M. le président. « Art. 8. - L'article 238 bis HN du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
Les dispositions du présent article cessent de s'appliquer aux investissements qui n'ont pas fait l'objet d'une demande d'agrément parvenue à l'autorité administrative avant le 15 septembre 1997. »
Sur l'article, la parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Nous abordons, avec cet article, le problème de la politique maritime.
Il me semble utile de rappeler une nouvelle fois que la flotte de commerce française était la dixième au monde en 1975, qu'elle est tombée depuis lors au vingt-huitième rang, le nombre de ses navires passant de 500 à 200, soit une diminution de plus de moitié.
La loi du 5 janvier 1996 sur les quirats, dont l'application devait s'étaler sur quatre ans et à laquelle bon nombre d'élus de diverses obédiences politiques avaient apporté leur soutien, avait précisément pour objet d'enrayer un tel déclin.
Le succès a été au rendez-vous puisque 10 % de la flotte française ont été renouvelés, l'investissement maritime a plus que doublé par rapport à la moyenne des années antérieures, des emplois de navigants et de sédentaires ont été créés et des emplois ont été maintenus sur les chantiers navals.
Malheureusement, on nous propose aujourd'hui d'en finir prématurément avec ce dispositif. Cela veut-il dire que la France renonce à toute ambition maritime ? Cela veut-il dire que l'on se désintéresse de la maîtrise de nos échanges extérieurs et des navires qui en sont les vecteurs ? En d'autres termes, pour le Gouvernement, la flotte serait-elle « de droite » ?
Ces questions, nous nous les posons, naturellement, sur les travées de la majorité sénatoriale. Nous nous étonnons que le régime des quirats soit la seule mesure qui fasse l'objet d'une suppression sèche, sans référence à la politique maritime, alors que l'office parlementaire d'évaluation des politiques publiques a été saisi et sera conduit, prochainement, à examiner les rapports qui ont été établis sur les questions fondamentales qui se posent, rapports qui ont d'ailleurs été approfondis avec le concours du commissariat général du Plan.
Nous avons entendu les préoccupations exprimées par les organisations professionnelles - celles du transport maritime, de la construction navale, des ports, des secteurs de l'affrètement et de la consignation - et nous avons eu le sentiment que toutes ces préoccupations ont pesé d'un très faible poids dans les décisions du Gouvernement et de la majorité de l'Assemblée nationale.
Certes, on nous dit qu'il s'agit d'une niche fiscale, que l'achat de parts de navires est une formule trop généreuse fiscalement pour une certaine épargne.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai !
M. Philippe Marini. On nous indique que ce dispositif est destiné à profiter aux classes les plus aisées et à des entreprises voulant échapper à l'impôt.
Mme Marie-Claude Beaudeau. C'est vrai !
M. Philippe Marini. Mais alors, je demande à ceux - en particulier à Mme Beaudeau, puisqu'elle s'exprime sur le sujet - qui seraient tentés de suivre ce raisonnement de bien vouloir éviter l'hypocrisie. Si l'on veut investir dans les navires, il faut bien que l'argent provienne de quelque part, qu'il s'agisse des entreprises ou de ceux qui mettent en balance différents investissements afin d'effectuer des choix qui leur conviennent. Comment veut-on qu'ils opèrent ces choix sans se référer à des notions de rentabilité financière et de profit ?
Je sais également que l'on a combattu ce système des quirats en évoquant, par exemple, certaines comparaisons internationales. On nous dit que l'Allemagne abandonnerait une formule du même ordre. Toutefois, l'Allemagne a pratiquée cette formule pendant d'assez nombreuses années, et avec bonheur puisqu'elle se situe aujourd'hui au premier rang mondial pour les porte-conteneurs. Tout cela est assurément très choquant.
Les évaluations qui sont données du coût de la mesure que comporte la loi sur les quirats ne nous semblent pas être incontestables. On nous parle de 2 milliards de francs. Il est extrêmement difficile de vérifier un tel chiffre, qui est contesté par les professionnels.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il est à craindre que les choix de la majorité à l'Assemblée nationale et du Gouvernement ne soient, en ce domaine, fortement pénalisants pour l'emploi et pour la place internationale de la France.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Mes chers collègues, c'est un peu au nom des élus du littoral et surtout en tant que président du groupe de la mer que je m'exprimerai dans cette assemblée en confirmant, point par point, l'intervention de M. Marini et en complétant son propos.
Vous savez que, en raison de la mondialisation, 75 % des échanges extérieurs de marchandises s'effectuent par la mer. Il se trouve que le commerce maritime augmente de 7 à 8 % par an. Dans ce contexte, où se trouve la France ?
Nous avons connu une décrépitude considérable. Les chiffres qui viennent d'être avancés doivent être confirmés. Voilà trente ans - je prends une période un peu plus longue - nous étions la quatrième ou la cinquième puissance commerciale industrielle du monde et nous possédions une flotte qui était du même ordre. Aujourd'hui, nous sommes à la vingt-huitième place. Le problème se pose plus en valeur relative qu'en valeur absolue.
