M. le président. Par amendement n° 87, M. Paul Girod propose d'insérer, après l'article 62, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 115 de la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 est abrogé.
« II. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale est compensée par la création d'une taxe additionnelle sur les droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Par amendement n° 145, M. Gérard propose d'insérer, après l'article 62 un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article L. 69-1 du code du domaine de l'Etat est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« De même, les services de l'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements sont autorisés à céder gratuitement les matériels informatiques dont ils n'ont plus l'emploi aux associations de parents d'élèves et aux associations de soutien scolaire. Ces associations s'engagent par écrit à n'utiliser les matériels qui leur sont cédés que pour l'objet prévu par leurs statuts, à l'exclusion de tout autre. Elles ne peuvent procéder à la rétrocession, à titre onéreux, des biens ainsi alloués à peine d'être exclues du bénéfice de la présente loi.
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat sont compensées à due concurrence par la majoration des droits de consommation prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Gérard.
M. Alain Gérard. Lors de la discussion de la loi de finances pour 1998, le 27 novembre 1997 très exactement, j'avais déjà présenté un amendement identique. Je rappelle qu'il avait été adopté à une très large majorité par la Haute Assemblée.
Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, vous aviez alors souligné que cet amendement n'avait pas sa place dans la loi de finances et qu'il pourrait être à nouveau examiné lors de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier.
C'est pour cette raison que je le présente à nouveau ce soir.
L'évolution des techniques informatiques se traduit par une obsolescence de plus en plus rapide des matériels qui conduit les utilisateurs à vouloir les remplacer rapidement.
De nombreux équipements informatiques, vétustes mais encore en bon état, restent ainsi inutilisés, faute de repreneur et sont stockés en attendant leur destruction.
Or les associations de parents d'élèves et les associations de soutien scolaire qui manquent souvent de moyens pour s'informatiser feraient un bon usage de ces matériels pour initier les jeunes aux techniques de l'informatique ou pour équiper leurs services.
Il serait donc souhaitable que ces matériels informatiques, lorsqu'ils appartiennent à des services de l'Etat, aux collectivités locales ou à leurs établissements publics, puissent être cédés gratuitement à ces associations.
Cependant, si ces personnes publiques peuvent céder librement des biens qui n'appartiennent pas au domaine public - mais qui constituent l'un des moyens par lequel le service public accomplit sa mission - elles ne peuvent actuellement le faire à titre gratuit. Selon le code du domaine de l'Etat, ces biens doivent être remis au service des domaines qui les vend au profit du Trésor.
Seule une intervention du législateur permet de déroger à ce principe.
Des précédents existent en la matière : l'article 47 de la loi de finances pour 1996, en complétant l'article L. 69-1 du code du domaine de l'Etat, a ainsi autorisé la cession gratuite des biens meubles des services de l'Etat, autres que les véhicules automobiles et dont la valeur ne dépasse pas un certain plafond fixé par arrêté ministériel, aux associations de bienfaisance qui, notamment, redistribuent gratuitement ces biens aux plus défavorisés.
Sa circulaire d'application du 18 février 1997 indique notamment que le directeur des services fiscaux devra s'assurer que les biens appartiennent à l'Etat et que leur valeur unitaire est inférieure à 500 francs.
En présentant le 17 novembre dernier le plan triennal de développement des nouvelles technologies dans l'enseignement, les ministres en charge de l'éducation nationale ont indiqué que ce plan devrait permettre, en mobilisant plus d'un milliard de francs en crédits d'Etat, d'équiper en ordinateurs toutes les écoles et établissements, de la maternelle à l'université.
Ce plan se traduira par l'acquisition et, surtout, par la location de nouveaux matériels qui rendront obsolètes la plupart des matériels existants. La mise en oeuvre de ce plan ambitieux accélérera donc mécaniquement la vétusté des matériels informatiques existant dans les écoles et les établissements d'enseignement, en faisant également baisser leur valeur unitaire.
Cet amendement reprend l'une des propositions pour une bonne intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'éducation, propositions formulées dans le rapport Multimédia et réseaux dans l'éducation que j'ai remis au Premier ministre au mois de mai dernier.
