M. le président. Je suis saisi de trois amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont présentés par Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° I-78 rectifié vise à insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 231 bis N du code général des impôts, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - Les salaires versés par les associations à but non lucratif sont exonérés de la taxe sur les salaires. »
« II. - Le 6 de l'article 200 A du code général des impôts est ainsi rédigé :
« 6. - L'avantage mentionné au 1 de l'article 163 bis C est imposé au taux de 54 % ou, sur option du bénéficiaire, à l'impôt sur le revenu suivant les règles appliquées aux traitements et salaires. »
L'amendement n° I-85 rectifié tend à insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Dans la première phrase de l'article 1679 A du code général des impôts, la somme : "28 000 F" est remplacée par la somme : "40 000 F" ;
« II. - A la fin de la première phrase du même article, les mots : "1er janvier 1996" sont remplacés par les mots : "1er janvier 1997" ;
« III. - Dans le d du 2° du I de l'article 31 du code général des impôts, le taux : "14 %" est remplacé par le taux : "10 %". »
Par amendement n° I-116, MM. Régnault, Angels, Mme Bergé-Lavigne, MM. Charasse, Haut, Lise, Massion, Miquel, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent d'insérer, avant l'article 10, un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Après l'article 231 bis N du code général des impôts, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. ... - Les rémunérations des aides à domicile employées par les associations agréées au titre de l'article L. 129-1 du code du travail ou habilitées au titre de l'aide sociale ou conventionnées par un organisme de sécurité sociale sont exonérées de la taxe sur les salaires dans les mêmes conditions que celles prévues par le dernier alinéa de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale. »
« II. - Les pertes de recettes pour l'Etat résultant des dispositions précédentes sont compensées à due concurrence par une hausse des droits prévus aux articles 403, 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à Mme Beaudeau, pour défendre l'amendement n° I-78 rectifié.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Cet amendement procède de l'une de nos préoccupations constantes depuis plusieurs années, celle de la situation fiscale des associations à but non lucratif.
En effet, nous avons souligné à de multiples reprises que cette situation méritait un examen attentif du fait de quelques effets pervers résultant des dispositions fiscales qui sont actuellement en vigueur dans notre pays.
Si les associations à but non lucratif sont exonérées de tout impôt au titre de l'imposition des sociétés, encore que certaines de leurs activités semblent aujourd'hui soumises à de telles dispositions, elles souffrent d'une situation complexe en ce qui concerne la taxe sur les salaires et son équivalent, la taxe sur la valeur ajoutée.
En effet, chacun sait, ici, que les entreprises sont habilitées, depuis la création et l'extension de la taxe sur la valeur ajoutée, à faite jouer l'option TVA et à se dispenser dès lors du règlement de la taxe sur les salaires.
Celle-ci est aujourd'hui essentiellement acquittée soit par les associations relevant de la loi de 1901, soit par les établissements publics administratifs, soit encore par certains employeurs de professions libérales qui n'ont pas fait jouer l'option TVA.
Pour autant, nul ne l'ignore, les associations connaissent, outre cet assujettissement à la taxe sur les salaires, une sorte de rémanence de TVA liée au fait qu'elles sont considérées, s'agissant de cet impôt, comme consommateurs finaux.
Il conviendrait de faire évoluer cette situation, afin de ne pas priver le mouvement associatif de possibilités de développement certaines.
Nous pensons, en particulier, qu'il est nécessaire, aujourd'hui, d'aider le mouvement associatif pour plusieurs raisons, la moindre n'étant pas le potentiel de création d'emploi qu'il recèle.
Cela est d'autant plus vrai dans un processus de mise en oeuvre du plan emploi-jeunes, dans lequel le secteur de l'économie sociale a un rôle décisif à jouer pour sortir en quelque sorte des dispositifs actuels, notamment des contrats emplois-solidarité, et pour être en mesure de développer ses interventions.
On ne peut oublier aussi que, dans bien des domaines, les emplois de l'économie sociale nécessitent aujourd'hui une nouvelle forme de technicité, en raison de l'évolution des modalités d'intervention des associations.
Cela est vrai, notamment, dans le domaine du tourisme, dont le développement doit s'accompagner d'une remise à niveau des qualifications et des conditions d'activité, mais aussi et surtout dans les domaines médico-sociaux et de l'action en direction de la jeunesse ou en faveur du développement de la pratique sportive.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous demande, mes chers collègues d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Terrade, pour présenter l'amendement n° I-85 rectifié.
Mme Odette Terrade. Cet amendement concerne, lui aussi, la taxe sur les salaires des associations relevant de la loi de 1901.
Son objectif fondamental est un peu le même. En l'occurrence, il s'agit de favoriser le développement des associations les plus petites. En effet, nous proposons de majorer le niveau de franchise de la taxe sur les salaires institué pour les associations comptant moins de trente salariés.
En l'état actuel des choses, les dispositions de l'article 1679 A du code général des impôts engendrent un coût relativement limité puisqu'il atteint, au total, 1,17 milliard de francs, malgré un relèvement récent du montant de la franchise.
