II. UN PROGRAMME PLURIANNUEL DE FINANCES PUBLIQUES 2001-2003 PEU CRÉDIBLE
A. UN PROGRAMME AMBITIEUX
Alors
que le gouvernement n'a pu tenir ses engagements passés en
matière de progression des dépenses de l'Etat, tout en niant
cependant cet état de fait, il continue d'afficher une norme de
progression identique à celle retenue par le passé.
Par ailleurs, le rapport qu'il a déposé en vue du débat
d'orientation budgétaire insiste sur les améliorations à
apporter de façon à faire de la loi de finances un document plus
sincère et plus transparent.
1. Poursuivre la " maîtrise " des dépenses
Dans son
rapport précité, le gouvernement rappelle que
" la part
des dépenses publiques dans la richesse nationale est traditionnellement
élevée en France "
. C'est pourquoi il souhaite
" diminuer la part de la dépense publique dans la richesse
nationale "
, la bonne conjoncture économique permettant
d'envisager
" une baisse de plus de deux points de ce ratio sur les
années 2000 et 2001 ".
Du reste, lors de la présentation de son programme pluriannuel de
finances publiques pour la période 2001-2003, qui est notifié
à la Commission européenne conformément aux dispositions
du Pacte de stabilité et de croissance, le gouvernement a estimé
que,
" dans la continuité du précédent programme,
la base du triangle de la politique des finances publiques est la
définition d'un objectif souhaitable d'évolution de la
dépense publique "
. S'agissant des dépenses de l'Etat,
il poursuivait :
" la norme retenue est une progression de 1 % en
volume, au total, sur les trois années 2001-2003 "
. Les
dépenses de l'Etat devraient ainsi croître en volume de 0,33 % en
2001, soit une progression nominale de 1,2 % compte tenu d'une évolution
des prix de 0,9 %.
Le gouvernement inscrit donc l'évolution pluriannuelle des
dépenses publiques dans une continuité qu'il présente
comme vertueuse.
Mais l'affichage d'une telle continuité ne peut que susciter le
scepticisme puisqu'elle repose sur des prévisions démenties par
l'exécution des années antérieures.
2. Accroître la sincérité du budget
Par
ailleurs, le gouvernement insiste avec force sur son souci
d'
" améliorer la lisibilité des finances
publiques "
. Il y consacre de longs développements dans le
corps de son rapport, tandis que l'annexe VII, intitulée
" la transparence des finances publiques "
lui est
spécifiquement destinée. Une telle insistance ne peut être
que louée, même si on peut s'étonner d'un tel souci de
" bien faire " qui ne l'engage que pour l'avenir.
Ces objectifs ont été affirmés par une circulaire du
Premier ministre du 21 février 2000 relative à
l'établissement de rapports d'activité et de comptes-rendus de
gestion budgétaire ministériels. Ces derniers seront
annexés au projet de loi de règlement, à partir de celui
portant sur le budget 1999. Il s'agit notamment de mettre l'accent sur
" l'efficacité des politiques conduites et sur les efforts faits
par les administrations pour améliorer la qualité du service
rendu à l'usager "
.
Ce même projet de loi de règlement devrait également
comporter, en annexe, le compte général de l'administration des
finances qui devrait apporter plusieurs innovations, parmi lesquelles la prise
en compte de la charge de la dette en droits constatés, l'enregistrement
des recettes fiscales en droits constatés, le changement de
méthode d'évaluation des dotations et participations de l'Etat,
ou encore la présentation d'une annexe au bilan, retraçant des
engagements de Etat.
3. De bonnes intentions sans contenu concret ?
Votre
commission prend acte de ces bonnes intentions, qu'elle approuve
évidemment sur le plan des principes, mais ne peut toutefois manquer de
s'interroger. Quelle sera leur portée concrète ? Quelle
sera, surtout, leur utilité ? Quelles conséquences le
gouvernement en tirera-t-il pour déterminer sa politique
budgétaire ?
En effet, la prise d'engagements en matière de sincérité
et de lisibilité du budget se trouve nettement amoindrie lorsqu'un
gouvernement recourt, selon les termes précités de la Cour des
comptes,
" à des méthodes qui varient chaque
année, selon les besoins de la démonstration "
. C'est
pourquoi elle estime que
" ceci confirme la nécessité de
recourir à des présentations stables et significatives du point
de vue du résultat obtenu "
.
En outre, l'ambition du gouvernement de procéder à d'importantes
rebudgétisations doit être appréciée à l'aune
de la débudgétisation opérée dans la loi de
finances pour 2000 et consistant à sortir du budget de l'Etat le montant
de la " ristourne dégressive ", soit 39,5 milliards de
francs, afin de le transférer vers un fonds spécialement
conçu pour financer les 35 heures. Dès lors, quel jugement
objectif peut-on porter sur l'efficience de la dépense de l'emploi en
France, alors que le financement de l'un de ses principaux axes, la
réduction du temps de travail, ne figure pas au budget de l'emploi,
quoique devant représenter, à terme, 110 milliards de
francs ? Au-delà des méthodes comptables retenues, c'est sur
la cohérence d'ensemble d'une telle politique qu'il convient dès
lors de s'interroger.
4. Un jugement nuancé émanant du FMI et de l'OCDE
Le
rapport précité du gouvernement cite une très instructive
étude du Fonds monétaire international (FMI), dans laquelle cette
institution financière a établi des éléments de
définition de la transparence en matière de finances publiques.
Le FMI a ainsi déterminé plusieurs critères, dont
l'accès du public à une information exhaustive et sincère,
publiée à des intervalles réguliers, ou encore un examen
contradictoire et indépendant de l'information
budgétaire
17(
*
)
.
Or, rien de tout cela n'existe vraiment en France. Le budget est un document
souvent peu lisible, sujet à de nombreuses modifications de
présentation. Par ailleurs, le gouvernement n'accorde souvent que peu de
cas à l'analyse qui peut en être faite par le Parlement, y compris
par la majorité qui le soutient, comme l'ont prouvé les
orientations prises en matière de politique autoroutière, qui
sont exactement contraires aux préconisations de la mission
d'évaluation et de contrôle de la commission des finances de
l'Assemblée nationale.
La même annexe cite également les résultats d'une
étude conduite par l'OCDE, relative aux principales exigences en
matière de transparence. Il apparaît que la France occupe une
position médiane au sein de l'OCDE. Toutefois, les questions portant sur
les éléments les plus importants reçoivent toutes une
réponse négative, et notamment
" les données sur
les performances font-elles l'objet d'un contrôle
externe ? "
, ou encore
" Existe-t-il des preuves que les
données sur les performances sont régulièrement
utilisées pour calculer les affectations
budgétaires ? "
.
La véritable maîtrise des dépenses de l'Etat ne peut
donc s'exonérer d'une réflexion approfondie sur l'efficience de
la dépense publique.
Dans ce contexte, quelle valeur peuvent revêtir ces déclarations,
lorsque le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie
lui-même explique en substance que le solde budgétaire du projet
de loi de finances rectificative pour 2000, soit un déficit de 215
milliards de francs, sur lequel est amené à se prononcer le
Parlement, est obsolète avant même le vote de la loi, et que, en
réalité, ledit déficit devrait s'établir, à
la fin de l'année, aux alentours de 200 milliards de
francs ?