Je vous remercie, mes chers collègues, de voter cet amendement, qui est très attendu par le milieu associatif concerné.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La valeur de l'objectif recherché permet sans doute une compréhension adaptée des règles de la propriété publique. La commission s'en remet donc à la sagesse très positive du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Gérard, le Gouvernement est très sensible à l'esprit de votre proposition. Je rappelle - mais vous l'avez dit - que le principe est que les biens de l'Etat, même périmés, doivent être cédés à titre onéreux, selon un principe qui est, en général, de bonne gestion et qui apporte une garantie contre d'éventuelles irrégularités. Il y a deux exceptions, que vous avez citées : l'une au profit des Etats étrangers bénéficiant d'une action de coopération, l'autre au profit des associations caritatives.
Faut-il faire une troisième exception au profit des associations de parents d'élèves et des associations de soutien scolaire ? Le Gouvernement estime qu'il ne faut pas allonger la liste des exceptions, afin de lui garder toute sa valeur.
Je vous demande, monsieur le sénateur, si vous êtes convaincu par cette argumentation, de bien vouloir retirer votre amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 145.
M. Michel Charasse. Je demande la parole contre l'amendement.
M. le président. La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. Je ne sais pas si notre collègue M. Gérard a bien écrit exactement ce qu'il voulait dire. La position de M. le secrétaire d'Etat aurait certainement été très différente s'il avait écrit dans son amendement non pas « dont ils n'ont plus l'emploi », mais « qui sont des biens devenus sans valeur ».
En effet, je crois me souvenir qu'une disposition ancienne votée voilà deux ou trois ans a déjà permis aux collectivités locales d'effectuer ce genre d'opération lorsque les biens n'ont plus d'utilité et sont sans valeur.
J'ajoute, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il existe, dans le code du domaine de l'Etat, une disposition qui permet de compter certains biens pour une valeur zéro, et, dans ce cas, de les céder gratuitement ou de les détruire, ce qui revient au même.
C'est pourquoi - mais je ne voudrais pas que M. Gérard m'en veuille - c'est l'expression « dont ils n'ont plus l'emploi » qui justifie, me semble-t-il, la position de M. le secrétaire d'Etat.
Cette position n'est pas infondée. Dans sa logique, en effet, cela reviendrait à donner une voiture qui a 40 000 ou 50 000 kilomètres comme on donnerait une voiture usée ; or ces deux situations sont tout à fait différentes. C'est la raison pour laquelle je ne voterai pas cet amendement.
Toutefois, je souhaite que M. le secrétaire d'Etat nous précise - s'il ne peux pas répondre ce soir, au moins qu'il réponde à M. Gérard par courrier - si, lorsque les biens sont sans valeur mais fonctionnent encore, ils peuvent quand même être cédés gratuitement. A mon avis, le code du domaine de l'Etat permet de le faire.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je ne veux pas interpréter la pensée de M. Gérard mais si des biens n'ont aucune valeur c'est probablement qu'il n'ont aucun usage.
Par conséquent, ce que propose, me semble-t-il, M. Gérard, c'est de céder gratuitement des biens qui ont encore une certaine valeur et qui peuvent être utilisés pour que les enfants puissent s'initier à l'informatique ou que leurs parents utilisent ces matériels.
Il me semble que M. Gérard vise des biens qui ont encore une certaine valeur et dont il demande la cession à titre gratuit, cession pour laquelle j'ai émis une réserve.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 145 repoussé par le Gouvernement et pour lequel la commission s'en remet à la sagesse du Sénat.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 62.
Par amendement n° 152 rectifié, MM. Trégouët et Hamel proposent d'insérer, après l'article 62, un article additionnel ainsi rédigé :
« Les deux dernières phrases du premier alinéa du paragraphe I de l'article 199 ter B du code général des impôts sont remplacées par les dispositions suivantes ainsi rédigées :
« L'excédent est immédiatement remboursable pour les entreprises dont les résultats bénéficient, en tout ou partie, de l'exonération prévue à la première phrase du I de l'article 44 sexies. Dans les autres cas, l'excédent constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'Etat d'égal montant. La créance est remboursée au terme des trois années suivant celle de la clôture de l'exercice au titre duquel la créance a été constatée. Cette créance peut être utilisée pour le paiement de l'impôt sur les bénéfices de l'entreprise dû au titre des exercices clos au cours de ces trois années. Dans ce cas, la créance n'est remboursée qu'à hauteur de la fraction qui n'a pas été utilisée dans ces conditions.
