M. le président. Par amendement n° 110 rectifié, Mme Bidard-Reydet, M. Ralite, Mme Beaudeau et M. Loridant, les membres du groupe communiste, républicain et citoyen proposent d'insérer, après l'article 38, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Suite aux insuffisances d'encadrement apparues dans le département de la Seine-Saint-Denis, un plan de rattrapage dont la première étape porte création de 800 postes budgétaires, est mis en oeuvre pour la rentrée scolaire de 1998.
« II. - Le taux prévu à l'article 978 du code général des impôts fixant le droit du timbre sur les opérations de bourse est relevé à due concurrence. »
La parole est à Mme Bidard-Reydet.
Mme Danielle Bidard-Reydet. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, depuis près de deux mois, l'ensemble du département de la Seine-Saint-Denis réclame, avec une détermination remarquable, les conditions d'une école de la réussite et de l'égalité des chances pour tous.
L'ensemble de la communauté éducative, des parents d'élèves aux élèves, des enseignants au personnel ATOS, s'est mobilisé en clamant : « On veut des moyens, on n'est pas des moins que rien ! »
Le 25 janvier dernier, après trois mois de consultations et de visites d'établissements, le rapport du recteur Fortier dressait le constat d'une école qui « semble concentrer et cumuler de manière exacerbée la majeure partie des handicaps sociaux de cette fin de siècle ».
La discrimination négative dont a été victime notre département, dénoncée depuis plusieurs années, éclatait enfin au grand jour.
Dès lors, comment ne pas se réjouir de cette très large mobilisation, juste et enthousiaste, d'un département qui en appelle à la fin de la fatalité de l'échec ?
Loin des lieux communs, des images toutes faites, la Seine-Saint-Denis présente des contrastes qui illustrent, s'il en état besoin, que la scolarité n'est pas vécue comme une contrainte mais qu'elle est, à l'inverse, source d'un immense espoir. C'est une bonne chose pour la démocratie que le message porté si haut et si fort ne soit pas resté lettre morte.
Il faut à présent, à notre sens, consolider les réponses ; il faut accompagner efficacement cette volonté farouche exprimée par les jeunes, les parents et les personnels de l'éducation nationale en reconnaissant la nécessité de solutions spécifiques pour un département « injustement maltraité », selon les propres termes du Gouvernement.
La démarche du gouvernement de la gauche plurielle se différencie grandement de celle de ses prédécesseurs. En annonçant un plan pluriannuel de 3 000 postes sur trois ans, il inverse la logique qui régnait jusqu'alors et qui encourageait les injustices de traitement dans le droit au savoir et à l'école, injustices que nous dénonçons depuis de très nombreuses années.
La diminution des effectifs par classe, le recrutement d'un personnel qualifié en nombre important sont pour nous des priorités essentielles.
A cette fin, pour concrétiser financièrement les propositions du Gouvernement, nous demandons le financement des 800 postes annoncés par M. le ministre de l'éducation nationale pour la rentrée 1998.
Il est également clair que nous serons attentifs, dans les projets de budget pour 1999 et 2000, à la ligne budgétaire promise pour la Seine-Saint-Denis.
Afin que l'investissement éducatif soit à la hauteur des besoins à présent reconnus, nous souhaitons également l'augmentation du nombre des postes aux concours. Cela sera indispensable pour garantir la qualité de l'enseignement.
En dehors du champ même de notre amendement, je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, souligner aussi deux questions importantes.
Vous avez tout d'abord annoncé le déblocage d'un nombre d'emplois-jeunes importants - 5 000 - pour accompagner l'effort de l'éducation nationale en Seine-Saint-Denis. Nous souhaitons vivement qu'un dispositif de formation soit mis en place et que l'intégration dans le service public soit l'aboutissement logique de cette décision.
Par ailleurs, j'insiste tout particulièrement sur la nécessité d'aider les collectivités territoriales du département de Seine-Saint-Denis, dont certaines sont forts pauvres, à participer à due concurrence au sursaut nécessaire. Des moyens financiers nouveaux doivent être mis à leur disposition.
Les mesures que nous demandons au Gouvernement de confirmer très concrètement aujourd'hui marquent une étape nouvelle importante. Nous estimons que la transparence et la démocratie, le dialogue donc, sont nécessaires sur le chemin de l'école de la réussite. Tous les intéressés doivent être associés en permanence aux recherches de solutions et aux décisions.
Au-delà de la Seine-Saint-Denis, c'est l'ensemble de notre pays qui se trouve confronté au défi de la nécessaire transformation de notre système éducatif, transformation qu'exige l'offre pour tous d'une formation de haut niveau, outil indispensable au développement de notre pays.
