territoires. Mais pour combien de temps ? Berceau des systèmes d'élevage extensif, ces territoires doivent être défendus et soutenus, ce que vous faites, monsieur le ministre, en reconduisant les crédits de la prime à l'herbe à hauteur de 680 millions de francs, abondés d'une enveloppe européenne identique, soit un total de près de 1,4 milliard de francs.
La prime au maintien du troupeau de la vache allaitante est également confortée et, d'une manière générale, ce budget consolide les actions en faveur des zones défavorisées. Préserver l'espace rural, c'est aussi développer les actions de préservation de l'environnement : les mesures agri-environnementales continueront donc à être soutenues. Le soutien à l'agriculture « bio » sera également poursuivi, puisqu'il s'agit, cette année, de la deuxième année du plan de reconversion proposé en décembre 1997.
Après cette succincte présentation chiffrée de votre budget, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur quelques points importants, pour lesquels vous nous apporterez tous les éclaircissements nécessaires.
Elu d'un département rural, je me suis employé depuis 1996, au Sénat, à défendre l'identité de nos territoires d'élevage traditionnel et, dans ce cadre, avec quelques collègues, nous avons tout naturellement travaillé sur la piste de la traçabilité des viandes bovines. Cela recoupe votre objectif de réaffirmer et de renforcer la qualité de nos produits.
Une expérimentation est aujourd'hui engagée par l'Europe, notamment sur l'utilisation de la puce électronique. Pourriez-vous nous faire connaître l'état d'avancement de cette expérimentation sur le territoire national ?
Le deuxième point sur lequel je souhaiterais revenir brièvement concerne les retraites agricoles. Malgré le plan de revalorisation engagé l'an dernier et poursuivi dans votre budget, les retraites agricoles restent parmi les plus basses de notre système de protection sociale et, pour nombre de nos aînés, le minimum vieillesse ne sera pas encore atteint.
Je sais - je vous ai bien entendu, monsieur le ministre - que l'on ne peut préjuger une année à l'avance les priorités futures, mais pouvez-vous nous préciser les suites qui pourront être réservées à ce plan de revalorisation ?
Pour rendre plus crédible mon propos, et après avoir dressé l'inventaire des éléments positifs de votre budget, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous faire part de quelques inquiétudes.
La mise aux normes des bâtiments d'élevage continue à susciter de vives inquiétudes dans nos départements. Il faut adapter les obligations et les moyens pour atteindre cet objectif. Je souhaite, monsieur le ministre, que vous modériez l'ardeur dont font preuve sur ce sujet certains représentants de votre ministère dans nos départements.
Le devenir des opérations groupées d'aménagement foncier, les OGAF, a également été évoqué et semble soulever quelques questions, de même que le maintien du prélèvement opéré sur le Fonds national pour le développement des adductions d'eau, le FNDAE.
La réduction des droits de mutation sur le foncier risque aussi de mettre pour partie en péril l'avantage accordé aux SAFER. Il conviendrait que ces organismes puissent être mieux protégés, afin qu'ils continuent à remplir leur mission d'aménagement foncier.
De plus, le devenir des agences de bassin et autres compagnies d'aménagement suscite des interrogations. Pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse à cet égard ?
Par ailleurs, la forêt mériterait un acte politique fort, qui ne nous semble pas ressortir du projet de budget actuel, afin de l'affirmer définitivement comme un axe important de notre économie nationale.
Enfin, la crise porcine me semble le révélateur des problèmes de notre agriculture aux plans européen et mondial. Reflet de ce libéralisme poussé à l'extrême, elle justifie que l'on trouve, par le biais de la loi d'orientation, des solutions durables, mais aussi, dans l'optique de négociations sur la réforme de la PAC, que l'on définisse les outils nécessaires à la régulation des marchés.
Cela me conduit à vous interroger, monsieur le ministre, sur les négociations relatives à la réforme de la PAC. Nous étions voilà quelques jours à Bruxelles, quelques-uns de mes collègues et moi-même, et des informations récentes tendraient à laisser croire que nous nous dirigerions rapidement vers un accord prévoyant une forte renationalisation de l'enveloppe européenne, au détriment d'une vraie politique européenne. S'il en était ainsi, cela donnerait raison à Mme Thatcher et aux tenants du libéralisme extrême, acte gravissime pour le devenir de notre agriculture.
En conclusion, vous affichez, monsieur le ministre, un réalisme prudent dans l'analyse, qui nous conduit à amorcer ce nouveau virage pour notre agriculture. Notre société demande aujourd'hui à celle-ci d'assumer de nouvelles fonctions en matière d'environnement, d'aménagement du territoire et d'aménagement de l'espace rural. En outre, l'impératif de compétitivité demeure, comme dans toute activité économique.
Conscient du fait que vous explorez actuellement cette voie nouvelle, sans surprise, mon groupe vous soutiendra et votera votre projet de budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen. - M. Marcel Deneux applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. Herment.
M. Rémi Herment. Votre projet de budget pour 1999, monsieur le ministre, qui reconduit simplement les dotations de l'année précédente, ne nous semble animé ni du souffle ni de l'ambition qui auraient été nécessaires pour mettre en chantier la nouvelle loi d'orientation agricole.
Cela est d'autant plus inquiétant que l'action publique en faveur de l'agriculture est aux deux tiers tributaire de crédits européens et que, si les propositions de la Commission pour la réforme de la PAC sont acceptées telles quelles, les conséquences budgétaires pourraient être lourdes.
Les nouveaux contrats territoriaux d'exploitation - mesure phare de la loi d'orientation, que le Sénat examinera en première lecture au mois de janvier prochain - ne sont dotés que de 450 millions de francs, dont 300 millions de francs par redéploiements et 150 millions de francs sur fonds européens. L'installation des jeunes agriculteurs s'en trouvera freinée. Quant à la revalorisation des retraites, elle est gagée par une recette non reconductible.
Comment un tel budget peut-il affirmer la volonté du Gouvernement d'inciter l'agriculture française à accomplir les mutations et les restructurations nécessaires à son avenir ? Il y a véritablement une faible relation entre les objectifs et les moyens.
Au lieu de dégager des moyens nouveaux, vous avez procédé, tout simplement, à des redéploiements et leurs conséquences se feront, bien entendu, sentir.
La même absence d'ambition pèse sur le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, dont la dotation stagne à 175 millions de francs depuis trois ans.
La loi du 10 juillet 1964, organisant un régime de garantie contre les calamités agricoles, impose à l'Etat d'affecter chaque année au fonds des calamités agricoles une somme déterminée égale à la contribution de la profession. Or, cette année, nous constatons que les crédits inscrits au chapitre 46-33, relatif à la participation de l'Etat, sont entièrement réduits à néant et que, par voie de conséquence, la situation du fonds risque à tout moment, lors de son prochain exercice, d'être mis en péril.
Il s'agit donc d'un manquement extrêmement grave de l'Etat à ses obligations légales.
Pour doter le fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation, vous n'avez pas hésité, non plus, à vider purement et simplement certaines lignes budgétaires. Ainsi, vous avez décidé de supprimer la dotation du fonds de gestion de l'espace rural, le FGER. Ce fonds, créé par la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire du 4 février 1995, a pourtant pour mission de soutenir les actions concourant à l'entretien et à la réhabilitation d'espaces agricoles en voie d'abandon, d'éléments naturels du paysage et d'espaces où l'insuffisance d'entretien est de nature à aggraver les risques naturels. Il a donc, aujourd'hui plus qu'hier, un rôle essentiel.
S'agissant de la gestion de l'espace rural, il faut donner aux agriculteurs les moyens de remplir leurs obligations. Aucun crédit supplémentaire n'est, non plus, prévu pour contribuer à la mise aux normes des bâtiments d'élevage.
La création du CTE aurait imposé une nouvelle dynamique et des crédits supplémentaires. Or l'Etat ne se donne pas les moyens de réussir. Créer une nouvelle vision de l'agriculture passe par des crédits supplémentaires. Cela est d'autant plus dommageable qu'une simple stabilité par rapport au budget de 1998 aurait suffi à alimenter de manière satisfaisante le fonds de financement des CTE.
Le BAPSA bénéficiant cette année de crédits provenant notamment de la TVA et de la composition démographique en forte hausse cette année grâce à la croissance de l'économie française, la subvention d'équilibre est en diminution.
Nous ne pouvons que regretter que le Gouvernement ait préféré retirer du budget de l'agriculture la partie de la subvention n'allant plus au BAPSA.
Il eût été préférable de reconduire les crédits du FGER et des OGAF ou de les utiliser pour alimenter le fonds de financement des CTE.
Comment ne pas penser que le Gouvernement se désengage de la politique agricole et qu'il profite de la croissance actuelle pour réduire sa participation au budget de l'agriculture pour 1999 ?
Pour le développement durable de notre agriculture, il importe de réaffirmer certains principes, et tout d'abord celui selon lequel l'agriculteur est avant tout un producteur, qui doit vivre de son métier et de la vente de ses produits.
Il faut également affirmer la vocation exportatrice de l'agriculture européenne, dont la part du marché mondial n'a cessé, en quarante ans, de progresser, pour être aujourd'hui à égalité avec celle des Etats-Unis. Il est temps de mettre en place un modèle européen et de cesser de faire des complexes vis-à-vis des Etats-Unis, dont les agriculteurs vont percevoir 7 milliards de dollars, semble-t-il.
