M. le président. « Art. 10. - Au troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, la somme de "90 000 F" est remplacée par celle de "45 000 F". »
Sur l'article, la parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je souhaiterais pouvoir éclairer ou, en tout cas, informer le Sénat sur la portée de cet article 10, dans lequel on nous propose de réduire de 90 000 francs à 45 000 francs le plafond des dépenses retenu pour la réduction d'impôt accordée au titre des sommes versées pour l'emploi de salariés à domicile.
Chacun connaît l'histoire de cette réduction d'impôt. Il faut rappeler cependant que le législateur de 1994 était animé d'une triple ambition. Il s'agissait d'inciter un plus grand nombre de ménages à revenus moyens à entrer dans le dispositif, d'inciter les ménages qui bénéficiaient déjà du dispositif à employer une aide familiale pendant un plus grand nombre d'heures et enfin de faire reculer le travail au noir en assurant aux emplois familiaux une nouvelle reconnaissance sociale.
Quel a été le bilan de ce relèvement du plafond des dépenses ?
S'agissant de l'emploi, une récente étude du ministère de l'emploi et de la solidarité qui, sauf erreur de ma part, a d'ailleurs été publiée après que le Gouvernement eut pris sa décision sur les emplois à domicile - on ne peut donc pas lui reprocher d'en avoir méconnu les conclusions - met en évidence l'évolution des emplois familiaux constatée depuis 1995, sous la pression conjuguée de deux facteurs : l'augmentation du plafond de la réduction d'impôt de 13 000 francs à 45 000 francs, d'une part, qui a favorisé des emplois déclarés de plus longue durée pour la garde des enfants ou l'assistance aux personnes âgées, et le succès du chèque emploi-service, d'autre part.
Vous trouverez, mes chers collègues, à la page 84 du tome II du rapport général, un graphique très éclairant à cet égard. L'effet incitatif, en termes d'emploi, de la réduction d'impôt pour les emplois à domicile est donc parfaitement indéniable aux yeux de la commission des finances.
Je le disais, l'article 10 a pour objet de ramener à 45 000 francs le montant des dépenses pris en compte pour la réduction d'impôt. Le Gouvernement invoque à l'appui de cette mesure le fait que le relèvement du plafond de ces dépenses à 90 000 francs aurait, selon lui, abouti à favoriser les contribuables aisés.
Soyons, là encore, réalistes : pour recruter un employé, quel qu'il soit, encore faut-il avoir les moyens de le payer. On ne peut donc s'étonner de ce que les ménages qui emploient une personne à domicile aient des revenus suffisants pour la rémunérer et pour acquitter les charges afférentes. La commission des finances juge indispensable de rétablir le relèvement du plafond opéré en 1996 dans sa véritable motivation. Il s'agissait de traiter les ménages comme des employeurs potentiels, avec les avantages nouveaux liés à cette fonction.
Mes chers collègues, les choses sont simples : avons-nous, oui ou non, besoin de créer des emplois dans notre pays ? Avons-nous, oui ou non, besoin de maintenir des emplois dans notre pays ? Si nous en avons besoin, permettons à ceux qui en ont les moyens d'offrir des emplois salariés à ceux qui cherchent un travail et n'allons pas y chercher des motifs qui n'en sont pas. Après tout, il est peut être aussi bien que les revenus des ménages français d'un certain niveau puissent être consacrés à la création ou au maintien de l'emploi plutôt que soumis à des prélèvements supplémentaires destinés à subventionner des emplois publics !
Telle est l'opinion, somme toute modérée, de la commission des finances, opinion à laquelle je vous demanderai de souscrire en adoptant un amendement que je présenterai tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'article 10 du présent projet de loi participe de l'approche critique menée par le Gouvernement sur le devenir de ce que l'on a appelé les « niches fiscales », qui sont répertoriées dans notre code général des impôts sous les articles 199 quater C à 200.
