B. UN ATOUT À PRÉSERVER
En
matière de financement local, la France est par de nombreux aspects en
avance sur ses voisins. Par exemple, lors de leur audition par la mission le 15
juin 1999, les représentants du cabinet Arthur Andersen ont
souligné que "
notre pays avait des atouts et des exemples
à proposer, car il avait notamment été un
précurseur en matière de concessions de service public alors que,
cent ans plus tard, la Grande Bretagne et les pays scandinaves s'interrogeaient
sur les meilleures méthodes pour établir un partenariat
public/privé
".
Il en va de même en matière de fiscalité directe locale.
Alors que la France supprime progressivement ses impôts locaux, ses
voisins les plus proches, l'Espagne et l'Italie, s'inspirent de son exemple et
accroissent la marge de manoeuvre fiscale de leurs collectivités
locales.
En Espagne, depuis 1997, les communautés autonomes ont la
possibilité de moduler le taux et le barème de la fraction de
l'impôt sur le revenu qui leur était antérieurement
reversée par l'Etat.
En Italie, une réforme de 1997 a créé à compter du
1
er
janvier 1998 un impôt régional sur les
activités productives assis sur la valeur ajoutée nette (hors
amortissements) produite par les entreprises et les collectivités
publiques au plan régional, ainsi qu'un impôt régional et
un impôt communal additionnels à l'impôt sur le revenu. La
création de ces impôts additionnels a été
décidée pour compenser la perte de recettes provenant pour les
communes de la suppression d'impôts anciens et archaïques.
Trois raisons principales plaident pour que la France ne renonce pas à
l'acquis de la fiscalité directe locale :
1. Un impératif démocratique
Au cours
de son audition par la mission le 8 mars 2000, le ministre de
l'économie, des finances et de l'industrie a rappelé que, selon
lui,
" la part communale de la taxe d'habitation constituait le coeur
de l'autonomie fiscale des collectivités locales
". En effet,
la taxe d'habitation est l'impôt qui unit les élus locaux à
leurs concitoyens, qui sont électeurs mais également
contribuables. Or, comme le relève notre collègue
député René Dosière dans son avis au nom de la
commission des lois sur les crédits des collectivités locales
dans le projet de loi de finances pour 2000, "
il est
particulièrement dangereux d'opérer une distinction entre le
contribuables et les électeurs
" car "
ne pas payer
l'impôt local constitue une forme d'exclusion civique. De ce point de
vue, la substitution du budget de l'Etat à la fiscalité locale,
dans les conditions où elle se pratique, conduit à augmenter
considérablement le nombre de foyers exonérés
(...).
Il s'agit d'une régression démocratique qui ne peut que
développer l'irresponsabilité, parmi les habitants, et parfois
aussi, parmi les élus
"
362(
*
)
.
Pour que les électeurs puissent véritablement juger de la
capacité des "
conseils élus
" à
administrer leur collectivité, il faut que ceux-ci soient en mesure
d'être jugés non pas sur la manière dont ils
répartissent des crédits qui leurs sont alloués, mais
sur l'ensemble de leurs orientations
, et notamment sur le
rapport
entre le niveau de la pression fiscale locale et la qualité des services
fournis aux citoyens
.
Du point de vue des collectivités locales, la disparition de la
fiscalité locale constituerait un
recul par rapport au principal
acquis de la décentralisation, la suppression des tutelles
administratives et financières
. En effet, en s'arrogeant la
maîtrise de l'évolution du montant des ressources locales, l'Etat
crée une nouvelle tutelle budgétaire et, de fait, reprend d'une
main ce qu'il a donné de l'autre moins de vingt ans auparavant.