Enfin, il ne faut pas négliger l'impératif de développement rural et de soutien aux zones rurales fragiles ; ni la loi sur l'aménagement du territoire ni la réforme de la PAC n'offrent, dans leur état actuel, de certitudes. Un effort tour particulier doit, en conséquence, être accompli pour la qualité, la diversification, la promotion de nos produits, et en particulier pour les appellations d'origine contrôlée et pour l'agriculture biologique.
Soyez assuré, monsieur le ministre, que, lors de l'examen par le Sénat du projet de loi d'orientation agricole, en janvier 1999, je ne manquerai pas d'être extrêmement vigilant, avec mes collègues du groupe de l'Union centriste, pour que ces impératifs soient sauvegardés. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Mathieu.
M. Serge Mathieu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Ami, si dans l'amitié tu te plais, enrôle-toi sous la bannière des compagnons du beaujolais ». (Sourires). C'est dans l'esprit de cette confrérie à laquelle j'appartiens et au nom de près de cinquante de nos collègues, membres du groupe d'études de la viticulture de qualité, que je prends la parole à cet instant pour évoquer l'une des productions végétales essentielles à notre économie, à notre balance commerciale, et décisives pour l'installation des jeunes exploitants.
M. Gérard César. Le Mathieu nouveau est arrivé ! (Nouveaux sourires.)
M. Serge Mathieu. J'en viens au groupe d'études de la viticulture. Je me rejouis que de nombreux sénateurs, parmi lesquels plusieurs de nos nouveaux collègues, aient adhéré à ce groupe d'études. Je me félicite, en outre, que certains de nos collègues du Languedoc aient donné leur adhésion à ce groupe, ce qui confirme l'évolution considérable effectuée dans cette région viticole en faveur d'une politique de qualité.
Concernant la récolte des vins de 1998, il convient de retenir qu'elle marque un recul de 6 %. En effet, selon les prévisions établies au début du mois d'octobre, la récolte de cette année serait de 51,5 millions d'hectolitres, au lieu de 55,09 millions d'hectolitres en 1997. Il y a lieu, à cet égard, de se rappeler que de fortes gelées de printemps ont touché le Languedoc-Roussillon et la Bourgogne.
Sur ce point, monsieur le ministre, il me semble indispensable d'instituer par voie législative un dispositif d'assurance récoltes tel que l'avait suggéré notre ancien collègue M. Henri Caillavet, dans une proposition de loi qu'il avait déposée au début des années quatre-vingt.
J'ajoute que les fortes chaleurs estivales ont brûlé les grappes de raisin dans le sud de la France. Au total, la récolte diminue donc de 6 % par rapport à 1997 et de 7 % par rapport aux cinq dernières années.
S'agissant des vins de qualité produits dans des régions déterminées, la récolte s'établit à 24,2 millions d'hectolitres, soit respectivement 23,7 millions d'hectolitres en appellations d'origine contrôlée, AOC, 12,7 millions d'hectolitres en vins de pays, 5,9 millions d'hectolitres en vins de table et 8,7 millions d'hectolitres en vins aptes au cognac. Seule la production des vins de qualité supérieure, compte tenu de replantations et de changements de cépages, augmente de 5 %, passant de 5 millions d'hectolitres à 5,3 millions d'hectolitres.
Il y a lieu, cependant, de se réjouir que le millésime 1998 soit de qualité excellente pour l'ensemble du vignoble.
Bien entendu, nos exportations de vins de qualité, de champagne et de digestifs ont été gravement affectées par la crise qui sévit en Asie du Sud-Est et au Japon. Dans ces régions du monde, nos exportations ont enregistré une diminution sensible. Il reste donc à espérer que le rétablissement de la situation économique de ces pays permettra une reprise de nos exportations vers ces nouveaux marchés, en pleine expansion jusqu'à la crise.
Pour ce qui concerne les AOC, mes chers collègues, je me réjouis du classement du Viré-Clessé, qui se substitue aux appellations du Mâcon-Viré et du Mâcon-Clessé, du classement en AOC de l'Irancy en Bourgogne et, enfin, du passage en AOC du vin de qualité supérieure du Cabardès.
J'en viens maintenant, au risque de me substituer aux sénateurs de la Charente, à la situation très grave que traversent la production de cognac et, surtout, la commercialisation de cet alcool.
Vous le savez, monsieur le ministre, mes chers collègues, 95 % de la production de cognac va à l'exportation, singulièrement dans les pays d'Asie, notamment le Japon, la Chine et l'Indonésie. Or, comme je l'indiquais tout à l'heure, la crise économique très dure qui a touché ces pays a entraîné une chute considérable des exportations de cognac vers cette région du monde. Selon les prévisions qui ont été publiées par les pouvoirs publics et par la profession elle-même, il faudra reconvertir en cépages de vins de pays 12 000 des 80 000 hectares de l'AOC cognac.
Cette campagne d'arrachage se décide sur un fond de climat larvé d'opposition d'intérêts entre des viticulteurs surendettés et les grands négociants, dont quatre fournissent 70 % du marché mondial.
Dès cet été, le ministre de l'agriculture d'alors, M. Louis Le Pensec, qui est devenu depuis l'un de nos collègues, a engagé une concertation approfondie avec la profession. Vous-même, monsieur le ministre, avez reçu le 12 novembre dernier les représentants de la viticulture charentaise qui vous ont exprimé leurs préoccupations et qui ont accepté, comme vous le suggériez, de s'appuyer sur une dynamique professionnelle et interprofessionnelle ; des décrets tendant à l'adaptation du vignoble seront publiés prochainement.
J'en viens maintenant, monsieur le ministre, à la réforme de l'organisation commune de marché du vin. Le constat de la diminution de la consommation des vins, très sensible depuis une trentaine d'années, a provoqué une forte réduction de la superficie du vignoble européen, tout particulièrement s'agissant des vins de consommation courante.
La politique européenne a permis d'éliminer régulièrement les excédents structurels et les vins de mauvaise qualité, afin de rétablir l'équilibre du marché. C'est ainsi que, depuis la campagne 1994-1995, seule est intervenue la distillation préventive, mais aucune distillation obligatoire. On constate du reste, pour le déplorer, un assèchement du stock des droits à plantation qui attise la concurrence entre les producteurs souhaitant accroître les capacités de leur vignoble.
Cette politique a eu des résultats, puisque les excédents structurels ont régressé et que la production des vins ne bénéficiant d'aucune appellation a fortement chuté. Pour ce qui concerne la viticulture de qualité, les volumes ont régulièrement augmenté, ce qui a entraîné, et nous nous en félicitons, une croissance globale des revenus de la viticulture.
Dès lors, le secteur vitivinicole communautaire est devenu l'une des premières branches exportatrices de l'agriculture européenne.
Il convient maintenant que la réforme de l'OCM parvienne à mieux adapter la gestion des marchés vitivinicoles aux exigences des consommateurs européens et mondiaux. A cet effet, il est suggéré par la Commission de limiter les interventions communautaires et de développer la compétitivité des vins européens dans le cadre d'une politique de plus grande libéralisation.
Compte tenu de la diminution de la consommation mondiale - celle-ci va se stabiliser à 212 millions d'hectolitres - il est indispensable de poursuivre une maîtrise du potentiel de production comportant l'interdiction de plantations nouvelles jusqu'en 2010 et l'attribution de primes à l'arrachage. L'Union européenne devrait engager une gestion plus centralisée des droits de plantation afin d'en assurer une meilleure maîtrise.
La Commission de Bruxelles a, me semble-t-il à juste titre, proposé l'élimination régulière des superficies plantées en cépages destinés à la production de vins « génériques ».
A cet effet, une politique d'arrachage accompagnée du versement de primes devrait contribuer à la rénovation des vignobles avec un cofinancement de 50 % par les producteurs et de 50 % par l'Union européenne. Il est, en outre, préconisé de favoriser une meilleure coopération entre les différents opérateurs de la filière vitivinicole dans le cadre des interprofessions. Bien que formulant un avis plutôt favorable sur ces propositions de la Commissison, la profession, en particulier la Confédération des caves coopératives viticoles, la CCVF, émet certaines réserves et préconise une révision à échéances rapprochées du dispositif, tous les deux ans par exemple, afin de tenir compte de l'évolution entre la production et celle du marché.
Mes chers collègues, puisque nous avons consacré un dîner-débat à la coopération, je voudrais à présent attirer votre attention sur le caractère contradictoire avec le statut de ladite coopération de l'assujettissement de ces entreprises mutualistes à la C3S.
Il est clair, et vous l'avez constaté vous-même, monsieur le ministre, que les grands crus attirent les grands investisseurs financiers. C'est ainsi que Saint-Emilion-Cheval Blanc a été vendu, voilà quelques semaines, au groupe franco-belge Albert frères.
S'agissant des grands vignobles, la vente des hospices de Beaune a démontré le caractère quelque peu irrationnel des cours, ce qui laisse craindre un cycle fâcheux de périodes de cours élevés suivies de phases de chute des prix.
Cela dit, mes chers collègues, et pour conclure sur la viticulture, je voudrais souligner combien ce secteur est indispensable à notre économie, à la balance de nos comptes extérieurs et à l'installation des jeunes.