Nous avons souligné, dans le cadre de la discussion de l'article 2, relatif à l'impôt sur le revenu, qu'il nous apparaissait que la véritable réforme de l'impôt s'appréciait non pas uniquement par un regard particulier sur les réductions d'impôt, mais aussi par un examen de l'ensemble des dispositions correctrices de cet impôt.
Nous l'avons dit, la dépense fiscale globale représente 300 milliards de francs sur l'impôt sur le revenu et l'on ne peut se contenter de considérer les 30 milliards de francs imputables aux réductions d'impôt.
Cela étant posé, il nous faut examiner cet article 10, qui porte sur la réduction du montant de la réduction d'impôt pour emploi de personnel à domicile.
Dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 1997, notre groupe avait - je tiens à le rappeler - fait insérer un article additionnel, devenu l'article 84 de la loi, qui prévoyait qu'il serait remis au Parlement un rapport sur les réductions d'impôt en vue, notamment, de mesurer leur impact réel et d'envisager leur transformation éventuelle en déductions sur revenus.
A ce titre, je ferai observer que ce rapport ne nous a pas été transmis, même s'il faut probablement imputer ce retard ou cet oubli à quelques événements survenus, de manière subreptice, ce printemps dernier, ce que d'aucuns ont appelé des « expérimentations hasardeuses » !
M. Alain Lambert, rapporteur général. Et la continuité de l'Etat ?
M. Ivan Renar. Pour autant, s'agissant notamment de la transformation des actuelles réductions d'impôt en déductions sur revenus, je me permets de rappeler que cette formule fut utilisée à l'origine de la mise en oeuvre de telles dispositions. Mais je reconnais en la matière que le débat n'est pas tranché.
Permettez-moi de souligner ici que les réductions ont un taux proportionnel, qui peut atteindre ou dépasser 50 %, alors que le barème progressif de l'impôt est, lui, producteur d'un taux maximal moyen d'imposition estimé à 39 % environ. Le fait que certains appellent notre attention sur le taux marginal - aujourd'hui de 54 % - ne peut faire oublier cette vérité d'évidence.
J'observe enfin qu'un de nos collègues de la majorité sénatoriale propose, mais il est seul signataire, de procéder à cette évolution.
Pour autant, il nous semble quand même indispensable de revenir sur l'essentiel : la réduction d'impôt accordée au titre des emplois à domicile est incontestablement surdimensionnée !
Elle peut aller aujourd'hui jusqu'à 45 000 francs, montant qu'il convient de rapprocher, par exemple, de celui de la cotisation moyenne des contribuables effectivement imposés, inférieure à 20 000 francs.
Elle doit aussi être resituée dans son contexte. Ainsi, elle peut conduire à la non-imposition de contribuables aux ressources relativement élevées - il faut quand même avoir les moyens de dépenser 90 000 francs annuels pour engager du personnel de maison - et de mettre, en revanche, en situation de payer un impôt les salariés concernés.
Vous concevrez que cela est tout de même discutable.
Par ailleurs, elle est surdimensionnée par rapport au montant de la réduction accordée aux personnes optant pour les modes de garde collectifs, limitée à 3 750 francs.
Il est un autre argument que nous devons également combattre sur cette question des emplois familiaux. On nous a en effet présenté cette mesure comme un moyen de mettre un terme à l'exercice clandestin de certaines professions.
Posons la question : est-ce à la collectivité des contribuables de ce pays de payer le prix de la moralisation de pratiques d'emploi placées en dehors du droit ? Cela fait cher de la régularisation de situations professionnelles.
L'article 10 vise à reprofiler l'aide accordée aux employeurs de salariés à domicile. En tout état de cause, nous partageons les attendus de cet article et nous le voterons donc sans hésitation, s'il est maintenu en l'état, bien évidemment.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition du Gouvernement me semble témoigner de l'esprit de doctrine. Comme cela a été montré, la mesure comportant la déduction fiscale, qu'il s'agit de réduire de moitié, s'est révélée vraiment efficace en nombre d'emplois. Or c'est tout à fait volontairement que le Gouvernement préfère des modalités de subvention, et donc la politique d'assistance, à des modalités d'incitation.