Il faut savoir que les autres nations industrielles ont su conserver leur place dans le monde, qu'il s'agisse de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne, de la Norvège, de la Grèce ou d'autres. Pour sa part, la France a vu le nombre de navires, cela a été dit, passer de 500 à 210, celui des marins de 30 000 à 5 000 et celui des employés des chantiers navals de 33 000 à 6 000.
Il fallait une nouvelle ambition maritime ! Dès son élection, le Président de la République a confirmé l'ambition maritime qui était la sienne. Celle-ci reposait sur trois piliers : premièrement, une flotte de commerce rénovée ; deuxièment, des sites portuaires compétitifs ; troisièmement, une pêche maintenue.
Malheureusement, par cet article 8, vous supprimez un dispositif que nous avons mis plusieurs mois à élaborer, en concertation avec tous les professionnels et après de nombreuses réunions qui se sont tenues avec le ministre compétent.
Vous nous dites : on supprime la mesure et on engagera ensuite la concertation. C'est une pratique assez curieuse ! Il eût été préférable d'engager la concertation avant. Vous avez fait la même chose pour la famille !
Dans ce contexte, les amendements que nous présentons visent, au mieux, à rétablir la mesure, au pire, à l'amender. Quoi qu'il en soit, je reviendrai tout à l'heure sur les critiques que le Gouvernement avance pour supprimer ce dispositif. Aucun des arguments que vous avez présentés, monsieur le secrétaire d'Etat, n'est fondé. Nous aurons l'occasion de le dire dans quelques instants en défendant nos amendements.
M. le président. La parole est à M. Badré.
M. Denis Badré. Nos collègues Philippe Marini et Jacques Oudin viennent de rappeler, avec éloquence et précision, l'intérêt et l'importance du régime des quirats, aussi bien pour notre flotte de commerce que pour l'emploi.
Pour ma part, j'insisterai sur le fait que ce régime commence à porter ses fruits, mais qu'il n'a pas encore eu le temps d'atteindre son plein effet. Toutefois, nous devons continuer à penser que son principe est bon. Tel est le cas des membres du groupe de l'Union centriste.
En matière fiscale, il faut de la continuité, monsieur le secrétaire d'Etat. Nous l'avons dit souvent dans cet hémicycle et nous avons aujourd'hui l'occasion de le répéter : fiscalité rime mieux avec continuité qu'avec velléité.
M. Jacques Oudin. Très bien !
M. Denis Badré. Par ailleurs, l'harmonisation des fiscalités de l'Union européenne s'imposera à nous de plus en plus. Philippe Marini évoquait à l'instant la position de l'Allemagne. Celle de nos quatorze partenaires est à peu près identique. Tous nos partenaires se sont posé cette question à un moment ou à un autre et ils ont tous fini par considérer que ce principe était bon.
Monsieur le secrétaire d'Etat, gardons-nous de supprimer aujourd'hui un régime dont le principe commence à être considéré comme bon par l'ensemble de nos partenaires ! Si nous étions conduits, au motif d'harmonisation fiscale, à le réintroduire dans quelques années, ce serait vraiment une politique de gribouille. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du RPR.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je souhaite répondre brièvement aux interventions très argumentées de MM. Marini, Oudin et Badré.
Ce qui est en cause, c'est non pas l'objectif mais le moyen. Que vous soyez attachés au développement de la flotte de commerce, je n'en doute pas. Le Gouvernement l'est aussi !
M. Christian Bonnet. Très bien !
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ajoute qu'il y a, d'une part, la flotte de commerce, industrie importante, et, d'autre part, la construction navale, secteur qui est également important.
Il ne s'agit pas de manifester de la méfiance envers une ou deux activités, qui sont absolument essentielles pour notre pays. Le problème est que l'instrument qui a été défini par la loi de 1996 n'atteint pas sa cible. Je vous en donnerai rapidement quelques illustrations.
Je commencerai par la construction navale. Cette mesure devait favoriser à la fois la construction navale française et - nous sommes tous des Européens convaincus - la construction navale européenne. Sur les vingt-cinq navires dont la construction a été financée par cette disposition fiscale, six seulement ont été construits dans des chantiers navals français ou européens.
Je sais que la Corée traverse une crise financière profonde mais, selon moi, on ne devait pas encore en être à subventionner les chantiers navals de ce pays. Efforçons-nous de concentrer l'argent des contribuables sur l'emploi français dans la flotte de commerce ou dans la contruction navale française ou européenne.
Le coût de cette mesure devait s'élever à 800 000 francs par emploi sauvergardé dans la flotte de commerce. On arrive aujourd'hui au chiffre stupéfiant d'environ 5 millions de francs par emploi directement sauvegardé. Cela représente l'équivalent de cinquante salariés payés au SMIC dans l'industrie textile ou dans d'autre industries, ce qui est tout à fait dispendieux. Au total, 400 millions de francs avaient été prévus. En fait, ce sont 2 milliards de francs qui ont été dépensés.
Par conséquent, du point de vue de l'efficacité économique - nous recherchons tous, en effet, l'efficacité économique - et sur le plan de la création d'emplois, cette mesure fiscale semble pour le moins dispendieuse.