Permettez-moi de le répéter, et nous avons consacré à ce thème une réunion de travail, le vin, si l'on en fait un usage modéré, est doté de propriétés médicales reconnues, en particulier pour la prévention des maladies cardio-vasculaires, ce que nos amis américains appellent le french paradox. C'est pourquoi les producteurs et de nombreux parlementaires ont été choqués de lire, dans le rapport présenté par le professeur Roques, que l'alcool et même le vin pouvaient être assimilés à une drogue de quatrième catégorie, catégorie qui, je le rappelle, comprend l'héroïne et la cocaïne ! Il faut démystifier le vin, promouvoir une consommation modérée, lutter contre l'alcoolisme et éviter d'introduire le trouble dans l'esprit de nos compatriotes.
J'en viens maintenant, mes chers collègues, à l'enseignement agricole.
Dans le projet de loi de finances pour 1999, les dotations inscrites en faveur de l'enseignement agricole s'élèvent à 6 903 millions de francs, soit une progression de 6,21 %, alors que le budget du ministère de l'agriculture augmente globalement de 3 %, hors BAPSA.
Nous sommes nombreux à nous féliciter de la qualité de l'enseignement public et privé et de la complémentarité mise en oeuvre depuis près de quinze ans en application de la loi Rocard.
Concernant l'enseignement privé, je note, pour m'en féliciter, que les subventions à l'enseignement technique et supérieur progressent de 8,22 % et atteignent, dans le budget pour 1999, 2 785 millions de francs.
Mes chers collègues, je tiens à souligner l'importance décisive du rôle assuré par les maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation dans l'enseignement agricole privé car, grâce à un enseignement en alternance entre les études proprement dites et les stages en exploitation, elles favorisent grandement l'installation des jeunes.
Permettez-moi également de souligner la diversification des filières sur lesquelles débouche l'enseignement dispensé dans ces maisons familiales rurales, qu'il s'agisse de l'aménagement de l'espace ou de l'animation de nos campagnes. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Joly.
M. Bernard Joly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'an dernier, M. Louis Le Pensec avait tout juste « sauvé les meubles » en obtenant, à l'issue de difficiles arbitrages, la quasi-reconduction des crédits pour l'agriculture. Cette année, avec 33,5 milliards de francs, le budget de l'agriculture et de la pêche diminue de 6 % par rapport à 1998, affichant la plus forte baisse de tous les fascicules budgétaires avec celui des anciens combattants.
Certes, il faut prendre en compte la réduction de la subvention d'équilibre accordée au BAPSA. La hausse des recettes de TVA et des transferts de compensation démographique, hausse prévue pour 1999, permet en effet de diminuer la participation de l'Etat de 2,5 milliards de francs. Je regrette que cette économie due à la reprise de la croissance, elle-même partiellement due aux gouvernements précédents, ne profite pas davantage aux agriculteurs.
Pourtant, ce budget s'inscrit dans un environnement national et international en pleine mutation : projet de loi d'orientation agricole, réforme de la PAC et négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. C'est donc le moment non pas de relâcher nos efforts, mais bien plutôt d'affirmer un modèle français d'agriculture, en affichant une ambition nouvelle. Justement, votre budget prépare-t-il notre agriculture à relever les grands défis de demain ?
L'agriculture occupe plus de la moitié de la superficie de notre territoire. Bien que minoritaires dans les zones rurales, les agriculteurs sont gestionnaires de la majorité de l'espace rural. Jeunesse et dynamisme sont donc essentiels pour l'aménagement du territoire et pour garder un espace rural vivant.
Que constate-t-on, cependant ? On note la diminution du nombre d'exploitations à un rythme constant - autour de 4 % par an - et la concentration des terres dans des unités de plus en plus importantes. En outre, l'arrivée des jeunes est loin de compenser les départs à la retraite.
De surcroît, l'agriculture est amenée à répondre à une demande sociale, aujourd'hui clairement exprimée, qui dépasse largement le cadre de la seule mission de production de denrées alimentaires je veux parler de la préservation de l'environnement, de la qualité et de la sécurité des produits et des besoins en loisirs, par exemple.
Dans un environnement économique libéralisé et mondialisé, il est un autre défi lancé, celui du maintien des positions acquises par la France sur le marché agricole européen et du développement de l'accès de ses produits aux marchés tiers.
Largement souhaité par tous les acteurs, le projet de loi d'orientation agricole apparaît comme un outil autorisant une meilleure performance globale, articulant les niveaux économique, par définition, environnemental - il s'appuie sur un patrimoine collectif à transmettre - et social, parce qu'il est interactif en réponse aux attentes des autres groupes. Or je ne suis pas sûr que le texte récemment adopté par l'Assemblée nationale ait pris en compte l'ensemble de ces fonctions : la contribution du Sénat n'en sera que plus riche.
Autre chantier important, la réforme de la PAC et celle de son financement par l'Union européenne pour la période 2000-2006.
Monsieur le ministre, vous allez entrer dans une phase active de négociation et nous aimerions, sinon un grand débat sur ce sujet, que j'appelle de mes voeux, vous entendre, déjà aujourd'hui, sur les objectifs que vous comptez défendre.
Les propositions de la Commission et les positions prises par certains de nos partenaires, au premier rang desquels l'Allemagne, sont inquiétantes. Cette tentative de limitation de l'effort financier doit être accompagnée d'une vraie réflexion sur les fonctions du budget communautaire et le développement de politiques communes nouvelles. Où en sont les négociations ? N'y a-t-il pas un risque de renationalisation d'une politique qui a été le fer de lance de la construction européenne ?
Quelle que soit l'importance de la partie qui se joue à Bruxelles, les choix budgétaires nationaux sont fondamentaux.
Hormis la mise en place du fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation, sur lesquels je reviendrai, les quatre priorités de ce budget pour 1999 - installation des jeunes, revalorisation des retraites, enseignement et formation professionnelle, sécurité et qualité alimentaire - s'inscrivent dans la continuité.
La hausse des crédits consacrés à ces deux derniers volets répond a de réels besoins. Mais, je renouvellerai mon interrogation de l'an dernier relative au chantier interrompu du texte sur la qualité sanitaire des denrées alimentaires et la redéfinition de la vocation de l'enseignement agricole.
Le projet de loi d'orientation agricole devrait permettre de discuter d'une manière plus fondamentale que chiffrée de ces deux sujets.
S'agissant de l'installation des jeunes, je suis en revanche perplexe. J'étais resté dubitatif sur le remplacement du fonds pour l'installation et le développement des initiatives locales par le fonds d'installation en agriculture malgré l'élargissement du champ et le relèvement des crédits affectés. La mauvaise impression se confirme : cette année, ce fonds est amputé de 15 millions de francs ! Il me paraît paradoxal de vouloir promouvoir l'installation des jeunes en agriculture en diminuant les moyens financiers !
Second sujet de perplexité : la dotation aux contrats territoriaux d'exploitation, les CTE.
Vous avez souhaité, dès ce budget, dégager des moyens pour ce que vous qualifiez « d'outil majeur au service d'une nouvelle vision de la politique agricole ». Que vous souteniez par cette mesure un texte préparé par votre prédécesseur, soit ! Mais, sûrement comme beaucoup d'entre nous ici, je ne partage pas votre optimiste quant à son adoption. Or, pour l'heure, notre assemblée n'a pas encore eu l'occasion de débattre du principe du CTE. Ne voulant pas croire que vous négligiez notre avis, je mets cette procédure sur le compte de l'enthousiasme. Néanmoins, c'est aller un peu vite en besogne. Les structures professionnelles de mon département sont réservées. L'approche pluridimensionnelle doit se retrouver dans le cadre proposé qui se mettra en place dans une période qualifiée de « préfiguration », donc délicate. Par ailleurs, seulement une centaine de CTE seront attribués pour environ 3 000 agriculteurs ; cela laisse prévoir des arbitrages difficiles.
Pensez-vous, monsieur le ministre, que 300 millions de francs sont suffisants pour financer un outil de si grande ambition ? En outre, il est regrettable que ces crédits soient obtenus au détriment d'autres actions fort utiles tels le fonds de gestion de l'espace rural, les offices ou les opérations groupées d'aménagement foncier.
Vous comptez trouver auprès de l'Union européenne une source de 150 millions de francs supplémentaires. Permettez-moi d'émettre des doutes sur la réalité d'un tel financement, compte tenu de la tournure actuelle des négociations.
Enfin, j'évoquerai brièvement le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole et l'aide aux bâtiments en zone de montagne. Je le répète chaque année : l'insuffisance structurelle des crédits et les problèmes liés à l'absence de contractualisation de cette action dans de nombreuses régions ont incité un grand nombre d'exploitants, découragés, à sortir du dispositif. Ce budget n'apporte pas de perspective meilleure.
Ce sera là mon dernier point, laissant le soin à M. Aymeri de Montesquiou, mon collègue du groupe du RDSE, d'aborder la question des retraites agricoles qui nous préoccupe, et de développer la place de la France dans l'évolution de la PAC dont le rôle sera fondamental dans les futures négociations de l'Organisation mondiale du commerce.
