III. UNE NOUVELLE DONNE POUR LES CONCOURS DE L'ÉTAT
Si on
considère que des concours de l'Etat aux collectivités locales
adaptés devraient, d'une part, permettre aux collectivités
locales d'exercer leurs compétences dans de bonnes conditions et,
d'autre part, ne pas être de nature de remettre en cause
l'équilibre des finances publiques, force est de constater que la
configuration actuelle ne répond pas à ces deux exigences.
La politique de remplacement des impôts par des dotations
budgétaires entraîne une augmentation rapide des dépenses
structurelles incompressibles de l'Etat tandis que, au contraire, les dotations
de fonctionnement, d'équipement et de compensation des charges
transférées, augmentent moins vite que le coût des
dépenses obligatoires des collectivités locales.
A. FIXER DES RÈGLES DU JEU CLAIRES
1. Instaurer un véritable rendez-vous triennal
Les
finances locales sont un domaine dans lequel le "
pilotage à
vue
" est la règle. Certaines réformes très
importantes pour l'équilibre financier des collectivités locales
résultent de textes préparés dans l'urgence et sans
concertation, comme la suppression de la part salariale de la taxe
professionnelle ou la suppression de la part régionale de la taxe
d'habitation.
En matière de dotations, les taux d'indexation restrictifs prévus
par la loi sont régulièrement contournés à
l'occasion de l'examen des lois de finances au gré de la conjoncture
économique mais aussi du degré d'insatisfaction rencontré
parmi les élus de terrain de la majorité parlementaire. Les
effets d'annonces se multiplient, et se traduisent par la mise en place de
" tuyaux " entre les dispositifs, les mesures nouvelles
annoncées par un Gouvernement étant souvent financées en
prélevant les crédits d'autres enveloppes. La création de
l'enveloppe normée pluriannuelle des concours de l'Etat aux
collectivités locales n'a pas constitué un progrès
à cet égard.
En matière de dépenses, les charges nouvelles interviennent au
gré des évolutions législatives et réglementaires,
en dehors de toute cohérence
.
L'inscription des relations financières entre l'Etat et les
collectivités locales dans un cadre triennal aurait pu contribuer
à remédier à certains de ces travers si elle avait
su
dépasser la logique purement budgétaire
. Il convient
aujourd'hui de " densifier " le contenu des pactes ou des contrats
appelés à régir pendant trois ans les relations
financières entre l'Etat et les collectivités locales en
instaurant un véritable " rendez-vous triennal ", dont
l'ordre du jour comprendrait trois volets
:
- l'annonce par le Gouvernement de la norme de progression qu'il entend
appliquer à l'enveloppe normée des concours aux
collectivités locales ;
- une présentation détaillée des hypothèses
à partir desquelles cette norme a été établie.
Cette présentation comprendrait les prévisions d'évolution
des dépenses des collectivités locales pour la période
concernée ainsi que les prévisions d'évolution des autres
recettes des collectivités locales, fiscales notamment. Le Gouvernement
expliquerait également de quelle manière ses orientations en
matière de finances locales s'inscrivent dans le cadre
général de sa stratégie budgétaire ;
- l'annonce des réformes susceptibles d'intervenir en matière de
finances locales pendant la période concernée. Ces
réformes seraient prises en compte dans la détermination de la
norme d'évolution. Aucune autre réforme susceptible de remettre
en cause les prévisions de recettes et de dépenses retenues par
le Gouvernement pour établir la norme de progression de l'enveloppe
normée ne pourrait entrer en vigueur pendant la période de trois
ans
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*
)
.
Les conditions de détermination de l'évolution des concours de
l'Etat reflètent largement la nature de la relation entre l'Etat et les
collectivités locales.
En Grande-Bretagne, l'Etat fixe cette norme
d'évolution de manière unilatérale, en fonction de
l'appréciation qu'il porte sur l'évolution des besoins des
collectivités locales. En Allemagne, système
fédéral, c'est la Constitution qui organise le partage de la
richesse nationale entre le niveau central et les collectivités locales.
En France, la détermination du montant des enveloppes accordées
aux collectivités locales appartient essentiellement au pouvoir
exécutif en raison de la faible marge de manoeuvre du Parlement en
matière budgétaire. En l'état actuel de notre droit
constitutionnel, il ne peut pas en être autrement. Toutefois, les
collectivités locales peuvent légitimement attendre de l'Etat
qu'il justifie les options qu'il retient, et qu'il ne modifie pas les
règles du jeu en cours de route.
Le rendez-vous triennal présenterait l'avantage de remédier
à l'opacité actuelle des règles d'évolution des
concours de l'Etat aux collectivités locales, souvent ressenties comme
arbitraires par les élus locaux, en faisant apparaître clairement
les enjeux, les choix et les perspectives d'avenir.