L'accent est mis sur des choses qui, me semble-t-il, sont de nature tout à fait différente : d'un côté, des emplois sont créés ou confortés au bénéfice de personnes non qualifiées de tous les âges, ce qui peut concerner, par exemple, des personnes exerçant des emplois à domicile après cinquante ans, à des âges où il est difficile de se resituer sur le marché du travail, d'un autre côté, il y a les quelque 8 milliards de francs que l'on se propose de dépenser en 1998 pour le dispositif des emplois-jeunes de Mme Aubry, dispositif sur le principe duquel je ne reviendrai pas mais qui ne s'adresse évidemment, par définition, qu'à une catégorie particulière de la population.
« L'utilisation des emplois familiaux par des personnes vivant dans une relative aisance est immoral, et il faut donc réduire cette déduction », nous dit-on. Ceux qui avancent ces arguments ne se rendent pas compte que, face à la déduction, figurent des emplois, et que la réduction de moitié de la déduction fiscale entraînera une diminution du nombre d'emplois. C'est ce que j'appelle « l'esprit de doctrine », esprit dont le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, nous a fourni une illustration avec l'article 10, que, très opportunément, la commission des finances souhaite supprimer.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. La disposition introduite par l'article 10 a fait couler suffisamment d'encre et a été assez décriée à droite pour que j'en rappelle en quelques mots les fondements.
Tout d'abord, la réduction d'impôt pour emploi à domicile a été mise en place dans la loi de finances rectificative de 1991. Les socialistes en assument donc la paternité dans sa logique première, celle qui consistait à encourager le développement du travail à domicile et la lutte contre le travail au noir. Cette mesure, néanmoins - c'est très important - voyait sa portée plafonnée, puisque la réduction d'impôt était limitée à 12 500 francs.
La droite, en 1994, a porté ce plafond à 45 000 francs.
M. Philippe Marini. Pour créer des emplois !
M. Michel Sergent. De nombreux commentateurs, à cette époque, ont considéré que cet élargissement équivalait à une baisse du taux marginal le plus élevé du barème, et notre collègue Ivan Renar vient de le montrer. En effet, qui pouvait bénéficier à plein de cette mesure ? Ceux qui, par définition, payaient au moins 45 000 francs d'impôt.
M. Philippe Marini. C'étaient donc de mauvais emplois !
M. Michel Sergent. Rien qu'avec cette mesure, un couple marié avec deux enfants disposant d'un peu plus de 34 000 francs de revenus mensuels devenait non imposable !
M. Ivan Renar. Eh oui !
M. Michel Sergent. On voit bien, avec cet exemple, combien le dispositif a été dévoyé.
C'est non plus une incitation, contrairement à ce que certains prétendent, mais quasiment une évasion fiscale légale ! A tel qui affirmait que nous faisions preuve d'esprit de doctrine, je répondrai que, à cela, s'oppose une autre doctrine, qui revient à faire en sorte que les plus aisés paient peu d'impôt, voire n'en paient pas du tout. Est-ce là l'égalité ?
M. Philippe Marini. C'est la doctrine de l'assistance !
M. Michel Sergent. Pour l'imposition des revenus de 1996, 1 269 000 contribuables ont bénéficié de cet avantage. Parmi eux, seulement 69 000 ont réduit leur impôt d'un montant supérieur à 25 000 francs, qui est le montant du nouveau plafond proposé.
M. Philippe Marini. Cela ne fait pas beaucoup de monde !
M. Michel Sergent. Effectivement ! Cela touche 69 000 familles !
Seulement 5,5 % des contribuables utilisateurs du dispositif seront concernés par cette diminution du plafond.
