M. le président. M. Jean-Jacques Robert attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'insécurité croissante en Essonne : meurtres, vols, vandalisme, incendies, dégradation de véhicules, de matériel commercial, de bâtiments publics.
Les brigades de gendarmerie, en liaison avec la police nationale, ne semblent pas pouvoir maîtriser une situation qui se détériore.
C'est pourquoi il lui demande s'il ne pourrait pas être envisagé d'augmenter les effectifs de gendarmerie en Essonne. (N° 488.)
La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, au cours de la discussion du projet de loi de finances, j'ai évoqué les besoins nationaux en matière de gendarmerie. Toutefois, je souhaite attirer votre attention sur le département de l'Essonne, et plus particulièrement sur la brigade de gendarmerie d'Egly, qui correspond à ce que nous vivons quotidiennement dans notre département.
Le ministre de la défense est le seul, me semble-t-il, qui peut, sans bourse délier, répondre à notre demande d'effectifs. En effet, dans l'armée traditionnelle, on enregistre des excédents d'emplois consécutifs à la modernisation des armées. Il s'agit de sous-officiers d'élite que l'on peut très bien inciter à servir dans la gendarmerie, puisque cette dernière à besoin de 10 % d'effectifs supplémentaires, et ce sans attendre 2001. La sécurité de nos habitants dans les trains, de jour et de nuit, ne permet pas d'attendre cinq mille hommes d'ici à cette date. Avec dix mille hommes immédiatement, l'on pourrait, sans débourser un sou, répondre à la demande.
Il y a un phénomène, monsieur le ministre, qui ne doit pas vous échapper : les gendarmes ont affaire aux élus locaux, lesquels partagent mes préoccupations ; mais il s'agit de militaires. C'est à la fois une grande qualité et un inconvénient, puisque les informations que nous donnons sont filtrées par la voie hiérarchique : lorsqu'elles parviennent au sommet, elles ne reflètent plus ni l'attente des élus ni la réalité de la situation à laquelles sont confrontées les brigades territoriales sur le terrain.
En ce qui concerne plus précisément la brigade d'Egly, depuis le mois de mars dernier, des entreprises ont subi des vols ou des dégradations, des garages ont eu leur porte enfoncée, notamment le garage Huteau, qui a été cambriolé trente-huit fois - le préjudice est estimé à 250 000 francs minimum - des sociétés commerciales ont été constamment agressées, des actes de vandalismes ont été perpétrés contre des bâtiments publics, qu'il s'agisse du nouveau gymnase, en juin 1996, de la crèche ou de la bibliothèque SNCF, sans compter les incendies de voitures particulières et l'aggression de l'officier de police parisien sur le trajet de cette voie ferrée. Cette agression a ému tout le monde compte tenu de la qualité de cette jeune femme et du nombre de ses agresseurs, mais ce n'est pas un acte isolé. De tels actes sont commis sur les deux ou trois lignes qui desservent notre département depuis Paris.
Le colonel de gendarmerie - j'ai suivi la voie hiérarchique - me répond : je vous donnerai satisfaction, je renforcerai en priorité cette unité d'Egly par les moyens qui sont mis périodiquement à la disposition de mon groupement. « Périodiquement », cela signifie un an, deux ans, trois ans. C'est sans espoir !
Or la réponse que j'ai obtenue du ministre de la défense, que vous représentez, monsieur le ministre - j'en suis heureux, car j'ai en vous un ambassadeur de qualité et je suis certain de vous avoir convaincu - est la suivante : on va mettre en place des patrouilles supplémentaires de surveillance générale et, compte tenu des mesures qui ont été prises en matière de réorganisation des armées, les volontaires prévus par la loi de programmation militaire viendront renforcer les effectifs. Mais on rêve ! Nous voulons des gendarmes professionnels d'active, des habitués. Il ne suffit pas d'avoir un complément d'hommes de bonne volonté, que l'on mettra un certain temps à former ! Nous disposons de sous-officiers de l'armée de terre qui, avec un stage de formation, comme on le fait dans les entreprises, deviendraient immédiatement opérationnels.
Je ne comprends pas, monsieur le ministre, que le Gouvernement, qui veut réussir, ne saisisse pas l'occasion qu'offre la gendarmerie. Cela ne coûtera pas un sou puisqu'il s'agit déjà de militaires de carrière.
J'ai choisi la commune d'Egly parmi bien d'autres, afin d'attirer votre attention et vous faire part de mes inquiétudes, voire de ma peur.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser mon collègue Charles Millon, qui est actuellement à Bruxelles pour participer à une réunion des ministres de la défense des pays membres de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord, l'OTAN.