C'est pourquoi - et nous aurons l'occasion d'en débattre d'ici à l'automne - nous estimons incontournable de porter la part du produit intérieur brut consacré à l'éducation de 3,8 % à 5 %.
Adopter notre amendement, c'est répondre aux attentes des citoyens qui veulent que soit reconnu le droit fondamental à étudier dans une école de qualité pour tous. Nous demandons donc au Sénat d'adopter notre amendement par scrutin public. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Mme Bidard-Reydet soulève certes un réel problème auquel nous sommes tous sensibles, mais sa proposition n'est pas recevable aux termes de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances.
Aussi, la commission émet en avis défavorable sur cet amendement, mais sans doute le Gouvernement donnera-t-il à Mme Bidard-Reydet les explications nécessaires pour lui permettre de le retirer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. L'amendement déposé et défendu avec passion par Mme Bidart-Reydet est, au sens propre du terme, un amendement d'appel en faveur d'un département, la Seine-Saint-Denis, qui a été effectivement négligé dans le domaine scolaire au cours des années récentes, et peut-être pas seulement dans ce secteur.
Vous avez bien voulu rappeler, madame le sénateur, les engagements pris par le Gouvernement en ce qui concerne la création de huit cents postes à la rentrée de 1998 et de trois mille au total sur trois ans. Ces engagements seront tenus et financés.
Cela dit, madame le sénateur, votre amendement est contraire à l'ordonnance organique : ces dispositions relèvent des lois de finances. D'ailleurs, des dispositions en ce sens seront prises dans le projet de loi de finances pour 1999.
Vous ayant, je l'espère, rassurée quant à l'engagement très ferme du Gouvernement, en ce qui concerne le plan de rattrapage pluriannuel dans le domaine scolaire en Seine-Saint-Denis, je vous invite, madame le sénateur, à retirer votre amendement.
M. le président. Je vais mettre aux voix l'amendement n° 110 rectifié.
M. Marc Massion. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Massion.
M. Marc Massion. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, à l'automne dernier, quatre mois après le changement de gouvernement, les parlementaires socialistes de la Seine-Saint-Denis ont demandé une entrevue au ministre de l'éducation nationale pour lui faire part des difficultés rencontrées dans leur département. Ce dernier les a entendus et a donné mission au recteur Fortier d'établir un rapport exact de la situation.
Dès que ses conclusions ont été connues, le ministre de l'éducation nationale, qui s'était déjà rendu à plusieurs reprises dans le département, a réuni les élus pour leur faire part de ses intentions. Il s'agissait, d'une part, de mesures d'urgence et, d'autre part, d'un plan pluriannuel sur quatre ou cinq ans à négocier avec tous les partenaires afin de réunir les conditions pour qu'un enseignement de qualité soit assuré à tous les élèves de la Seine-Saint-Denis.
Le 2 mars dernier, Claude Allègre a réuni les élus du département. Au cours de cette réunion, une grande satisfaction s'est dégagée, toutes tendances politiques confondues. En effet, le plan de rattrapage proposé paraissait être pour tous une avancée significative pour le département.
Paradoxalement, l'annonce de la prise en compte des besoins du département a déclenché un important mouvement de protestation.
Dès le 2 avril dernier, des moyens supplémentaires significatifs étaient accordés au titre du plan d'urgence. Cependant, à la rentrée des vacances de printemps, quelques collèges poursuivaient le mouvement.
Le 30 avril dernier, voilà tout juste quelques jours, les syndicats d'enseignants et les parents d'élèves ont accueilli favorablement la troisième version du plan de rattrapage d'urgence annoncée par le ministre de l'éducation nationale. Outre le déblocage de 3 000 postes, dont 800 pour la rentrée 1998, Claude Allègre a annoncé la création d'un nouveau rectorat et la refonte des zones d'éducation prioritaires. A ces moyens nouveaux, qui ne seront pas issus de redéploiement, Claude Allègre à ajouté 5 000 emplois-jeunes.
Les parlementaires socialistes, conscients des difficultés que rencontre la Seine-Saint-Denis en matière d'éducation, considèrent que le phénomène est global et que le malaise dans les collèges ne peut se dissocier des conditions socio-économiques, des problèmes de l'emploi, du logement et de la destruction des familles dans ce département.
Aujourd'hui, des moyens nouveaux sans précédent ont été accordés à ce département. Faisons en sorte qu'ils soient utilisés au mieux. Il semble urgent maintenant de resserrer le réseau des services publics, de recruter des personnels nouveaux motivés et de qualité et de les aider à se fixer en Seine-Saint-Denis. Voilà les défis qu'il convient au plus vite de relever dans l'intérêt de tous les enfants de Seine-Saint-Denis et dans l'intérêt même de ce département.
