Séance du 16 novembre 1998
M. le président. « Art. 16. - I. - Dans le code de la sécurité sociale, sont insérés les articles L. 161-28-1 à L. 161-28-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 161-28-1. - Il est créé un système national d'information interrégimes de l'assurance maladie qui contribue :
« 1° A la connaissance des dépenses de l'ensemble des régimes d'assurance maladie par circonscription géographique, par nature de dépenses, par catégorie de professionnels responsables de ces dépenses et par professionnel ou établissement ;
« 2° A la transmission en retour aux prestataires de soins d'informations pertinentes relatives à leur activité et leurs recettes, et s'il y a lieu à leurs prescriptions.
« Le système national d'information interrégimes est mis en place par les organismes gérant un régime de base d'assurance maladie. Ces derniers transmettent au système national d'information interrégimes de l'assurance maladie les données nécessaires.
« Les modalités de gestion et de renseignement du système national d'information interrégimes de l'assurance maladie, définies conjointement par protocole passé entre au moins la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et la Caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés, sont approuvées par un arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale.
« Cet arrêté, pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, tient lieu d'acte réglementaire des organismes d'assurance maladie au sens du premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
« Les données reçues et traitées par le système national d'information interrégimes de l'assurance maladie préservent l'anonymat des personnes ayant bénéficié des prestations de soins.
« Art. L. 161-28-2 . - Afin de garantir la qualité du recueil et du traitement des données relatives aux dépenses d'assurance maladie, il est créé auprès des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie.
« Ce conseil est composé du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant, du président de la commission des affaires sociales du Sénat ou son représentant, du secrétaire général de la commission des comptes de la sécurité sociale, de représentants des caisses nationales d'assurance maladie, des professions de santé et de personnalités qualifiées dans les domaines de l'information de santé ou des statistiques.
« Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret.
« Art. L. 161-28-3 . - Le Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie est chargé :
« 1° De veiller à la qualité du recueil et du traitement des informations statistiques produites par l'assurance maladie relatives aux soins de ville ;
« 2° De donner un avis sur la qualité des informations statistiques produites par les organismes d'assurance maladie dans le domaine des soins de ville et de contribuer par ses avis à définir la nature et les destinataires des productions statistiques dans le domaine des soins de ville, utiles à la connaissance des pratiques de soins et des dépenses de santé ;
« 3° Supprimé .
« Le conseil établit, chaque année, un rapport aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Pour l'information du Parlement, ce rapport est rattaché à l'annexe visée au b du II de l'article L.O. 111-4.
« Art. L. 161-28-4 . - Les organismes d'assurance maladie communiquent au Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie la description précise des traitements des informations statistiques relatives aux soins de ville qu'ils mettent en oeuvre ainsi que les informations statistiques qu'ils produisent dans le domaine des soins de ville.
« II et III. - Supprimés . »
Sur l'article, la parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je consacrerai cette intervention à l'informatisation de la sécurité sociale et au codage des pathologies.
Dans ma question orale du 20 octobre dernier, je soulevais les problèmes que ne manque pas de susciter ce processus, dans l'état actuel des choses, tant du point de vue médical que sur le plan des libertés.
Je rappelais qu'il serait utile de développer les études statistiques et épidémiologiques, dont le nombre est actuellement insuffisant, avec une méthodologie d'enquête stricte, pour rendre efficace une démarche d'évaluation et d'analyse de l'état de santé des populations que le codage systématique et obligatoire des pathologies ne peut permettre de réaliser de manière satisfaisante. En effet, le codage conduira probablement, dans bien des cas, à des déviations, tant au regard des informations médicales transmises que sur le plan des libertés.
Dans le même ordre d'idées, j'ai souligné la nécessité de rendre anonymes les données utilisées à des fins statistiques et transmises aux organismes de protection sociale, avec déconnexion entre ces données et celles qui sont liées aux remboursements, nécessairement nominatives.
A ce sujet, il est à noter que même le rapport présenté à l'Assemblée nationale sur le volet santé du budget de la santé et de la solidarité relève que « la nécessité du secret présente encore des difficultés aussi bien chez le médecin, s'agissant de l'accès aux fichiers nominatifs, que dans les échanges de données, s'agissant de l'interception des messages ».
J'ai noté avec satisfaction que le Gouvernement était attentif au problème des libertés. La création d'un conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie est positive, et il serait souhaitable que les mutuelles soient représentées au sein de ce conseil.
D'ailleurs, le projet de loi prévoit que ce conseil sera chargé, entre autres missions, de donner un avis sur la mise en oeuvre du codage des pathologies.
Aujourd'hui, le codage exhaustif et permanent nous paraît ignorer la complexité des relations entre le médecin et le patient et entraîner des risques pour le respect des libertés individuelles qu'aucune protection légale ne peut pallier totalement.
Je ne peux donc que réitérer mon souhait de voir lancer, sur ces questions, un débat parlementaire et, plus largement, un débat qui soit accessible à l'ensemble des citoyens.
Concernant plus précisément le codage des pathologies, il serait indispensable qu'une véritable expertise publique précède toute mise en oeuvre de celui-ci.
Autant les doutes concernant une véritable efficacité médicale sont nombreux, autant la crainte de voir ce dispositif devenir un instrument de maîtrise comptable aux mains des assurances, comme c'est déjà le cas aux Etats-Unis, par exemple, paraît fondée.
Compte tenu de ces éléments, je ne peux partager l'enthousiasme dont vous faites preuve, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, quant à l'accélération de la mise en oeuvre d'un processus n'ayant pas fait l'objet d'expertises et de débats sérieux, mais qui va comme un gant à ceux qui veulent privatiser la sécurité sociale.