« La créance est inaliénable et incessible, sauf dans les conditions prévues par la loi n° 81-1 du 2 janvier 1981 modifiée par la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 modifiée, ou dans les conditions fixées par décret. »
La parole est à M. Hamel.
M. Emmanuel Hamel. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, sur cet amendement de notre éminent collègue M. Trégouët, dont l'exposé des motifs est très détaillé, je peux être d'une extrême brièveté.
Cet amendement vise à transformer le crédit d'impôt-recherche en une créance cessible, ce qui en permettrait la mobilisation auprès d'établissements financiers.
J'espère le vote de cet amendement, inspiré à notre collègue M. Trégouët par sa grande expérience de la vie des entreprises et sa passion de la promotion de la recheche, qui est un facteur de progrès et d'emploi.
Il est minuit passé. Nous sommes le 8 mai. C'est le cinquante-troisième anniversaire de la victoire de la France et de ses alliés contre l'agression nazie. Monsieur le secrétaire d'Etat, faites-nous le plaisir d'accepter cet amendement, car, aujourd'hui, s'il ne s'agit plus du combat contre l'agression nazie, sans oublier ses crimes et ses abominations, il s'agit du combat pour l'emploi, en l'occurrence pour la recherche et le développement, qui est un facteur important de la victoire sur le chômage.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Hamel, je suis très sensible à l'évocation de ce jour de gloire dans lequel nous venons d'entrer !
M. Guillaume a remis un rapport sur le crédit d'impôt-recherche, et le Gouvernement présentera, avant le 30 juin, un rapport sur l'application du crédit d'impôt-recherche au cours des cinq années précédentes. C'est sur le fondement de ces éléments que l'on débattra de la reconduction du crédit d'impôt, des modalités de mobilisation du solde non imputé de ce crédit, et ce débat aura lieu, monsieur Hamel, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 1999.
Par conséquent, cet amendement, dont je respecte l'inspiration, me semble prématuré. Mais je vous promets que nous en reparlerons avant le 11 novembre 1998.
M. le président. Monsieur Hamel, l'amendement est-il maintenu ?
M. Emmanuel Hamel. Je pense que la conviction de M. Trégouët l'amènerait à maintenir son amendement malgré l'annonce par M. le secrétaire d'Etat que le Gouvernement va cheminer sur la bonne route.
M. le président. Personne de demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 152 rectifié, accepté par la commision et repoussé par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 62.
Par amendement n° 158 rectifié. MM. Dupont, Bourdin, de Bourgoing, Mme Heinis et M. du Luart proposent d'insérer, après l'article 62, un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 15 de la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964 est ainsi modifié.
« I. Dans la première phrase du III de cet article, après les mots : "ainsi que des paris engagés", sont insérés les mots : "ou regroupés".
« II. Après les mots : "en liaison directe avec", la fin de la première phrase du III de cet article est ainsi rédigée : "le pays considéré selon le principe du pari mutuel, sous réserve de l'accord des organismes concernés".
« III. Avant le dernier alinéa du III de cet article, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé : "Les sociétés de courses susvisées peuvent également être, selon le principe du pari mutuel, habilitées à recevoir des paris engagés ou regroupés en France sur des courses étrangères, avec l'accord de leur organisateur, dont elles effectuent elles-mêmes la centralisation et la répartition. Les paris recueillis sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur en France". »
La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Il s'agit d'un amendement PMU sur l'article 15 de la loi n° 64-1279 du 23 décembre 1964. La rédaction actuelle de la loi n'autorise l'organisation de paris transfrontaliers qu'en liaison avec l'organisme chargé de gérer le pari mutuel dans le pays considéré.
L'amendement que je vous propose a deux objectifs : d'abord permettre au PMU de collecter des paris dans les pays étrangers, sous différentes formes selon les pays, et pourvu qu'il y ait avec ceux-ci des accords de partenariat ; ensuite, en sens inverse, donner la possibilité de collecter en France des paris sur les courses étrangères, là où il n'y a pas d'organismes de type PMU, mais où il y a des organisations privées, pourvu qu'elles fonctionnent sur le mode mutualiste. Toutes choses que la loi française ne permettait pas jusqu'ici !
Cet amendement comporte trois modifications.
La première vise à donner aux sociétés de courses françaises la possibilité de conclure des accords internationaux avec des pays qui n'ont pas d'organismes de pari mutuel dénommé comme tel.