En conclusion, monsieur le ministre, je suis favorable à la continuité des politiques quand celles-ci répondent à des attentes et je soutiens, dans le principe sinon dans leur traduction, les priorités que vous affichez, à l'exception, bien sûr, du CTE sur lequel je ne me prononcerai pas aujourd'hui. Hélas ! il est des insuffisances ou des choix que je désapprouve, et j'aurais souhaité un peu plus de souffle et d'ambition nouvelle dans ce budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. La parole est à M. Debavelaere.
M. Désiré Debavelaere. Monsieur le ministre, au regard des enjeux essentiels pour notre secteur agricole que sont la modernisation du modèle agricole français, sa promotion dans le cadre de l'actuelle négociation de la nouvelle politique agricole commune et, à terme, dans le cadre de la future négociation de l'Organisation mondiale du commerce, je suis consterné par la faiblesse et le manque d'ambition du projet de budget de votre ministère.
Alors que nos principaux partenaires européens consolident, développent et modernisent leur outil agricole pour répondre à ces enjeux, vous proposez au Parlement de négliger le modèle agricole français et de déléguer une partie de vos attributions à votre collègue Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
Avec 33,5 milliards de francs pour l'année 1999, soit 2,4 % des crédits des budgets civils, ce budget, monsieur le ministre, diminue en effet de 6 % par rapport à l'année 1998, affichant la plus forte baisse, tous fascicules budgétaires confondus.
Vous éliminez ainsi les crédits en faveur des opérations groupées d'aménagement foncier, du fonds d'installation en agriculture, du fonds de gestion de l'espace rural et du fonds de garantie contre les calamités agricoles.
Vous vous contentez, ensuite, de préserver la prime d'orientation agricole et le budget annexe des prestations sociales agricoles, évitant, pour cette année, la suppression pure et simple de leurs subventions.
Quant à la Société pour la promotion et l'exportation des produits agricoles, la Sopexa, ses crédits augmentent effectivement de 6,4 %, mais après avoir été réduits de 23 % l'an dernier. Là encore, vous vous contentez de préserver cet outil agricole au moment précis où de nouveaux marchés s'ouvrent et où nous avons des positions commerciales à prendre, surtout dans les pays tiers.
Par ailleurs, contrairement à vos déclarations lorsque vous étiez dans l'opposition, vous ne tenez pas vos promesses en matière de revalorisation des retraites agricoles. Qu'en est-il de la retraite minimale portée au niveau du minimum vieillesse, soit 3 470 francs par mois ?
Allez-vous lever les incertitudes concernant la prétendue augmentation retenue par l'Assemblée nationale lors de l'examen de votre projet de budget ? Allez-vous, enfin, aligner le minimum des retraites vieillesse des veuves, conjoints et aides familiaux sur celui des chefs d'exploitation ? Allez-vous, enfin, remettre en cause la privation des droits de celles et de ceux qui disposent d'un nombre insuffisant d'années de cotisation pour des motifs qui ne leur sont pas imputables ?
Vous proposez donc au Parlement de laisser tomber le modèle agricole français, un modèle qui permet à la France, encore aujourd'hui, d'être le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et le premier exportateur mondial de produits agricoles transformés.
Le projet de budget de votre ministère, à l'instar de votre projet de loi d'orientation agricole que le Sénat examinera au début de l'année prochaine, porte en lui une grave erreur d'appréciation, qui place la France hors du jeu des négociations européennes et internationales et en position de faiblesse face à ses concurrents, tout particulièrement les Etats-Unis.
A ce titre, je me permets de vous rappeler que le Fair Act, la loi cadre agricole signée par le Président des Etats-Unis le 4 avril 1996, a permis de renforcer de 5 milliards de dollars sur cinq ans les programmes américains d'exportation alimentaire. Cette loi contient notamment un volet commercial et un volet de réforme du soutien aux grandes cultures.
Le Fair Act prévoit ainsi de poursuivre l'élimination des barrières tarifaires, de limiter à terme le soutien dans les pays concurrents et d'éliminer les subventions à l'exportation et les organisations centralisées d'achat. Cette loi témoigne d'une stratégie susceptible de déboucher sur une nouvelle mise en cause de la politique agricole commune.
Par conséquent, il est urgent que la France prenne l'initiative de proposer à l'Union européenne de réfléchir à ses intérêts prioritaires, afin d'être en position de force lorsque s'ouvriront, à la date prévue, les négociations en vue de poursuivre le processus de réforme engagée par l'accord du Cycle d'Uruguay du GATT.
Loin de montrer cette volonté à nos partenaires européens, et donc de nous donner les moyens de promouvoir notre modèle agricole au sein de l'Union européenne, votre projet de budget, monsieur le ministre, se contente, comme seule proposition, d'ouvrir un nouveau guichet, le contrat territorial d'exploitation.
Ce contrat, tel qu'il ressort du projet de loi d'orientation agricole adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, est destiné à orienter l'intervention dans la voie d'un rééquilibre territorial, environnemental et social de l'agriculture. Il est ainsi, selon moi, le symbole du partage de responsabilité que vous acceptez avec Mme Voynet, ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
En effet, les crédits de cette nouvelle contrainte environnementale sont obtenus par des redéploiements budgétaires aboutissant à vider les chapitres réservés au fonds de gestion de l'espace rural et aux opérations groupées d'aménagement foncier.
L'installation des jeunes en agriculture, qui est en baisse depuis deux ans, trouvera-t-elle là l'impulsion pour prendre le risque d'entreprendre ?
Pis encore, vous nous proposez cette nouvelle ligne budgétaire alors même que ce dispositif n'a pas encore été examiné par le Sénat, et donc adopté par le Parlement. Par cette démarche, vous manifestez que vous faites peu de cas du Parlement.
En effet, les préfets sont d'ores et déjà en train de recruter pour former les commissions au sein desquelles le monde agricole sera certainement sous-représenté.
Quant au fonds, ce nouvel outil crée un véritable lien de subordination entre l'Etat et les agriculteurs. De chef d'entreprise responsable, l'agriculteur devient une sorte de contractuel de l'administration. La logique du tout salariat-tout fonctionnaire, chère au Gouvernement, tend ainsi, dès l'adoption de ce budget, à être imposée au monde agricole et rural.
De plus, l'objectif environnemental de ce contrat territorial d'exploitation, objectif avoué et cher à Mme Voynet, dorénavant votre ministre de tutelle (Rires sur le banc du Gouvernement et sur plusieurs travées du groupe des Républicains et Indépendants)... Cela vous fait rire, monsieur le ministre,...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Avouez que je ne suis pas le seul !
M. Désiré Debavelaere. ... mais plus le temps passera et plus vous ressentirez le poids de cette mainmise !
L'objectif environnemental de ce contrat territorial d'exploitation, disais-je, primerait sur l'activité même de producteur, donc sur l'économie de l'exploitation agricole.
Cette démarche, qui consiste à ne plus privilégier la conquête des marchés extérieurs et la compétitivité économique, constitue une erreur politique grave et engage l'agriculture française vers une logique d'assistance aggravée.
Je tiens à affirmer, à l'inverse de cette traditionnelle philosophie socialiste, que la vocation économique de l'agriculture est la seule et unique garantie d'une valorisation correcte et durable de notre espace agricole et de la préservation d'un maximum d'emplois en milieu rural.
Cette affirmation est essentielle lorsque l'on sait que le secteur agricole gère 85 % de notre territoire, soit 45 millions d'hectares, que l'ensemble du secteur agro-alimentaire représente 1,6 million d'actifs, soit 46 % des effectifs de l'industrie manufacturière, ou encore que le nombre total d'emplois induits par l'agriculture est évalué à 3,5 millions.
Cette affirmation est encore renforcée lorsque l'on voit que le secteur agro-alimentaire est celui qui enregistre le plus gros excédent commercial cette année. Ce dernier progresse fortement, gagnant près de 13 milliards de francs pour atteindre 64,3 milliards de francs. Cette augmentation, la plus forte enregistrée depuis dix ans, a lieu dans un contexte de dynamisme important des échanges agro-alimentaires.
Le modèle agricole français de l'an 2000 sera donc bien la résultante des grands choix stratégiques qui doivent être définis dès aujourd'hui.
Ce projet de budget, nous le constatons, est loin de répondre à cet objectif, ce qui prouve peut-être, une fois de plus, que l'agriculture n'est pas une priorité pour le Gouvernement, lequel vous en fait porter la responsabilité, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture et de la pêche pour 1999 est à la croisée des chemins.
En effet, d'importantes échéances se présentent à nous : tout d'abord, la réforme de la politique agricole commune, à laquelle il convient de lier la réforme de la politique structurelle communautaire ; ensuite, l'élargissement de l'Union européenne aux pays d'Europe centrale et orientale et, parmi eux, à de nombreux Etats disposant d'un secteur agricole non négligeable ; enfin, l'ouverture de négociations multilatérales dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, négociations lourdes de menaces pour les producteurs agricoles.
Dans cet environnement politique et économique aux contours pour le moins incertains, le vote par l'Assemblée nationale, le 13 octobre dernier, du projet de loi d'orientation agricole, dont l'examen au Sénat est prévu pour le début de l'année 1999, doit donner à notre pays les moyens et les arguments en vue d'affronter et de résister à la vague ultralibérale véhiculée tant par la Commission de Bruxelles que par l'OMC.
Je ne souhaite pas, dans le cadre de cette discussion budgétaire, anticiper sur un débat que nous aurons le moment venu sur le projet de loi d'orientation agricole. Toutefois, il est évident pour nous tous que ce texte est indissociable des négociations en cours concernant le Paquet Santer.
