Entretien avec M.
Rouhani,
Vice-président du Madjlis sortant11
(
*
)
- Sur le procès des 13 juifs de Chiraz
Il y a des centaines de procès en cours en Iran. Pourquoi tant de bruit sur cette affaire ? Avant d'être juifs, ils sont Iraniens. Il y a d'ailleurs avec eux des musulmans, jugés devant le même tribunal. Pourquoi le sort des seuls 13 juifs est-il important ? Cela montre à quel point les sionistes peuvent conduire l'opinion publique mondiale. Le peuple comprend mal qu'un autre pays s'occupe d'un procès qui se déroule dans le sien. On peut s'étonner que le monde ne se préoccupe pas d'autres procès qui se déroulent ailleurs. Il faut dire aux sionistes qu'il ne sont pas les premiers citoyens du monde mais les égaux des autres.
Certains ressortissants iraniens, dont 13 juifs, sont en effet accusés d'espionnage. D'après nos informations, ils auraient avoué. Je peux vous assurer que, devant les tribunaux, la question de la religion n'est pas posée ; ils sont égaux devant la justice. Je rappelle que, dans certains pays d'Europe, les musulmans ne sont pas représentés au Parlement. Ici, les juifs ont un représentant qui est l'égal des autres députés. Ils auront des avocats. Ce procès est comme les autres, ne sera pas différent des autres et il n'y aura pas de différence avec les musulmans.
Si les juifs ont été tyrannisés en Europe, ils jouissent en Iran de droits légitimes. Ils voient l'Iran comme leur sauveur. Mais pensons à la tragédie des Palestiniens depuis 50 ans. Plus que la convention de l'ONU de 1966 sur les droits civils et politiques, ce qui compte pour nous c'est la Constitution iranienne qui prescrit l'égalité de tous.
- Sur le processus de paix au Proche-Orient
L'important, c'est que le Liban soit libéré de l'occupation sioniste. S'agissant de la Syrie, sa présence au Liban est le résultat d'un accord entre les deux gouvernements.
- Sur les investissements étrangers et leur limitation par la constitution iranienne
Il faut remercier la France pour le travail de Total et ses investissements dans le pétrole et le gaz iraniens. C'est un signe de l'indépendance de la France à l'égard des Etats-Unis. Chaque fois qu'un investissement conjoint est décidé sur la base de 49 %/51 %, il n'y a aucun problème. Récemment, après l'intervention du Conseil de discernement, la possibilité d'ouvrir des banques étrangères a été reconnue, malgré son inconstitutionnalité initiale.
Entretien avec M.
Djamali,
Président du groupe d'Amitié IRAN-France
et M.
Hazrati,
Membre du groupe d'amitié Iran-France,
et
député réformateur
M. Djamali a abordé les points suivants sur la situation en Iran et son évolution.
La situation actuelle de l'Iran s'inscrit dans la continuité de la révolution. Sans le terrorisme et la guerre qui ont suivi la Révolution, les problèmes actuels de l'Iran auraient été résolus depuis longtemps mais on ne peut établir une démocratie en période de révolution et de guerre.
L'élection du Président Khatami démontre la liberté électorale. Le nouveau président a promis l'instauration d'une société civile basée sur la loi. Ses opposants sont minoritaires mais peuvent s'exprimer librement. Y a-t-il une inquiétude sur la situation ? Non, nous sommes dans la continuation du processus engagé par la Révolution. Avec la majorité absolue, les partisans du président pourront faire toutes les réformes.
M. Hazrati est ensuite intervenu sur la nouvelle configuration politique
Le nouveau Parlement a plusieurs aspects positifs : le Président Khatami y dispose de la majorité absolue ; les partis politiques, pour la première fois, ont joué un rôle important. Les différentes factions sont au travail. C'est une bonne opportunité pour un Parlement fort et puissant dont l'ordre du jour sera chargé.
Les priorités seront, dans le domaine de la politique extérieure, d'accroître la transparence ; il s'agira de sécuriser les actions dans le domaine économique et les préoccupations sociales et culturelles devront être traitées.
M. Djamali :
- sur le découplage entre pouvoir civil et religieux de l'éventuelle laïcisation du régime.
Il s'agit là d'un point fort de la culture iranienne. Lors d'un séjour en France, un journaliste m'a interrogé sur le port du Tchador. Je lui ai répondu que la question ne se poserait pas s'il connaissait la culture iranienne. Par exemple, si je disais à ma mère qu'il y a des nudistes sur les plages françaises, elle ne comprendrait pas car nous ne connaissons pas votre culture. C'est la même chose. Vous pourrez percevoir des aspects de cette culture en vous déplaçant en ville en ce moment : tout le monde prend part aux cérémonies chiites, c'est ça la culture 12 ( * ) . Compte tenu de cette culture, il est impensable de penser laïciser. Il y a débat cependant. Certains religieux estiment que les lois actuelles ne sont pas assez islamiques, d'autres considèrent qu'elles le sont trop. Tant que ce débat existe, si l'un des deux groupes s'estime satisfait, on peut espérer ; quand il n'y aura plus ce débat, il n'y aura plus aucun espoir.
- sur la place des femmes en politique et au sein du Parlement
La culture traditionnelle religieuse est respectée partout en Iran. Il y a de nombreuses différences entre les cultures iraniennes et arabes : dès avant la Révolution, mais surtout après, la participation des femmes s'est accrue. Avant la Révolution, certaines mères s'opposaient à ce que leurs filles aillent à l'école. Après la Révolution, cela devint un slogan, et on en voit aujourd'hui le résultat : au niveau du baccalauréat, garçons et filles sont également représentés. L'ancien parlement réunissait 14 femmes, après le 1 er tour des dernières élections, 5 ont déjà été élues.
- sur le port obligatoire du voile, notamment par les étrangères
Le port du voile résulte d'une loi islamique votée par le Parlement. Est-ce tellement difficile, pour une étrangère qui souhaite visiter l'Iran, de faire ce sacrifice par respect pour les croyances iraniennes ? La loi ne détermine ni la couleur ni le type de voile. Pour les étrangères, il y a débat et peut-être un jour le Parlement donnera-t-il une réponse à cette question : la loi ne concerne que les Iraniennes.
* 11 Appartenant au camp conservateur, battu au premier tour des élections législatives du 18 février 2000, membre de l'Assemblée des experts et secrétaire général du Conseil suprême de sécurité nationale.
* 12 La délégation a séjourné à Téhéran durant l'Achoura, fête religieuse qui est l'occasion de nombreux rassemblements et processions dans les quartiers.