S'y ajoute le fait que, en matière d'équité fiscale, cette mesure n'est pas particulièrement heureuse. Je rappelle - mais vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs - que les personnes physiques peuvent déduire de leur revenu imposable la somme de 500 000 francs pour un célibataire et 1 million de francs pour un couple. Cela ne touche pas véritablement les contribuables modestes !
En ce qui concerne les personnes morales, c'est-à-dire les entreprises, les fonds qu'elles investissent dans ce dispositif sont déductibles du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés, sans limitation.
Par conséquent, j'indiquerai simplement à M. Badré que la continuité, c'est bien lorsque le moyen est proportionné à la fin que l'on s'est fixé. Il n'y a pas à critiquer les auteurs de cette loi qui n'a pas donné les résultats escomptés. Lorsqu'un système n'est pas véritablement adapté, on le transforme !
Le Gouvernement propose, avec l'article 8, de supprimer le présent dispositif, mais pas pour ne pas le remplacer ; je réponds là à une question de M. Oudin. D'ici à la fin de l'année, un rapport sera élaboré conjointement par le ministère des transports et par celui de l'économie, des finances et de l'industrie sur les meilleurs moyens d'aider notre flotte de commerce et la construction navale française.
Je pense que le Gouvernement pourra vous proposer un dispositif visant le même objectif, que nous cherchons tous à atteindre, mais qui coûtera quand même beaucoup moins cher aux contribuables.
M. le président. Sur l'article 8, je suis saisi de quatre amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-140 est présenté par MM. de Rohan et Oudin, Mme Michaux-Chevry, MM. Debavelaère, Gélard et Lemaire, les membres du groupe du Rassemblement pour la République et MM. Bonnet, de Cossé-Brissac, Darniche et Demilly.
L'amendement n° I-184 est déposé par MM. Arzel, Le Jeune, Le Breton, Moinard, Millaud et les membres du groupe de l'Union centriste.
Tous deux tendent à supprimer l'article 8.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° I-10 rectifié est présenté par M. Lambert, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° I-141 est déposé par MM. de Rohan et Oudin, Mme Michaux-Chevry, MM. Debavelaère, Gélard et Lemaire, les membres du groupe du Rassemblement pour la République et MM. Bonnet, de Cossé-Brissac, Darniche et Demilly.
Tous deux visent à rédiger comme suit l'article 8 :
« I. - Le début du premier alinéa de l'article 238 bis HN du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Sont admises en déduction du revenu ou du bénéfice mentionnés respectivement au 2 de l'article 13 et au premier alinéa du I de l'article 209, selon les modalités définies aux articles 163 unvicies ou 217 nonies, les sommes versées au titre de la souscription de parts de copropriété de navires armés au commerce, prises en compte pour 50 % de leur montant si le navire est livré par un chantier naval situé hors de l'Union européenne, lorsque les conditions ci-après définies sont remplies :
« II. - Au e du premier alinéa de l'article 238 bis HN du code général des impôts, le mot : "quatrième" est remplacé par le mot : "septième".
« III. - Au premier alinéa de l'article 163 unvicies du code général des impôts, la somme : "500 000 F" est remplacée par la somme : "250 000 F" et la somme : "1 000 000 F" est remplacée par la somme : "500 000 F".
« IV. - Le premier alinéa de l'article 217 nonies du code général des impôts est complété par les mots : "dans la limite de 50 % du bénéfice imposable". »
La parole est à M. Oudin, pour défendre l'amendement n° I-140.
M. Jacques Oudin. Je souhaite tout d'abord répondre à M. le secrétaire d'Etat.
Vous nous dites, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous supprimez une disposition et que vous réfléchirez ensuite à son remplacement. Je rejoins la commission des finances dans son ensemble en disant qu'il s'agit de « yo-yo fiscal ». En effet, il n'est pas possible de mener une politique fiscale de cette nature, alors que nous avons passé des mois à élaborer la mesure en question. Vous présentez d'ailleurs des arguments que je réfuterai les uns après les autres.
Le premier d'entre eux, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que toute notre procédure a été axée autour de la procédure d'agrément, qui est dirigée par vos services avec l'avis des autres ministères. Ce sont vos services qui recevaient les dossiers et qui étaient en mesure d'apprécier a priori les conséquences économiques, sociales et industrielles de chaque décision que vous preniez.
Or, après avoir pris ces décisions, vous dites maintenant qu'elles étaient mauvaises ! A quoi sert alors une procédure d'agrément si vous ne mesurez pas toutes les conséquences à l'avance ?
Vous dites également que ce dispositif n'a pas profité à la construction navale. Monsieur le secrétaire d'Etat, cette mesure était d'abord destinée aux armateurs, afin de bâtir une flotte. La construction navale en était éventuellement une conséquence importante, mais ce n'était pas l'objectif essentiel.
