IV. LES COLLECTIVITÉS LOCALES, VARIABLE D'AJUSTEMENT DU BUDGET DE L'ETAT
A. L'ÉVOLUTION DE LA STRUCTURE DES CONCOURS DE L'ÉTAT
1. Les concours de l'Etat : un ensemble hétérogène
Les
concours financiers de l'Etat aux collectivités locales regroupent les
dotations versées aux collectivités locales, les compensations
d'exonérations de fiscalité locale et la prise en charge par
l'Etat de dégrèvements d'impôts locaux.
La majorité de ces crédits n'est pas inscrite en dépense
du budget général mais prend la forme de
prélèvements sur les recettes de l'Etat
. Cette
particularité s'explique par le fait que les sommes concernées
servent à couvrir des charges qui incombent aux collectivités
locales et non à l'Etat. Lorsqu'ils figurent au budget
général, les concours de l'Etat aux collectivités locales
sont éparpillés entre différents fascicules
budgétaires, principalement les charges communes et l'intérieur,
mais aussi l'emploi et la solidarité et la culture.
a) Les dégrèvements
Les
dégrèvements d'impôts locaux pris en charge par l'Etat sont
retracés au chapitre 15-01 du budget des charges communes. Ils font
partie du produit fiscal perçu par les collectivités locales et,
à l'inverse des dotations, ne font pas l'objet d'une notification
spécifique aux collectivités locales.
Leur montant est individualisé dans les documents budgétaires
depuis 1988 seulement. Depuis 1995, le coût pour l'Etat de chacune des
quatre taxes directes locales est également identifié. Depuis la
loi de finances pour 1998, ces documents indiquent également le montant
des admissions en non valeur correspondant aux impôts directs locaux.
Leur coût est passé de 18,3 milliards de francs en 1988 à
63 milliards de francs en 2000, dont 45,8 milliards de francs pour la taxe
professionnelle, 12,3 milliards de francs pour la taxe d'habitation
234(
*
)
, 2,4 milliards de francs pour les
taxes foncières et 2,5 milliards de francs pour les admissions en non
valeur.
b) Les compensations
Les
compensations sont techniquement des dotations. Elles ne font pas partie du
produit fiscal des collectivités locales et leur sont notifiées
comme les autres dotations.
Leur montant a doublé depuis 1998, passant de 29,7 milliards de francs
à 60,6 milliards de francs.
Jusqu'en 1998, le principal poste de compensations était le
prélèvement sur les recettes de l'Etat au titre de la
compensation d'exonérations relatives à la fiscalité
locale, qui regroupe les exonérations de taxe d'habitation pour 7,5
milliards de francs en 2000, les exonérations de taxe sur le foncier
bâti pour 1,4 milliard de francs (dont celles prévues par le pacte
de relance pour la ville), les exonérations de taxe sur le foncier non
bâti pour 2,1 milliards de francs, les exonérations
accordées en Corse, les exonérations dans les zones de
revitalisation rurale pour 172 millions de francs et les exonérations de
droits de mutation de fonds de commerce pour 50 millions de francs.
Les crédits correspondants s'élevaient à
11,9 milliards de francs en 1998. Ils venaient s'ajouter à la
dotation de compensation de la taxe professionnelle (17,3 milliards de francs)
et à diverses compensations d'exonérations inscrites au budget du
ministère de l'intérieur, pour 495 millions de francs.
Un nouveau prélèvement sur les recettes de l'Etat a
été créé en 1999 pour financer la compensation de
la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, dont le montant
s'élève à 22,8 milliards de francs en 2000. Par ailleurs,
la suppression de la taxe régionale sur les mutations à titre
onéreux s'est traduite par l'inscription d'environ 5 milliards de francs
au budget du ministère de l'intérieur. La réforme des
droits de mutation perçus par les départements a pour sa part
abouti à majorer la dotation générale de
décentralisation (DGD) de 7,9 milliards de francs en 2000. Ces
crédits, bien qu'intégrés à une dotation de l'Etat,
peuvent néanmoins légitimement être
considérés comme des compensations.
Evolution du montant des compensations depuis 1992
(en millions de francs)
|
1992 |
1998 |
2000 |
Diverses compensations inscrites au budget du ministère de l'intérieur |
2.120 |
495 |
240 |
Compensations aux régions des pertes de recettes fiscales immobilières |
- |
- |
- |
DCTP |
22.138 |
17.343 |
11.899 |
Exonérations relatives à la fiscalité locale |
6.500 |
11.900 |
12.578 |
Suppression de la part " salaires " de la TP |
- |
- |
22.850 |
TOTAL |
24.405 |
29.738 |
52.701 |
TOTAL (y compris compensation aux départements de la réforme des droits de mutation) |
- |
- |
60.605 |
Données chiffrées : lois de finances.
c) Les dotations de l'Etat
Les
dotations de l'Etat aux collectivités locales relèvent de trois
catégories, les dotations de compensation des charges
transférées et les dotations au sens strict, qui sont
elles-mêmes partagées entre dotations de fonctionnement et
dotations d'équipement.