Il est non moins évident, selon nous, que les avancées apportées par ce projet de loi puissent être réduites à néant en cas de mauvaise réforme de la politique agricole commune. Or, en l'état, le projet de la Commission de Bruxelles est inacceptable et contraire à la politique mise en oeuvre par le Gouvernement.
D'ailleurs, l'objectif de la Commission européenne est clairement d'approfondir et d'étendre la réforme de 1992, dont on peut mesurer aujourd'hui, en France, les effets dévastateurs pour l'emploi agricole et les revenus des petits exploitants. En effet, en France, ce sont 200 000 exploitations agricoles qui ont disparu depuis 1992, et donc 300 000 actifs. Quant à l'Union européenne, elle a perdu 2 400 000 exploitations.
Il est ainsi proposé une diminution du soutien aux prix compensée partiellement par des aides directes aux producteurs. Cette réforme, telle qu'elle est envisagée par les tenants du libéralisme, s'inscrit dans une perspective de diminution progressive des concours publics à l'agriculture en vue de livrer le secteur agricole à la loi du marché. La réduction des fonds européens répond également à l'objectif de stabilité budgétaire sous-jacent à la mise en place de l'euro.
En outre, les simulations réalisées par l'Institut national de la recherche agronomique montrent que, à structure et productivité constantes, une baisse du revenu global est prévisible pour les producteurs de viande bovine - moins 23 % - pour les exploitations laitières - moins 11 % - ainsi que pour les céréaliers - moins 15 %.
Dans ce cadre, les agriculteurs n'auraient d'autre choix que la course à la productivité afin de compenser cette baisse attendue des revenus, avec les dérives que l'on connaît en matière d'environnement et d'aménagement de l'espace rural.
C'est pourquoi ce projet est inadmissible. L'enjeu est bien le démantèlement de la politique agricole commune.
Nous ne sommes pas, pour autant, partisans du statu quo . La réforme nécessaire de la politique agricole commune devrait garantir un prix rémunérateur aux exploitants, renforcer l'organisation des filières et réaffirmer les principes de la préférence communautaire de la solidarité financière. Il est urgent, selon nous, de rompre avec une logique ultralibérale et productiviste qui a eu pour conséquence d'orienter exclusivement notre richesse agricole vers l'extérieur, au détriment des exploitations à taille humaine. Très rapidement, le nombre actuel de 680 000 exploitations agricoles serait ramené à 200 000 si rien n'était fait pour contrecarrer les projets de Bruxelles. Nous passerions, dès lors, d'une tradition d'exploitations familiales à une logique d'entreprise à forte intensité capitalistique telle que défendue par la droite. (M. Hilaire Flandre rit.)
Etant ici un représentant du département des Côtes-d'Armor, particulièrement touché par la crise porcine,...
M. Hilaire Flandre. Elle n'est pas capitalistique, là-bas, l'agriculture !
M. Gérard Le Cam. ... j'ai pu évaluer les conséquences néfastes du libéralisme sur les hommes, les territoires et l'environnement.
A cet égard, nous ne pouvons nous satisfaire de mesures conjoncturelles pour remédier à une crise d'origine structurelle.
A la suite de la peste porcine, qui s'est développée d'abord aux Pays-Bas puis dans d'autres pays d'Europe du Nord, les grosses infrastructures ont poussé à la production maximale pour conquérir des parts de marché. La chute des cours aujourd'hui provoquée par cette surproduction et accélérée par la crise internationale, qui a fragilisé la demande extérieure, aura pour conséquence d'acculer les petits producteurs à la faillite et de renforcer le processus de concentration des structures. Ce type d'agriculture productiviste est voué à l'échec.
Tout d'abord, des mesures d'urgence doivent être prises : le contrôle immédiat des effectifs des élevages au regard des autorisations, l'abattage des truies excédentaires et de porcelets, l'attribution d'aides d'urgence en faveur des plus jeunes récemment endettés, des 10 % d'exploitants en très grande difficulté et des 30 % d'exploitants en situation fragilisée.
Par ailleurs, des mesures à long terme sont indispensables : la maîtrise de l'environnement de la production et de la qualité, la stabilisation, voire le développement des emplois de l'agro-alimentaire par le maintien d'un niveau de production raisonnable et l'augmentation du volume des produits élaborés à haute valeur ajoutée.
Il faudra également réviser de fond en comble les critères de l'Organisation mondiale du commerce où prévaut la concurrence la plus sauvage et la plus destructrice à l'image de la mondialisation.
Le concours permanent des banques, des plus grandes exploitations, des coopératives, des intermédiaires et de la grande distribution me semble également indispensable à un fonds de garantie des crises.
Enfin, une idée, qui ne serait pas onéreuse, me tient à coeur : il s'agit de réconcilier producteurs et consommateurs autour d'objectifs communs de qualité, de compréhension mutuelle, de confiance réciproque, de clarté dans l'élaboration des prix à la production et à la vente, ainsi que d'application et de respect par tous les citoyens des mesures en vigueur et à venir dans le domaine de l'environnement.
La crise que nous vivons doit nous aider à faire valoir un modèle d'agriculture alternatif fondé sur la multifonctionnalité prenant en compte, outre la fonction économique qui doit rester essentielle, la dimension sociale, territoriale et environnementale de notre agriculture. Elle montre de surcroît la nécessité d'organiser la filière d'amont en aval afin d'être en mesure d'anticiper et de contrôler la production plutôt que de subir et de s'adapter aux aléas du marché.
Encore faut-il que cette organisation place sur un pied d'égalité l'ensemble des acteurs de la filière, des producteurs jusqu'à la grande distribution.
Paradoxalement, la crise porcine ne profite que très peu aux consommateurs alors que, dans le même temps, les producteurs vendent à perte. Vendre à perte est interdit pour les commerçants ; alors, pourquoi est-ce autorisé pour les agriculteurs ?
Sur ce point, l'idée d'un coefficient multiplicateur permettant de limiter l'écart entre le prix à la production et le prix d'achat par le consommateur final mérite d'être approfondie. Un tel dispositif doit nous aider à réguler le marché dans des situations de crise aussi extrême que celle que nous vivons.
Cet environnement favorable à la réorientation de la politique agricole en France doit vous permettre, monsieur le ministre, d'amener nos partenaires européens sur nos positions. Je crois d'ailleurs savoir que plusieurs d'entre eux semblent porter un intérêt croissant aux contrats territoriaux d'exploitations.
Enfin, vous aurez certainement à coeur de faire le point devant la représentation nationale sur ce qui ressort du conseil des ministres de l'agriculture des Quinze, tenu cette semaine.
Compte tenu de la position qui est la nôtre dans l'Union européenne, notre pays étant de surcroît prioritairement touché par la réforme de la politique agricole commune, le gouvernement français doit être en mesure d'infléchir les intentions de la Commission de Bruxelles, quitte à utiliser son droit de veto en dernière instance.
J'en viens, à présent, aux quatre priorités du projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 1999 : la mise en place du contrat territorial d'exploitation, la formation et l'installation des jeunes, la sécurité et la qualité de l'alimentation, ainsi que la revalorisation des retraites agricoles, qui a déjà donné lieu à un débat. J'y reviendrai tout à l'heure en défendant notre amendement. Je rappellerai que la subvention au BAPSA inscrite à ce projet de budget motive l'essentiel de la réduction globale des crédits ministériels.
Hors cette subvention d'équilibre au BAPSA, ce projet de budget, avec 28,2 milliards de francs, connaît une augmentation de 3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1998, qui, il est vrai, était demeurée stable.
Ce projet de budget fait apparaître au chapître 44-84 une ligne budgétaire supplémentaire instituant le Fonds de financement des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE. Ce Fonds est doté, pour la première année, de 450 millions de francs, dont le tiers provient de cofinancements européens. Les 300 millions de francs restants sont assurés par redéploiement : 140 millions de francs sont issus du Fonds de gestion de l'espace rural, le FGER, 100 millions de francs des offices agricoles, 45 millions de francs des opérations groupées d'aménagement foncier et 15 millions de francs du Fonds d'installation en agriculture, le FIA, institué en 1997.
Comme à chaque redéploiement, se posent les questions suivantes : que deviennent les actions entreprises précédemment et comment s'effectue la transition de telle sorte que les crédits nouveaux soient abordés sans que les engagements d'hier soient remis en cause ?
En tout état de cause, cette procédure ne peut être que transitoire, puisque les CTE ont vocation à être financés par le Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA.
Cependant, pour l'année 1999, compte tenu des délais législatifs et réglementaires, les premiers CTE seront signés, au plus tôt, en septembre 1999. Dès lors, comment financerez-vous les opérations de type agro-environnementales destinées à se retrouver dans le CTE alors que celui-ci ne sera pas encore opérationnel ? De même, s'agissant du FIA, pouvez-vous nous garantir que les crédits engagés pour 1999 ne seront pas remis en cause ?
Dans l'éventualité où le CTE serait un succès - j'en juge par l'écho qu'il reçoit parmi les représentants du syndicalisme agricole - tous les agriculteurs ne souscriraient pas de façon massive et immédiate à cette formule. Par conséquent, par quel biais les actions d'entretien de l'espace rural seraient-elles financées hors du CTE ?