Vous dites encore que, sur les vingt-cinq navires, dont sept d'occasion, six ont été construits dans les chantiers navals français ou européens. Mais vous avez oublié de préciser à l'Assemblée nationale que, sur l'ensemble des bateaux construits, la moitié de la valeur ajoutée provenait des chantiers navals français. En effet, nos chantiers navals sont destinés à construire des bateaux à haute valeur ajoutée et, si un vraquier est construit en Corée, un navire de passagers, fort heureusement, l'est à Saint-Nazaire ou au Havre.
Je réfute donc votre premier argument.
Vous nous dites, deuxième argument, que le coût par emploi, représentant 5 millions de francs, est stupéfiant. Mais votre calcul est faux, monsieur le secrétaire d'Etat ! Vous n'avez pris en considération que les 150 emplois de navigants, en oubliant les emplois à terre. Or vous savez qu'un emploi en mer crée environ trois ou quatre emplois à terre. Votre résultat est donc évidemment stupéfiant, je le reconnais.
Vous parlez, troisième argument, d'équité fiscale. Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agit de savoir ce que l'on veut ! Tous les pays qui ont développé leur flotte l'ont fait en drainant l'épargne vers un monde maritime qui, à lui seul, ne pouvait s'autofinancer.
Est-ce une niche fiscale ou un moyen de développement de l'investissement ? Moi, je préfère honnêtement l'incitation fiscale, qui est active, à la subvention, qui est passive.
Si l'on veut vraiment faire une comparaison, comme M. Badré nous y a invités, je vous propose, mes chers collègues, d'examiner ce qui s'est passé en France et en Allemagne. Voilà qui expliquera pourquoi nous vous proposons de rétablir un dispositif que nous avons mis des mois à élaborer.
Le système fiscal allemand prévoit-il un agrément ? Non ! Nous, nous avons prévu un tel agrément. L'avantage fiscal, chez nous, est de 100 %. En Allemagne, il est de 125 % à 140 %, selon que l'on inclut ou non les frais accessoires. L'exonération des plus-values de cession de parts existe-t-elle en France ? Non, alors qu'elle existe en Allemagne. Nous avons des seuils de déduction fiscale de 500 000 francs et de 1 million de francs. En Allemagne, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est illimité...
M. le président. Mon cher collègue, il vous faut maintenant en venir à votre amendement, car il vous reste à peine plus d'une minute.
M. Jacques Oudin. Nous proposons donc de rétablir un dispositif qui était excellent et grâce auquel l'ensemble du monde maritime français commençait à reprendre espoir. En effet, non seulement vingt-cinq gros dossiers étaient déjà prêts, mais encore se profilaient entre soixante et quatre-vingts petits dossiers, représentant 5 à 20 millions de francs. De ceux-là, vous n'avez pas parlé, monsieur le secrétaire d'Etat !
Notre amendement n'a donc d'autre objet que de poursuivre cette ambition maritime que vous êtes en train de détruire. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Badré, pour défendre l'amendement n° I-184.
M. Denis Badré. Tout a été dit : M. Oudin vient de plaider très clairement et de manière détaillée la cause du rétablissement d'une mesure dont, je pense, nous n'avons pas eu le temps de mesurer tous les effets. Laissons ses chances à un principe qui nous paraît bon !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour défendre l'amendement n° I-10 rectifié.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Comment être utile à la flotte de commerce française ? Comment avoir une vraie ambition maritime pour la France ? Telles sont les questions qui se posent.
Si nous parlons toujours des « niches fiscales » de manière péjorative, nous ne devons pas oublier que, lorsqu'elles ont été créées, c'était tout simplement parce que le secteur économique concerné ne pouvait s'autofinancer et que l'Etat se trouvait devant un choix : soit il offrait des aides budgétaires, soit il accordait des aides fiscales.
Je sais bien que des gens beaucoup plus savants que moi vont me dire que je n'ai sans doute pas bien compris, mais, s'agissant des quirats, il convient de faire en sorte que notre flotte de commerce française puisse retrouver la place qui était la sienne. Il s'agit de traduire sur le plan économique, plus que sur le plan verbal, une vraie ambition maritime pour la France.
Je considère que le système de l'agrément est un système intelligent, qu'il constitue en tout cas une bonne piste, en confiant à des services le soin d'examiner en détail les projets afin de déterminer si les règles fiscales qui ont été fixées par le Parlement sont respectées.
Si le régime de la procédure d'agrément fonctionne mal, réformons-le, faisons en sorte qu'il fonctionne ! Devrions-nous, si nous ne le faisons pas, remettre en cause tous les dispositifs fiscaux qui prévoient un agrément ? Cela ne me paraîtrait pas aller dans le bon sens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, faites donc en sorte que la procédure d'agrément fonctionne et que tout soit bien clair. Dans cette maison, nous nous parlons toujours franchement : je vous demande donc de ne pas simplement vous en remettre - ce serait d'ailleurs une exception si vous agissiez ainsi - aux avis techniques qui vous sont remis. Vous devez les examiner aussi sous l'angle fiscal et veiller à ce que l'orientation fixée par le Parlement puisse être respectée.