Le montant total des dotations s'élève à 176,6 milliards
de francs en 2000. Il a progressé de 40 % depuis 1990.
La part de chacune des trois catégories dans le total des dotations est
relativement stable depuis l'entrée en vigueur des transferts de
compétences prévus par les lois de décentralisation,
environ 15 % pour les dotations de compensation de compétences
transférées, 70 % pour les dotations de fonctionnement et
environ 15 % pour les dotations d'équipement.
Les dotations de compensation des charges transférées
Dans l'esprit des lois de décentralisation, les dotations de
compensation des charges transférées étaient
appelées à rester marginales. Le principe posé en 1982 et
repris à l'article L. 1614-4 du code général des
collectivités territoriales était celui du financement des
compétences transférées par des transferts d'impôt,
le solde étant compensé par la voie budgétaire.
Des impôts à fort rendement, notamment la vignette et les droits
de mutation, ont été transférés aux
départements et aux régions. Leur produit s'établit
à plus de 40 milliards de francs (47,1 milliards de francs en 1998, 41,7
milliards de francs prévus pour 2000), soit 1,5 fois plus que le montant
des dotations de compensation, qui s'élève en 2000 à 28,1
milliards de francs.
Toutefois, depuis les transferts initiaux, aucun impôt nouveau n'a
été transféré aux collectivités locales et
l'ensemble des ajustements ont été opérés par la
voie budgétaire, par l'intermédiaire de la dotation
générale de décentralisation. Récemment, la
réforme des droits de mutation perçus par les départements
réalisée par les lois de finances pour 1999 et 2000 s'est
traduite par une majoration du montant de la DGD (de 3,3 milliards de francs en
1999 et de 4,6 milliards de francs en 2000 ) tandis que la recentralisation de
la compétence d'aide médicale prévue par la loi du 28
juillet 1999 relative à la couverture maladie universelle a conduit
à réduire le montant de la DGD de 9,1 milliards de francs. Ces
mouvements internes à la DGD expliquent la diminution de
32 milliards de francs à 28,1 milliards de francs du montant
total des dotations de compensation entre 1999 et 2000.
Contrairement au principe posé par l'article L. 1614-4 du code
général des collectivités territoriales, l'ensemble des
compensations versées par l'Etat au titre des compétences
transférées ne sont pas regroupées dans la DGD,
gérée par le ministère de l'intérieur. Il subsiste
des crédits inscrits au budget du ministère de l'emploi (la
" DGD-formation professionnelle ") et de la solidarité et au
budget du ministère de la culture (les " crédits
Culture "). Par ailleurs, deux dotations d'équipement, la dotation
départementale d'équipement des collèges et la dotation
régionale d'équipement scolaire, sont inscrites au titre VI du
budget du ministère de l'intérieur.
Les dotations de compensation des charges transférées
( en millions de francs)
|
1985 |
1992 |
2000 |
DGD |
8.762 |
14.525 |
13.718 |
DGD Corse |
- |
- |
1.311 |
DGD-Formation professionnelle |
- |
2.990 |
7.964 |
DDEC |
- |
1.279 |
1.719 |
DRES |
- |
2.585 |
3.464 |
TOTAL* |
8.762 |
21.379 |
28.176 |
* Il
conviendrait d'ajouter à ce total les crédits
transféré en gestion du ministère de la culture vers la
DGD, dont le montant s'établit à 909 millions de francs dans la
loi de finances pour 2000.
Données chiffrées : lois de finances
La DGD
et ses satellites sont indexées sur le taux d'évolution de la
dotation globale de fonctionnement. Cependant, cette indexation ne permet pas
d'anticiper l'évolution de leur montant, qui dépend
également, et de plus en plus, de leur périmètre.
Les deux dotations d'équipement sont indexées sur le taux
d'évolution de la formation brute de capital fixe des administrations
publiques.
Les dotations de fonctionnement
Il existe six dotations de fonctionnement versées par l'Etat aux
collectivités locales, dont le montant varie du simple (108 millions de
francs pour le reversement à la Corse du produit de la taxe
intérieur sur les produits pétroliers) au centuple (112 milliards
de francs pour la dotation globale de fonctionnement). Le montant total des
dotations de fonctionnement versées en 2000 s'élève
à 119,1 milliards de francs, soit 38 % de plus qu'en 1990.
