Par amendement n° 1 rectifié, M. Fischer et les membres du groupe communiste républicain et citoyen proposent, dans le texte de cet article, de remplacer les mots : « de cinq ans », par les mots : « d'un an ».
La parole est à M. Fischer.
M. Guy Fischer. Comme je l'ai annoncé lors de mon intervention dans la discussion générale, notre groupe propose un amendement tendant à permettre aux conseils généraux d'utiliser 10 % des crédits d'insertion pour la lutte contre la pauvreté et l'exclusion uniquement pour l'exercice 1998.
Si nous avons déposé cet amendement, soyez certains que c'est après mûre réflexion, confrontés et nourris par l'expérience que nous avons pu avoir, notamment lors des contacts avec les conseils généraux, et conscients que cette proposition répond aux attentes des élus.
Un problème se pose, il faut ouvrir le débat, et non pas se cacher la tête sous l'oreiller en disant : « Attendons ! »
Si nous proposons de réduire de cinq ans à un an la durée d'application du dispositif, c'est parce que nous savons que le Gouvernement prépare actuellement le projet de loi d'orientation, de prévention et de lutte contre les exclusions. Nous avons d'ailleurs participé à son élaboration par le biais des propositions que nous avons faites.
Ce projet de loi, nous en avons maintenant la trame essentielle. Il vise à prendre en compte les réalités, à tirer d'une manière indirecte le bilan du revenu minimum d'insertion et à proposer des solutions pour résoudre les difficultés qu'éprouvent les départements dans la mise en place des contrats d'insertion.
La proposition de loi dont nous sommes saisis présente un intérêt certain. Mais, avec une durée d'application de cinq ans, elle risque d'empiéter sur les dispositions de la future loi de lutte contre les exclusions. C'est pourquoi nous proposons qu'elle ne s'applique que dans l'attente de la loi d'orientation de prévention et de lutte contre les exclusions.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, le projet de loi de lutte contre les exclusions doit être examiné en conseil des ministres le 25 mars prochain. Selon les délais que l'on peut estimer, il s'écoulera encore deux mois avant que l'Assemblée nationale n'en commence l'examen. Par ailleurs, il se peut que le Sénat, lorsqu'il en sera saisi, soit amené à modifier le dispositif proposé aujourd'hui. Rien n'est certain à ce jour.
C'est pourquoi, reprenant l'argumentation développée par M. le président de la commission, nous préférons nous en tenir aux conclusions de la commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. J'ai été sensible à l'exposé de M. Fischer et à celui de Mme Derycke sur les difficultés réelles de mettre en place, au niveau local, des dispositifs d'insertion.
Il m'apparaît néanmoins peu souhaitable, eu égard à l'importance du projet de loi de lutte contre les exclusions et dans la perspective de la réunion de l'assemblée des présidents de conseils généraux, d'ouvrir une brèche dans notre détermination à réaliser le « I » du RMI.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'article unique de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jourdain, pour explication de vote.
M. André Jourdain. Tous les départements doivent respecter l'obligation légale d'inscrire dans leur budget des crédits d'insertion à hauteur de 20 % des sommes versées l'année précédente par l'Etat au titre du RMI.
Certains d'entre eux ne consomment pas en totalité ces crédits en raison de la pénurie de projets, ou d'obstacles administratifs. Or, l'exclusion recouvre aujourd'hui des situations très diverses, qui ne sont pas toujours liées à la prestation du RMI, chacun ici en a bien conscience.
La règle de l'affectation stricte des crédits d'insertion paraît donc anormale, d'autant plus que ces crédits non utilisés sont reportés d'année en année.
Face à l'ampleur de l'exclusion, cela ne peut perdurer. Ne vaut-il pas mieux prévenir celle-ci, comme l'indiquait M. Delaneau en citant un exemple précis ?
Grâce à cette proposition de loi, les reliquats, dans la limite de 10 % des crédits obligatoirement inscrits, pourront désormais être utilisés par les départements pour promouvoir des projets concernant d'autres formes d'insertion. Il ne faut pas confondre insertion et RMI. Il faut « prévenir l'exclusion », comme vous le souhaitez, monsieur le secrétaire d'Etat, et éviter ainsi de futurs RMIstes.
Les auteurs de ce texte font donc confiance à l'imagination des collectivités locales, plus proches des destinataires des aides, pour optimiser ces nouveaux moyens de lutte contre toutes les formes d'exclusion.
