2. Une affirmation progressive
a) Un réel mouvement de décentralisation
Pour
autant, à la veille des lois de décentralisation, une
série de dispositions adoptées depuis 1958 avaient donné
une
plus grande liberté
aux collectivités locales et
parallèlement accru la
déconcentration
de l'organisation
de l'Etat.
Le mouvement de décentralisation a d'abord concerné
l'allègement des tutelles.
La loi n° 70-1297 du 31 décembre 1970 a ainsi supprimé
l'approbation préalable du budget des communes et réduit de
manière très significative le nombre des
délibérations des conseils municipaux soumises à cette
approbation.
La loi du 5 juillet 1972 a par ailleurs créé la région
qu'elle a érigée en établissement public à vocation
spécialisée. La région fut la principale
bénéficiaire de
l'effort de déconcentration
engagée en particulier à compter de 1964, année de
publication du décret organisant la coordination des services de l'Etat
dans le département suivant des règles renforçant
l'autorité des préfets. La région a également
bénéficié de la déconcentration des crédits
d'investissement public décidée par le décret n°
70-1049 du 13 novembre 1970 qui classait ces investissements en quatre
catégories I, II, III et IV, les conseils régionaux pouvant
émettre un avis sur la répartition des crédits de la
catégorie II.
En 1975, une volonté de procéder à une
réforme
globale
s'est affirmée. Elle a été formalisée
dans un plan de développement des responsabilités des
collectivités locales, lequel s'est traduit par l'adoption de deux
textes législatifs importants : la loi du 3 janvier 1979 instituant
une dotation globale de fonctionnement et la loi du 10 janvier 1980
aménageant la fiscalité directe locale.
En matière
fiscale
et
financière
, la loi du 10
janvier 1980 a permis aux conseils municipaux et aux conseils
généraux de voter directement les taux alors que jusque là
ils ne pouvaient se prononcer que sur des produits. La loi du 3 janvier 1979 a
par ailleurs institué la
dotation globale de fonctionnement
qu'elle a indexée sur la taxe à la valeur ajoutée. Le
système de globalisation a été étendu aux dotations
d'investissement à travers le
fonds de compensation de la taxe
à la valeur ajoutée
destiné à compenser la taxe
à la valeur ajoutée payée par les collectivités
locales sur leurs investissements. La même globalisation a
été prévue en matière de prêt sous la forme
notamment d'un prêt d'équipement courant.
b) Une étape importante : le projet de loi relatif au développement des responsabilités locales
En
adoptant en première lecture, le 22 avril 1980, après quinze mois
de travaux, le projet de loi relatif au développement des
responsabilités locales, présenté au nom du Gouvernement
par notre collègue Christian Bonnet, alors ministre de
l'intérieur, le Sénat a assumé pleinement son rôle
constitutionnel de
représentant des collectivités
territoriales.
Ce projet de loi a marqué une étape importante dans le processus
de décentralisation. Texte complet, il a accru les libertés
locales, prévu de nouveaux moyens pour l'exercice de ces libertés
et déterminé un partage des compétences entre l'Etat, la
commune et le département.
Supprimant les principales entraves aux libertés locales, le projet de
loi reconnaissait une
liberté juridique
aux collectivités
locales en précisant que les décisions des autorités
locales prenaient un caractère exécutoire dès leur
affichage. Le dépôt à la préfecture ou à la
sous-préfecture était maintenu mais uniquement pour permettre au
préfet d'exercer son contrôle de légalité par la
voie du pouvoir d'annulation qui était préservé, à
l'exclusion de tout contrôle d'opportunité. Le nombre de cas
où l'approbation de l'autorité de tutelle était
exigée pour les délibérations des conseils municipaux
était réduit à trois : emprunts et garanties
d'emprunt au-delà de certains seuils d'endettement, traitement et
indemnités des personnels, interventions dans le domaine
économique et social.
Parallèlement le projet de loi
allégeait la tutelle
financière
et prévoyait la
fin de la tutelle
technique
, un processus d'allègement des normes devant être
engagé ainsi que leur codification dans un code des prescriptions
techniques soumis au Parlement et qui serait seul opposable aux
collectivités locales.
Afin de faciliter l'exercice de ces libertés nouvelles, le projet de loi
prévoyait des dispositions relatives aux
mandats locaux
qui
tendaient notamment à accorder un temps suffisant aux salariés du
secteur privé pour exercer leur mandat. Il cherchait également
à améliorer le
statut du personnel
communal, en
renforçant leur qualification, en rapprochant leur statut de celui des
fonctionnaires de l'Etat et en affirmant le rôle des élus
notamment en matière de nomination.
Le titre II du projet de loi comprenait un ensemble de dispositions relatives
à la
clarification des compétences.
Parmi les
compétences transférées à l'Etat figuraient la
justice et la police. Les compétences étaient partagées
selon le principe des blocs de compétences. Tel était en
particulier le cas pour l'action sociale et l'éducation. Ainsi, dans ce
dernier domaine, le département se voyait confier les transports
scolaires et les collèges. L'Etat ne conservait que les lycées et
les universités. Il prenait en charge l'indemnité de logement des
instituteurs. Des
compensations financières
aux transferts de
charges étaient prévues.
Malheureusement, cette importante réforme n'a pu aboutir avant les
échéances électorales de 1981.
Mais, au total, les lois de décentralisation de 1982-1983 sont venues
parachever un mouvement déjà
largement amorcé
au
cours des années précédentes, notamment grâce
à l'impulsion du Sénat.
Ce constat met en évidence qu'en dépit des nombreux obstacles qui
se sont dressés devant elle au cours de notre histoire institutionnelle,
la décentralisation s'est néanmoins imposée comme une
nécessité.
Permettant une distribution des pouvoirs
plus conforme aux exigences démocratiques
, elle constitue
également une forme de mise en oeuvre de l'action publique qui en assure
l'efficacité.
Cette double caractéristique
est au coeur
de la réforme opérée en 1982.