A elle seule, la dotation globale de fonctionnement (DGF), représente
94% de cette masse. Elle évolue en fonction de modalités
complexes, fixées aux
articles L. 1613-1
et
L. 1613-2
du code général des collectivités territoriales :
- l'indice de progression de la DGF est "
égal à la somme
du taux prévisionnel d'évolution de la moyenne annuelle du prix
à la consommation des ménages (hors tabac) de l'année de
versement et de la moitié du taux d'évolution du produit
intérieur brut de l'année en cours, sous réserve que
celui-ci soit positif
" ;
- toutefois, pour obtenir le montant de la DGF au titre d'une année, il
ne suffit pas d'appliquer cet indice au montant de la DGF de l'année
précédente. Il faut au préalable procéder au
" recalage " du montant de la DGF de l'année en cours,
c'est-à-dire recalculer son montant en fonction des derniers indices
économiques connus. C'est à ce nouveau montant qu'est
appliqué l'indice prévu à l'
article
L. 1613-1
;
- ensuite, s'il s'avère que, au titre d'un exercice, le montant
versé aux collectivités s'est révélé
supérieur à ce qu'il aurait dû être si l'indice avait
été calculé à partir des indicateurs de prix et de
PIB définitifs, il faut retrancher le trop perçu du montant de la
DGF. Cette opération s'appelle la " régularisation " du
montant de la DGF.
Les opérations de recalage et de régularisation ont souvent
joué dans un sens défavorable aux collectivités locales
depuis leur entrée en vigueur au milieu des années 90, le taux de
progression de la DGF se révélant inférieur à
l'indice défini par le code général des
collectivités territoriales. Toutefois, ces dispositifs peuvent jouer
dans les deux sens. En 2001 et 2002, le taux réel d'évolution de
la DGF sera vraisemblablement supérieur à l'indice de la DGF.
Les taux de progression de la DGF
(en %)
|
1996 |
1997 |
1998 |
1999 |
2000 |
2001* |
2002* |
Taux d'évolution de la DGF |
+ 1,68 |
+ 1,26 |
+ 1,38 |
+ 2,78 |
+ 0,82 |
+ 3,02 |
+ 3,22 |
Indice
de la DGF
|
+ 3,55 |
+ 1,95 |
+ 2,40 |
+ 2,75 |
+ 2,05 |
+ 2,70 |
+ 2,40 |
* estimations
Source : Direction générale des collectivités locales
Les
modalités d'indexation de la DGF jouent un rôle de plus en plus
important, car elles déterminent l'évolution d'un nombre de plus
en plus grand de concours de l'Etat aux collectivités locales :
- au sein des dotations de fonctionnement versées aux
collectivités locales, la dotation spéciale instituteurs (2,3
milliards de francs en 2000) et la dotation élu local (276 millions de
francs en 2000) sont indexées sur le taux d'évolution de la
DGF ;
- la DGD et ses " satellites " sont également indexées
sur la DGF ;
- de plus en plus, les compensations d'exonérations fiscales sont
indexées sur la DGF. Depuis 1999, cette indexation a été
retenue pour compenser la suppression de leurs droits de mutation des
régions, la suppression de la part " salaires " de la taxe
professionnelle et, à compter de 2001, la suppression de la part
régionale de la taxe d'habitation.
Par conséquent, lorsque la DGF progresse faiblement, un volume
désormais considérable de crédits en supporte les
conséquences. En 2000, sur 230 milliards de francs environ versés
par l'Etat aux collectivités locales au titre des dotations et des
compensations, 165 milliards de francs étaient indexés sur le
taux de progression de la DGF. Compte tenu du faible taux de progression de la
DGF en 2000 (0,8 %), la loi de finances pour 2000 a disposé que,
par dérogation, la compensation de la suppression de la part
" salaires " de la taxe professionnelle évoluerait en fonction
de l'indice prévu à l'
article L. 1613-1
(2,05 %)
et non en fonction du taux réel d'évolution de la DGF.
Les dotations de fonctionnement comprennent également les dotations de
l'Etat aux deux fonds nationaux de péréquation, le fonds national
de péréquation de la taxe professionnelle (FNPTP) et le fonds
national de péréquation (FNP).
L'Etat verse à chacun de ces fonds une dotation dont le montant
évolue en fonction du taux d'évolution des recettes fiscales de
l'Etat,
" net des remboursements et dégrèvements et des
prélèvements sur recettes, tel que cet indice résulte des
évaluations de la loi de finances initiale, et corrigé le cas
échéant de l'incidence d'éventuels transferts de recettes
liés à des transferts de compétence aux
collectivités territoriales, à d'autres personnes morales
publiques ainsi qu'aux communautés européennes "
. Une
correction de ce type est intervenue en 2000 pour tenir compte du transfert
à la sécurité sociale du produit d'une partie des droits
sur les tabacs, ce qui a abouti à un taux d'indexation de - 0,3 %
des dotations aux FNPTP et FNP, alors même que, à structure
constante, les recettes fiscales de l'Etat augmentaient fortement.