Nous ne doutons pas que cette nouvelle faculté, qui sera ouverte pendant cinq ans, sera utilisée à bon escient.
Pour toutes ces raisons, le groupe du RPR du Sénat votera cette proposition de loi. (Applaudissements les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Bordas.
M. James Bordas. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au terme de ce débat, l'objectif que visait, à travers cette proposition de loi, notre collègue M. Jean Delaneau, et qui était d'assouplir les conditions d'utilisation des crédits départementaux d'insertion, est atteint. Parallèlement, la vocation première de ces crédits est respectée.
L'accès à l'emploi devient de plus en plus difficile pour les personnes défavorisées. L'aggravation du chômage de longue durée et l'augmentation du nombre de bénéficiaires du RMI le démontrent quotidiennement. Si la création de nouveaux emplois ne dépend pas des dispositifs d'insertion, ces derniers donnent aux chômeurs en situation de grande précarité les moyens de trouver une place dans la société.
Or, l'on constate que les dispositifs existants, que ce soit sur le plan organisationnel ou sur celui de leur contenu, permettent difficilement de remplir cette mission.
Néanmoins, l'urgence demeure. Dès lors, comment offrir à chaque chômeur en situation d'exclusion la possibilité d'accéder à un parcours d'insertion ?
La présente proposition de loi, fidèle à l'esprit du projet de loi contre l'exclusion préparé par le précédent gouvernement, permet l'emploi de crédits non utilisés pour financer des actions dirigées non plus seulement vers les bénéficiaires du RMI, mais plus largement vers les personnes en situation de précarité.
L'objet de ce nouveau dispositif est de dépasser les approches traditionnelles par catégories de populations pour prendre en compte l'ensemble des problèmes d'insertion des personnes et des familles sur une base territoriale.
Le décloisonnement des différents dispositifs permet de mutualiser les efforts des différentes institutions dans la lutte qu'elles mènent contre l'exclusion.
Notre excellent rapporteur, M. Bernard Seillier, a cependant rappelé la nécessité d'éviter deux écueils. Il s'agit, d'une part, du risque que le préfet ait un droit de regard trop prépondérant sur les choix et les missions du département en matière de lutte contre l'exclusion et, d'autre part, de l'absence de limitation dans le redéploiement de ces crédits d'insertion, d'autant que les départements interviennent d'ores et déjà, volontairement et de manière significative, pour aider les personnes en grande difficulté.
Les amendements qu'il a proposés, au nom de la commission des affaires sociales, ont permis de contourner ces obstacles grâce à la mise en place d'un dispositif à caractère temporaire, qui permettra, sur cinq ans, aux départements d'affecter à l'ensemble de la lutte contre l'exclusion 10 % au plus du montant des crédits d'insertion.
Au lendemain de la présentation du futur projet de loi de lutte contre les exclusions, cette proposition de loi apporte une utile contribution, contrairement à ce que vous avez pu affirmer tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous vivons aujourd'hui une situation paradoxale. En effet, à l'heure où l'on apprend que le nombre d'exclus a augmenté de 70 % en quinze ans et où un ménage sur dix vit dans la précarité, le montant des transferts sociaux atteint 2 300 milliards de francs !
Les actions collectives d'insertion, pour être efficaces, doivent mobiliser tous les partenaires et tous les moyens, où qu'ils se trouvent.
Les conclusions de la commission des affaires sociales répondent à cet impératif.
Aussi le groupe des Républicains et Indépendants votera-t-il sans réserve ce texte tel qu'il résulte des travaux de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Madelain.
M. Jean Madelain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il convient de saluer l'initiative de M. Delaneau et de ses collègues, qui élargit et clarifie l'utilisation des crédits obligatoires d'insertion des départements.
Ainsi que l'a souligné, avant M. Delaneau, notre rapporteur, M. Bernard Seillier, il n'est pas sain que certains départements reportent d'année en année des crédits dont l'utilisation est délicate, dans le cadre limité de la législation actuelle, et pour des raisons pratiques indépendantes de la volonté des conseils généraux concernés.
C'est pourquoi nous nous félicitons des conclusions du rapport de la commission des affaires sociales.
Le groupe de l'Union centriste votera donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique.
M. Guy Fischer. Le groupe communiste s'abstient.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à onze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. René Monory.)