M. Philippe Marini. Combien d'emplois ?
M. Michel Sergent. Que l'on ne vienne pas nous dire ici que ce sont les classes moyennes, d'autant que les statistiques montrent que le montant moyen déduit de l'impôt s'élevait à 6 000 francs. La très grande majorité des bénéficiaires emploient un salarié à domicile pour quelques heures par semaine. Ils ne sont donc pas visés par cette diposition.
Il était normal, quand on sait combien coûtait le dispositif - 7,6 milliards de francs - et à qui profitait le réhaussement du plafond décidé en 1995, de vouloir en revenir au dispositif initial instauré par le Gouvernement, en 1990, en faisant néanmoins passer la déduction fiscale de 12 500 francs à 22 500 francs.
Puisque ce débat s'est inutilement déplacé sur les classes moyennes, je voudrais mettre en parallèle le niveau de salaire touché par cette mesure - comme je l'ai déjà indiqué, il est de 34 000 francs - et la moyenne des salaires perçus en France.
En 1996, les salariés à temps plein ont gagné en moyenne 10 685 francs par mois. Le salaire médian est, quant à lui, nettement inférieur, puisqu'il ne dépasse pas 8 600 francs par mois. Pour un quart des salariés du privé, le salaire net n'est pas supérieur à 6 770 francs.
Qu'on arrête donc de faire des amalgames : cette disposition est parfaitement ciblée, et on comprendra aisément que le groupe socialiste l'approuve avec le plus grand intérêt.
M. le président. La parole est à M. de Gaulle.
M. Philippe de Gaulle. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voterai dans le sens préconisé par M. le rapporteur général, en attendant une législation moderne sur les employés à domicile. Il s'agit en effet d'une profession normale, comme toutes les autres, et porteuse de beaucoup d'emplois. Nous ne sommes plus au temps où les employés à domicile n'avaient pas le droit de vote !
Personne ne réclame de cadeaux fiscaux. Nous demandons l'application pure et simple de la loi sur le travail, c'est-à-dire que tout salaire et charges sociales afférentes doivent être intégralement soustraits des revenus de l'employeur. Il est temps d'en venir enfin au droit commun.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je souhaite répondre aux diverses interventions, toutes argumentées, favorables pour certaines d'entre elles, défavorables pour certaines autres, à la proposition du Gouvernement.
Le principe n'est pas en cause en la matière. En effet, c'est en 1992 qu'a été institué un appui fiscal aux emplois à domicile de 50 % des dépenses engagées, ces dernières ne pouvant excéder 25 000 francs.
Je dirai respectueusement à M. de Gaulle qu'il n'y a pas d' a priori en ce qui concerne les emplois à domicile, qui sont tout aussi respectables que les emplois en entreprise ou en administration. Le principe, je le répète, n'est donc pas en cause.
Ce qui est en cause, c'est le fait, comme M. Renar l'a dit, que, depuis 1992, la mesure a été portée à un niveau clairement surdimensionné. M. Sergent a d'ailleurs fait en la matière une démonstration qui est à mon avis irréfutable.
Comme l'a dit M. le rapporteur général, nous voulons développer l'emploi. Il a avancé des chiffres parfaitement convaincants, montrant que cette mesure instituée en 1992 avait développé l'emploi. Mais de quel emploi s'agit-il ? Cet emploi a été pour l'essentiel, comme l'a expliqué de façon convaincante M. Sergent, de l'emploi à temps partiel, parce que peu de ménages français ont la capacité financière, quelles que soient les aides fiscales apportées, d'employer à plein temps une personne à son domicile.
Je pense très sincèrement qu'en portant la dépense maximale de 25 000 francs à 90 000 francs un gouvernement précédent avait, si je puis dire, pour employer un langage d'artilleur, « dépassé la cible ».
Le Gouvernement, en proposant de revenir non pas au niveau de 1992 mais à 45 000 francs, soit à mi-chemin entre le niveau de 1992 et celui qui a été établi ensuite, prend, me semble-t-il, une mesure qui n'aura pas de conséquences graves pour l'emploi. (Protestations sur les travées du RPR.)