Compte tenu du fait que le plan Allègre, dans sa dernière version, va au-delà des demandes des collègues qui ont déposé cet amendement, nous ne pourrions, s'il était maintenu, le voter.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Je partage, personne n'en sera étonné, les propos de mon amie Danielle Bidard-Reydet, sénateur de la Seine-Saint-Denis, qui a soutenu, comme chacun le sait, les luttes très importantes qui viennent de se dérouler. J'en ai fait de même.
J'ai participé hier, à Choisy-le-Roi, aux assises académiques des zones d'éducation prioritaire et j'ai entendu de nombreux parents d'élèves et enseignants de la Seine-Saint-Denis, mais aussi du Val-de-Marne et de la Seine-et-Marne, demander des moyens supplémentaires pour la prochaine rentrée.
Mme Ségolène Royal a déclaré que des moyens nouveaux seraient dégagés, vous l'avez vous-même confirmé, monsieur le secrétaire d'Etat.
J'avoue donc ne pas comprendre pourquoi on s'obstine à ne pas inscrire ces crédits dans ce DDOEF.
Cette situation, je l'ai dit, n'est pas propre à la Seine-Saint-Denis. Par exemple, le collège Matisse de Choisy-le-Roi, dont on a beaucoup parlé, a connu de grands problèmes de violence ; son équipe éducative a réussi la performance, malgré ce qui s'est passé autour du Mondial, de maintenir dans l'établissement un climat serein, et ce au prix, non pas seulement des heures supplémentaires dont bénéficient les zones d'éducation prioritaire, mais d'heures supplémentaires non payées. Il y a donc des enseignants très motivés !
M. Alain Lambert, rapporteur. C'est le colloque de la majorité plurielle !
Mme Hélène Luc. Au cours de ces mêmes assises, j'ai entendu des intervenants dire - Mme la ministre déléguée a repris ces propos - qu'il fallait prendre garde de ne pas lasser toutes ces enseignantes et ces enseignants qui se donnent tant dans les zones d'éducation prioritaire, particulièrement en Seine-Saint-Denis, au risque de les voir partir ailleurs et être remplacés par les derniers nommés, ce qui serait très préjudiciable.
J'insiste donc pour que le Sénat accepte notre amendement.
M. le président. Madame Bidard-Reydet, l'amendement n° 110 rectifié est-il maintenu ?
Mme Danielle Bidard-Reydet. La réponse de M. le secrétaire d'Etat ne me convient pas, vous vous en doutez un peu ! (Oh ! sur les travées du RPR.)
En effet, tout comme vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous avons une certaine rigueur morale et nous pensons que les promesses annoncées doivent être tenues. C'est un principe, pour nous, fondamental.
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Alain Vasselle. Bravo !
Mme Danielle Bidard-Reydet. Nous avons gagé cet amendement.
A vous entendre, monsieur le secrétaire d'Etat, cet amendement n'a pas sa place dans ce texte. Mais nous sommes totalement ouverts à vos propositions.
La question de fond, c'est qu'il faut, pour la rentrée 1998, poser le problème du financement des postes qui ont été annoncés. C'est un problème incontournable de crédibilité et de respect à l'égard des intéressés.
Hier, l'ensemble du département s'est réuni pour faire une ronde extrêmement puissante autour du Stade de France pour exprimer la volonté de voir concrétisées les promesses du Gouvernement. Ne décevez pas cette attente, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 110 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
M. Alain Lambert, rapporteur. Un scrutin public sur un texte qui n'est pas recevable !
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Un scrutin public ? Ce n'est pas possible, monsieur le président ! M. le secrétaire d'Etat a invoqué l'irrecevabilité sur cet amendement. Par conséquent, il ne peut pas y avoir de scrutin public.
M. le président. M. le secrétaire d'Etat n'a pas invoqué l'irrecevabilité, il l'a évoquée !
M. Jean Chérioux. Il n'ose pas !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai dit que cette disposition ne pouvait pas faire partie d'un DDOEF et qu'elle devait figurer dans une loi de finances. Cela signifiait, me semble-t-il, que ce texte n'était pas recevable. (Exclamations sur les travées du RPR.)
J'aurais peut-être dû le dire plus explicitement ! Je vous prie de m'excuser de ne pas l'avoir fait.
M. Christian Poncelet, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 110 rectifié est-il recevable ?
M. Alain Lambert, rapporteur. Non, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 110 rectifié n'est pas recevable.
Article 38 bis