Séance du 16 novembre 1998
M. le président. « Art. 7. - I. - Le III de l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale est ainsi modifié :
« 1° Au premier alinéa, les mots : "dont sont retranchées les charges comptabilisées au cours de la même période au titre des dépenses de recherche afférentes aux spécialités pharmaceutiques éligibles au crédit d'impôt mentionné à l'article 244 quater B du code général des impôts" sont supprimés ;
« 2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« Le taux de cette contribution est fixé à 1,47 %. »
« II. - Les sommes dues par les entreprises au titre des contributions prévues à l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée, modifiée par le I du présent article, s'imputent sur les sommes acquittées par les entreprises au titre desdites contributions en application dudit article 12, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi.
« L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, selon le cas, recouvre ou reverse le solde. Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont inférieures aux sommes acquittées au titre des contributions instituées par l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 précitée, dans sa rédaction applicable antérieurement à l'entrée en vigueur de la présente loi, la différence donne lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt légal. Les intérêts courent du jour du paiement et ne sont pas capitalisés.
« Dans le cas où les sommes dues en application du présent article sont supérieures aux sommes déjà acquittées, un décret fixe les modalités de versement de ces sommes par les entreprises redevables. »
Par amendement n° 6, M. Descours, au nom de la commission des affaires sociales, propose de supprimer cet article.
La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. L'article 7 a pour objet de réviser les dispositions de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 afin de prévenir un risque d'annulation contentieuse d'une contribution de l'industrie pharmaceutique.
En effet, afin d'éviter tout risque d'annulation, avec les conséquences financières pour la sécurité sociale d'un remboursement de la taxe exceptionnelle instituée par l'ordonnance du 24 janvier 1996, le Gouvernement a décidé de modifier les règles relatives à cette taxe en supprimant la déductibilité des frais engagés au titre de recherches réalisées en France. C'est-à-dire que de nombreux laboratoires français qui font leurs recherches en France vont se trouver pénalisés et des laboratoires étrangers n'ayant pas réalisé de recherches en France verront au contraire leur impôt maintenu ou allégé. On parle d'un transfert de 66 millions de francs - mais je parle sous votre contrôle, madame le ministre - somme qui sera ainsi versée par des laboratoires français, puis attribuée à des laboratoires étrangers !
En opportunité, il est regrettable que le Gouvernement, en présentant cet article, donne des arguments aux partisans de l'annulation de la taxe et aussi aux juges communautaires, alors que les questions de droit posées n'appellent pas de réponses évidentes.
De surcroît, non plus en opportunité mais, cette fois, sur le terrain du droit, il est choquant que les règles relatives à un impôt déjà réglé - je rappelle que cette contribution a déjà été acquittée par les entreprises - soient ainsi modifiées a posteriori.
Certes, le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité des lois fiscales - et, parlant de rétroactivité, je sais que je suis en pleine actualité ! Mais il s'agit ici d'une rétroactivité un peu particulière, dont n'a jamais eu à connaître le Conseil constitutionnel. En effet, cet article n'institue pas une contribution nouvelle qui s'appliquerait à une matière fiscale jusqu'ici exonérée, il modifie les règles d'un impôt déjà acquitté par les sociétés. Il vient donc bouleverser une situation déjà soldée.
En outre, la solution retenue par le Gouvernement porte atteinte de manière très grave au principe de sécurité juridique, qui constitue un principe général du droit communautaire et, au-delà, à la confiance des laboratoires qui souhaitent s'installer en France et qui ont horreur de cette insécurité juridique permanente.
Ainsi, pour régulariser au regard du droit communautaire une contribution qui n'a pas encore été déclarée contraire à ce droit - la décision n'a pas encore été prise - le Gouvernement retient une solution qui est très contestable au regard non seulement des principes constitutionnels mais aussi du droit communautaire lui-même.
Je vous propose donc, au nom de la commission, la suppression de cet article.
Je rappelle que cette suppression est financièrement neutre, puisque les 66 millions de francs en question vont être pris dans la poche des laboratoires français pour être donnés à des laboratoires étrangers qui n'ont pas fait de recherches en France. Il y a là quelque chose qui est plus qu'agaçant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Ce que je trouve plus qu'agaçant, pour ma part, c'est qu'on ait pu faire voter des lois contraires à nos engagements communautaires ! Nous avons déjà vécu une situation identique pour le textile et l'habillement, et nous en supportons aujourd'hui les conséquences. Heureusement, le Gouvernement a su trouver dans la loi sur la durée du travail des réponses appropriées.
Quand, dans trois mois - parce que nous savons que la décision est imminente, une décision de même nature ayant déjà été prise à l'échelon européen - la sécurité sociale perdra 1,2 milliard de francs de prélèvement sur l'industrie pharmaceutique, parce que le gouvernement de M. Juppé a pris une disposition dont une partie était non conforme à nos engagements européens, eh bien ! c'est 1,2 milliard de francs qui manqueront dans les caisses de la sécurité sociale !
Croyez-le bien, si je n'avais pas su cette annulation inéluctable, je n'aurais pas déposé cet amendement pour corriger un texte que le gouvernement précédent avait fait voter.
Nous ne reprenons pas un franc supplémentaire par rapport au dispositif mis en place.
S'il s'agit effectivement de 66 millions de francs, cela ne touchera pas les seuls laboratoires français car, heureusement pour nous, il y a des laboratoires étrangers qui font de la recherche en France.
M. Charles Descours, rapporteur. Il n'en feront pas longtemps !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je ne vois pas pourquoi !
Le tout est de savoir si on veut ou non respecter les règles européennes.
Le Conseil constitutionnel admet la rétroactivité de la loi fiscale dans de nombreux cas, et, en l'occurrence, rétroactive elle l'est à l'évidence, puisque la contribution n'a pas cessé de produire ses effets juridiques : la prescription court en effet jusqu'au 31 août 1999. Au-delà, en revanche, je ne suis pas certaine que nous n'aurons pas des difficultés.
Donc, pour des raisons de sécurité juridique, pour l'équilibre de la sécurité sociale, auquel vous nous avez dit il y a quelques instants être extrêmement attaché, monsieur le rapporteur, je crois utile de corriger un texte que la majorité à laquelle vous apparteniez avait fait adopter précédemment.
M. Charles Descours, rapporteur. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Descours, rapporteur.
M. Charles Descours, rapporteur. Madame la ministre, je ne suis pas spécialiste en comptabilité des entreprises, mais je sais que, pour 1997, la comptabilité a d'ores et déjà été approuvée. Les bilans de toutes ces entreprises deviendraient-ils faux tout d'un coup ? Songez qu'il s'agit ni plus ni moins de reprendre des sommes payées à certains laboratoires pour les reverser à d'autres !
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité. Les bilans n'étaient pas faux au moment où les entreprises les ont présentés. S'il existe une disposition complémentaire, elle sera applicable à l'année en cours, donc appliquée aux bilans de cette année-là.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 6, repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 7 est supprimé.
Article 8