M. Philippe Marini. Qu'en savez-vous ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je vais essayer de vous l'expliquer !
Sur les 1 269 000 familles qui bénéficient de la réduction d'impôt, seulement 69 000, qui sont au demeurant parfaitement respectables, comme les autres familles, exploitent, si je puis dire, la totalité de cette possibilité de déduction fiscale.
M. Roland du Luart. Et le personnel gratuit du corps préfectoral ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Nous parlons non du corps préfectoral, mais des familles françaises, monsieur le sénateur !
Par conséquent, 5 % des familles sont effectivement touchées par la mesure proposée par le Gouvernement.
La proposition du Gouvernement vise à en revenir à un niveau correctement dimensionné, à mi-chemin entre la proposition initiale de 1992 et le niveau très élevé auquel la déduction fiscale avait été portée.
Ce faisant, le Gouvernement parvient à trouver une ressource financière dont je ne nie pas l'existence. Cette ressource entrera dans une politique familiale au sens large qui se caractérise par deux aspects : d'une part, l'orientation des efforts du Gouvernement vers les familles modestes et les familles de la classe moyenne ; et, d'autre part, le déficit de 2 milliards de francs du dispositif d'aide aux familles, dénommé en jargon technique « le régime famille ».
La mesure proposée épargne pour l'essentiel 95 % des familles imposables à l'impôt sur le revenu.
Pour répondre à M. Marini, je dirai qu'il ne s'agit pas, à mon avis, d'une mesure relevant de l'esprit de doctrine. Je me permettrai en revanche de lui indiquer que son insistance sur le taux marginal d'imposition auquel MM. Sergent et Renar ont fait allusion pourrait éventuellement être qualifiée de doctrinale ; mais je ne veux pas pousser trop loin en la matière.
Je pense que nous avons cherché de façon pragmatique à préserver l'essentiel des avantages fiscaux dont bénéficient les familles, en demandant, il est vrai, un effort fiscal à un petit nombre d'entre elles qui, plus que d'autres, ont la possibilité d'y consentir.
M. le président. Sur l'article 10, je suis saisie de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° I-12 est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-156 est déposé par M. Vasselle et les membres du groupe du Rassemblement pour la République.
L'amendement n° I-185 est présenté par MM. Badré, de Villepin, Egu et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous trois visent à supprimer l'article 10.
Par amendement n° I-59, M. Revet propose de rédiger ainsi l'article 10 :
« I. - Le II de l'article 156 du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« 12° Les sommes versées au titre d'un emploi d'un salarié à domicile travaillant, en France, à la résidence du contribuable sont retenues pour leur totalité. »
« II. - L'article 199 sexdecies du code général des impôts est abrogé.
« III. - La perte de recettes est compensée à due concurrence par le relèvement des droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la suppression de la réduction d'impôt prévue à l'article 199 sexdecies. »
Par amendement n° I-25, M. About propose :
A. - De compléter l'article 10 par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
« ... - Après le troisième alinéa du 1° de l'article 199 sexdecies du code général des impôts, est inséré un alinéa nouveau ainsi rédigé :
« Toutefois, ce plafond est porté à 90 000 francs lorsque l'emploi en cause s'effectue au domicile d'une personne dont l'état de santé est tel qu'elle bénéficie de la prestation spécifique dépendance, de l'allocation compensatrice pour tierce personne, de l'allocation adulte handicapé, d'une pension d'invalidité, ou dont l'état de santé de l'enfant est tel qu'elle bénéficie d'une allocation d'éducation spéciale. »
B. - En conséquence, de faire précéder le début de cet article de la mention : « I ».
La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-12.
M. Alain Lambert, rapporteur général. L'amendement n° I-12 vise à la suppression de l'article 10 et nous donne encore une chance de convaincre le Gouvernement. Nous sommes d'ailleurs confiants en raison de la valeur des arguments que nous avons à développer, monsieur le secrétaire d'Etat !
