UTILISATION DES CRÉDITS OBLIGATOIRESD'INSERTION DES DÉPARTEMENTS

Adoption
des conclusions du rapport d'une commission

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 303, 1997-1998) de M. Bernard Seillier, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur la proposition de loi (n° 250, 1997-1998) de MM. Jean Delaneau, Nicolas About, José Balarello, Bernard Barbier , Mme Janine Bardou, MM. Christian Bonnet, James Bordas, Philippe de Bourgoing, Louis Boyer, Jean-Claude Carle, Marcel-Pierre Cléach, Jean Clouet, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Ambroise Dupont, Jean-Paul Emorine, Hubert Falco, Jean-Pierre Fourcade, Mme Anne Heinis, MM. Charles Jolibois, Jean-Philippe Lachenaud, Roland du Luart, Serge Mathieu, Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Guy Poirieux, Jean Puech, Henri de Raincourt, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Bernard Seillier, Henri Torre et François Trucy visant à élargir les possibilités d'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des départements.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons, déposée sur l'initiative de notre collègue Jean Delaneau, vise à élargir les conditions dans lesquelles les départements peuvent utiliser les crédits d'insertion, qu'ils doivent obligatoirement inscrire à leur budget en vertu de la loi du 1er décembre 1988 instituant le revenu minimum d'insertion, le RMI.
En effet, le RMI tend non seulement à garantir un niveau minimal de subsistance, mais également à assurer l'insertion des personnes confrontées à de graves difficultés sociales, en particulier grâce à l'action des collectivités locales, sous l'égide de l'Etat et du département.
Dix ans après sa création, le RMI appelle deux sortes de critiques. Les premières portent sur le niveau de rémunération auquel il ouvre droit, et cette question a été au coeur des problèmes soulevés par les mouvements de chômeurs du début de l'année. Les secondes portent sur les insuffisances du volet « insertion ».
Comme la commission des affaires sociales l'avait souligné au cours de la discussion budgétaire, le volet « insertion » du RMI est aujourd'hui celui qui soulève le plus de problèmes de fonctionnement.
Le taux de contractualisation des bénéficiaires du RMI, même s'il a progressé au cours de ces dernières années, n'est encore que de 53 %. Près d'un titulaire du RMI sur deux ne signe donc pas de contrat d'insertion, ce qui conduit d'ailleurs à s'interroger sur l'utilité qu'il y aurait à rétablir un lien plus étroit entre le versement du RMI et l'obligation d'accomplir une activité professionnelle ou d'intérêt général.
De plus, 50 % des bénéficiaires du RMI sont installés dans le dispositif depuis plus de deux ans. Environ 100 000 d'entre eux, soit 10 %, sont bénéficiaires de l'allocation depuis 1989, c'est-à-dire depuis l'origine du dispositif. Ces personnes échappent à la philosophie initiale du RMI et sont entrées dans une simple logique d'assistance, qui dénature l'objectif généreux du législateur de 1988.
Il est difficile de juger des raisons qui conduisent à cet échec et qui ne procèdent sans doute pas du seul choix des personnes concernées.
Cela témoigne de la difficulté, pour les départements, de mettre en place des parcours personnalisés d'insertion durable pour des personnes qui ont, depuis longtemps, perdu de vue les contraintes du monde du travail au cours de ces années de crise.
Depuis le débat budgétaire, Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a fait avancer ce dossier, ce dont nous nous félicitons, puisque, le 31 décembre 1997, elle a demandé par circulaire que la dynamique d'insertion du RMI soit activement relancée par les préfets. Il a été demandé à ces derniers de faire en sorte qu'au moins 25 % des bénéficiaires du RMI entrent, en 1998, dans une mesure d'emploi aidé de type contrat emploi-solidarité, CES, ou contrat initiative-emploi, CIE.
Par ailleurs, les 100 900 personnes qui bénéficient du RMI depuis 1989 auront dû être rencontrées au moins une fois, au cours de ce premier trimestre de 1998, pour faire un bilan personnalisé de leur situation.
Mme le ministre de l'emploi et de la solidarité a également demandé que les bénéficiaires du RMI de moins de trente ans soient pris en compte, dans de bonnes conditions, dans le dispositif « emploi-jeunes » et a souhaité que les programmes départementaux d'insertion soient améliorés en 1998.
Nous avons pris acte de ces objectifs. Il nous est apparu néanmoins qu'il était possible de franchir une nouvelle étape en donnant une impulsion financière à la politique de lutte contre les exclusions dans le cadre de la cogestion déjà mise en place en faveur de l'insertion des bénéficiaires du RMI.
En effet, le volet « insertion » du RMI - le fameux « I » - est placé sous le signe de la cogestion entre le président du conseil général et le préfet.
Il s'agit d'une cogestion institutionnelle, tout d'abord, puisque le préfet et le président du conseil général président conjointement le conseil départemental d'insertion, qui se réunit en principe au moins deux fois par an et qui rassemble, au niveau de chaque département, les différents intervenants et les personnalités les plus qualifiées en matière de lutte contre l'exclusion.
Le conseil est chargé d'une mission d'étude, d'enquête et d'évaluation sur les besoins en matière d'insertion sociale et professionnelle dans le département mais, surtout, il a pour mission d'élaborer et d'adopter le programme départemental d'insertion.
A partir de l'évaluation des besoins à satisfaire et des actions existantes, ce programme définit les différentes actions et initiatives à conduire en matière d'insertion des bénéficiaires du RMI en recensant les moyens financiers mis en oeuvre par l'Etat et par le département.
On notera que la loi de 1988 dispose que le champ du programme peut être étendu « à l'ensemble de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et à l'ensemble des actions en faveur de l'insertion, notamment économique ». Cependant, il est précisé tout aussitôt que les dépenses d'insertion, dont l'inscription est obligatoire pour les départements, doivent être affectées « exclusivement aux bénéficiaires du RMI ».
La cogestion a, en effet, des implications financières rigoureuses. Ainsi, le département est tenu d'inscrire annuellement dans un chapitre individualisé de son budget, le chapitre 959, un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées l'année précédente par l'Etat au titre du RMI dans le département. Ces crédits d'insertion ont représenté 4 milliards de francs en 1996.
Lorsque les départements n'ont pas consommé les crédits ainsi affectés, ils doivent les reporter intégralement sur les crédits de l'année suivante, sans limitation de durée.
La consommation des départements sur le flux annuel de crédits d'insertion inscrits au budget s'est constamment améliorée ces dernières années, pour atteindre 97 % en 1995. Reste que certains départements conservent un stock de crédits reportés non négligeable du fait des délais de montée en puissance du dispositif de 1988, de l'ordre de 2 milliards de francs, y compris l'outre-mer.
Ces reports de crédits doivent être attribués, comme le rappelle M. Delaneau dans son exposé des motifs, non pas à la mauvaise volonté des conseils généraux, mais à un déficit de l'offre d'insertion, notamment en emplois aidés, ainsi qu'à la difficulté de mettre en place des parcours d'insertion efficaces pour les personnes les plus en difficulté et qui sont depuis longtemps dans le dispositif.
Malgré l'avancée que constituent les engagements pris dans la circulaire du 31 décembre 1997, l'efficacité des politiques d'insertion départementales est toujours conditionnée, en dernier recours, par le volume total des contrats aidés d'accès à un emploi non marchand mis en place dans le département ou par la capacité d'accueil des structures d'insertion par l'activité économique, telles que les associations intermédiaires et les entreprises d'insertion.