Vous avez évoqué des arguments financiers. Il sont peut-être, sinon tronqués, du moins déséquilibrés, car les flux sont tels qu'ils n'entraînent pas automatiquement un investissement. Il faut ainsi comparer des choses comparables et il n'est pas certain - mais je le dis sous forme de question - que, statistiquement, les comparaisons exercice par exercice puissent nous donner un reflet très fidèle de la réalité économique.
Le système actuel favorise-t-il la construction navale française ? C'est la question que nous nous étions posée au moment où la loi a été adoptée. Il n'est pas un seul sénateur qui ne souhaite favoriser en priorité les chantiers navals français ! Mais la Commission européenne, à l'époque, avait opposé un veto et rien n'avait alors pu être fait. Or, aujourd'hui - je parle sous le contrôle de notre expert en matière communautaire, M. Denis Badré - la Commission a demandé aux pays de l'Union d'assortir leurs dispositifs d'aide fiscale d'une préférence européenne.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, vous nous avez dit que six navires seulement avaient été construits ou réhabilités en France. Or, sur les seize qui ont été concernés par le dispositif, dix ont connu un traitement européen : six d'entre eux sont passés par les chantiers navals français, et quatre ont été construits en Europe.
Cela étant, MM. Oudin et Badré nous ont présenté deux amendements qui visent au maintien du dispositif actuel. La majorité sénatoriale unie peut décider du dispositif qu'elle préfère, mais, si elle souhaite être utile à la flotte française et avoir une vraie ambition maritime pour la France, il me semble préférable qu'elle adopte un dispositif susceptible de survivre à la commission mixte paritaire et à la deuxième lecture à l'Assemblée nationale.
Un dispositif de repli pourrait donc être imaginé. Je le rappelle très rapidement : il s'articulerait autour de trois propositions principales.
La première consisterait à adopter un taux de déductibilité différencié, selon que le navire serait construit dans un chantier européen ou hors d'Europe. Nous prendrions alors en compte les souhaits de la Commission, que je viens d'évoquer.
La deuxième consisterait à alléger la durée du régime sous pavillon français en la portant de cinq à huit années.
Enfin, une modération du coût fiscal pourrait être envisagée en limitant l'avantage pour les personnes physiques, celui-ci passant de 500 000 francs pour une personne seule et de 1 million de francs pour un couple à respectivement 250 000 francs et 500 000 francs, tandis que, pour les personnes morales, la part déductible de l'impôt sur les sociétés serait réduite à 50 % du bénéfice imposable.
Mes chers collègues, il convient que le Sénat adopte la mesure la mieux à même d'aboutir à l'objectif unique que nous nous sommes fixé : il s'agit de soutenir la flotte de commerce française et d'avoir une réelle ambition maritime pour la France.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous écouterons avec une attention encore plus soutenue qu'à l'habitude votre réponse, car vous induirez sans doute le choix des sénateurs sur les différents dispositifs qui sont contenus dans les quatre amendements en discussion.
MM. Jacques Machet et Roland du Luart. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Oudin, pour présenter l'amendement n° I-141.
M. Jacques Oudin. Mes chers collègues, la position du Gouvernement est une position politique. Pour des raisons que j'ignore, d'autant que le monde maritime est souvent à gauche, le Gouvernement décide de supprimer ce dispositif.
M. Ivan Renar. Le monde maritime est à bâbord ou à tribord, mais pas à gauche ou à droite ! (Sourires.)
M. Jacques Oudin. La plupart des marins de commerce qui dépendent de ma circonscription votent à gauche !
M. Michel Charasse. Ils naviguent ! (Nouveaux sourires.)
M. Roland du Luart. Ils tiennent le cap comme ils peuvent !
M. Jacques Oudin. Pour des raisons politiques, excellemment expliquées par notre rapporteur général, il s'agit donc d'adopter ici une position susceptible de passser le cap d'une majorité à l'Assemblée nationale qui, fidèle au Gouvernement, est hostile à ce dispositif.
Devant ce dilemme, il est évident qu'il est préférable d'avoir un dispositif un peu réduit plutôt que de ne rien avoir du tout.
Par ailleurs, s'agissant des activités de la mer et du littoral, je connais l'opinion profonde de nos collègues de gauche. Demandez leur avis à M. Le Pensec ou aux autres : je vous assure qu'ils aimeraient bien que l'on continue à soutenir la flotte française !
Dans ces conditions, nous nous rallions à l'amendement de repli de la commission des finances afin d'adapter un peu le dispositif existant. Nous retirons donc l'amendement tendant à la reprise totale de la loi de juillet 1996, sous le bénéfice de deux observations.
Premièrement, je ne suis pas d'accord avec M. le rapporteur général quand il dit que la procédure d'agrément a mal fonctionné. En effet, les résultats ont montré qu'elle fonctionnait fort bien. Nous disposons donc de tous les éléments et de tous les moyens nécessaires pour nous prononcer.