La deuxième modification tend à leur permettre d'enregistrer des paris sur des courses autres que françaises dans tout pays avec lequel elles ont conclu un accord de partenariat pour la collecte de paris en masse commune.
La troisième modification, qui prend la forme d'un nouvel alinéa inséré avant le dernier alinéa actuel, tend à préciser et à compléter les deux premières.
Voici sous quelle rédaction se présentent ces trois modifications.
D'abord, dans la première phrase du III de l'article 62, après les mots : « ainsi que des paris engagés », sont insérés les mots : « ou regroupés », ce qui lève l'obligation pour les « paris » d'être pris physiquement en France.
Ensuite, après les mots : « en liaison directe avec », la fin de la première phrase du III de cet article est ainsi rédigée : « le pays considéré selon le principe du pari mutuel, sous réserve de l'accord des organismes concernés. », ce qui préserve le principe de mutualisation et oblige à obtenir l'accord des organismes concernés.
Enfin, dernière modification, avant le dernier alinéa du III de cet article, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« Les sociétés de courses susvisées peuvent également être, selon le principe du pari mutuel, habilitées à recevoir des paris engagés ou regroupés en France sur des courses étrangères, avec l'accord de leur organisateur, dont elles effectuent elles-mêmes la centralisation et la répartition. Les paris recueillis sont soumis aux prélèvements légaux et fiscaux en vigueur en France ». Le reste est maintenu sans changement.
A signaler que le dernier alinéa est maintenu, ce qui veut dire que l'exercice de ces facultés nouvelles sont subordonnées, comme par le passé, à la publication d'un décret ministériel, ainsi qu'à l'accord des autorités hippiques étrangères.
Par ailleurs, l'élargissement des possibilités des paris transfrontaliers, proposé dans cet amendement déposé par notre collègue M. Ambroise Dupont, président de la section Cheval du groupe de l'élevage, permettrait, bien sûr, d'augmenter les recettes de la filière en France, et donc le soutien à l'élevage.
En conséquence, je vous demande de voter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 158 rectifié, accepté par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 62.
Par amendement n° 189 rectifié, M. Charasse propose d'insérer, après l'article 62, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'Institut national de l'audiovisuel n'est titulaire d'aucun droit de propriété sur les enregistrements sonores ou audiovisuels qui lui sont remis en vertu de la loi. Il est simplement dépositaire du support matériel de ces enregistrements, dont il a pour mission d'assurer la garde, l'archivage, le classement et la conservation en bon état.
« L'INA ne dispose d'aucun droit en ce qui concerne le contenu de ces enregistrements qui relèvent exclusivement, pour leur utilisation, leur exploitation et leur diffusion, des titulaires du droit moral et patrimonial.
« II. - L'Institut national de l'audiovisuel ne peut effectuer aucune duplication des bandes sonores et audiovisuelles dont il est dépositaire sans l'accord écrit et préalable, pour chaque duplication, des titulaires du droit moral et patrimonial. Les seules droits que peut percevoir l'INA au titre de la duplication sont ceux afférents aux frais de conservation, de classement, de recherche et de reproduction.
« Les redevances d'auteur ou de réalisateur attachées à l'utilisation, l'exploitation ou la diffusion des duplications de bandes sonores ou audiovisuelles délivrées par l'INA, dues aux titulaires du droit patrimonial afférent au contenu de la bande leur sont versées, nonobstant toute convention contraire, par le demandeur de la duplication avant toute délivrance de celle-ci.
« III. - L'Institut national de l'audiovisuel ne peut s'opposer à la libre utilisation, exploitation ou diffusion, par les titulaires du droit moral et patrimonial, du contenu de bandes sonores ou audiovisuelles, d'origine ou dupliquées, dont ces titulaires détiennent le support matériel depuis l'enregistrement initial ou postérieurement à celui-ci. L'Institut national de l'audiovisuel ne peut exiger aucune redevance de quelque nature que ce soit au titre de cette utilisation, de cette exploitation ou de cette diffusion.
La parole est à M. Charasse.
M. Michel Charasse. L'Institut national de l'audiovisuel joue théoriquement le même rôle que la Bibliothèque nationale, le Dépôt légal ou les Archives nationales pour les oeuvres écrites, donc pour les livres, c'est-à-dire que l'Institut est chargé du dépôt et de la conservation en bon état des oeuvres sonores et audiovisuelles.