La future loi contre les exclusions devrait comporter des dispositions favorables en ce sens. Cela ne nous dispense cependant pas d'une réflexion sur la possibilité de mieux reconnaître et de faciliter l'action des départements en faveur de la lutte contre l'exclusion entendue au sens large.
Les dispositifs mis en place au cours de ces dernières années pourraient certainement jouer un rôle plus utile en prenant en charge un certain nombre d'exclus qui ne relèvent pas strictement du RMI. Aujourd'hui, l'utilisation des crédits départementaux est, au contraire, rigoureusement encadrée puisque ceux-ci doivent être uniquement consacrés aux dépenses d'insertion des bénéficiaires du RMI.
Le département peut toutefois imputer les frais de structure, c'est-à-dire les dépenses concernant les frais de secrétariat des conseils départementaux d'insertion, les CDI, des commissions locales d'insertion, les CLI, et des cellules d'appui aux titulaires du RMI, ce qui est très utile.
De plus, il faut noter que, dans la loi du 16 octobre 1997 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes, les départements ont été autorisés à imputer sur les crédits d'insertion la contribution apportée au financement d'un poste de travail en emploi-jeune sous réserve que le titulaire bénéficie du revenu minimum d'insertion. L'imputation est limitée à un an et ne peut excéder le cinquième de l'aide forfaitaire versée par l'Etat.
Cette dernière disposition semble être relativement efficace et permettre un soutien important de la part des départements. Il serait important que la mesure d'imputation ne soit pas limitée à une seule année mais qu'elle puisse être reconduite au-delà de 1998 pour favoriser l'engagement des départements. J'aimerais connaître votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le principe de la prolongation au-delà d'un an de la mesure d'imputation sur les crédits d'insertion d'une fraction de la contribution départementale aux emplois-jeunes, car il pourrait s'agir d'une mesure de soutien utile.
Il reste que c'est un problème plus général qui se pose aujourd'hui.
La situation est paradoxale : les départements reportent d'année en année des crédits qu'ils ne peuvent utiliser parce qu'ils se heurtent aux limites structurelles de l'appareil d'insertion dans une économie où le taux de chômage est de 12 %.
Simultanément, les départements ne sont pas habilités par la loi à utiliser pour la lutte contre la pauvreté les crédits réservés dans leur budget. Ainsi, ils ne peuvent concourir aux mécanismes d'insertion des jeunes de moins de vingt-cinq ans qui n'ont pas d'enfants à charge et qui n'ont donc pas droit au RMI. Ils ne peuvent également agir sur les crédits d'insertion en faveur des chômeurs de longue durée qui bénéficient de l'allocation de solidarité spécifique. Au moment où les problèmes d'exclusion n'ont jamais été aussi aigus et où le phénomène dépasse, et de loin, le seul cadre du RMI, il doit être possible de mobiliser toutes les énergies au profit de ceux dont la situation sociale est la plus difficile. Tel est l'objet de la proposition de loi de M. Delaneau, qui tend essentiellement à faciliter le financement, sur les crédits départementaux d'insertion, des actions de lutte contre l'exclusion, quel que soit le public visé.
Après réflexion et consultation des partenaires intéressés, la commission a validé l'objectif que cherche à atteindre M. Delaneau, tout en aménageant quelque peu les modalités qu'il avait retenues.
Le texte initial de la proposition de loi confirmait la vocation, déjà envisagée dans la loi du 1er décembre 1988, du programme départemental d'insertion à s'appliquer à l'ensemble de la lutte contre la pauvreté et l'exclusion, tout en reprenant l'ensemble des rubriques qui avaient été visées pour définir le contenu du plan départemental d'insertion de lutte contre l'exclusion créé dans le projet de loi Barrot-Emmanuelli de l'année dernière.
Les départements seraient évidemment autorisés à financer de manière très souple ces programmes élargis.
Le texte initial de la proposition de loi prévoyait, en outre, que les crédits départementaux d'insertion reportés et non consommés pourraient, sur proposition du président du conseil général, être affectés à des actions d'urgence sociale, afin d'apporter des réponses immédiates aux personnes et aux familles en situation de détresse grave, reprenant ainsi exactement la formule employée dans la circulaire du 19 janvier dernier pour définir le rôle des fonds d'urgence sociale, qui ont été mis en place dans chaque département.
La commission a constaté qu'il était difficile de faire référence à une seule partie de l'ensemble du dispositif institutionnel qui avait été conçu par MM. Barrot et Emmanuelli sans courir le risque d'en dénaturer l'esprit.
En particulier, il lui a semblé que les conditions d'un dialogue constructif entre les parties prenantes sur le terrain ne seraient pas réunies si l'on devait seulement élargir le champ des rubriques du programme départemental d'insertion. Il ne faudrait pas que la mutualisation des moyens débouche sur la confusion des responsabilités.
Par ailleurs, il faut souligner un point essentiel : les départements, de manière volontaire, interviennent d'ores et déjà, un niveau significatif pour aider les personnes en grande difficulté.
Selon les données fournies par l'assemblée des présidents de conseils généraux, à partir d'une enquête réalisée auprès de quarante-cinq départements, 640 millions de francs ont été inscrits sur les budgets primitifs pour 1998 au titre de l'aide aux personnes en difficulté.
On peut raisonnablement penser que la dépense prévue à ce titre sera total de l'ordre de 1 à 1,2 milliard de francs pour l'ensemble des cent départements.
Il s'agit, notamment, d'aides consenties en faveur des secours d'urgence et du logement, d'aide en cas d'impayés sur des fournitures d'énergie et d'interventions pour les jeunes.
C'est pourquoi, dans l'attente du projet de loi contre les exclusions, qui sera adopté mercredi 25 mars prochain en conseil des ministres, la commission a adopté un texte moins ambitieux que celui de M. Jean Delaneau et qui, le moment venu, sera susceptible d'être transformé en amendement.
Il s'agirait d'adopter, sans bouleverser le dispositif d'ensemble de la loi du 1er décembre 1988, une disposition exceptionnelle à caractère temporaire sur cinq ans qui permettrait aux départements d'affecter à l'ensemble de la lutte contre l'exclusion 10 % du montant des crédits départementaux d'insertion dont l'inscription annuelle est obligatoire.
Les actions de lutte contre l'exclusion qui seraient ainsi prises en charge sont celles qui sont déjà visées dans la loi de 1988 et qui ont déjà été inscrites dans les programmes départementaux d'insertion dans près des deux tiers des départements, selon le rapport d'évaluation de 1996.
Les crédits d'insertion départementaux s'élèvent à 4 milliards de francs au minimum en 1996 ; 10 % de cette somme, cela représente donc 400 millions de francs, montant qui doit être comparé aux 2 milliards de francs de reports de crédits constatés à la fin de 1996 en métropole et dans les départements d'outre-mer.
La mesure proposée devrait donc permettre de résorber en cinq ans les reports de crédits au profit de la lutte contre l'exclusion entendue au sens large.
Les départements consommant aujourd'hui, à 97 % en moyenne, les crédits départementaux d'insertion, trois cas de figure sont possibles.
Ou bien les départements consomment l'ensemble de leurs crédits d'insertion et ne disposent pas de crédits reportés : ces départements ne sont pas a priori concernés par le dispositif temporaire et continueront à financer l'insertion comme ils le faisaient auparavant.
