M. le président. La parole est à M. Clouet.
M. Jean Clouet. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, je ne sais à qui s'adresse ma question. (Sourires.)
Je pensais que c'était à M. le ministre de l'intérieur. Il ne semble pas qu'il soit là, ce qui me donne le privilège, en quarante-huit heures, d'apprécier la polyvalence du Gouvernement ! (M. le ministre de l'intérieur gagne alors le banc du Gouvernement.)
Plusieurs sénateurs socialistes. Le voilà !
M. le président. M. le ministre de l'intérieur est arrivé ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. Jean Clouet. C'est parfait. Qu'il soit le bienvenu. L'exactitude est la politesse des ministres !
M. Jacques Mahéas. Basse polémique !
M. Jean Clouet. Monsieur le ministre, la loi n° 97-1027 du 10 novembre 1997 n'a pas annulé l'obligation d'inscription sur les listes électorales figurant à l'article 9 du code électoral. Elle a en revanche prévu que cette inscription s'effectuerait d'office. De surcroît, les textes d'application ont disposé qu'elle serait automatique.
« Obligatoire », « d'office », « automatique »,...
M. Jean-Louis Carrère. C'est comme l'école de la République !
M. Jean Chérioux. Cela n'a rien à voir !
M. Jean-Louis Carrère. Ce n'est pas celle que vous défendez.
M. Jean Clouet. ... s'y retrouve qui pourra, et, justement, personne ne s'y retrouve !
Les maires, nombreux ici, ont pour leur part reçu assez tardivement une liste émanant de l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE, qui était le produit du croisement de plusieurs fichiers et qui était présumée recenser les personnes inscriptibles de leur commune.
Dans le cas d'une ville de 43 000 habitants que je connais bien, la liste comportait 360 noms, alors que l'annuité moyenne se situe autour de 650 jeunes.
Sur les 360 noms figurant sur la liste, 90, soit le quart, étaient portés deux fois. Restent donc 270 primo-électeurs auxquels le maire a écrit pour les convoquer à la mairie, leur demandant de se munir d'un nombre important de justificatifs.
Destinée à faciliter la tâche des jeunes, la loi l'a en réalité fortement compliquée, ainsi d'ailleurs que celle des maires et des services municipaux, qui voient, de surcroît, leur responsabilité fortement engagée.
M. Claude Estier. Deux minutes et demie !
M. Jean Clouet. Devant une telle situation, on hésite entre Georges Courteline et Raymond Devos ! (Sourires sur les travées du RPR.)
Quoi qu'il en soit, sur les 270 lettres envoyées, 50 sont revenues à la mairie car leurs destinataires n'habitaient plus à l'adresse indiquée. Par conséquent, 360 moins 90 moins 50 égale 220 ! (Murmures sur les travées socialistes.)
La liste de l'INSEE était donc fausse à près de 40 % et ne recensait finalement qu'un tiers des personnes inscriptibles.
M. le président. Posez votre question, monsieur Clouet.
M. Jean Clouet. J'y viens, monsieur le président.
En définitive, elle n'a conduit qu'à 155 inscriptions alors qu'elle comportait 360 noms. On mesure l'importance de l'échec. C'était non pas une liste, mais une passoire !
Au mois de mars prochain, nous risquons donc de nous retrouver confrontés à des cas de jeunes qui, sur la foi d'une loi dont on leur a fait miroiter la simplicité, se croiront inscrits d'office ou automatiquement, alors qu'ils ne le seront pas et qu'ils ne pourront donc pas voter.
M. le président. Posez votre question, monsieur Clouet.
M. Jean Clouet. Voici la question, monsieur le président (Protestations sur les travées socialistes.) : ...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ça fait plus de deux minutes et demie !
M. Jean Clouet. ... qu'envisagez-vous donc, monsieur le ministre, d'abord, pour écarter cette fâcheuse éventualité et, ensuite, pour faire en sorte que, à la fin de 1998, on soit non plus au creux de la passoire, mais dans le droit-fil de la volonté du législateur ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. Claude Estier. La question a duré cinq minutes !
M. le président. Non : trois minutes ! (Protestations sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
Un sénateur socialiste. Nous avons trouvé le temps long !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, la loi portant inscription d'office sur les listes électorales des jeunes atteignant l'âge de dix-huit ans est datée du 10 novembre 1997. Le décret d'application, pris le 28 novembre, a été publié le 29 novembre.