Deuxièmement, je considère que le Gouvernement a fait une très mauvaise manière au Parlement. En effet, l'office parlementaire d'évaluation budgétaire avait demandé un rapport au commissariat général du Plan, et ce rapport devait nous être remis le 10 novembre. Il ne nous a pas été communiqué, mais il devrait nous parvenir dans les jours qui viennent. Or, sachant cela, vous avez néanmoins, sans concertation préalable avec les professionnels, décidé de supprimer la mesure que nous souhaitons rétablir ou adapter.
C'est la raison pour laquelle j'invite tous mes collègues à voter cet amendement de repli.
Quoi qu'il en soit, nous aurons le regret de constater que la France a, dans le domaine maritime, une position en retrait par rapport à tous ses partenaires européens. C'est bien dommage, le jour même où le Gouvernement lance une campagne d'information sur l'euro ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président. L'amendement n° I-140 est retiré.
Monsieur Badré, qu'en est-il de l'amendement n° I-184 ?
M. Denis Badré. Convaincu par l'argumentation de M. le rapporteur général et avec le même souci d'efficacité que M. Oudin, je me rallie à l'amendement de la commission des finances.
M. le président. L'amendement n° I-184 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements identiques n°s I-10 rectifié et I-141 ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au budget. Le débat qui vient de s'engager quant au meilleur moyen d'aider notre flotte de commerce est de qualité. Je reprendrai un certain nombre de points qui ont été développés par MM. Oudin et Badré, ainsi que par M. le rapporteur général, en commençant par l'agrément.
Il est clair que les agréments qui ont été jusqu'à présent accordés étaient favorables aux armateurs. Si tel est l'objectif visé par M. Oudin, aucun problème ne se pose.
Mais rejoignant en cela les propos de M. le rapporteur général, le Gouvernement a l'impression, non pas sur ce sujet mais sur d'autres, d'examiner véritablement les procédures d'agrément en fonction de deux critères importants : celui de l'emploi et celui du développement économique.
S'agissant du premier critère, M. Oudin a fait remarquer qu'à un emploi en mer correspondaient deux, trois ou quatre emplois à terre. Même en tenant compte de ces emplois induits, le coût fiscal d'un emploi créé ou sauvegardé dans l'ensemble de la flotte de commerce représente tout de même entre 1 million et 1,5 million de francs, ce qui est exorbitant.
Nous sommes attachés à la marine de commerce mais aussi à ses marins. Si les propositions qui ont été présentées avaient concerné plus de marins français ou européens que d'officiers de dunette, peut-être un plus grand nombre d'emplois auraient été créés.
La procédure de l'agrément a été utilisée dans le passé, je ne le nie pas, au bénéfice des armateurs. La preuve est faite qu'en matière d'emplois les dispositifs adoptés jusqu'à présent ont été très peu efficaces.
M. Oudin a affirmé qu'une exonération ou une aide fiscale était préférable à une subvention. Je ne suis pas d'accord avec lui : les dépenses fiscales sont indolores. Ainsi, on passe insensiblement et pratiquement sans s'en rendre compte de 400 millions de francs à 2 milliards de francs. Au contraire, les subventions sont des dépenses qui sont examinées beaucoup plus soigneusement par les deux assemblées et qui font l'objet d'un contrôle démocratique beaucoup plus poussé.
Pour conclure, monsieur Oudin, vous avez cité le système allemand. Celui-ci était si favorable que les Allemands l'ont supprimé l'an dernier estimant sans doute que le coût fiscal, qui était comparable au nôtre - peut-être était-il plus avantageux dans un sens et moins dans un autre - était exorbitant par rapport à l'objectif atteint.
Qu'allons-nous faire maintenant ? Lorsque nous aurons reçu, d'ici à quelques jours, le rapport du commissariat général du Plan que M. Oudin a évoqué et les résultats de l'expertise conjointe qui est actuellement menée par le ministère des transports et celui de l'économie et des finances, nous pourrons substituer au système actuel dont nous proposons la suppression à compter du début de l'année prochaine un autre système qui, à mon avis, atteindra le même objectif en étant beaucoup moins coûteux.
M. le rapporteur général a cherché, si je puis dire, un point de conciliation, ce qui prouve qu'il ne conteste pas totalement la démarche du Gouvernement. Il a proposé de réduire les aides fiscales, qu'il s'agisse de celles qui sont accordées lorsque les bateaux sont construits dans des chantiers situés en dehors de la Communauté européenne ou de l'allongement de cinq à huit ans de la durée de mise sous pavillon français du navire. Il a, en outre, proposé de limiter, modestement, les avantages fiscaux que des personnes physiques ou des personnes morales pouvaient tirer de ce dispositif.
L'amendement n° I-10 rectifié proposé par la commission des finances est moins « rebutant » pour le Gouvernement que ceux qui ont été proposés et qui tendent à revenir purement et simplement au système antérieur, mais il reste inacceptable.
Monsieur le rapporteur général, en dépit de votre effort de conciliation, que je respecte, le dispositif que vous suggérez reste encore très coûteux, et je relève le défi de proposer, dès le début de l'année 1998, un système plus avantageux qui atteigne les mêmes objectifs.
Avec toute la courtoisie dont je suis capable, je suggère donc à la Haute Assemblée, ce qui est pour le moins hardi (Sourires), de rejeter cet amendement de conciliation.