Ou bien les départements consomment leurs crédits d'insertion annuels et font apparaître un montant cumulé de reports important sur les exercices précédents : grâce au dispositif proposé, ces départements pourront, dans la limite de 10 % des crédits annuels d'insertion, résorber en cinq ans leurs reports sans porter atteinte aux moyens qu'ils consacrent à l'insertion.
Ou bien, enfin, indépendamment de l'existence ou non de crédits reportés, les départements pourront éventuellement affecter temporairement à la lutte contre l'exclusion une fraction des crédits non consommés au titre de l'insertion tout en veillant, sur une période de cinq ans, à assurer une consommation complète de ces crédits au profit des bénéficiaires du RMI.
Au demeurant, dans un contexte où les interprétations de la réglementation peuvent présenter une certaine diversité, le mécanisme proposé mettra les départements dans une situation plus claire vis-à-vis des services préfectoraux.
Au total le dispositif que la commission vous propose d'adopter, mes chers collègues, ne remet donc pas en cause le niveau des crédits destinés aux bénéficiaires du revenu minimum d'insertion. Il ne crée pas de dépenses supplémentaires : il permet seulement, dans l'esprit du texte de M. Jean Delaneau, de dépenser mieux des crédits qui ne sont pas utilisés aujourd'hui et qui pourraient utilement être mis au service de la lutte contre l'exclusion au cours des cinq prochaines années. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Michel Dreyfus-Schmidt remplace M. JeanDelaneau au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. MICHEL DREYFUS-SCHMIDT
vice-président

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ordre du jour fixé par votre assemblée appelle la discussion d'une proposition de loi de M. Delaneau et des membres du groupe des Républicains et Indépendants, visant à élargir les possibilités d'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des départements.
Comme les auteurs de cette proposition de loi et votre commission des affaires sociales, dont je salue le président, j'observe que, à l'usage, le dispositif institutionnel créé par la loi du 1er décembre 1988 instituant le revenu minimum d'insertion n'a pas produit tous les effets que l'on était en droit d'attendre.
Comme chacun des membres de cette assemblée, j'ai lu avec attention, dans le rapport de la commission, les interventions de Mme Derycke et de M. Fischer et je suis sensible au fait que, chaque année, des crédits obligatoires d'insertion sont reportés sur le budget de l'année suivante.
Toutefois, ce constat appelle de ma part certains commentaires.
D'abord, la consommation des crédits, qui représenteront en 1998 près de 5 milliards de francs au niveau national, s'était très sensiblement améliorée de 1992 à 1995, certains départements allant au-delà de leurs obligations légales de l'année. Depuis, la situation s'est légèrement dégradée. Au total, il reste, comme l'a souligné M. le rapporteur, des reports importants, de l'ordre de 2 milliards de francs. Ces reports correspondent à une sous-consommation ancienne de crédits et sont concentrés, pour l'essentiel, sur une vingtaine de départements.
Ensuite, on nous explique, et c'est également l'opinion de M. le rapporteur, que cette sous-consommation de crédits tiendrait, notamment, à un déficit de l'offre d'insertion ; c'est effectivement le cas et c'est tout le problème. J'observe cependant que ce déficit n'atteint pas de la même manière tous le départements, et c'est là, en particulier, que le bât blesse. En effet, certains départements semblent plus vertueux que d'autres.
Le problème du RMI est bien là : ce que l'on peut reprocher au RMI, c'est que le fameux « I » ne fonctionne pas suffisamment. Je me souviens des débats de 1988 et de l'apport, considérable à nos yeux, que représentait ce « I », l'insertion devant être le moteur du retour de l'emploi. Il s'agissait non pas d'échanger, en termes d'obligation, ce revenu contre une démarche allant vers le travail, mais de faire le lien entre la prestation et l'action d'insertion.
Ceux qui sortent du dispositif du RMI sont de plus en plus nombreux. En 1997, grâce à l'insertion, on a dénombré 368 000 sorties du RMI, soit 11 % de plus que l'année précédente. Cela n'est pas négligeable. Ces résultats, pour méritoires qu'ils soient, restent insuffisants, je l'ai dit voilà un instant.
Cette proposition de loi dessert les départements vertueux. Il nous revient, en conséquence, de travailler concrètement ensemble pour améliorer l'offre d'insertion, et pas seulement, même si je comprends ce souci, sur la question de l'utilisation des fonds.
Votre proposition de loi correspond à une démarche politique, sociale, mais il ne s'agit pas d'une proposition comptable. La comptabilité existe ! Nous pourrions éventuellement y venir. En attendant, il faut accentuer le côté volontariste du volet « insertion ».
Dans cet esprit, nous sommes convenus, à la fin du mois de novembre dernier, avec l'assemblée des présidents de conseils généraux, de remettre sur le métier ces programmes départementaux d'insertion qui, je veux le croire, sont toujours perfectibles, pour lesquels il est toujours possible d'innover et de mener une action acharnée en direction de l'insertion, ce « I » que j'évoquais tout à l'heure. Nous devons rencontrer à nouveau les présidents de conseils généraux.
Je souhaite que, au moins, on n'abandonne pas cet espoir. En effet, ces programmes départementaux d'insertion constituent le support technique et financier sur lequel peut s'appuyer cette offre d'insertion, et qui devrait faciliter son émergence.
Nous sommes également convenus, avec les présidents de conseils généraux, d'une opération de contact systématique avec les 100 000 personnes qui bénéficient du RMI depuis le début de son institution, c'est-à-dire depuis 1988, et qui n'ont donc pas pu sortir de ce dispositif. Ces rencontres permettront de mieux définir les raisons pour lesquelles l'insertion n'a pas pu jouer pour ces personnes et, sur cette base, d'établir avec chacune d'entre elles - nous l'espérons - un contrat personnalisé d'insertion.
Parallèlement, l'Etat va mieux mobiliser le service public de l'emploi, recentrer et développer un certain nombre de mesures, de contrats aidés - j'y reviendrai - sur les personnes les plus éloignées de l'emploi, les plus en difficulté par rapport à celui-ci, comme Mme Martine Aubry l'a annoncé hier en présentant, avec d'autres ministres, le programme du Gouvernement pour prévenir et pour lutter contre les exclusions.
Il s'agit de notre part d'une démarche volontariste et non d'un refus systématique de cette proposition de loi. En effet, l'accompagnement vers l'insertion constitue un objectif que le Gouvernement poursuit avec acharnement. Je donnerai à cet égard deux exemples : tout d'abord, le dispositif TRACE, trajectoire d'accès à l'emploi, devrait offrir à 60 000 jeunes par an un accompagnement très poussé sur dix-huit mois ; par ailleurs, les contrats emploi-consolidé devraient, de façon très volontariste, viser, en cinq ans, 200 000 personnes, payées à 80 % par l'Etat.
Face à cela, la proposition de loi soumise au Sénat représente plutôt, me semble-t-il un recours à l'assistance et aux chèques d'assistance. Certes, un tel recours est parfois nécessaire. Ainsi, lors du mouvement des chômeurs, le Gouvernement, après en avoir admis la nécessité, a débloqué en urgence un milliard de francs pour le Fonds d'urgence sociale. Mais cette somme résultait d'un redéploiement de crédits et non, comme vous le proposez, d'économies réalisées sur les crédits destinés à l'insertion.
Personne ne peut nous reprocher, je crois, de ne pas être persévérants dans cette détermination, dans cet acharnement social vers l'insertion, et donc vers l'emploi.