Il est vrai que, depuis quelques années, le département de l'Essonne, en particulier les 145 communes qui relèvent de la compétence exclusive de la gendarmerie nationale, n'est pas épargné par l'évolution générale de la délinquance.
Cependant, il convient également de souligner les efforts importants déjà consentis par cette arme en vue d'y renforcer ses effectifs. Ainsi, de 1990 à 1996, ceux-ci ont progressé de 9 %, passant de 556 militaires à 607.
En outre, d'autres mesures ont été prises : des gendarmes mobiles renforcent de façon quasi permanente certaines unités territoriales, alors que d'autres sont mis ponctuellement à leur disposition dans le cadre de la politique de la ville et des missions de sécurisation des quartiers sensibles.
Enfin, dans l'esprit de la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, la gendarmerie conduit actuellement une réflexion sur la possibilité de redéployer des effectifs vers les zones périurbaines relevant de sa compétence à partir d'unités implantées en zone de police d'Etat. Des besoins importants sont en effet avérés dans ces zones, en raison de l'accroissement de leur population et du développement des phénomènes de délinquance et de violence qui les caractérisent et qui sont de nature à entretenir un fort sentiment d'insécurité.
Il convient de souligner que, dans les zones à partir desquelles s'opéreront les redéploiements, la qualité du service public sera maintenue, car la police nationale y est d'ores et déjà chargée de manière exclusive des missions de sécurité publique. La police n'y connaîtra aucune charge supplémentaire, puisque la gendarmerie continuera d'assurer l'intégralité de ses missions propres à partir des brigades voisines qui seront si nécessaire renforcées en conséquence.
C'est par ailleurs la seule solution avant 1999 - vous avez évoqué cette date, monsieur le ministre - pour accroître les effectifs des brigades de gendarmerie en difficulté dans les zones où elles sont seules comptables de la sécurité publique.
Ces redéploiements d'effectifs ont débuté en 1996 et se sont globalement bien passés. Ils seront poursuivis en 1997. L'Essonne devrait bénéficier de ces mesures qui participent à l'amélioration de la qualité de la sécurité publique générale qui reste, vous le savez, une priorité pour le Gouvernement. Vous serez très prochainement informé des modalités précises de mise en place de ces mesures.
Telle est, monsieur le sénateur, la réponse que je souhaitais vous faire, au nom de M. Charles Millon. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. Jean-Jacques Robert. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Robert.
M. Jean-Jacques Robert. Monsieur le ministre, je pensais bien que vous alliez me présenter ces arguments. Or, en l'occurrence, c'est un peu comme au jeu de dames : si vous répartissez différemment le même nombre de pions, vous ne réglez pas pour autant la situation. En effet, vous avez - excusez-moi de vous personnaliser avec le ministre des armées -...
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. C'est un honneur !
M. Jean-Jacques Robert. ... augmenté les effectifs de 9 %, mais la population, qui comprend quelques éléments difficiles a augmenté de 20 %, et s'agglomère alors que l'urbanisme est à peu près inexistant. Telle est l'origine des difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Il est tout de même anormal que nos concitoyens aient peur de prendre le train ou de sortir la nuit, que les personnes âgées s'enferment chez elles et qu'il n'y ait pas de présence policière.
Le propre de la gendarmerie, c'est de parler avec les habitants pour s'informer. Or les gendarmes n'ont plus le temps de le faire. Ils vivent à cent à l'heure dans les brigades et sont en plus requis par les missions du service de la route.
Ce sont des hommes d'exception, mais il faut augmenter leur nombre de 10 %, étant précisé que, actuellement, un certain nombre de postes ne sont pas pourvus.
Dans ces conditions, attendre les nouvelles normes, c'est déraisonnable. En effet, des sous-officiers de l'armée de terre sont disponibles. Puisque, compte tenu de la modernisation des armées, ils n'ont plus d'emploi ni d'avenir dans l'armée de terre, il convient de les mettre dans la gendarmerie où ils se réaliseront magnifiquement.
Je vous prie de m'excuser d'avoir insisté sur ce point, monsieur le ministre. Si vous pouvez transmettre mes propos au Gouvernement et, éventuellement, au chef des armées...
M. Roger Romani, ministre des relations avec le Parlement. Ce sera fait !
M. Jean-Jacques Robert. ... les habitants de l'Essonne vous en seront reconnaissants. (Applaudissements sur les travées du RPR.)
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