Relever le niveau de la franchise de 28 000 francs à 40 000 francs aurait donc une incidence limitée, que l'on peut estimer dans le pire des cas à 400 millions ou 450 millions de francs, mais qui, en réalité, serait sans doute légèrement inférieure si on se réfère aux années passées.
Pour autant, une telle mesure, comme la mesure générale que nous avons précédemment évoquée, reviendrait à favoriser la création d'emplois dans le secteur de l'économie sociale qui, on le sait peut constituer un puissant vecteur de réduction du niveau du chômage et correspond, de surcroît, à une aspiration profonde de la jeunesse du pays.
En effet, nul n'ignore, ici, que l'action sociale sur le terrain, l'action humanitaire ou l'action internationale des associations à but non lucratif constituent quelques-uns des domaines où de nombreux jeunes de notre pays souhaitent devenir partie prenante.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous demande donc, mes chers collègues, d'adopter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Angels, pour présenter l'amendement n° I-116.
M. Bernard Angels. De très nombreux besoins sociaux et culturels restent aujourd'hui insatisfaits. Je pense, en particulier, à l'aide aux familles et aux personnes, aux activités sportives, aux activités culturelles ou de loisirs, à l'environnement, à l'amélioration du cadre de vie, etc. Les domaines concernés sont très nombreux et permettraient la création d'un très grand nombre d'emplois.
Cependant, faute de ressources suffisantes, nombre de nos compatriotes n'ont pas accès à ces services. Qui ne connaît, en tant que maire, des familles qui sont dans l'incapacité de mettre leurs enfants dans un club sportif, ou dans une association, faute de moyens financiers, en dépit des subventions que nous accordons aux associations. D'ailleurs, une étude de l'INSEE a montré que 66 % des ménages, soit les deux tiers, affirment ne pas avoir de budget pour recourir à des services de proximité. Il est donc nécessaire d'encourager et de structurer l'offre de tels services. C'est d'ailleurs l'un des objectifs du Gouvernement.
Toutefois, la taxe sur les salaires représente un coût pour ces associations. Il serait nécessaire de la supprimer progressivement.
Le recours à une association est un gage de professionnalisme et offre une sécurité à la famille qui va, par exemple, confier à une aide à domicile les soins qui doivent être donnés à une personne âgée. Cette disposition permettrait d'éviter que, par un souci d'économie excessif, certaines familles ne recourent à des associations non compétentes.
Dans cette optique, notre amendement tend à exonérer de la taxe sur les salaires les associations d'aide à domicile agréées au titre de l'article L. 129-1 du code du travail.
En effet, il s'agit d'un secteur particulièrement important à un double titre : d'une part, par les services qu'il procure aux familles et aux personnes âgées ; d'autre part, par les emplois qu'il crée ou est susceptible de créer dans les années à venir, compte tenu, notamment, de la pyramide des âges en Europe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s I-78 rectifié, I-85 rectifié et I-116 ?
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous le voyons bien que, rien que par le nom qu'elle porte, il est grand temps de regarder de plus près cette taxe, celle-ci a une longue histoire. Elle représente un produit non négligeable - j'ai presque lu dans votre esprit, monsieur le secrétaire d'Etat - et nous ne pouvons pas, à l'évidence, nous en passer.
Cela étant, autant que nous pourrons supprimer l'imposition des salaires aujourd'hui, nous ferons oeuvre utile. Monsieur le secrétaire d'Etat, cela m'amène à vous dire que nous attendons de votre part un rapport demandé par le Sénat et tendant à examiner les conséquences économiques de cette taxe.
Nous avons découvert - je parle sous le contrôle de mes collègues qui ont travaillé à mes côtés au sein du groupe « banque » dans le cadre duquel nous avons examiné la taxe sur les salaires - que le produit de cette taxe était issu pour partie d'organismes publics ou para-publics. Il ne faudrait pas que nous alimentions une sorte de pompe qui recyclerait des crédits publics. Cela justifie que l'on y regarde de plus près.
J'en viens aux amendements, car j'imagine que la présidence commence à s'impatienter. (Sourires.)
S'agissant de l'amendement n° I-78 rectifié, la commission des finances a considéré qu'il était difficile d'émettre un avis favorable pour trois raisons.
D'abord, l'article 1679 A du code général des impôts permet d'exonérer une partie des rémunérations qui sont versées par les associations à but non lucratif.
Ensuite, une exonération totale semble coûteuse pour les finances publiques. Peut-être pourrez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préciser le montant qu'elle représente.
Enfin, il serait sans doute préférable d'attendre les résultats du rapport pour prendre la disposition appropriée. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
En ce qui concerne l'amendement n° I-85 rectifié, la commission émet également un avis défavorable. Elle considère que le seuil a déjà été relevé ces dernières années, un pas important ayant été franchi en 1996. Aller plus loin aujourd'hui serait sans doute coûteux sur le plan budgétaire. A cette occasion, M. le secrétaire d'Etat pourrait également nous donner une estimation.