Par ailleurs, on ne peut accepter une croissance continue, même si elle est fortement ralentie, du nombre des bénéficiaires du RMI et, au-delà, de celui des bénéficiaires des minima sociaux. Nous ne pouvons nous contenter à cet égard de dissimuler, par une politique d'assistance ou par l'octroi d'un chèque, la condition douloureuse de nombreux citoyens de notre pays. La situation existant dans un certain nombre de pays voisins et plus éloignés nous montre en effet qu'il s'agirait là d'une dérive.
J'en viens à la proposition de loi qui, dans sa rédaction initiale, prévoyait notamment que les crédits obligatoires visés à l'article 38 de la loi du 1er décembre 1988, non consommés au titre d'exercices antérieurs, puissent être affectés à des actions d'urgence sociale.
Vous comprendrez que je ne puisse souscrire à cela compte tenu des principes devant guider notre action dans ce domaine. En effet, il nous faut nous souvenir que, derrière les chiffres de l'exclusion et du chômage, il y a des personnes qu'il nous faut prendre en charge une par une. Tel est d'ailleurs l'objet du dispositif TRACE et des contrats emploi consolidé, dont j'ai parlé précédemment.
Par conséquent, même si je conviens de la nécessité de réfléchir sur la comptabilité et la bonne utilisation de l'argent public, je considère que les principes guidant notre action d'insertion ne doivent pas être abandonnés.
Je répète d'ailleurs que l'Etat, en dotant le Fonds d'urgence sociale d'un milliard de francs, a accompli cet effort exceptionnel sans toucher aux crédits destinés à l'insertion.
On est dès lors en droit d'attendre des partenaires sollicités pour contribuer à ce fonds qu'ils n'entament pas pour ce faire les crédits devant être consacrés à cet effort déterminé des départements et de l'Etat.
Enfin, la proposition de loi, en visant les compétences du conseil départemental d'insertion, anticipe sur le débat que le Gouvernement entend ouvrir sur l'amélioration de l'ensemble du dispositif. Comme je vous l'ai dit, nous devons revoir très vite, après les élections régionales et après la discussion du projet de loi d'orientation de prévention et de lutte contre les exclusions, les présidents des conseils généraux. A ce titre, l'adoption de cette proposition de loi avant cette rencontre - comprenez bien, mesdames, messieurs les sénateurs, l'esprit qui nous anime - serait prématurée.
La commission des affaires sociales l'a bien compris. Elle a estimé, en définitive, qu'il n'y avait pas lieu, à ce stade, de proposer un bouleversement du dispositif institutionnel créé par la loi du 1er décembre 1988.
Elle s'en est donc tenue à la proposition d'un rattrapage de la sous-consommation des crédits d'insertion par les conseils généraux en déspécialisant les crédits visés à l'article 38 de la loi du 1er décembre 1988 pendant cinq années.
Mais pourquoi entériner les inégalités de pratiques entre départements, entre ceux, très majoritaires, qui ont su et voulu appliquer la loi et qui y parviennent, et ceux, minoritaires, qui ne l'ont pas su ou ne l'ont pas suffisamment voulu ? Encore une fois, je ne stigmatise personne et je n'accroche aucune étiquette politique à l'un ou à l'autre de ces départements.
Ceux qui présentent des reports de crédits importants pourraient certes les résorber, mais ce serait alors au détriment de l'insertion des bénéficiaires du RMI. Je souhaite du moins, si j'ose dire, qu'il s'agisse non pas d'un abandon du système, mais du résultat d'une impossibilité liée à des raisons techniques, psychologiques ou locales.
Nous devons au contraire, à mon avis, relancer l'insertion professionnelle des bénéficiaires du RMI, et d'ores et déjà Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a fixé comme objectif que 25 % d'entre eux aient accès dans l'année aux dispositifs d'aide à l'accès à l'emploi ou à une formation.
Elle a donc décidé, comme je viens de vous l'indiquer, de recentrer des contrats emploi-solidarité sur les populations les plus en difficulté.
Nous avons annoncé hier - je n'y reviendrai pas - des dispositions relatives à la prévention et à la lutte contre les exclusions : il s'agit des contrats emploi consolidé, instruments majeurs, à notre avis, et des TRACE. Ces nouveaux contrats emploi consolidé, d'une durée minimale de trente heures, seront directement accessibles aux publics que j'ai évoqués, sans que les bénéficiaires aient à passer par le dispositif des contrats emploi-solidarité. De plus, une augmentation importante est programmée, puisque le nombre total des contrats emploi consolidé sera de 200 000.
Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons fait un autre choix que celui d'une certaine résignation implicite, sous-entendue dans cette proposition de loi.
Mon sentiment est qu'il nous faut essayer avec acharnement, en attendant la réunion des présidents de conseils généraux, de continuer dans la voie que nous avons tracée depuis près de dix mois, à savoir le retour à l'emploi. Cela signifie, certes, le traitement des urgences lorsqu'elles s'imposent, car nous ne pouvons laisser dans l'abandon et la souffrance des hommes et des femmes de notre pays ; mais il convient de traiter cette souffrance en amont et de ne pas se contenter d'un cautère sur une jambe de bois : il nous faut donc nous efforcer d'y remédier et croire que chacun de ces hommes et de ces femmes, un par un, qu'il soit titulaire du RMI ou qu'il n'y ait même pas accès, peut avoir devant lui le chemin de l'emploi.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement ne peut, dans l'immédiat, qu'émettre un avis défavorable sur la proposition de loi de M. Delaneau amendée par la commission des affaires sociales du Sénat. (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à Mme Derycke.
Mme Dinah Derycke. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'actualité récente a mis en évidence le nombre important, dans notre pays, de personnes et donc de familles vivant avec des minima sociaux, notamment avec le revenu minimum d'insertion. Elle a éclairé l'ensemble de nos concitoyens sur les drames humains et sur la souffrance, en général invisible, qui est ressentie par toutes ces populations.
En instaurant, en 1988, le revenu minimum d'insertion, le législateur poursuivait deux objectifs : d'une part, aider concrètement des personnes, des familles en situation d'exclusion à se loger, voire à se nourrir - nous en sommes d'ailleurs toujours là ! - et, d'autre part, les réinsérer, faciliter leur retour dans le monde du travail et, plus largement, dans la vie sociale, tant il est vrai que, si la pauvreté permet de conserver cette caractéristique de l'être humain qu'est la dignité, la misère la fait disparaître.
Le législateur ne souhaitait pas maintenir indéfiniment ces personnes dans le statut de l'assistanat. Si chacun affirmait le caractère impérieux de l'insertion, force est néanmoins de constater le relatif échec à cet égard. Il ne faut pas, bien sûr, nier les difficultés. En effet, il n'est pas évident, surtout en période de crise économique, de réinsérer des personnes qui n'ont pas travaillé depuis très longtemps, voire, quelquefois, n'ont jamais travaillé. Ainsi, certaines femmes n'ayant jamais exercé d'activité professionnelle éprouvent de grandes difficultés à accéder au marché du travail lorsqu'elles se retrouvent seules avec des enfants à charge.
Il est difficile aussi, parfois, d'apprécier l'insertion économique. En effet, pour un certain nombre de bénéficiaires du RMI, cette insertion est pratiquement impossible dans un premier temps et doit être précédée d'une remise à niveau sociale de l'individu, permettant aux personnes détruites par la vie de se reconstruire.
Il fallait donc créer une offre d'insertion, qui n'existait pas partout, bien que le mouvement associatif, notamment, ait su faire montre, dans ce domaine, de beaucoup d'initiatives.