En outre, monsieur le ministre, êtes-vous en mesure de dresser un premier bilan des préfigurations du CTE organisées dans plus de soixante-quinze départements, ce qui témoigne, par ailleurs, de l'attrait de ces contrats pour la plupart des régions rurales ?
Enfin, les CTE seront-ils suffisamment rémunérateurs pour le producteur qui s'engage, tant il est vrai que leur réussite repose, pour une grande part, sur les financements qui l'accompagneront ?
A cet égard, ce budget pour 1999 est un budget de transition ; mais il doit ouvrir, pour la prochaine loi de finances, sur une dotation plus large des CTE et, de là, sur une approche nouvelle des aides publiques à l'agriculture.
La deuxième priorité retenue dans ce projet de budget concerne l'avenir des jeunes.
Les efforts consentis par votre ministère en faveur de l'enseignement agricole, avec un budget en augmentation de 6 %, méritent d'être salués et encouragés. Père d'un enfant scolarisé dans un lycée agricole, je me félicite notamment de l'attention toute particulière portée aux crédits destinés aux bourses, en progression de 4,3 %, au fonds social lycéen, en augmentation de 43 %, ainsi qu'à la prise en charge partielle à concurrence de 10 millions de francs des frais de stages des élèves des filières techniques et professionnelles. Ces différentes actions ne peuvent que valoriser le travail des lycéens dont les familles connaissent des difficultés et se trouvent dans l'impossibilité de subvenir aux besoins de leurs enfants.
Enfin, notons la création de 180 emplois nouveaux dans l'enseignement technique et la transformation d'emplois précaires en 128 postes stables répartis en postes d'enseignants et de personnels ATOSS, les personnels administratifs, techniques, ouvriers, sociaux, de santé et de service.
A cet égard, l'engagement des élèves de l'enseignement agricole dans le mouvement lycéen de cet automne mérite d'être entendu. Aussi, je ne doute pas, monsieur le ministre, que les avancées de ce projet de budget soient poursuivies et amplifiées par votre administration pour répondre à ces attentes.
Concernant l'installation des jeunes, les crédits consacrés à la dotation aux jeunes agriculteurs sont maintenus à 645 millions de francs.
L'objectif de 10 000 installations en 1999, dont on peut douter qu'il sera atteint, m'amène à vous interroger sur les critères d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs. Ne conviendrait-il pas de les assouplir et de les élargir afin d'inciter et d'accélérer l'installation des jeunes agriculteurs ?
S'agissant de la dotation aux jeunes agriculteurs comme du Fonds d'installation en agriculture, il serait nécessaire, me semble-t-il, d'effectuer un bilan sur l'efficacité des aides et leur concrétisation, afin d'en améliorer le taux de réussite.
Sachant que le rapport entre l'installation et le départ en retraite est de un sur quatre, nous devons décupler nos efforts dans ce domaine pour inverser cette tendance. L'Etat ne devrait-il pas mobiliser davantage le secteur bancaire en faveur de prêts bonifiés de longue durée permettant aux jeunes de s'installer et de moderniser leur exploitation sans entraver leur pouvoir d'achat ?
La troisième priorité de ce projet de budget est la sécurité et la qualité alimentaires. Cette priorité se justifie par un intérêt et une préoccupation croissants des consommateurs pour la qualité de leur alimentation tant animale que végétale.
La conférence des citoyens sur les organismes génétiquement modifiés a révélé les espoirs et les craintes des populations envers la recherche dans ce domaine. Notre position, sur ce sujet, est claire : nous ne sommes pas opposés par principe à des expérimentations sur le patrimoine animal et végétal dès lors que la sécurité des consommateurs est assurée et que l'environnement est préservé. Ce peut être, au contraire, une chance pour l'humanité si la recherche donne aux producteurs, notamment à ceux des pays pauvres, les moyens de résister aux aléas climatiques ou écologiques.
En revanche, le pire est à craindre si la recherche scientifique est détournée de ses missions au profit des puissances financières qui contrôlent l'industrie agro-alimentaire.
Cela suppose le renforcement d'un contrôle efficace et indépendant et une recherche scientifique à l'abri des pressions industrielles et financières.
Nous soutiendrons tous les efforts qui iront dans le sens du développement de la traçabilité des filières de production, mais aussi en faveur de ce que l'on appelle la biovigilance en amont et les contrôles de qualité en aval de la production.
C'est pourquoi nous nous réjouissons des engagements accrus de l'Etat dans ce domaine.
Enfin, je ne saurais conclure mon propos sur les crédits de l'agriculture sans évoquer la mobilisation des personnels de votre ministère, qui redoutent la suppression de 170 emplois dans les services déconcentrés et à l'administration centrale, après une chute de 10 % des effectifs depuis dix ans. Ils demandent la création de postes nouveaux nécessaires à l'accomplissement des missions des directions départementales de l'agriculture et la titularisation de tous les agents non titulaires afin de répondre aux nouvelles sollicitations que générera l'application de la loi d'orientation agricole. Monsieur le ministre, quelle réponse pouvez-vous leur apporter ?
L'autre volet de mon intervention concernera le budget de la pêche, qui s'élève à environ 150 millions de francs, en progression de 0,25 %.
Voilà un an, le Parlement votait à l'unanimité la loi d'orientation pour la pêche maritime et les cultures marines, qui comportait, outre son volet social, les instruments en faveur d'un renforcement de la filière « pêche ». Sa concrétisation semble tarder, alors que la loi instituant l'OFIMER vient seulement d'être promulguée, à la suite d'une erreur de codification.
Ce secteur d'activité semble avoir retrouvé un certain équilibre économique apparent, mais il demeure fragilisé et reste très dépendant des décisions communautaires.
De ce point de vue, force est de constater que ce budget reste attaché à l'application des programmes communautaires d'orientation pluriannuels de réduction de la flotte de pêche. Ainsi, alors que nous réduisons notre capacité maritime et que le nombre de marins diminue, la France importe de plus en plus de produits de la mer, rendant notre balance commerciale, dans ce secteur, largement déficitaire.
Le respect des objectifs des plans d'orientation pluriannuels, les POP, rend plus périlleuse l'installation des jeunes pêcheurs au moment où les aides à la construction de bateaux neufs tardent à se concrétiser. Il y a là, me semble-t-il, une contradiction avec l'esprit de la loi d'orientation de la pêche en faveur de l'installation des jeunes.
Compte tenu de ces observations relatives au budget de l'agriculture et de la pêche ainsi que de l'attitude de la France dans le cadre des négociations de la réforme de la PAC, et au bénéfice des réponses que vous nous apporterez, monsieur le ministre, le groupe communiste républicain et citoyen votera ce budget. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Bony.
M. Marcel Bony. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avant d'aborder certains sujets précis, je tiens à souligner ma satisfaction de voir augmenter les crédits du budget de l'agriculture.
En tant qu'élu d'une zone de montagne, vous comprendrez que je m'attache plus particulièrement à quatre points : en premier lieu, aux mesures en faveur de la montagne ; en deuxième lieu, à la pluriactivité et aux problèmes divers qu'elle engendre ; en troisième lieu, aux retraites ; enfin, en quatrième lieu, à la politique agricole commune.
Certains de mes collègues ne manqueront peut-être pas de rappeler le mémorandum pour la montagne présenté par le gouvernement précédent mais resté lettre morte dans les faits.
Vous n'avez pas jugé nécessaire, monsieur le ministre, de vous livrer à votre tour à un tel exercice, mais vous n'avez pas pour autant oublié la montagne : vous l'avez inscrite dans un vaste projet qui en fait une véritable composante de l'aménagement du territoire.
Dans le cadre de la discussion du projet de budget pour 1999, je ne peux ni ne veux faire abstraction de deux projets de loi dont nous serons saisis début 1999 : la loi d'orientation agricole et la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.
Le projet de loi d'orientation agricole, qui repose sur le contrat territorial d'exploitation, le fameux CTE, a pour objet essentiel de traduire une politique agricole centrée sur le territoire. La contractualisation, à laquelle travaillent ardemment professionnels et techniciens de l'agriculture, doit permettre de promouvoir une approche globale des exploitations affirmant le caractère multifonctionnel de l'agriculture et favorisant l'émergence de nouveaux projets de développement qui prennent en compte à la fois les préoccupations environnementales, territoriales et économiques.
C'est donc un nouvel outil de développement qui va être mis à la disposition des agriculteurs, et ils l'ont bien compris puisqu'ils participent majoritairement, notamment les jeunes, par l'intermédiaire du CNJA, à la conception même de ces contrats.
Dans le projet de budget pour 1999, votre politique se traduit concrètement par la reconduction de mesures antérieures, mais aussi par l'intégration de dispositifs nouveaux.
Ainsi, l'indemnité compensatrice de handicaps naturels, destinée non seulement à la montagne mais aussi aux zones défavorisées, voit son enveloppe s'accroître, même si cela est dû en partie au versement rapide de remboursements du FEOGA : les primes sont en effet revalorisées de 1,5 %.
Certes, on peut penser que le système indemnitaire n'est pas en soi une panacée et l'ancien agriculteur que je suis regrette qu'il faille s'en accommoder ; mais il faut être réaliste : dans le système actuel, il n'y a malheureusement pas de survie sans ces aides financières.
Il convient donc - et c'est ce que vous avez fait - d'abonder les crédits de façon à permettre une réelle efficacité du dispositif.