J'en viens à l'amendement n° I-116. Là encore, le rapport tant attendu pourrait nous éclairer sur la meilleure disposition à prendre. Je me tourne vers M. Angels pour lui suggérer, lorsqu'il aura entendu les explications du Gouvernement et si elles corroborent celles que je viens de donner, de retirer son amendement afin d'éviter que la commission des finances n'émette un avis défavorable alors que la question posée mérite intérêt.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Le groupe communiste républicain et citoyen nous soumet, en fait, deux propositions distinctes. La première consiste à exonérer de la taxe sur les salaires les rémunérations versées par les associations à but non lucratif.
La seconde concerne, dans le même ordre d'idée, les emplois-jeunes.
Permettez-moi, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous rappeler brièvement la situation actuelle. Les associations paient la taxe sur les salaires pour la simple raison qu'elles ne paient pas la TVA. En effet, lorsqu'il a été décidé d'exonérer de la TVA les associations à but non lucratif ainsi qu'un certain nombre d'autres organismes, l'assujettissement à la taxe sur les salaires a été décidé en contrepartie. Donc, supprimer complètement la taxe sur les salaires pour les associations à but non lucratif, comme Mme Beaudeau l'a réclamé avec vigueur, reviendrait à ouvrir une possibilité d'exonération très vaste, puisque c'est l'ensemble des associations à but non lucratif qui se trouveraient exonérées et de TVA et de taxe sur les salaires. D'une part, le risque de contagion serait important ; d'autre part, le coût de cette mesure, estimé à environ 3 milliards de francs, fait réfléchir, c'est le moins que l'on puisse dire !
De surcroît, à l'heure actuelle, ces associations ne paient pas la taxe sur les salaires au premier salarié. Un abattement annuel sur le montant de la taxe sur les salaires est prévu, qui est indexé sur la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. En pratique, l'an prochain, cet abattement sera de 28 840 francs, ce qui permettra d'exonérer, approximativement, les rémunérations versées à six salariés occupés à temps plein et rémunérés au SMIC. Vous voyez donc que, dans le dispositif actuel, ce n'est qu'à partir du septième salarié payé au SMIC à temps plein que les associations paient la taxe sur les salaires.
Mme Terrade propose de passer de six à trente salariés. La proposition serait coûteuse. Certes, je n'ai pas que des chiffres en tête, mais il me faut bien constater, madame le sénateur, qu'il s'agirait de 290 millions de francs. Mon sentiment est que, à partir du moment où les six premiers salariés sont exonérés, on couvre déjà, certes, non pas l'ensemble des associations sans but lucratif, qui font un travail remarquable sur le terrain, mais du moins un grand nombre d'entre elles. Je ne suis donc pas favorable à cet amendement, malgré l'intérêt qu'il présente.
M. Angels, lui, propose d'exonérer de la taxe sur les salaires les associations spécialisées dans l'aide à domicile. Mon argumentation sera à peu près la même que précédemment : les six premiers salariés à temps plein coûtent déjà 1 200 millions de francs à l'Etat ; il ne paraît pas possible d'aller plus loin.
Je conclurai sur une note plus constructive, madame Beaudeau, en ce qui concerne la mesure ponctuelle d'exonération que vous proposez en faveur des emplois-jeunes auxquels le Gouvernement et la majorité qui le soutient sont très attachés. Je peux vous annoncer, mais vous n'y êtes pas étrangère - la majorité plurielle, si je puis dire, a beaucoup insisté sur ce point, et à juste titre - que vous trouverez dans le prochain collectif budgétaire une proposition visant à exonérer de la taxe sur les salaires les rémunérations versées au titre des emplois-jeunes, exonération qui, vous le savez, concernera dans une large mesure les associations.
Vous aurez donc satisfaction, non pas dans le projet de loi de finances pour 1998, mais dans le prochain collectif budgétaire.
C'est la raison pour laquelle, me semble-t-il, vous donnant satisfaction sur le second point,...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Mais pas sur le premier !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Certes ! Mais je ne puis accepter l'exonération de la taxe sur les salaires de l'ensemble des associations à but non lucratif. Je me permets donc de vous inviter à retirer votre amendement. A défaut, le Gouvernement y serait, à regret, défavorable.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-78 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'amendement n° I-85 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° I-116 est-il maintenu, monsieur Angels ?
M. Bernard Angels. Je vais le retirer, mais non sans avoir remercié de sa réponse M. le secrétaire d'Etat et insisté sur le fait que cet amendement a un double objet. Il s'agit, tout d'abord, d'assurer une plus grande sécurité aux personnes recevant des soins à domicile, ensuite, de favoriser l'emploi, dans la mesure où les associations visées font appel à une large main d'oeuvre. On pourrait, en l'adoptant, non seulement favoriser l'emploi et donner un signe fort en direction de ces associations, mais également s'assurer que les personnes recevant des soins à domicile sont bien soignées.
M. le président. L'amendement n° I-116 est retiré.
Article 10