Mais ce rôle n'est identique qu'en apparence. En effet, l'auteur d'une oeuvre écrite exerce en permanence sur son oeuvre le droit moral et le droit patrimonial. On ne peut pas utiliser son oeuvre sans son accord, ni celui de ses ayants droit, la durée de l'oeuvre étant de soixante-dix ans après la mort de l'auteur. De plus, l'auteur ou ses ayants droit perçoivent intégralement les droits sans que la Bibliothèque nationale, les Archives nationales ou le Dépôt légal interviennent.
En revanche, pour les oeuvres audiovisuelles déposées, tous les utilisateurs de l'oeuvre et les auteurs eux-mêmes doivent obligatoirement passer par l'INA, avoir son accord, payer pour la rediffusion de leur oeuvre ou d'un extrait de leur oeuvre, et il faut payer chaque fois qu'elle est rediffusée, c'est-à-dire que le paiement et l'autorisation ne sont valables que pour une seule diffusion.
Dans ce petit commerce, l'INA ne se soucie absolument pas du droit moral. Il verse aux auteurs, aux artistes-interprètes et aux ayants droit des droits dérisoires : quelques dizaines de francs pour un extrait cédé 2 000 à 3 000 francs la minute, par exemple, à une grande chaîne de télévision.
Bref, l'INA se considère abusivement comme le propriétaire absolu du contenu de l'oeuvre audiovisuelle dont il ne détient pourtant que le support matériel, c'est-à-dire la cassette. C'est l'expropriation, la spoliation, l'exploitation sans droit d'un bien d'autrui, au risque de nuire gravement à l'image de l'intéressé, puisqu'on ne prend jamais la précaution de lui dire dans quelles conditions on utilise son oeuvre ni de solliciter son accord. Telle n'a pas été et ne peut pas être l'intention du législateur.
Or le comportement de l'INA non seulement aboutit à s'approprier l'oeuvre et les droits qui lui sont attachés - je signale d'ailleurs au passage que beaucoup d'artistes contemporains sont aujourd'hui ruinés par ce système - mais aboutit aussi à des anomalies particulièrement graves, dans le cas, par exemple, de certaines archives de caractère très particulier, comme celles des anciens présidents de la République.
Voilà quelques jours, à l'Institut François-Mitterrand, qui est la fondation créée par l'ancien président avant son décès, nous nous sommes aperçus que si nous voulions faire une édition, ou une émission, ou une série d'émissions, ou une série de cassettes exploitant le fonds audiovisuel dont le président était propriétaire, qu'il a emporté à son départ et versé à sa fondation - c'est la même chose pour les archives du général de Gaulle à l'Institut Charles-de-Gaulle ou pour les archives de Georges-Pompidou - si nous voulions donc utiliser ce fonds, qui ne relève que de ses ayants droit, nous étions obligés, monsieur le président, mes chers collègues, de demander l'accord de l'INA, comme si cet Institut était propriétaire du fonds, et de payer ! Bien entendu, si nous l'utilisons plusieurs fois, nous devons demander l'accord plusieurs fois et payer plusieurs fois.
Par cet amendement, je propose de mettre un terme à cette pratique contraire au droit moral et au droit patrimonial des auteurs et de leurs ayants droit, et de rappeler que, compte tenu, en particulier, du droit de propriété garanti par la Constitution et du droit européen qui protège les auteurs, l'INA, comme la Bibliothèque nationale, les Archives nationales, le Dépôt légal, ne peut être dépositaire que du support matériel des oeuvres audiovisuelles, mais absolument pas du contenu.
Mon amendement précise donc, dans son premier alinéa, que l'INA n'est propriétaire de rien du tout, sauf du support, et que le contenu reste la propriété de l'auteur ou de ses ayants droit, comme c'est le cas pour les oeuvres écrites qui sont déposées à la Bibliothèque nationale.
Dans son deuxième alinéa, il indique qu'il ne peut pas y avoir d'utilisation sans l'accord du propriétaire ou de ses ayants droit, c'est-à-dire l'auteur, parce que, croyez-moi, mes chers collègues, un de ces jours, on va voir utiliser une bande audiovisuelle du général de Gaulle, de François Mitterrand ou du président Pompidou dans un film dégradant pour les intéressés ou contraire à leur éthique, à leur morale, contraire à ce qu'ils ont été. Cela pourrait se produire, d'ailleurs, avec une bande audiovisuelle du président en activité, puisque lui-même est soumis à la même règle au fur et à mesure que sa « vie présidentielle » avance et que les dépôts à l'INA s'accumulent.