Le relèvement du plafond communautaire par unité de gros bétail, par hectare ou par unité de travail humain serait bien accueilli par les éleveurs de montagne ; la mesure semble peu coûteuse et elle donnerait un peu d'oxygène aux exploitations concernées.
De même, il serait judicieux de rendre éligible à l'ISM végétale les petites productions végétales et fruitières, si encouragées depuis des années par le FIDAR et dont le rôle en matière de gestion de l'espace n'est plus à démontrer.
En ce qui concerne le chapitre relatif à la modernisation des exploitations, qui regroupe le plan de maîtrise des pollutions d'origine agricole et les bâtiments agricoles, je constaterai simplement que les dépenses de 1998 sont maintenues en francs courants, ainsi que l'a relevé tout à l'heure mon ami Jean-Marc Pastor. Or, comme vous le savez, ces aides sont essentiellement attribuées aux zones de montagne et sont un des éléments importants de la protection de l'environnement. Il faudra donc veiller, pour le moins, à ce qu'elles ne diminuent pas.
Certains ont cru bon d'affirmer qu'un agriculteur est d'abord un producteur avant d'être un aménageur du territoire. Quel besoin d'opposer les deux concepts ? Un agriculteur est un acteur de l'aménagement du territoire au même titre que les autres professionnels. Loin d'un corporatisme nuisible à toute évolution, les actifs ont compris depuis longtemps, dans les zones difficiles, la nécessité vitale du partenariat, sans même parler de solidarité. Ce n'est pas à côté du développement rural qu'il faut faire une place au développement agricole, c'est à l'intérieur !
Les textes en cours représentent un formidable espoir pour les agriculteurs de montagne, qui ont toujours manifesté une volonté affirmée de faire vivre leur activité même dans des conditions difficiles. Je sais que vous ne les décevrez pas, monsieur le ministre, et que vous serez un porte-parole efficace dans les négociations tant européennes que mondiales.
Mon deuxième point concerne la pluriactivité, largement encouragée par la loi d'orientation agricole, ce qui a entraîné la crainte, pour les commerçants et artisans, d'une concurrence déloyale.
La loi d'orientation agricole ne traitant pas de pluriactivité mais de multifonctionnalité, ce qui paraît moins réducteur, elle permettra à tous les acteurs de l'économie rurale de trouver leur place.
Un réaménagement de la fiscalité aurait pu être un encouragement. Il conviendrait au moins de simplifier et d'analyser les possibilités de détermination globale du bénéfice de l'entreprise agricole multifonctionnelle si vous voulez réellement la stimuler.
A titre d'exemple, je dirai quelques mots de l'agritourisme.
L'équilibre entre ces deux fonctions, aménagement du territoire et économie, devra respecter l'environnement, la qualité et l'identité forte.
Trois mots clés sont à retenir dans ce domaine : qualité, pour renforcer l'attractivité du territoire rural ; réseau, pour une véritable démarche de marketing qui fait défaut ; formation, car le professionnalisme et l'accueil ne s'improvisent pas.
M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis. Très bien !
M. Marcel Bony. La montagne dispose d'un atout essentiel : elle est connue et reconnue comme espace touristique. Mais il reste beaucoup de chemin à parcourir pour qu'elle s'épanouisse comme le lieu d'une agriculture diversifiée pérenne et créatrice d'emplois.
Votre ministère, en partenariat avec le secrétariat d'Etat au tourisme, ne doit pas négliger cette voie.
Mon troisième point concerne les retraites agricoles. En tant qu'agriculteur retraité, je ne peux pas ne pas en parler : sinon, j'aurais l'impression de trahir les miens.
Personne ne conteste qu'un retard social dramatique s'est accumulé au fil des générations : les retraites agricoles sont les plus basses du système de protection sociale et un trop grand nombre d'anciens agriculteurs vivent avec des pensions inférieures au minimum vieillesse, malgré l'appui financier des autres régimes et de l'Etat.
Aujourd'hui, on admet généralement que la responsabilité de cette situation n'incombe pas aux agriculteurs. Rendu obligatoire en 1952, le système n'a été mis en place que très progressivement, et il n'existait pas de régime complémentaire obligatoire. Les contributions, calculées sur le revenu cadastral, étaient donc très faibles pour les nombreuses petites exploitations familiales. Qui, à leur place, aurait accepté de verser des cotisations plus importantes que celles qui étaient demandées ?
La loi de finances pour 1999 prévoit une augmentation, comme en 1998 ; 607 000 retraités agricoles sont concernés. C'est un effort positif, mais il n'est pas encore suffisant, l'objectif est de parvenir à une retraite décente pour tous les cotisants.
En attendant l'aboutissement du plan pluriannuel sur lequel s'est engagé le Gouvernement, il aurait été souhaitable que les retraites soient portées au niveau du minimum vieillesse.
Pour terminer, monsieur le ministre, j'interviendrai sur la PAC, car je souhaiterais que l'Europe reconnaisse enfin les difficultés particulières de production liées à l'isolement des exploitations laitières de montagne et à leur faible litrage.
Le fermeté dont la France a fait preuve en matière de maintien des quotas est toujours d'actualité puisqu'il semble que la Commission s'engage dans cette voie jusqu'en 2006. Depuis avril 1998, la collecte française est en forte baisse : près de 4 % de moins en un an. Imaginez ce qui se passe dans les zones de moyenne montagne comme l'Auvergne, singulièrement dans le Puy-de-Dôme, où une grande partie des revenus agricoles provient de la production laitière !
Par ailleurs, les normes communautaires entrées en vigueur le 1er janvier 1998 font peser de lourdes incertitudes sur la production fromagère traditionnelle, qu'il faudra bien résoudre d'une manière ou d'une autre.
Les dispositions concernant qualité et identification des produits prévues dans la loi d'orientation agricole, telle la reconnaissance définitive de la dénomination montagne, vont dans le bon sens.
Il est grand temps de bâtir un véritable projet européen, comme il est grand temps de définir la notion de prix mondial qui permettrait de prendre des décisions mieux adaptées en matière de baisse des prix.
Les coûts de la production européenne sont supérieurs à ceux du marché mondial en raison de la volonté de maintenir une population agricole nombreuse. S'il y a baisse des prix, il y aura compensation financière, au moins partielle, mais cette compensation ne réglera de toute façon pas les problèmes de l'adaptation de la production à l'offre, ni celui de la maîtrise de la production.
Le rapport remis en juin 1998 au Sénat par sa mission d'information sur la réforme de la PAC préconise qu'une nouvelle impulsion soit donnée à l'agriculture de montagne, notamment en accentuant l'aide aux systèmes herbagers, en préservant les droits à produire pour les productions montagnardes, en détachant l'attribution des indemnités compensatrices de toute contrepartie.
La réforme des fonds structurels européens peut, elle aussi, avoir des conséquences sur les zones de montagne. Le projet prévoit la réduction de cinq objectifs à trois, et la disparition de l'objectif 5 B consacré au développement des zones rurales. Si l'on peut se réjouir, dans l'absolu, de la réunion du monde rural et du monde urbain, il ne faudrait pas que les zones rurales pâtissent de cette fusion et soient aspirées par les zones urbaines.
Cette crainte vient surtout de la référence territoriale et des critères d'éligibilité proposés. Que se passera-t-il pour les zones rurales pauvres dans un département où, heureusement, les zones urbaines ne rempliront pas les critères de niveau de chômage ou de dépeuplement ?
Avant de conclure, j'aimerais parler des SAFER. J'approuve la décision de réduire les droits de mutation sur les transactions foncières, mais elle remet en cause, vous le savez, le rôle des SAFER puisque leurs attributaires auraient intérêt à se passer de leurs services, leur rémunération devenant supérieure aux frais de mutation. Or les SAFER sont un outil de régulation utile dont les missions de service public ont permis à des jeunes agriculteurs de s'installer dans des conditions qui n'auraient pu être réunies dans un cadre plus libéral.
En outre, le projet de la loi d'orientation agricole vient d'étendre leurs missions en matière d'aménagement du territoire. Dès lors, monsieur le ministre, j'espère que vous étudierez avec bienveillance les propositions qui vous seront soumises à ce sujet.
Globalement, votre projet de budget a le mérite de placer l'agriculture dans une situation de cohérence avec la loi d'orientation agricole. Vous posez les fondements de l'agriculture de demain pour affirmer dès aujourd'hui les exigences incontournables d'un monde qui ne veut pas disparaître. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous voterons votre budget. (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Deneux.
M. Marcel Deneux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'agriculture est une compilation complexe de crédits qui retracent les soutiens publics à l'agriculture tels que l'on a eu l'habitude, au cours des années précédentes, de les comptabiliser. Il y a donc un besoin global de clarification.
En effet, l'ensemble des dépenses qui, chaque année, sont affectées à l'agriculture ou assimilées au soutien de l'agriculture comptabilise le coût des fonctions générales que l'Etat doit assumer et ne correspond pas forcément à des dépenses directement agricoles. C'est le cas de la protection sociale, de l'enseignement et de la recherche.
Le niveau des concours publics à l'agriculture en 1999 s'établit sensiblement à 173 milliards de francs. C'est une reconduction, ou presque. Cette stabilisation est obtenue grâce au poids énorme de deux grands postes : le BAPSA et les versements de l'Union européenne qui, à eux deux, représentent plus de 80 % du total.