Si le volet de l'insertion n'a pas totalement réussi, c'est en raison de la volonté politique qui a parfois manqué. Nous voyons bien que, aujourd'hui, certains départements dépensent plus à cet égard que les crédits qu'ils doivent inscrire. Par conséquent, si le démarrage a été lent en raison de la nécessité de construire ces dispositifs, ces derniers, lorsqu'une volonté politique s'est manifestée, sont maintenant en place et les crédits sont consommés.
M. le secrétaire d'Etat a raison de dire qu'il ne faudrait pas que les départements qui ont été vertueux soient pénalisés, voire un peu écartés des dispositifs que la loi d'orientation de prévention et de lutte contre les exclusions va mettre en place.
J'ai fait allusion au manque de volonté politique ; ce dernier résulte parfois d'un manque de savoir-faire et parfois aussi d'un manque de volonté. Je connais, en effet, des organismes spécialisés dans l'insertion qui avaient un savoir-faire mais qui ont disparu parce qu'on voulait évaluer leurs résultats à je ne sais quelle aune et qu'on ne les a donc pas aidés. Leur disparition dramatique est due à la vision comptable des résultats que ces organismes d'insertion devaient produire.
Or s'il est facile de se rendre compte qu'une personne ayant un certain niveau de formation a ou non, à la suite du stage qu'elle a effectué au sein d'un organisme de formation, obtenu sa qualification, réussi un concours ou obtenu son CAP, il est en revanche très difficile d'apprécier l'insertion de personnes connaissant de grandes difficultés lorsqu'il faut simplement, comme c'est parfois nécessaire, leur réapprendre à se lever, à se vêtir et à sortir de chez elles.
Je connais, dans certains quartiers en difficulté, des femmes qui ne sortent plus de chez elles, qui ne s'habillent plus et qui ne vont plus faire leurs courses. Ce sont les enfants qui, en rentrant de l'école, vont chercher qui la boîte de petits pois, qui les pommes de terre.
Il est difficile d'apprécier le travail des organismes d'insertion, d'autant que, dans certains cas, l'offre d'insertion qui existait a été détruite. Je maintiens en tout cas qu'il faut une volonté politique quand on veut réaliser des actions d'insertion en direction des personnes en grande difficulté. Et celles qui touchent le RMI en font partie !
Là où des dispositifs ont été mis en place, ils doivent aujourd'hui être activés. Mais le projet de loi contre les exclusions va nous permettre de passer à une vitesse supérieure. Il est imminent, et je donne acte à la commission des affaires sociales et à son rapporteur d'en avoir tenu compte pour aménager le dispositif qui nous est proposé. Toutefois, distraire aujourd'hui les reliquats des fonds que les départements n'ont pas su ou pas voulu employer pour les redistribuer à des publics en difficulté me paraît non seulement prématuré, mais risquerait, de surcroît, de ne pas permettre, dès lors que le projet de loi contre les exclusions aura été adopté, de faire passer ce dispositif à la vitesse supérieure.
Aujourd'hui, dans tous les départements, on est au courant de ce qui va être réalisé avec le texte contre les exclusions. Chacun est à même d'anticiper et de remettre à plat les dispositifs d'insertion, de mobiliser l'ensemble des crédits reportés, lorsqu'ils existent, sur de tels dispositifs.
La commission a modulé ce texte et notre collègue M. Fischer nous proposera, avec l'amendement n° 1, de limiter à un an la possibilité d'utilisation de ces crédits. Nous en prenons acte.
Nous, nous faisons le choix de l'insertion. Nous pensons qu'il est grand temps aujourd'hui d'inciter tous les acteurs à se mobiliser au maximum et à mobiliser toutes les forces qui existent autour d'eux - parce qu'elles existent dans notre pays - pour que l'insertion des RMIstes soit demain une réalité. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les départements, de par leurs compétences, jouent un rôle très important dans la vie sociale. Ils sont notamment chargés, en relation avec l'Etat, d'organiser l'insertion des bénéficiaires de l'allocation du RMI.
Les départements ont l'obligation d'inscrire, dans un chapitre individualisé de leur budget, un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées l'année précédente par l'Etat au titre de l'allocation du RMI.
Ces crédits sont utilisés au titre de l'insertion sociale, surtout dans les domaines de la santé, de l'aide médicale ou du logement, mais aussi pour l'insertion économique, les frais de structures étant prélevés sur ces mêmes 20 %.
C'est ce que l'on appelle le principe de l'affectation exclusive des crédits départementaux d'insertion aux bénéficiaires du RMI. Ce principe aboutit à ce que les crédits non consommés dans l'année soient reportés sur l'année suivante sans autre affectation possible.
Force est de constater que, chaque année, la plupart des départements ne consomment pas l'ensemble de leurs crédits alloués à l'insertion. Ainsi, en 1995, le taux des crédits consommés par l'ensemble des départements métropolitains a plafonné à 62 %. Et, les reports se faisant d'année en année, de nombreux départements ont accumulé des sommes importantes.
Le groupe communiste républicain et citoyen ne peut s'empêcher de revenir sur la mission d'insertion attachée à l'allocation du RMI. Effectivement, ce dispositif, institué par la loi du 1er décembre 1988 et modifié par la loi du 29 juillet 1992, a été conçu à la fois pour assurer un minimum social à nos compatriotes durement touchés par les difficultés et, surtout, pour favoriser ainsi leur insertion ou leur réinsertion. Il s'agissait, en fait, d'éviter le piège de l'assistanat.
Ainsi, en théorie, chaque allocataire du RMI devrait bénéficier d'un contrat d'insertion. Or, en pratique, nous ne pouvons nier qu'il existe un réel problème de mise en place du volet « insertion ».
Bien souvent, les personnels chargés de ce dispositif d'insertion n'ont pas reçu les formations adéquates, et ces missions sont remplies par des assistantes sociales surchargées par l'explosion des besoins sociaux. Quand on pense que certaines d'entre elles sont chargées en même temps de mettre en oeuvre la prestation spécifique dépendance, on peut comprendre que des difficultés objectives empêchent d'obtenir des résultats concrets.
Le groupe communiste républicain et citoyen et les communistes dans leur ensemble ne sont pas adeptes de la philosophie du moindre mal. Nous préférons régler les difficultés dans leur ensemble et nous pensons donc que le rôle d'insertion attaché au RMI est primordial.
Nous ne concevons pas le revenu minimum d'insertion comme un palliatif à la misère, comme une allocation d'assistanat. Au contraire, nous aimerions que le RMI soit encore plus qu'il ne l'est actuellement le véritable moteur de la réinsertion sociale.
Peut-être serait-il intéressant, d'ailleurs, qu'une étude soit faite sur les difficultés de mise en place des contrats d'insertion et sur les raisons qui conduisent les départements à ne pas consommer l'ensemble de leurs crédits.
Notre collègue Mme Dinah Derycke a procédé tout à l'heure à une excellente analyse de la situation, je n'y reviendrai pas. Quoi qu'il en soit, le nombre des personnes en difficulté est très important. Nous pensons que cela est certainement dû, en partie - et comme le disent aussi les chômeurs eux-mêmes - au trop faible niveau du RMI.
Je tiens à rappeler que le montant du RMI équivaut à la moitié du niveau du seuil de pauvreté européen, qui est évalué à 5 500 francs environ. Comment voulez-vous qu'une personne en difficulté, qu'un SDF remonte la pente avec 2 429 francs de revenu mensuel ? Cela nous paraît impossible.
Je ne vais pas développer davantage cette intervention, nous aurons l'occasion d'y revenir lors du débat sur le projet de loi relatif à la prévention et à la lutte contre les exclusions.
