4. La " dévolution " au Royaume-Uni
Il n'est
pas dans la tradition britannique de cultiver l'uniformité. Le
Royaume-Uni, malgré son nom, n'a jamais considéré que
l'union et l'unité passaient par la standardisation des territoires, qui
d'ailleurs sont chacun héritier d'une longue histoire
particulière. Pourtant, ce pays s'est engagé dans une
extraordinaire
réforme décentralisatrice
depuis 1999,
réforme qui porte là-bas le nom de " devolution " et
qui
renforce l'échelon intermédiaire entre l'Etat et la
commune
. L'unité du pays repose sur la couronne et on juge que son
organisation administrative peut varier au gré des
nécessités historiques sans l'ébranler.
Au Royaume-Uni, le transfert de pouvoirs et de compétences
étatiques au profit de collectivités infra-nationales se fait par
la seule volonté du Parlement qui adapte ce transfert en fonction de
chaque territoire. Les exigences d'autonomie des Ecossais, des Gallois et des
Irlandais ont conduit à une régionalisation d'un genre
inclassable qui conduit le pays au bord du fédéralisme.
La Grande-Bretagne continue à se classer elle-même
parmi les
Etats unitaires
, mais le pays se dit " multinational " et
reconnaît l'existence de quatre " nations-régions " en
son sein : l'Angleterre, l'Ecosse, le Pays de Galles et l'Irlande du Nord.
(Mais ne faudrait-il pas ajouter les Iles anglo-normandes et l'Ile de Man qui
ont leur propre Parlement ?).
La " dévolution " britannique se traduit par un
transfert
du pouvoir de décision
en matière économique, sociale
et culturelle du Parlement vers une assemblée régionale
élue au suffrage universel qui est dotée, à cet effet, de
moyens politiques et administratifs importants.
L'Ecosse
, qui a conservé depuis 1706 son système
judiciaire et sa religion presbytérienne, est désormais
dotée d'institutions politiques qui lui sont propres :
- un exécutif dont le chef est nommé par la Reine sur proposition
du Président de l'Assemblée régionale
écossaise ;
- un Parlement composé de 129 députés élus pour 4
ans (et autorisés à cumuler leur mandat avec celui de
député aux Communes).
L'Ecosse jouit désormais d'un pouvoir législatif et d'une
compétence générale d'administration (santé,
enseignement primaire et secondaire, formation professionnelle, aide sociale et
logement, développement économique et transports, justice et
police, environnement, agriculture, pêche, forêt, sports, culture,
administration locale). Cela a pour conséquence que la
législation écossaise peut être amenée à
modifier des lois britanniques pour une application en Ecosse. Les dotations de
l'Etat nécessaires à l'accomplissement de ces tâches
nouvelles restent décidées à Westminster
(c'est-à-dire par l'Etat central).
Le
Pays de Galles
a obtenu, quant à lui, non pas le pouvoir
législatif mais le pouvoir réglementaire. La commission
exécutive du Parlement gallois s'apparente au bureau d'un conseil
général français. Les pouvoirs transférés au
Pays de Galles (peu nombreux à ce stade) feront l'objet d'une
dévolution progressive.
En mettant en place ce programme de " dévolution ", le
Royaume-Uni s'est engagé dans une logique de changement qui va dans le
sens de la régionalisation souhaitée par Bruxelles, mais elle le
fait en respectant l'héritage de l'Histoire en s'appuyant sur de
très anciennes divisions du territoire.