Dès les tout premiers jours de décembre, des listes établies par l'Institut national de la statistique et des études économiques, comme vous l'avez rappelé, parvenaient dans les mairies.
L'application immédiate du principe de l'inscription automatique était nécessaire, notamment en raison des élections cantonales et régionales de mars prochain. Dans des conditions de rapidité exceptionnelle, que je tiens à souligner, l'INSEE a pu recueillir les informations concernant les jeunes garçons atteignant l'âge de dix-huit ans entre le 1er mars 1997 et le 28 février 1998 à partir du fichier du recensement pour le service national, qui, dans l'état actuel des choses, n'englobe pas les jeunes filles.
L'INSEE a pu également, malgré les obstacles que vous imaginez, recueillir pour les jeunes filles les mêmes données, issues des fichiers des organismes servant les prestations de base de l'assurance maladie. Ces données ont été collectées, traitées et adressées aux mairies dans un délai très bref. Je tiens d'ailleurs à remercier tous ceux qui, au sein des organismes d'assurance maladie, dans les services du recensement, à l'INSEE, dans les mairies, au sein des commissions administratives, ont effectué ce travail remarquable.
Je n'ai d'ailleurs jamais dissimulé, monsieur le sénateur, que ces listes ne pourraient être complètes dès la première année.
Je me souviens encore que, au moment de l'adoption de ce projet de loi par le conseil des ministres, un hebdomadaire satirique avait considéré comme une bévue de ma part le fait d'avoir dit, dans la cour de l'Elysée, que ces inscriptions d'office n'impliqueraient pas l'accomplissement de quelques démarches dans les mairies pour les jeunes, au moins pour les jeunes filles, lesquelles auraient à faire connaître leur nationalité. On a considéré que j'avais porté atteinte à l'esprit de Descartes !
Pourtant, telle est bien la réalité : les jeunes filles n'étant pas inscrites sur le fichier du service national, et le fichier de l'assurance maladie ne portant pas mention de la nationalité, il est nécessaire que la preuve de cette dernière soit apportée.
Lors de l'examen du projet de loi par le Parlement - je vous renvoie, monsieur le sénateur, au compte rendu des débats - je n'ai d'ailleurs jamais dissimulé que ces listes ne pourraient pas être complètes dès la première année. Une quasi-exhaustivité ne sera obtenue que pour la prochaine révision des listes électorales, à la fin de la présente année, grâce notamment à l'amélioration de la qualité des fichiers utilisés par les régimes d'assurance maladie. Ultérieurement, la généralisation du recensement étendu aux jeunes filles à compter de 1999 complétera ces garanties. Il s'agit donc d'une montée en puissance progressive.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. J'en termine, monsieur le président.
Une nouvelle classe d'âge représente 2 % de l'ensemble de la liste électorale. L'Inspection générale de l'administration a été saisie pour étudier les conditions de la mise en oeuvre du dispositif dans toutes les mairies, et son rapport nous permettra d'envisager la prochaine opération d'inscription d'office avec toute la sérénité qui est exigée.
Le vote de la loi crée, pour les jeunes ayant atteint l'âge de dix-huit ans, un droit à l'inscription d'office. Si certains d'entre eux sont omis des listes cette année et s'ils n'ont pas fait d'eux-mêmes la démarche de se rendre à leur mairie, ils peuvent cependant - et je réponds ainsi à votre question monsieur le sénateur - obtenir leur inscription du juge d'instance pour rectification d'une erreur matérielle au titre de l'article L. 34 du code électoral, et ce à tout moment, jusqu'à la date du scrutin.
La crainte que vous exprimez n'a donc pas lieu d'être. En revanche, des centaines de milliers de jeunes vont pouvoir, dès cette année, bénéficier d'une mesure dont je rappelle qu'elle avait été souhaitée tant par M. le Président de la République que par M. le Premier ministre, voilà quelques mois.
Je vous confirme que l'année 1998 verra s'améliorer très sensiblement l'ampleur et la qualité des informations transmises aux mairies. Je tiens donc à vous rassurer. (Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur certaines travées du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. Mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, je souhaite que les prochaines questions, même si elles sont aussi intéressantes que celle qui vient d'être posée, prennent moins de temps.
Je rappelle que le temps de parole est de deux minutes et demie tant pour l'auteur de la question que pour le membre du Gouvernement qui lui répond. Or, cette première question a duré huit minutes ! Il s'agissait là, évidemment, d'une « mise en jambes », et je ne doute pas que le rythme s'accélère maintenant.
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