Par ailleurs, l'Etat reverse au FNPTP la fraction du produit de la taxe
professionnelle acquittée par la Poste et France Télécom
qui correspond à la différence entre le montant perçu au
titre d'une année et le montant de ce produit en 1994.
Les dotations de fonctionnement versées aux collectivités locales
( en millions de francs)
|
1985 |
1992 |
2000 |
DGF |
66.107 |
92.225 |
112.036 |
Dotation spéciale instituteurs |
- |
3.321 |
2.353 |
Dotation élu local |
- |
- |
276 |
TIPP Corse |
- |
- |
108 |
FNPTP |
4.203 |
807 |
3.575 |
FNP |
- |
- |
827 |
TOTAL |
70.310 |
96.353 |
119.175 |
Données chiffrées : lois de finances
Les
dotations d'équipement
Les dotations d'équipement, dont le montant s'élève en
2000 à 29,2 milliards de francs, représentent environ 20 %
des dotations de l'Etat hors compensation des charges transférées.
Chacune des trois dotations de l'Etat présente des
spécificités, qui les distinguent des dotations classiques que
sont les dotations de fonctionnement.
Deux d'entre elles, le fonds de compensation de la taxe sur la valeur
ajoutée (FCTVA) et le produit des amendes de police, n'évoluent
pas en fonction de taux d'indexation fixés par la loi. Ce sont des
dotations " à guichet ouvert ", dont le montant est
déterminé respectivement par l'évolution du montant des
investissements des collectivités locales et par le montant des amendes
de police dressées sur le territoire des communes
bénéficiaires.
La dotation globale d'équipement des communes et des départements
est indexée sur le taux d'évolution de la formation brute de
capital fixe des administrations publiques. Depuis la réforme de cette
dotation dans la loi de finances pour 1996
235(
*
)
, la DGE n'est plus vraiment une
dotation puisque ce sont les préfets qui décident de son
attribution.
Les dotations d'équipement versées aux collectivités locales
(en millions de francs)
|
1985 |
1992 |
2000 |
DGE |
3.570 |
5.433 |
5.415 |
FCTVA |
10.808 |
21.100 |
21.820 |
Amendes de police |
391 |
950 |
2.040 |
TOTAL |
14.769 |
27.483 |
29.275 |
Données chiffrées : lois de finances
Les
crédits des différents ministères et comptes
spéciaux du Trésor
La logique de la décentralisation aurait voulu que les concours de
l'Etat aux collectivités locales soient progressivement
globalisés au sein de dotations libre d'emploi pour les
collectivités locales.
Cette évolution n'a pas eu lieu et, plutôt qu'à une
globalisation, on a assisté depuis vingt ans à une augmentation
du nombre de dotations.
L'éclatement des concours financiers de
l'Etat entre différentes dotations, dont le taux de progression peut
être modifié en fonction de la conjoncture, permet d'éviter
une réflexion globale sur l'adéquation entre le montant des
dotations de l'Etat et l'évolution des charges des collectivités
locales
.
Malgré tout, les dotations représentent un progrès par
rapport aux subventions, dont le versement aux collectivités locales est
à la discrétion des administrations de l'Etat. Dans le
" jaune " budgétaire relatif à l'effort financier de
l'Etat en faveur des collectivités locales, les subventions sont
comprises dans le champ de l'effort financier de l'Etat.
En 2000, les subventions de fonctionnement s'élèveraient
5,4 milliards de francs et les subventions d'investissement à 7,1
milliards de francs. Ce montant n'est pas négligeable. Il est, par
exemple, supérieur à celui de la DGE.
Les concours financiers des collectivités locales à l'Etat
Les flux
financiers entre l'Etat et les collectivités locales ne sont pas
à sens unique.
Le rapport remis au premier ministre en 1994 par le groupe de travail sur les
relations financières entre l'Etat et les collectivités locales
présidé par M. François Delafosse, recense les flux
financiers des collectivités locales vers l'Etat, en insistant notamment
sur :
- les fonds de concours versés par les collectivités locales et
qui abondent le budget de l'Etat en cours d'exercice : leur montant
s'établissait à 7,3 milliards de francs en 1993. Il était
de 5,8 milliards de francs en 1999 ;
- le versement par la CNRACL de compensations et de surcompensations aux autres
régimes de retraite. En 1999, le coût de ces versements
s'élevait à 19,8 milliards de francs, dont 10,8 à la
charge des collectivités locales et 8,9 à la charge des
hôpitaux ;
- les participations au financement d'opérations de l'Etat qui ne
prenent pas la forme de fonds de concours et qui, de ce fait, peuvent
difficilement être évaluées en termes financiers
(financement de bibliothèques, laboratoires ou équipements
universitaires, infrastructures dont l'Etat est maître d'ouvrage).