Concernant plus particulièrement la proposition de loi de M. Delaneau, si nous n'y sommes pas a priori opposés, il nous semble important de souligner quelques points.
Premièrement, nous sommes très attachés aux compétences sociales des départements et nous ne voulons pas qu'il leur soit un jour permis de ne plus exercer certaines de leurs prérogatives en faveur des familles en difficulté. Tel n'est pas le cas avec la présente proposition de loi, qui permet une réaffectation, mais seulement en faveur des victimes de l'exclusion et uniquement à hauteur de 10 % des crédits alloués à l'insertion.
Deuxièmement, comme je l'ai dit voilà quelques instants, le RMI ne répond pas toujours aux besoins des personnes en difficulté. Certes, les sommes qu'il est proposé de redéployer dorment, mais, étant donné les difficultés qu'éprouvent les intéressés pour s'en sortir, il nous faut non seulement réfléchir au moyen d'augmenter le montant de l'allocation, mais aussi tout mettre en oeuvre pour favoriser l'insertion des RMIstes. Sur ce dernier point, nous avons en partie échoué. En effet, nous le savons, dans les contrats relative à l'insertion, la partie ne correspond qu'à environ 10 %.
Troisièmement, comme l'a très justement souligné la commission des affaires sociales, le projet de loi d'orientation de prévention et de lutte contre les exclusions, qui sera discuté au printemps prochain - il devrait être adopté à la mi-juillet - prendra en compte ce problème des crédits d'insertion départementaux non consommés.
Le groupe communiste républicain et citoyen, soucieux de ne pas empiéter sur les dispositifs futurs de la loi contre les exclusions, vous propose d'adopter un amendement qui limite à l'année 1998 le report autorisé dans la présente proposition de loi. Cette solution nous semble raisonnable. Toutefois, nous ne pourrons échapper, au cours des prochaines semaines, à un débat de fond, notamment sur le problème de l'emploi et de l'insertion des publics les plus en difficulté.
M. le président. La parole est à M. Delaneau.
M. Jean Delaneau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne pense pas que cette proposition de loi, même amendée par la commission des affaires sociales, ait devant elle un grand avenir législatif compte tenu de la position que nous a indiquée tout à l'heure le Gouvernement.
Toutefois, au lendemain de la présentation par Mme Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, du projet de loi d'orientation de prévention et de lutte contre les exclusions, ce sera peut-être pour nous une façon d'ouvrir dès maintenant le débat devant le Sénat.
Je ne voudrais pas qu'il subsiste d'ambiguïté ou que l'on interprète de manière tendancieuse cette proposition de loi, qui est tout à fait modeste et qui n'avait pas, en tout cas, pour objectif de couper l'herbe sous le pied du Gouvernement alors que, nous le savions, un grand texte est en préparation.
Je crois utile de dire pourquoi j'ai été conduit à présenter cette proposition.
D'abord, à la fin de l'année dernière, se sont produits les événements que nous connaissons et auxquels nous avons été sensibilisés les uns et les autres, aussi bien le Gouvernement que les élus locaux, en particulier les maires. En outre, la mise en place du fonds d'urgence sociale a permis et permet encore d'apporter une aide immédiate à certains de nos concitoyens qui se trouvent dans des situations extrêmement difficiles.
Vous nous avez expliqué, monsieur le secrétaire d'Etat, que le financement de ce fonds avait été assuré par des redéploiements de crédits, et je crois que c'est une bonne chose. Cela dit, au moment où ce fonds a été mis en place, on s'est aussi tourné vers les conseils généraux pour leur demander, le cas échéant, de participer à ce financement. Or, dans certains départements, les préfets ont aujourd'hui consommé l'intégralité des crédits qui leur avaient été attribués. Ils vont donc se tourner à nouveau vers les conseils généraux, s'ils ne l'ont pas déjà fait.
Mais, vous le savez comme moi, si l'Etat a la possibilité de réorienter certains crédits et - ce n'est pas nouveau ! - de présenter un budget en déséquilibre, ce n'est pas le cas des collectivités territoriales. Les budgets des conseils généraux sont bouclés au mois de décembre et ces derniers ne disposent plus alors d'aucune marge de manoeuvre, sauf à déplacer des crédits d'une ligne à l'autre, donc à privilégier telle action sociale à telle autre. En d'autres termes, nous sommes contraints de déshabiller les uns pour habiller les autres.
Le maire que je suis est souvent désemparé lorsqu'il voit arriver des jeunes de vingt-quatre ans qui ont tout essayé et à qui il n'a plus rien à proposer. Certes, des aides existent mais leurs conditions d'accès sont souvent compliquées, et les cas de refus sont nombreux. Elles ne peuvent, en conséquence, constituer un moyen de soutien universel. Nous n'avons donc rien à proposer à ces jeunes, sauf à demander au bureau d'aide sociale d'assurer le paiement du loyer ou de telle ou telle facture.
Ces jeunes qui viennent nous voir, leur seul espoir, leur seule attente, c'est de tenir encore six mois pour pouvoir bénéficier du RMI. Pour certains, le RMI est ainsi devenu une espèce de bouée de sauvetage, sans que, pour autant, leurs problèmes, notamment leurs problèmes d'existence, soient réellement réglés.
Face à cette situation, je me suis demandé, comme bien d'autres, ce que l'on pouvait faire.
Certes, des projets sont en préparation, notamment le projet de loi de lutte contre les exclusions, qui sera soumis à un prochain conseil des ministres, puis au Parlement. Sur ce projet, un consensus devrait se dégager puisque le précédent gouvernement avait lui-même déposé un texte, certes différent, mais qui allait dans le même sens. Des propositions seront faites ; il sera fait preuve d'imagination, puisque vous avez souhaité, monsieur le secrétaire d'Etat, que l'on fasse appel à l'imagination dans le domaine de l'insertion.
Mais tout cela va demander encore un certain temps. Or, il y a urgence, surtout quand on voit que certains fonds sont gelés - je dirai tout à l'heure pourquoi ils le sont - alors que, en face, des demandes ne peuvent être satisfaites, entre autres des demandes qui émanent de l'Etat et qui viennent s'ajouter à celles que nous pouvons avoir directement.
Je note d'ailleurs que, dans le projet de loi de lutte contre les exclusions, l'appel au concours des collectivités locales est envisagé. Ces dernières devront donc, là encore, dégager des moyens supplémentaires sur leur budget, notamment pour alimenter le fonds d'urgence puisque, quelles que soient les mesures positives qui pourront être prises, on aura encore besoin d'un tel fonds pendant de nombreuses années.
Les départements seront ainsi sollicités pour faire face aux problèmes d'insertion - nous y sommes - mais également pour assurer la couverture de l'assurance maladie universelle.
Je relève surtout que, dans ce même projet, on parle de réactivation des dépenses passives de certaines allocations, notamment le revenu minimum d'insertion. Qu'entend-on par « dépenses passives » ? Il s'agit des dépenses qui ne sont pas engagées, qui ne servent à rien, qui sont imputées sur un budget obligatoire - les 20 % - et qu'il faut activer.
A cet égard, la présente proposition n'est-elle pas, certes par anticipation, une manière de réactiver ces dépenses passives, notamment le RMI ?