Vous avez tout d'abord évoqué la question du temps partiel. Je crois que, si nous voulons que la croissance soit riche en emplois, nous n'avons pas à nous inquiéter. Au contraire, nous devons plutôt nous réjouir de ce que certains salariés choisissent le temps partiel, car cela peut convenir à l'organisation de la famille.
Mme Marie-Claude Beaudeau. L'important, c'est que cela soit le temps choisi !
M. Alain Lambert, rapporteur général. C'est effectivement du temps choisi, et c'est une bonne solution !
Vous avez évoqué, monsieur le secrétaire d'Etat, les 69 000 ménages qui exploitent, avez-vous dit, une possibilité fiscale. Mais ce sont ces 69 000 ménages qui offrent un emploi et, de nos jours, cela mérite d'être salué. Or, ces 69 000 emplois sont non pas menacés - ce serait excessif - mais mis en cause.
Comment, monsieur le secrétaire d'Etat, ne pas prendre en compte le fait que l'on impose un revenu qui est consacré à l'emploi puisque c'est bien de cela qu'il s'agit ? Lorsque vous payez un salaire, lorsque vous acquittez des charges, les sommes dépensées ne sont plus disponibles. Et pourtant elles sont éligibles à l'impôt sur le revenu. Il n'est donc pas illégitime, s'agissant d'une affectation aussi noble du revenu à l'emploi et aux charges sociales de bénéficier d'une réduction d'impôt.
Monsieur le secrétaire d'Etat, quelle mesure, selon le Gouvernement, est politiquement et socialement correcte ? Pour moi, c'est, quand on en a les moyens, l'exigence d'offrir un emploi.
Je trouve dommageable que le Gouvernement de la France fasse tout pour empêcher les familles qui en ont précisément les moyens de faire ce qui représente aujourd'hui sans doute l'action la plus noble, c'est-à-dire offrir un emploi.
C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, je vous demande de soutenir massivement cet amendement de suppression. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, des Républicains et Indépendants et du RPR.)
M. le président. La parole est à M. Marini, pour défendre l'amendement n° I-156.
M. Philippe Marini. Notre amendement étant identique, il est clair que notre groupe souscrit entièrement à ce qui vient d'être excellemment dit par M. le rapporteur général. Nous sommes totalement solidaires de sa prise de position et de sa démarche.
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-185.
M. Denis Badré. Notre amendement, identique aux amendements n°s I-12 et I-156 vise également à supprimer l'article 10.
M. le rapporteur général, ainsi que nos collègues MM. Marini et de Gaulle ont très clairement rappelé. Tout l'intérêt de la réduction d'impôt pour emploi d'un salarié à domicile. Cette mesure a des conséquences certaines sur l'emploi. Elle a, en particulier, fait sensiblement reculer le travail au noir. Veillons, dans ce domaine, monsieur le secrétaire d'Etat, à ne pas perdre d'un coup le terrain que nous sommes en passe de regagner.
J'ajoute, en revenant sur l'intervention de M. Sergent et sur votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat, que 45 000 francs c'est bien loin du coût d'un chômeur, qui est plutôt de l'ordre du double. Il faut aussi, dans ce domaine, savoir faire des comparaisons simples.
Je voudrais insister maintenant sur l'impact de cette mesure sur la politique de la famille.
Le groupe de l'Union centriste considère qu'il est urgent d'envoyer à nos familles un signe d'encouragement ou, au moins, si vous le permettez, un signe de moindre découragement. Comme je le disais jeudi, lors de la discussion générale, le problème n'est pas aujourd'hui d'opposer les familles qui ont peu de moyens à celles qui en ont un peu plus. Le problème est plutôt d'inciter le plus grand nombre possible de Françaises et de Français à faire le choix de la famille, quels que soient leurs revenus. C'est en tout cas l'option que la France avait retenue au lendemain de la guerre et je ne vois pas pourquoi elle serait remise en cause aujourd'hui.
