CONTRIBUTION DE BERNARD ANGELS, SÉNATEUR DU VAL D'OISE ET DE PAUL LORIDANT, SÉNATEUR DE L'ESSONNE, AU RAPPORT DE LA MISSION D'ENQUÊTE CHARGÉE DE RECUEILLIR DES ÉLÉMENTS D'INFORMATION SUR L'ÉLABORATION ET L'EXÉCUTION DES LOIS DE FINANCES
Le souci
de recueillir des éléments d'information sur l'élaboration
et l'exécution des lois de finances est une initiative,
intéressante, qui ne peut qu'améliorer les rapports entre
l'exécutif et le législatif, et ainsi offrir à nos
concitoyens plus de transparence sur l'ensemble des mécanismes de la
gestion publique.
En particulier, cette commission d'enquête nous a permis de mieux
comprendre les nombreux rouages de l'administration du Ministère des
Finances, lors de nos visites sur place. Ce travail a ainsi
complété les investigations que nous menons traditionnellement
par ailleurs, en tant que rapporteurs spéciaux, sur les fascicules
budgétaires qui nous sont dévolus.
Malheureusement, nous constatons, au nom de nos groupes respectifs, que les
travaux diligentés par la commission des finances du Sénat n'ont
pas été menés, avec toute l'objectivité
nécessaire. La lecture du rapport indique qu'une orientation
polémique a même été choisie, puisque son contenu se
focalise essentiellement et sans raison, sur l'année 1999.
Un examen plus sérieux aurait permis de voir que depuis toujours,
devrait-on dire, en tout cas, depuis plus de dix ans d'après nos propres
recherches, des écarts substantiels s'opèrent entre les lois de
finances initiales et l'exécution des recettes fiscales nettes, sous les
gouvernement de droite comme sous les gouvernements de gauche.
Cette constatation est courante, comme le montrent les chiffres de 1987, 1988,
1989, sur des périodes également de forte croissance, où
l'on a enregistré des écarts impressionnants entre les recettes
prévisionnelles et les recettes exécutées : 32 MMF,
41 MMF, 25 MMF. Ces écarts jouent à la hausse en période
de croissance, mais aussi à la baisse en période de
récession, comme ce fut le cas en 1996 où un écart de - 41
MMF avait été enregistré.
Pourquoi parler de phénomène de " dissimulation
volontaire " pour un phénomène somme toute habituel et
dépendant de la conjoncture ?
Si l'on veut revenir à l'année 1999, rappelons-nous que celle-ci
a été une année particulière sur le plan
économique : les crises asiatique et russe ont créé,
au début de l'année, le fameux " trou d'air ", qui a
fait réviser à la baisse nos hypothèses de croissance. Il
a fallu un certain temps, ensuite, pour constater l'existence d'un
renouvellement de la croissance.
L'exercice consistant à calibrer au plus juste les prévisions de
recettes fiscales est ardu pour le ministre qui doit souvent, et cela a
été le cas en 1999, arbitrer entre des hypothèses
différentes de ses services selon un poids moyen.
Par ailleurs, en 1999, un certain nombre de réformes fiscales ont
renforcé les effets calendaires sur l'impôt sur les
sociétés, l'IRPP et la TVA, ce qui a renforcé les
écarts entre les prévisions et les exécutions de recettes.
Il ne sert à rien de chercher des arguments politiques là
où il n'y en a pas et où seuls des phénomènes
techniques expliquent les fluctuations constatées.
La plupart des pays voisins ont connu d'ailleurs une situation identique et ont
eux aussi enregistré d'importantes plus values fiscales (entre 1.5 et
4%), contre 2% pour notre pays, sans qu'il leur soit reproché de
quelconques dissimulations !
Ces écarts, qui existent depuis toujours, sont régularisés
en loi de règlement : il n'y a donc aucun dysfonctionnement en
matière budgétaire.
Il est regrettable qu'une telle orientation politicienne ait été
donnée à ce rapport, alors que quasiment dans le même
temps, une réforme de l'ordonnance organique de 1959 sur les lois de
finances va venir en discussion dans les jours qui viennent. Si l'on souhaite
rehausser le rôle du parlement vis à vis de l'exécutif,
c'est bien plutôt dans cette direction de réforme qu'il faut
s'orienter et non dans des démarches aussi suspicieuses qu'improductives.