S'agissant des échecs en matière d'insertion, échecs que tout le monde a soulignés - tant Mme Derycke, M. Fischer, M. le secrétaire d'Etat que M. le rapporteur - je crois qu'il ne faut pas faire de procès d'intention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'y a pas des départements vertueux et d'autres qui ne le seraient pas. Tous les départements sont vertueux. Ils sont également attentifs à la bonne utilisation des crédits dont ils disposent et qui proviennent soit de dotations de l'Etat, soit des impôts payés par nos concitoyens. Ils ne font preuve d'aucune mauvaise volonté, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition - d'autant que les majorités changent ! - qu'ils soient donc en phase ou non avec le Gouvernement, et on ne voit vraiment pas pourquoi des bonnes volontés momentanées se transformeraient d'un coup en mauvaises volontés.
Simplement, à l'expérience, on peut faire le constat qu'un certain nombre d'actions dites d'insertion - actions très difficiles, Mme Derycke l'a dit - sont validées au départ en tant que telles par des associations qui s'orientent vers l'insertion, mais qu'il est difficile de juger sur pièces parce qu'elles n'ont pas encore commencé à oeuvrer.
Des échecs manifestes tiennent donc parfois à une mauvaise orientation, à de mauvais choix, voire à l'insuffisance d'un certain nombre de gestionnaires de ces associations.
Ce que l'on voit aussi, ce sont des associations qui s'« autoalimentent ». Elles comptent beaucoup d'entrées parce qu'elles offrent une activité d'occupation. C'est vrai, cela fait aussi partie de l'insertion ; donner à quelqu'un qui ne se lève même plus le matin au moins une raison de se lever, donner à quelqu'un qui n'ose plus rentrer chez lui parce qu'il a passé sa journée à traîner l'occasion de dire, lorsqu'il rentre chez lui un peu fatigué, qu'il a travaillé, c'est aussi de l'insertion. Cela permet à l'intéressé de retrouver auprès de sa famille, auprès de ses voisins, une certaine dignité.
Mais, j'y reviens, ces afflux d'entrées font que certaines associations s'enflent peu à peu parce que, à l'autre bout, elles n'ont pratiquement pas de sorties vers une insertion plus affirmée, même s'il ne s'agit pas d'emplois effectifs et durables, tant l'offre d'insertion est faible.
Nous sommes très attentifs à ce problème. Il ne saurait être question de faire ce que - disent certains - on faisait dans l'armée à une certaine époque, à savoir dépenser l'argent parce qu'il y en avait, faire tourner les camions pour ne pas voir son contingent d'essence réduit l'année suivante.
Mais il se trouve que, peu à peu, faute d'offres d'insertion, faute aussi d'avoir des organismes d'insertion performants, on en arrive à des reports de crédits.
J'ai donc proposé que l'on utilise ces crédits reportés, qui n'amputent en rien les actions normales d'insertion que les départements, de par la loi, doivent engager. Il y a des surplus qui se cumulent et qu'il faut pouvoir utiliser au travers d'actions nouvelles, à imaginer peut-être, en explorant d'autres voies.
Ce qu'il faut surtout, c'est engager une politique - j'espère que c'est celle qui ressortira des projets du Gouvernement - de prévention du RMI. Le RMI est utile, mais il ne doit pas devenir une institution, comme c'est actuellement le cas.
Il faut absolument prévenir cette entrée dans le système du RMI. Savoir que des jeunes n'ont d'autre objectif - peut-être parce que l'on n'a pas su leur proposer autre chose - que d'entrer dans le système du RMI est insupportable.
Si donc je souhaite que cette proposition de loi - dans le texte retenu par la commission, mais même, à la limite, modifié par l'amendement de M. Fischer - soit adoptée, c'est parce qu'il faut « faire la soudure » : les textes gouvernementaux n'entreront en application au mieux qu'au mois d'octobre. D'ici là, des difficultés vont surgir pour certains, vont continuer à s'aggraver pour d'autres, difficultés auxquelles nous ne pouvons, en l'état, apporter de remède.
Il faut se garder de tout perfectionnisme. Je me souviens avoir proposé, dans cette enceinte, en tant que rapporteur pour avis de la loi Evin, que le taux d'alcoolémie soit abaissé à 0,50 gramme. Votre prédécesseur, monsieur le secrétaire d'Etat, s'y était opposé en disant que, comme on n'appliquait déjà pas le taux de 0,80, il était inutile de prévoir un taux de 0,50. D'autres s'y étaient opposés parce qu'ils voulaient non pas un taux de 0,50 mais un taux de 0.
Il faut savoir, au moment opportun, mettre en oeuvre un certain nombre de mesures même si elles sont transitoires, même si elles doivent être remplacées par des mesures plus larges et ayant peut-être une meilleure assise pour assurer la pérennité des actions engagées.
Si, comme je le souhaite, cette proposition de loi recueille l'assentiment de la majorité du Sénat, nous aurons montré que nous pouvons, nous aussi, faire avancer les choses par la voie législative quand nous ne pouvons pas y arriver par les voies ordinaires mises à notre disposition. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission des affaires sociales. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission. M. Jean-Pierre Fourcade, président de la commission. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la position du Gouvernement ne m'étonne pas outre mesure, mais elle m'attriste.
Elle m'attriste parce qu'elle marque bien la rupture qui se creuse de plus en plus entre, d'un côté, ceux qui sont pragmatiques, qui essaient de résoudre les problèmes tels qu'ils se posent, et, d'autre part, ceux qui partent de Sirius pour essayer, avec une doctrine générale déclinable à tous les niveaux, de maintenir « mordicus » tout ce qui a été décidé en 1988, même si, manifestement, cela ne colle pas sur le terrain.
De quoi s'agit-il, monsieur le secrétaire d'Etat ? Il ne s'agit pas de supprimer l'obligation pour les départements d'inscrire dans leur budget un crédit au moins égal à 20 % des sommes versées l'année précédente par l'Etat au titre de l'allocation du RMI.
Il s'agit de permettre à un certain nombre de départements, qui pour des raisons variées tenant d'ailleurs beaucoup plus à la composition de la population RMIste qu'à la négligence ou à la carence n'utilisent pas la totalité de ces crédits, de les employer à lutter plus efficacement contre l'exclusion et la grande pauvreté.
Pourquoi, dans certains départements, n'arrive-t-on pas à consommer les crédits d'insertion ? La commission s'est rendue dans les quatre départements d'outre-mer, où le taux de consommation des crédits est le plus faible ; en 1995, il y atteignait 42 %, contre 80 % pour les quatre-vingt-seize départements métropolitains. Voilà des chiffres qui devraient faire réfléchir l'administration et le Gouvernement !
Pourquoi cet écart ? Parce que les RMIstes, dans les départements d'outre-mer, voire dans certains départements métropolitains, sont essentiellement des chômeurs âgés et des mères de famille monoparentale. Comment voulez-vous trouver un système de contrat d'insertion pour ces catégories de population ? C'est impossible.
Même dans un département comme le mien, où l'on a fait d'énormes efforts en instituant des pôles d'insertion, en recrutant des travailleurs sociaux, etc., on arrive à un taux de contrats d'insertion de l'ordre de 60 % des inscrits au RMI.
Il y a donc une masse de 2 milliards de francs de crédits qui sont reportés d'année en année ; et, au nom des grands principes, au nom de ce mal français qu'est le cloisonnement absolu entre les organisations, les administrations, les partis, etc., on ne veut pas dépenser cet argent !
La proposition de M. Delaneau présentait l'inconvénient - je le lui dis amicalement - de trop élargir le champ des attributaires de ces crédits. Cela pouvait être dangereux dans la perspective du projet de loi de lutte contre les exclusions.