Ces chiffres, qui ne relèvent pas seulement de votre ministère, monsieur le ministre, mais qui dépendent aussi de différents budgets de l'Etat - emploi, travail, intérieur, BAPSA, comptes spéciaux du Trésor - ne sont pas représentatifs du soutien apporté à l'agriculture en tant que secteur économique.
En effet, il est possible de distinguer, dans la structure des concours publics à l'agriculture, les crédits imputables à l'agriculture en tant que secteur économique. Si l'on examine les crédits dévolus à l'agriculture considérée comme un secteur économique, on constate qu'ils représentent sensiblement 45 % de l'ensemble des dépenses, soit 78 milliards de francs, dont 11,1 milliards de francs seulement proviennent de la rue de Varenne, le solde étant lié à la politique agricole commune.
Regardons maintenant les crédits qui ne sont pas imputables à l'agriculture vue comme un secteur économique. En effet, les autres budgets ministériels n'incluent pas les dépenses de formation ou de protection sociale liées à leurs ressortissants, qui font en revanche la spécificité du budget de l'agriculture. Ces crédits s'élèvent, dans le projet de budget qui nous intéresse, ou tout au moins dans son environnement, à 95 milliards de francs, masse dans laquelle, là encore, les postes principaux sont le BAPSA, pour 73 milliards de francs, en dehors de la contribution professionnelle, l'enseignement et la recherche pour 11 milliards de francs, les comptes spéciaux du Trésor pour 2 milliards de francs, la forêt pour 1,7 milliard de francs, et je ne déclinerai pas les petites lignes du projet.
Finalement, si l'on observe l'évolution du budget de votre ministère et si l'on analyse les concours publics à l'agriculture, on s'aperçoit que le levier principal, c'est la politique agricole commune, et que les chiffres sont d'une très grande stabilité.
Je constate donc que votre projet de budget subit de fortes contraintes et que votre marge de manoeuvre est étroite, monsieur le ministre.
Vous affichez trois priorités, à savoir : l'enseignement, la qualité et la sécurité alimentaires, et la revalorisation des petites retraites. Je reviendrai tout à l'heure sur votre quatrième priorité, les CTE.
Vous dotez ces trois postes de crédits supplémentaires plus ou moins à la hauteur des besoins, mais l'on distingue des orientations.
En revanche, si l'on cherche une orientation politique dans ce projet de budget, on la trouve dans la création du fonds de financement des CTE. En effet, on lui affecte 300 millions de francs de crédits, que l'on mobilise par redéploiement, partiel ou total, des crédits relatifs aux offices, aux opérations groupées d'aménagement foncier, au fonds de financement de l'espace rural, au fonds d'installation en agriculture, etc.
Mais la précipitation qui accompagne cette création nous amène à nous interroger.
En effet, on dote déjà un fonds qui n'est pas encore créé, puisque la loi d'orientation agricole sera voté au mieux au cours du premier trimestre de 1999. Il est prématuré, monsieur le ministre, de doter une action qui n'a pas encore été décidée et, de surcroît, les crédits que l'on prélève, parce qu'il faut bien les prendre quelque part, manqueront ailleurs.
Je veux, à cet égard, attirer votre attention sur ce qui va se passer, par exemple, pour les OGAF : les CTE, s'ils sont créés, ne succéderont pas systématiquement aux OGAF ; mais si c'était le cas, ils ne pourraient au mieux bénéficier d'une dotation qu'au troisième trimestre de l'année 1999. Quid donc des OGAF nouvelles - et il y en a - qui vont démarrer en janvier 1999 et de celles qui vont poursuivre leur activité en ce même début d'année ?
La suppression du fonds de gestion de l'espace rural fait également l'objet de mes préoccupations. Des orateurs qui m'ont précédé ont déjà évoqué longuement ce problème et je me bornerai à vous demander, monsieur le ministre, de mesurer l'ampleur des déceptions, des espoirs perdus de ceux qui se sont résolument engagés dans cette direction sur la foi de promesses gouvernementales.
Je formulerai la même remarque sur les crédits des offices, qui sont en diminution de 100 millions de francs ; c'est peu, me direz-vous, sur quelque 3 milliards de francs - 3 % - mais c'est déjà une tendance.
Il y a fort à parier que ce sont les crédits affectés aux actions nationales qui supporteront cette baisse, car les dépenses de fonctionnement des offices ont un caractère quasi obligatoire lié à la politique agricole commune. En réduisant ces crédits, monsieur le ministre, vous vous privez d'un moyen car ces actions nationales sont un véritable levier qui permet d'orienter la politique des différentes filières de production.
Je pense, personnellement, qu'il vaudrait mieux renforcer de façon significative les crédits d'orientation économique des offices plutôt que de développer un encadrement administratif des filières, par nature moins efficaces. Il est encore temps, je crois, de proposer au CSE une réforme de cette nature.
La ligne budgétaire du Fonds national de garantie contre les calamités agricoles disparaît totalement. Je n'entrerai pas dans la polémique qui oppose ceux qui pensent que les réserves sont suffisantes et ceux qui prétendent que la loi du 10 juillet 1964 est mal appliquée.
Je dirai simplement que cette suppression est inopportune, insuffisamment réfléchie, au moment où il est nécessaire d'avancer l'idée de la création d'un système d'assurance récolte, voire d'assurance revenus, pour mieux affronter les conséquences prévisibles de la réforme de la politique agricole commune.
A ce propos, je souhaite, monsieur le ministre, que l'un de vos collaborateurs prenne le temps de lire un excellent rapport sur ce sujet que le Conseil économique et social a adopté au début de cette semaine.
Je souhaite, par ailleurs, attirer votre attention sur la stagnation à 680 millions de francs de la prime à l'herbe : ce n'est pas le geste fort attendu en faveur de l'élevage extensif.
Je souhaite aussi attirer votre attention sur l'érosion constante du pouvoir d'achat des crédits destinés à la politique de la montagne, que ce soient l'indemnité compensatrice des handicaps naturels, l'aide à la collecte du lait en zone de montagne ou les crédits spéciaux « bâtiments d'élevage en montagne ». Tout cela n'est pas suffisant.
A propos des crédits spéciaux « bâtiments d'élevage en montagne », il est temps de mettre fin à la confusion entre la ligne budgétaire du PMPOA et la ligne « bâtiments de montagne ». Ces deux lignes recouvrent des objectifs différents et requièrent donc la mise en place de budgets séparés et identifiables.
A propos de la politique de l'investissement et, par incidence, de celle des prêts bonifiés, je constate que les dépenses pour bonification d'intérêts augmentent à peine malgré la forte augmentation en volume des crédits bonifiés. Cela signifie que la bonification en pourcentage coûte de moins en moins cher et que les taux des prêts que l'on appelle bonifiés se rapprochent de plus en plus des taux du marché monétaire, mais cela signifie aussi qu'on bonifie très peu alors qu'il faudrait bonifier beaucoup, car, en taux réel - le seul qui ait une signification économique - l'argent a rarement été aussi cher.
Il faut revoir et adapter cette politique qui doit avoir une signification en matière de développement de l'investissement productif.
Il faut mieux tirer partie de la réglementation européenne, moderniser la règlementation des PPVS, assurer la pérennité des prêts « calamités ».
Je souhaite en outre vous rappeler, monsieur le ministre, que vous êtes par ailleurs le ministre de tutelle des industries agro-alimentaires et agro-industrielles, que les crédits des politiques agro-industrielles sont en baisse, que les moyens dont dispose le ministère ont été divisés presque par quatre en dix ans, alors qu'il y a un cofinancement communautaire.
Si on prend en compte l'effort des industries agro-alimentaires en matière d'emploi en milieu rural, la valeur ajoutée de la branche, sa contribution au solde du commerce extérieur, force est de constater que les incitations en ce domaine ne correspondent pas au résultat que l'on peut légitimement en attendre pour les années à venir.
Il faut mieux prendre en compte la réelle dimension industrielle - c'est le premier secteur industriel français - de ces entreprises sans lesquelles le revenu agricole n'existerait pas.
L'objet de notre débat est aujourd'hui le budget du ministère de l'agriculture,...
M. Jean Glavany, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je confirme ! (Sourires.)
M. Marcel Deneux. ... je ne parlerai donc pas de la loi d'orientation - nous nous retrouverons dans les semaines qui viennent.
L'avenir de l'agriculture française en tant qu'activité économique se décide de plus en plus à Bruxelles, mais le budget dont vous êtes directement responsable, qui représente moins de 20 % du total des concours publics à l'agriculture, est aussi celui qui permet des effets de levier.
Nous souhaitons qu'il permette à l'agriculture française, dans l'avenir européen qui se prépare, de résoudre au mieux ce que certains assimilent déjà à une quadrature du cercle pour cette agriculture : être un secteur économiquement fort, de plus en plus compétitif à l'échelle mondiale ; assurer, bien sûr, la sécurité alimentaire avec des perspectives de qualité encore améliorées et, en même temps, assurer un revenu convenable à une population active stabilisée contribuant par son travail et sa présence à l'aménagement du territoire dans un environnement respecté et une diversification professionnelle organisée et encouragée. (Applaudissements.)
M. le président. Mes chers collègues, à ce stade du débat, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)