Le troisième alinéa vise à veiller à ce que le titulaire du droit moral et du droit patrimonial qui dispose de ses propres enregistrements puisse les utiliser comme il l'entend sans être obligé de passer par l'INA et de payer.
Tels sont les objets de cet amendement qui visent à mettre fin à la pratique honteuse de l'INA et à mettre son fonctionnement en conformité avec le droit européen et le droit français en ce qui concerne le droit moral, le droit patrimonial et les droits d'auteur.
M. Emmanuel Hamel. Quelle force !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. La commission des finances a entendu M. Charasse puisqu'il en est membre. Elle a eu le sentiment que la réforme qu'il propose des droits que détient l'INA sur les enregistrements dont cet institut est dépositaire est assez radicale. Cette proposition bouleverse, en effet, les modalités de fonctionnement de cet institut.
La commission a estimé que la discussion du présent projet de loi n'était peut-être pas le meilleur moment pour envisager cette réforme, d'autant qu'un projet de loi sur l'audiovisuel public - le Gouvernement vous le confirmera sans doute - doit être déposé sous peu.
Les questions qui ont été évoquées sont d'une importance qui justifiait sans doute une interpellation du Gouvernement, mais la commission souhaite que M. Charasse veuille bien, après avoir obtenu des engagements de M. le secrétaire d'Etat, retirer son amendement pour m'éviter d'avoir à émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Monsieur Charasse, l'amendement n° 189 rectifié tend non pas à une clarification du rôle de l'INA et de ses droits, comme vous l'écrivez dans l'exposé des motifs, mais à une redéfinition complète des missions de cet institut, comme vous l'avez d'ailleurs précisé dans l'exposé vibrant que vous venez de faire.
Ce débat que vous avez voulu entamer à l'occasion de l'examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier trouverait mieux sa place lors de la discussion du projet de loi sur l'audiovisuel public sur lequel travaille actuellement le Gouvernement et sur lequel le Sénat aura l'occasion de se prononcer.
Sans ouvrir de polémique particulière avec M. le sénateur Charasse, je voudrais dire que l'exercice par l'INA des droits patrimoniaux qui sont les siens n'entrave en rien l'exercice de leurs droits par les auteurs, réalisateurs et autres ayants droit.
M. Michel Charasse. C'est un comportement de voleurs !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Si des difficultés de gestion peuvent surgir de l'exploitation de ces droits, il semble au Gouvernement que cela relève, évidemment, plus de la convention que de la loi.
Une fois encore, je crois que le texte que nous examinons n'est pas approprié pour aborder les questions très graves que M. Charasse a voulu exposer. Je lui donne rendez-vous dans le débat sur le projet de loi relatif à l'audiovisuel et, d'ici là, s'étant exprimé, l'ayant fait avec la vigueur qu'on lui connaît, je lui suggère de retirer son amendement.
M. le président. Monsieur Charasse, votre amendement est-il maintenu ?
M. Michel Charasse. Je ne suis pas naïf au point de penser que l'on aurait pu régler ce soir la question relative au comportement d'une institution qui se conduit comme un voleur depuis très longtemps, et cela dans la passivité absolue des pouvoirs publics, quels que soient les gouvernements en place.
Je veux bien retirer mon amendement et attendre le projet de loi Trautmann - s'il arrive un jour, parce que je passe mon temps à lire ou à entendre dire qu'il est remis sur le chantier - mais une chose est certaine, monsieur le secrétaire d'Etat : si l'Institut François-Mitterrand met son projet en oeuvre - et je pense qu'il n'est pas impossible que l'Institut Charles-de-Gaulle et l'association des Amis de Georges Pompidou fassent de même - nous ne paierons pas ! Et je serai vraiment très intéressé de voir l'ancien secrétaire général adjoint de l'Elysée nous envoyer l'huissier du Trésor pour nous faire payer !
M. le président. Vous retirez donc votre amendement, monsieur Charasse ?
M. Michel Charasse. Mais c'est pour mieux sauter, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 189 rectifié est retiré.
Vote sur l'ensemble