La commission propose d'autoriser une utilisation partielle de ces fonds gelés, à hauteur de 10 % par an, et ce pendant cinq ans. Est-ce trop long ? M. Fischer, par amendement, proposera de réduire cette période à un an. C'est certainement trop court. Peut-être aurions-nous pu nous accorder sur une période de deux ou trois ans afin d'assurer la transition jusqu'à l'entrée en vigueur du nouveau texte.
Cela dit, entendre clamer sur tous les médias que la pauvreté augmente, que l'exclusion se développe, que tout cela est tragique... et constater que 2 milliards de francs sont bloqués dans les caisses des conseils généraux et doivent rester bloqués sous prétexte qu'il faut respecter les grands principes, c'est attristant, affligeant ! Cela montre bien que nous sommes gouvernés non pas par des gens pragmatiques mais par des administrations attachées à leurs prérogatives, à leurs privilèges, et qui ne tiennent aucun compte de la réalité du terrain.
Monsieur le secrétaire d'Etat, voilà ce que je voulais vous dire, après mon ami M. Delaneau, pour dénoncer cette situation particulièrement choquante.
Vous nous demandez d'attendre cette grande loi qui va permettre ... tant de choses ! Voilà dix ans que l'on nous sert ce discours pour les personnes âgées dépendantes !
Si nous pouvions, à titre provisoire, en attendant l'adoption et l'entrée en vigueur du futur projet de loi de lutte contre les exclusions, utiliser une partie de ces fonds qui sont bloqués pour soulager un certain nombres des misères réelles que connaissent bien les présidents de conseils généraux, ce serait déjà une bonne chose.
C'est la raison pour laquelle je suis attristé de constater que le Gouvernement n'accepte même pas la position raisonnable de la commission.
Nous avons retenu la durée de cinq ans proposée par M. Seillier, mais nous accepterions de la réduire à trois ans afin de faciliter l'opération.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous gérez la France comme ma grand-mère gérait ses économies : elle mettait des billets dans différentes enveloppes qu'elle utilisait à des fins très précises sans jamais globaliser l'ensemble de ses fonds. Nous en sommes encore là, à la veille du xxie siècle. Je vous en supplie, monsieur le secrétaire d'Etat, mettez à l'heure moderne ceux qui vous soutiennent et les administrations dont vous avez la responsabilité ! A l'époque d'Internet, ce cloisonnement de la gestion des crédits sociaux est totalement révolu. Soyons modernes ! (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. MonsieurFourcade, la comparaison que vous faites entre moi et votre grand-mère me va droit au coeur ! (Sourires.) Vous nous avez au moins appris que, dans votre famille, on avait ainsi accumulé bas de laine et enveloppes ! (Nouveaux sourires.)
Cela dit, je campe sur mes principes.
Depuis une dizaine d'années, dites-vous, on vous renvoie à un projet de loi mirifique... que vous attendez toujours. Je remarque d'abord que, depuis dix ans, d'autres que nous vous ont tenu de tels propos. J'ajoute ensuite que le texte à venir est non seulement le fruit d'une longue réflexion mais également l'expression d'une détermination financière. Cela devrait quand même vous parler assez clairement, monsieur Fourcade, de même qu'à M. Delaneau.
J'aborderai maintenant, dans leur globalité, différents points qui ont été soulevés par les orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale.
Les crédits d'insertion, monsieur Delaneau, n'ont jamais été considérés comme des dépenses passives. La prestation, certes, peut être qualifée de dépense passive, mais la volonté d'insertion est une démarche positive.
Quant aux jeunes dont vous avez parlé, monsieur Delaneau, ils peuvent bénéficier des fonds départementaux d'aide aux jeunes, fonds cofinancés par l'Etat et les conseils généraux, parfois même par les communes. Je vous indique d'ailleurs que le Gouvernement va tripler sa contribution à ces fonds.
Vous avez dit tout à l'heure qu'un certain nombre de jeunes en situation difficile venaient vous voir dans votre commune et que leur espérance était de devenir attributaires du RMI. Je le comprends très bien. Mais il y a de quoi, je crois, au moins les faire patienter, ce qui n'est pas mon voeu définitif, puisque ce que je souhaite, c'est qu'ils trouvent du travail.
Le débat qui a animé notre opinion publique sur l'extension du bénéfice du RMI aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans, achoppe sur notre refus de nous habituer à l'assistanat.
Très honnêtement, monsieur Fourcade, je m'étonne que vous, qui êtes un partisan du libéralisme - je dis cela avec beaucoup de précaution - de l'économie de marché, de moins d'intervention de l'Etat, de moins de fonctionnaires et de moins de lourdeur, vous soyez favorable - car, peu ou prou, c'est cela, même si, comptablement, vous avez raison - à ce type d'assistanat.
La politique de la main tendue, de l'assistance, ne doit pas nous détourner de notre priorité absolue : l'insertion par l'emploi.
Je prends le pari avec vous que la prochaine réunion de l'assemblée des présidents de conseils généraux sera productrice. En particulier son président et la majorité des présidents de conseils généraux sont d'accord avec le dispositif proposé. Revoyons l'insertion, essayons de la mettre en marche de manière plus efficace.
La croissance revenant - je suis très prudent - et la future loi de lutte contre les exclusions, avec l'effort financier considérable qu'elle représente pour notre nation, permettront de réduire le nombre de personnes dépendant du RMI. Nous devons tous nous mobiliser pour sortir de ce dispositif.
Monsieur Fourcade, le taux de consommation des crédits d'insertion dans les départements d'outre-mer - vous avez sans doute raison, sur les chiffres en tout cas - peut être très sensiblement amélioré, je pense, par la création des agences départementales d'insertion. En tout état de cause, c'est pour cela qu'elles ont été créées.
Néanmoins, ce que vous dites des populations concernées est tout à fait juste. Mais n'est-ce pas une raison supplémentaire pour accroître nos efforts, faire preuve de davantage encore d'imagination, comme nous l'avons fait pour les emplois-jeunes, au bénéfice de ces populations qui sont à la fois plus fragiles et en position plus difficile pour accéder à l'emploi ?
Enfin, vous le savez, une partie de ces milliards - il n'y en a que deux, mais cela justifie le pluriel - pourrait servir à régler d'autres dépenses, ce que nous ne souhaitons pas.
Monsieur Fischer, proposer que le dispositif ne joue que pour un an seulement est une façon d'avouer qu'il ne s'agit, en réalité, que de répondre à une situation d'urgence et non pas de traiter le problème au fond.
Comme nous sommes déterminés, avec le projet de loi d'orientation de prévention et de lutte contre les exclusions, à traiter au fond cette nécessaire part d'assistance, il conviendrait, me semble-t-il, que vous retiriez votre amendement.
En effet, je vous demande encore, comme je l'ai fait tout à l'heure, de considérer que ce projet de loi d'orientation est non pas une promesse, monsieur Fourcade, mais désormais une réalité, puisqu'il sera présenté au conseil des ministres le 25 mars prochain. J'espère que, ensuite, son adoption sera très rapide. Puis se réunira l'assemblée des présidents de conseils généraux. Après, nous verrons !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique . - Pendant une période de cinq ans à compter de l'exercice 1998, les dépenses consacrées à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion et aux actions en faveur de l'insertion visées au douzième alinéa de l'article 36 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au minimum d'insertion peuvent être financées sur les crédits que les départements sont tenus d'inscrire annuellement à leur budget en application de l'article 38 de ladite loi dans la limite de 10 % de ces crédits. »