M. le président. Je vais mettre aux voix les amendements identiques n°s I-10 rectifié et I-141.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez exercé - et avec quelle compétence ! - une très haute charge en Ile-de-France.
M. Michel Charasse. Ça, c'est vrai !
M. Christian Bonnet. Si, d'aventure, vous l'aviez exercée sur le littoral, vous auriez eu du mal à tenir le langage, certes courtois, que vous venez de tenir.
M. le rapporteur général, au nom de la commission des finances, a présenté un amendement de conciliation, dans le souci de prolonger le débat et d'engager une concertation, mot que nous trouvons jour après jour, dans la bouche ou sous la plume de M. le Premier ministre, avec l'Assemblée nationale où les députés de la majorité élus du littoral sont, sans exception aucune, favorables à une mesure destinée à soutenir l'emploi sur le littoral.
Quelle est la situation du littoral aujourd'hui ? Peut-être pourriez-vous vous adresser à l'un de nos anciens collègues M. Alain Richard pour lequel nous avons tous une très grande estime - moi, en particulier, et il le sait. Il vous indiquera quelles sont les conséquences de la contraction des crédits de la défense et quel espoir anime certains sous-traitants qui se raccrochent à l'activité de quelques chantiers civils, qu'il s'agisse de navires de commerce ou de bateaux de pêche.
Dans cette optique, je ne parviens pas à comprendre l'obstination du Gouvernement face à une mesure de compromis. On pouvait être maximaliste, et M. Jacques Oudin ne m'en voudra pas de qualifier ainsi son amendement, et vous rebuter. On pouvait aussi espérer par la voie du compromis réussir, fût-ce partiellement, à atteindre l'objectif visé par tous les élus du littoral, quelle que soit leur orientation politique.
C'est la raison pour laquelle je me permets d'insister, monsieur le secrétaire d'Etat, pour que, dans les jours et les semaines à venir, vous puissiez vous rendre compte par vous-même, en prenant contact avec les élus du littoral appartenant à la majorité, que l'amendement de compromis qui est proposé et qui vous permet d'être cohérent avec la démarche que vous aviez adoptée initialement peut être adopté par les deux assemblées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. Jacques Oudin. Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président. La parole est à M. Oudin.
M. Jacques Oudin. Sans vouloir trop prolonger le débat, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai l'impression que nos conceptions sont diamétralement opposées.
Vous êtes, dites-vous, plus favorable à la subvention qu'à une incitation fiscale. Je ne connais pas de subvention qui draine efficacement l'épargne vers des investissements productifs. En revanche, je sais que les incitations fiscales ont un tel effet. Or, ce que nous souhaitons, en ce domaine, c'est drainer plusieurs milliards de francs vers la flotte de commerce comme nous le faisons pour les départements d'outre-mer et comme les Allemands l'ont fait pour leur flotte de commerce. Je le répète, la subvention est passive ; la déduction fiscale est active et incitative.
Les Allemands, dites-vous, ont supprimé leur dispositif. D'abord, ils ne l'ont pas complètement supprimé ; ils vont maintenir certaines dispositions. Ensuite, ils l'ont partiellement supprimé parce qu'ils ont atteint leurs objectifs. A raison de 7 milliards de francs drainés tous les ans, l'Allemagne a gagné le pari de mettre sur pied l'une des premières flottes au monde. Nous disposons de 210 bateaux, les Allemands de 1 400 ; ils comptent 700 kilomètres de côtes, contre 5 500 pour nous ; ils ont 440 caboteurs, nous en possédons moins de 50. Voilà le bilan ! Et vous direz ensuite que la France peut être compétitive sur les mers face à nos partenaires européens ! Mais ils nous dépassent tous, même les Turcs. (Sourires.)
L'amendement n° I-10 rectifié, dites-vous, est moins rebutant. Eh bien ! Si rénover la flotte française est rebutant, alors les bras m'en tombent, mais je voterai cet amendement. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Alain Lambert, rapporteur général. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Alain Lambert, rapporteur général. Nous voulons tous soutenir notre flotte ; nous partageons tous une ambition maritime pour la France. Comme je vous l'avais promis, monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai écouté avec une attention extrêmement soutenue. Vous préparez, avez-vous dit, un dispositif qui, si j'ai bien compris, serait fondé sur l'aide budgétaire.
Peut-être me suis-je trompé, mais j'ai le sentiment que l'OCDE, d'une part, et la Communauté européenne, d'autre part, s'apprêtent à proscrire cette voie. Alors, entendons-nous bien : est-il bien sage que le Gouvernement de la France choisisse une voie de soutien qui sera fermée demain ? Essayez de nous éclairer, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je comprends parfaitement que vous ne vouliez pas nous donner des précisions, dans la mesure où vous ne disposez pas de la totalité des informations utiles pour nous décrire le dispositif envisagé. Mais, encore une fois, vous êtes devant la Haute Assemblée. Celle-ci essaie de vous témoigner la modération dont elle fait toujours preuve. Elle vous parle de la seule voie qui lui semble aujourd'hui empruntable, c'est-à-dire la voie fiscale.