Veillons, monsieur le secrétaire d'Etat, à ce que, dans notre pays, les familles ne se retrouvent pas dans une niche, fût-elle fiscale, qui se rétrécirait sans cesse. Elles s'y sentiraient bien mal à l'aise ! Elles méritent mieux que cela. Le soutien à leur apporter doit représenter, au contraire, une véritable priorité clairement affichée, eu égard à nos perspectives démographiques d'une part et, bien entendu, à nos préoccupations humanistes, d'autre part.
Souvenons-nous, monsieur le secrétaire d'Etat, que la famille demeure la meilleure manière, la plus simple et la plus forte de mettre au monde des enfants et de les éduquer. Dans nos société modernes, malheureusement - ou heureusement d'un autre point de vue - les solidarités familiales sont de plus en plus sollicitées, notamment entre les générations. Les générations qui travaillent doivent aujourd'hui veiller en même temps sur les plus jeunes et les plus âgés.
Les familles ont besoin des emplois familiaux. Oui, nous sommes clairement, monsieur le secrétaire d'Etat, dans un domaine où de vrais choix politiques s'imposent. C'est bien la nation - je réponds aussi à ce qui a été dit tout à l'heure par nos collègues de l'opposition - qui doit faire le choix de la famille. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.) M. le président. L'amendement n° I-59 est-il soutenu ?...
L'amendement n° I-25 est-il soutenu ?...
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s I-12, I-156 et I-185 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. M. le rapporteur général, avec toute sa sincérité et sa conviction, affirme que nous nous attaquons à l'emploi. Je ne nie pas que, sur les 69 000 familles, certaines vont peut-être faire passer de plein temps à mi-temps leur employée de maison si les circonstances l'exigent.
J'espère, puique l'on parle d'emploi, que lorsque vous aurez l'occasion d'exposer les points sur lesquels vous allez faire des économies d'un total de 21,3 milliards de francs, vous aurez à coeur, au nom du principe de l'emploi que vous défendez avec tant de talent, de ne pas toucher aux emplois de fonctionnaires, parce que je considère que ces emplois n'appartiennent pas à une catégorie plus honteuse ni meilleure que celle des employés de maison. Mais nous aurons l'occasion d'en débattre.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Ce sont les contribuables qui paient les fonctionnaires !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. La mesure qui est proposée aboutit à une situation où, grosso modo, pour un salarié à plein temps employé par une famille, l'avantage fiscal est maintenant grosso modo équivalent à l'exonération de charges sociales qui a d'ailleurs été votée par l'ex-majorité pour les salariés peu qualifiés travaillant dans les entreprises.
Je pense donc qu'il n'existe pas de discrimination négative à l'égard des employés de maison, et j'estime que, avec la proposition du Gouvernement, puisqu'il s'agit fréquemment d'emplois peu qualifiés, l'exonération de charges publiques, si je puis dire, est à peu près la même, qu'il s'agisse d'un salarié non qualifié du secteur privé des entreprises ou d'un salarié employé par une famille. Si l'on ajoute les exonérations de charges sociales existant par ailleurs ou la fameuse AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, dont le taux serait de 50 %, on constate, et je n'y vois pas personnellement de difficulté, que les emplois à domicile bénéficient d'un taux d'allégement des charges soit fiscales, soit sociales - cela revient au même, en fin de compte, puisque c'est la même personne qui paie - très sensiblement supérieur à celui qui est accordé au profit des salariés peu qualifiés des entreprises.
Je maintiens donc, monsieur le rapporteur général, messieurs Marini et Badré, que la mesure proposée est politiquement, socialement et économiquement correcte, et je confirme mon opposition à ces trois amendements.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements n°s I-12, I-156 et I-185.
M. Michel Sergent. Je demande la parole contre ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Sergent.
M. Michel Sergent. Je confirme ce que nous avons dit tout à l'heure : nous sommes à cet égard complètement dans la ligne du Gouvernement. Aucun problème ne se pose entre nous.
