CONCLUSION
La crise
asiatique et sa diffusion vers l'ensemble des pays émergents ont
constitué un coup de semonce qui a ébranlé, par sa vigueur
et sa soudaineté, le système monétaire et financier
international. L'économiste Paul Krugman soulignait que la sortie de la
crise est arrivée trop tôt pour espérer la voir provoquer
une véritable volonté de réforme à l'échelle
mondiale. Cependant, le " lâche soulagement " des pays et des
institutions financières ne fait pas disparaître les risques
inhérents à l'instabilité des marchés de capitaux.
L'épée de Damoclès, dont la chaîne s'est
soudainement déliée, incite l'ensemble des gouvernements à
la vertu dans la conduite des politiques économiques et
monétaires, et à une prudence accrue dans le financement de leurs
économies. Cependant, votre groupe de travail considère qu'il est
urgent de formuler des modes de régulation souples, mais clairs et
communs à l'ensemble des pays. La mondialisation n'exclut aucunement le
contrôle des autorités publiques mais contraint celles-ci à
se moderniser constamment pour s'adapter à l'évolution des
techniques, et à développer la coopération internationale.
Le groupe de travail a retenu cinq grands axes de réformes du
système financier et monétaire international, qui
répondent à des objectifs d'efficacité et de transparence,
mais également de justice et de solidarité. En effet,
l'instabilité du système international fragilise les pays et les
populations les plus démunis et conduit les acteurs mondiaux à
considérer avec un regard nouveau la question du développement.
Les organisations internationales doivent mener une action plus efficace et
coordonnée, mais également davantage en prise avec les
réalités régionales et nationales. La question de
l'annulation de la dette doit être traitée dans cet esprit.
L'aléa de moralité qui caractérise les crises
financières doit être pris en compte et l'instauration d'un
prêteur en dernier ressort doit permettre d'établir un partage du
coût équitable entre les acteurs. La question du contrôle
est essentielle afin d'encadrer de manière efficace les acteurs des
marchés financiers. Le développement d'une transparence
organisée doit, en limitant la dissimulation à laquelle chaque
acteur peut trouver un intérêt, et en améliorant
l'information à la disposition de l'ensemble des acteurs,
accroître la rationalité des marchés en réduisant le
champ des fantasmes amplifiés par les " esprits animaux " des
acteurs financiers. Le contrôle prudentiel interne doit être
modernisé, et le contrôle externe nécessite une
coordination accrue entre les organes nationaux et la mise en place d'un
arbitre international. Enfin, la surveillance et l'exercice d'une contrainte
envers les circuits financiers parallèles doit être au centre de
toute réforme du système financier et monétaire
international, afin que le coût de la régulation ne favorise pas
le développement d'une sphère financière parallèle
qui constitue d'ores et déjà une atteinte considérable au
pouvoir des Etats.
Ces propositions ne prétendent pas offrir des solutions miracles, mais
souhaitent simplement nourrir un débat déjà largement
engagé. Il s'agit désormais d'amorcer des réformes qui, si
elles ne refont pas le monde en quelques mois, empêcheront qu'il ne se
défasse en quelques jours, et ouvriront la voie à une nouvelle
conception des relations financières et monétaires
internationales.