Vous avez tout à l'heure appelé l'attention de la Haute Assemblée sur les dangers de la dépense fiscale. J'ai cru comprendre que, selon vous, la dépense budgétaire se mesurait peut-être plus facilement. Si vous nous faites l'amitié, monsieur le secrétaire d'Etat, de relire le tome I du rapport budgétaire que la commission des finances a rédigé l'année dernière, vous vous apercevrez que nous avons consacré des dizaines de lignes à la dépense fiscale, en démontrant justement qu'elle pouvait constituer un réel danger.
Vous vous adressez donc à la Haute Assemblée, qui, certes, ne prétend pas tout connaître en ce domaine mais qui s'est donné la peine de l'expertiser. Monsieur le secrétaire d'Etat, l'aide budgétaire nous semble fermée. Si c'est la voie que vous vous apprêtez à emprunter, c'en est fini de notre flotte et de notre ambition maritime. Notre démarche, n'est en rien critique. Ce que nous voulons, c'est une solution. Je vous en supplie, monsieur le secrétaire d'Etat, donnez-nous des motifs d'espérer ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants.)
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. J'ai entendu le plaidoyer vibrant et émouvant que M. Bonnet a fait au nom des élus du littoral, mais ceux-ci ne sont pas les seuls à souhaiter développer notre flotte de commerce. Il y a là une opposition, que nous n'avez pas faite, entre les élus du littoral et ceux de l'intérieur. La question dont nous débattons n'est toutefois pas là.
Le Gouvernement, comme la majorité de l'Assemblée nationale et sans doute celle du Sénat, cherche à développer notre flotte de commerce par le meilleur moyen possible. M. Oudin affirme qu'il n'est pas possible d'accorder des subventions à concurrence de l'épargne attirée. Dans le système actuel, ce n'est pas de l'épargne qu'on attire.
M. Jacques Oudin. C'est quoi ?
M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat. C'est de la dépense fiscale. En effet, la moitié au moins des sommes investies par les particuliers ou les entreprises dans ces fameuses parts de copropriété de navires de commerce sont exonérées d'impôts. Actuellement, pour un franc investi, un franc au moins est versé par l'Etat, c'est-à-dire par le contribuable.
Vous avez donc raison de souligner qu'il faut attirer de l'épargne mais la contrepartie est coûteuse et peu productive en termes d'emplois.
Le mot « rebutant » que j'ai employé s'appliquait non pas à la flotte de commerce, comme vous l'avez très bien compris, mais à votre souhait de pérenniser un système qui, me semble-t-il, n'atteint pas les objectifs en matière d'emplois et d'équité fiscale fixés par le Gouvernement.
Si vous songez à des aides budgétaires, veillez à ne pas être en contravention avec les directives européennes, avez-vous dit, monsieur le rapporteur général. Je peux vous promettre que, en l'occurrence, nous ne ferons pas l'erreur que le Gouvernement précédent a faite sur le textile. Comme nous avons l'intention de rester en fonctions quelque temps, nous ne souhaitons pas que ce type d'aventure se reproduise en ce qui concerne l'aide à la flotte de commerce. En effet, s'agissant du plan textile, la Commission de Bruxelles a cassé un dispositif qui, à l'évidence, était incompatible avec les dispositions communautaires.
Je retiens de l'intervention de M. Bonnet qu'il faut aller vite pour répondre à l'inquiétude exprimée sur le littoral, qui vit de la flotte et de la construction navale. Nous allons rapidement mettre au point un autre dispositif, qui s'inspirera de vos appels à la prudence et qui tiendra compte de votre souci, parfaitement légitime, d'éviter tout hiatus entre l'ancien système, très coûteux, et le nouveau, lequel, je l'espère, sera beaucoup plus économe des finances publiques.
Je prends note du souci, que vous partagez avec le Gouvernement, de défendre la flotte de commerce et de le faire en conformité avec le droit européen. J'espère que je pourrai vous donner des nouvelles rassurantes sur ce sujet d'ici à la fin de l'année.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les amendements identiques n°s I-10 rectifié et I-141, repoussés par le Gouvernement.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.
Je rappelle que la commission a demandé la réserve des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 8 et de l'article 9.
Article additionnel après l'article 9
M. le président.
Par amendement n° I-155, M. Joyandet et les membres du groupe du Rassemblement
pour la République proposent d'insérer, après l'article 9, un article
additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 83 du code général des impôts est complété
in fine
par
un alinéa ainsi rédigé :
« ... - Les sommes engagées, à compter du 1er janvier 1998, pour l'achat de
matériel informatique ou multimédia. La déduction ne peut excéder 25 % des
sommes engagées et ne peut être supérieure à 5 000 francs par foyer fiscal.
»
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat de l'application du I
ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits
figurant aux articles 575 et 575 A du code général des impôts et par la
création d'une taxe additionnelle aux droits prévus à l'article 403 du code
général des impôts. »
Cet amendement est-il soutenu ?...
Article additionnel avant l'article 10