M. Philippe Marini. Le contraire serait surprenant !
M. Michel Sergent. Monsieur Marini, ce n'est certainement pas surprenant, nous ne sommes, vous et moi, vraiment pas la même longueur d'onde !
M. Philippe Marini. Ce n'est pas surprenant, c'est bien ce que je dis !
M. Michel Sergent. En effet, 95 % des foyers fiscaux ayant bénéficié de cette réduction ne seront, de toute façon, pas concernés. Les 5 % restants continueront à déduire 22 500 francs d'impôts, ce qui n'est tout de même pas rien.
J'ai bien entendu la conviction, presque l'émotion suscitée par le maintien des emplois. Nous situant ici dans le domaine fiscal, dans une discussion de projet de loi de finances, il nous appartient bien de dire que ce qui est donné aujourd'hui aux familles les plus aisées est un véritable cadeau ; ne disons pas le contraire ! Certes, il s'agit non pas ici d'opposer les familles aisées à celles qui le sont un peu moins, mais bel et bien de se référer aux plus aisées qui bénéficient d'une réduction d'impôt, à l'heure actuelle, de 45 000 francs.
D'après notre collègue Denis Badré, cet avantage est un élément déterminant dans le choix des familles pour la garde des enfants. N'oublions pas, de surcroît, qu'une réduction d'impôt pour frais de garde des enfants de moins de six ans coûte 1 milliard de francs au budget de l'Etat et représente 25 % des 15 000 francs par enfant.
Concernant les économies réalisées en ce domaine, je préfère celles qui ont permis de quadrupler l'allocation de rentrée scolaire plutôt que celles qui ont privilégié 69 000 foyers fiscaux en France.
M. Michel Charasse. Très bien !
M. Michel Caldaguès. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Caldaguès.
M. Michel Caldaguès. Je soutiendrai sans hésitation les amendements de suppression qui sont présentés, non pas parce que je suis hypnotisé par le sort des ressortissants des tranches supérieures de l'impôt, comme le Gouvernement le sous-entend trop souvent - c'est un argument qui a été beaucoup évoqué, monsieur le secrétaire d'Etat, et je crois qu'il faudrait cesser d'en user - mais parce que je constate - est-ce avec surprise ? je n'en suis pas sûr, monsieur le secrétaire d'Etat - que vous croyez encore à la pureté d'une relation mathématique entre une disposition fiscale et ses conséquences. Vous éliminez totalement le facteur psychologique.
Vous déclarez tranquillement, puisque les ordinateurs avancent les chiffres, que 69 000 familles seront concernées, pas 68 000, pas 70 000, mais 69 000 ! De même, c'est 5 %, c'est pas 4,9 %, pas 5,1 %, mais 5 % !
Vous êtes donc muré dans vos certitudes et vous éliminez totalement le facteur psychologique dans le comportement des Français face à l'impôt.
En tant que maire d'un arrondissement parisien, un des principaux problèmes que nous ayions à résoudre est celui des gardes d'enfants quand elles nécessitent des initiatives publiques, et je rencontre tous les jours des ménages qui se sont aujourd'hui organisés en fonction de la législation que vous êtes en train de démanteler. Nombre d'entre eux ne seront certes pas concernés par la mesure que vous proposez, mais ils croient qu'ils le seront, ils en sont persuadés. En tout état de cause, ils ne croient plus à la continuité des mesures prises par l'Etat.
Quand l'Etat change de comportement d'une année à l'autre, de façon incessante, les gens ne croient plus à l'Etat. C'est la raison pour laquelle je suis persuadé que vous allez ruiner dans une large mesure le bénéfice qui peut être tiré de cette disposition et pour la création d'emplois et aussi pour aider les familles à résoudre leurs problèmes de garde d'enfants. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-12, I-156 et I-185, repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 10 est supprimé.
Article 10 bis