L'introduction de l'industrie pharmaceutique dans le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, voulue par la droite, me paraît aller en ce sens.
C'est pourquoi je serai amenée à voter contre l'article 16 s'il est modifié comme le propose la commission.
M. le président. Par amendement n° 12, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - Dans le deuxième alinéa du texte présenté par le I de l'article 16 pour l'article L. 161-28-2 du code de la sécurité sociale, de supprimer les mots : « du président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale ou son représentant, du président de la commission des affaires sociales du Sénat ou son représentant, ».
B. - Dans le même alinéa du même texte, après les mots : « des professions de santé », d'insérer les mots : « , des établissements de santé publics et privés, des établissements médico-sociaux, des industries fabriquant des biens remboursables par l'assurance maladie ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement est relatif à la composition du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, dont je salue la création.
Il est effectivement très important que nous soyons d'accord au moins sur les statistiques. Cela permettra ensuite d'aborder les réformes d'une façon plus consensuelle.
Cela étant, je propose de supprimer la participation des présidents des commissions concernées de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie est chargé de conseiller le ministre ; or le rôle du Parlement n'est pas de conseiller le ministre, du moins à titre officiel.
Par ailleurs, je suggère d'élargir la représentation des professionnels de santé à des représentants des cliniques, des hôpitaux et de l'industrie pharmaceutique. En effet, cet élargissement de la composition du conseil est cohérent avec l'élargissement de ses compétences à l'ensemble des dépenses de l'assurance maladie que nous proposons par l'amendement n° 13.
Les dépenses d'assurance maladie donnent lieu, dans leur globalité, à une partie de ping-pong permanente entre les dépenses hospitalières et les dépenses ambulatoires, chacun accusant l'autre de transférer les dépenses qu'il devrait assumer sur la partie de l'enveloppe qui lui est étrangère.
Par conséquent, s'il restait ainsi « dichotomisé », le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie ne correspondrait pas à son objet, qui est pourtant tout à fait intéressant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, d'autant que c'est la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale qui nous avait demandé que les représentants des commissions parlementaires compétentes siègent au sein de ce conseil.
M. Charles Descours, rapporteur. Constitutionnellement, le rôle du Parlement est de voter les lois et de contrôler le Gouvernement, pas de le conseiller !
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 12, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Par amendement n° 13, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose :
A. - A la fin du deuxième alinéa (1°) du texte présenté par le paragraphe I de l'article 16 pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, de supprimer les mots : « relatives aux soins de ville » ;
B. - Dans le troisième alinéa (2°) du même texte, de supprimer deux fois les mots : « dans le domaine des soins de ville » ;
C. - Dans le texte présenté par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 161-28-4 du même code, de supprimer les mots : « relatives aux soins de ville » et les mots : « dans le domaine des soins de ville ».
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'élargir à l'ensemble des postes de dépenses d'assurance maladie - soins de ville, médicaments, hôpitaux, cliniques - les compétences du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie.
En effet, actuellement, les frontières entre les dépenses de soins de ville et les dépenses hospitalières ne sont ni stables ni toujours très bien définies : les médecins libéraux accusent les hôpitaux d'« externaliser » un certain nombre de leurs dépenses ; les hôpitaux accusent en retour les médecins de ville de ne pas être suffisamment présents au moment des gardes et de surcharger les urgences.
Bref, si son champ de compétence n'est pas élargi à l'ensemble des dépenses de santé, le conseil ne servira à rien.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Monsieur le rapporteur, ce sont les médecins libéraux, les médecins de ville, qui ont sollicité cette disposition.
M. le président. Personne ne demande la parole ? ...
Je mets aux voix l'amendement n° 13, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.) M. le président. Par amendement n° 64, M. Huriet et les membres du groupe de l'Union centriste proposent d'insérer, avant le dernier alinéa du texte présenté par le paragraphe I de cet article pour l'article L. 161-28-3 du code de la sécurité sociale, un alinéa ainsi rédigé :
« ... De donner un avis sur le périmètre des différents postes de dépenses pris en considération dans la détermination et le contrôle du respect des objectifs définis à la suite du vote du Parlement pour les soins de ville, la pharmacie et les établissements. »
La parole est à M. Huriet.
M. Claude Huriet. Monsieur le président, l'organisation d'un système de maîtrise des dépenses comportant des objectifs de dépenses opposables aux professionnels suppose, notamment, que ceux-ci ne voient pas les règles du jeu changer en cours d'année sous l'effet de décisions des pouvoirs publics qui modifieraient les périmètres respectifs de ces objectifs.
Par cet amendement, il est proposé que le conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie puisse donner un avis sur la manière dont ces changements de périmètres sont pris en considération.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Charles Descours, rapporteur. La commission est très favorable à cet amendement, dont l'objet lui semble tout à fait légitime.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.
La mission du conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie, monsieur le sénateur, n'est pas de se substituer aux autorités qui déterminent le périmètre des objectifs de dépenses, qui sont fixés en fonction de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM.
Les transferts de financement entre les différentes enveloppes sont nécessaires. Ce sont eux qui permettent d'assurer la fongibilité des dépenses au sein de l'ONDAM. Ces transferts se font dans la plus grande transparence. Je vous rappelle que l'objectif des dépenses de soins de ville est déterminé dans l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion entre l'Etat et la CNAM, et que les transferts opérés sont discutés dans ce cadre.
Pour ce qui est du médicament, tous les transferts de financement donnent lieu aux rectifications d'enveloppe correspondantes. Ainsi le transfert du financement des médicaments anti-rétroviraux de la dotation globale hospitalière sur les soins de ville a-t-il entraîné une révision à la baisse du budget des hôpitaux et une augmentation équivalente de l'enveloppe des soins en ville.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 64, accepté par la commission et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Article 17