B. RÉNOVER LA FONCTION DE CONTRÔLE
La
mission déplore la "
rupture de
légitimité
" entre les actes de l'État, qui
bénéficient d'une présomption d'efficacité et de
régularité, et ceux des collectivités locales, soumis
à un contrôle parfois tatillon. Or, l'ensemble des
collectivités territoriales fonctionnent, au moins autant que
l'État, au bénéfice de l'intérêt public.
Le principe de libre administration des collectivités territoriales
suppose que le juge accepte que les décideurs locaux aient
une marge
d'appréciation
pour tout ce qui n'est pas interdit par la loi, alors
que, trop souvent, celui-ci considère que tout ce qui n'est pas
autorisé par le législateur est en fait interdit aux élus
locaux.
1. L'État doit veiller à la qualité du contrôle de légalité
L'affaiblissement de la qualité du service rendu par l'État aux collectivités locales aboutit à une perte d'ingénierie au niveau local , renforçant encore l'emprise des administrations centrales. La mission souhaite une meilleure qualité du service rendu par l'État en matière de contrôle de légalité, notamment en direction des collectivités ayant des moyens juridiques limités.
a) Sanctionner les défaillances manifestes du contrôle de légalité
Le
sentiment d'insécurité juridique qui pénalise aujourd'hui
la vie publique locale, mis en évidence dans le rapport d'étape
de la mission d'information, est alimenté par le fait que le
contrôle de légalité ne vaut pas certification de
légalité.
Or, la cour administrative de Marseille
312(
*
)
ayant récemment introduit un
nouveau cas de
responsabilité de l'État dans l'exercice du
contrôle de légalité, sur le terrain de la
faute
simple
313(
*
)
, il est dans
l'intérêt de l'État d'améliorer la qualité de
ce contrôle.
Cette solution jurisprudentielle permettrait aux collectivités locales
d'engager la responsabilité de l'État dans tous les cas où
les défaillances de ce contrôle sont préjudiciables aux
décideurs locaux. Il n'est en effet
pas acceptable que les
élus soient inquiétés par le juge financier voire par le
juge pénal alors que le contrôle de légalité
intervenu en amont n'a donné lieu à aucune observation ni
à un déféré
.
Une telle solution a néanmoins donné lieu à certaines
objections.
M. Jean-Pierre Duport, président de l'Association du corps
préfectoral, a rappelé que le contrôle de
légalité n'était que la capacité de saisir le juge
en cas de doute. Il a estimé que la responsabilité de
l'État ne pouvait être mise en cause pour non-exercice du
contrôle de légalité.
L'engagement de la responsabilité de l'État au titre du
contrôle de légalité pourrait allonger le délai dans
lequel les actes des collectivités locales deviendraient
exécutoires, en raison de l'encombrement des juridictions
administratives. De plus, le risque existerait d'un développement de
contrôles pointilleux.
Tout en ne sous-estimant pas la valeur de ces objections et en relevant qu'un
renforcement mal maîtrisé du contrôle de
légalité pourrait conduire à une paralysie administrative
la mission souligne néanmoins l'intérêt de la jurisprudence
admettant la responsabilité financière de l'État pour
réparer le préjudice causé à une
collectivité locale.
b) Renforcer la qualité juridique du contrôle
Dans son
rapport d'étape, la mission d'information a souhaité que le
contrôle de légalité participe davantage à la
sécurisation juridique. A cette fin, elle a préconisé
qu'il continue à s'exercer dans les préfectures mais dans un
cadre rénové
, notamment grâce à une meilleure
formation des agents qui en ont la charge, par l'adaptation des outils
d'analyse et par l'apport de compétences extérieures.
Reçu par la mission, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de
l'Intérieur, a envisagé un
renforcement de
l'interministérialité pour l'élaboration des instructions
aux préfets en matière de contrôle de
légalité
. Il a souhaité de la diffusion plus rapide de
l'information juridique vers les préfectures grâce à la
constitution d'une banque de données juridiques et aux
possibilités du réseau " intranet " ainsi que
l'amélioration de l'évaluation grâce à des outils
statistiques plus élaborés et plus fiables.
Afin de
renforcer l'articulation entre contrôle de
légalité et contrôle de gestion
,
M. Hubert Blanc, conseiller d'État, reçu en audition
par la mission, a regretté que les services préfectoraux
utilisent peu la procédure prévue aux
articles L. 234-1
et
L. 234-2
du code des
juridictions financières prévoyant que le préfet peut
transmettre à la chambre régionale des comptes, à titre
préventif, les conventions relatives à des
délégations de service public ou aux marchés publics afin
que celle-ci formule des observations dans le délai d'un mois.
Lors de son audition par la mission, M. François Tutiau,
président de l'association des juristes territoriaux, s'est
demandé s'il fallait maintenir le caractère rétroactif des
annulations contentieuses, compte tenu des délais très tardifs
dans lesquels les jugements intervenaient. Il a proposé une annulation,
valable uniquement pour l'avenir, à compter de la date du jugement, afin
d'éviter les problèmes juridiques liés à
l'exécution des jugements, éventuellement sous astreinte.
La mission prend acte de cette dernière proposition. Considérant
qu'elle remet en cause un des fondements du droit administratif
français, elle ne peut la retenir, mais souhaite attirer ainsi
l'attention sur les conséquences de la lenteur de la justice
administrative sur l'action publique locale.