CONCLUSION
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Première observation
:
la volonté de tourner la
page de cinquante années de soviétisation forcée
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L'ancien Premier ministre de Moldavie, M. Sturza, avait défini devant
votre délégation les trois priorités de son
gouvernement : la construction d'une société
démocratique, le renforcement des droits de l'homme -en particulier dans
les domaines économiques et sociaux-, la mise en place d'une
véritable économie de marché. Les différents
responsables politiques rencontrés, qu'ils appartiennent au gouvernement
ou à la majorité parlementaire d'alors, se sont tous faits les
échos de cette volonté de réforme.
Du reste, le Parlement a accompli un travail législatif
considérable : une centaine de lois sont adoptées chaque
année. La fondation d'un socle juridique entièrement
renouvelé -notamment en matière de droit de la
propriété- représente, il est vrai, une tâche
considérable.
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Deuxième observation
:
le poids des
contraintes
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Cette volonté de réforme indéniable rencontre cependant de
nombreuses résistances. Le Président de la République,
lors de l'audience accordée à votre délégation, n'a
pas dissimulé les difficultés. Il a évoqué la
gravité de la situation économique, mais aussi
l'instabilité de la vie politique. M. Lucinschi a plaidé devant
votre délégation pour un
plus grand équilibre des
pouvoirs
au sein du système institutionnel moldave.
Le relèvement du pays se heurte à trois sortes de
contraintes :
- d'une part, un
environnement régional
marqué par une
conjoncture économique très déprimée : ni la
Roumanie, d'un côté, ni la Russie et les pays de la CEI, de
l'autre, ne peuvent aujourd'hui susciter l'élan indispensable au
décollage d'une économie aussi dépendante que celle de la
Moldavie ;
- d'autre part, le
poids des mentalités
et des habitudes
héritées de l'ère soviétique :
incontestablement, la politique de réforme ne trouve pas encore de vrais
relais au sein de l'administration ;
-
l'instabilité du climat politique
: la démission du
gouvernement au début de cette année avait retardé de
plusieurs mois les mesures nécessaires au redressement économique
du pays. La nouvelle crise politique ouverte par le départ de M. Sturza
risque d'entraver la processus de réforme. Existe-t-il une
majorité de rechange à l'ancienne coalition réformatrice
au pouvoir ? Une alliance des communistes, des membres du Front populaire
et de la poignée de députés dissidents de l'ancienne
coalition au pouvoir se trouvera sans doute, de manière
inéluctable, minée par ses contradictions internes. Le nouvelle
crise ouvrira-t-elle un changement profond d'orientations ? Votre
délégation ne le croit pas. Quelles que soient les vicissitudes
de la vie politique, la marge de manoeuvre dont disposent les autorités
moldaves apparaît de toute manière limitée. D'une part, un
assez large consensus réunit les forces politiques sur la
nécessité de se tenir à distance égale de la Russie
et de la Roumanie pour préserver les équilibres intérieurs
de la Moldavie entre roumanophones et russophones. Du reste les communistes
(plutôt favorables à la Russie) et les membres du Front populaire
(partisans d'un rapprochement avec la Roumanie) se neutraliseront sur ce
chapitre. D'autre part, la faiblesse de son économie place la Moldavie
sous une étroite dépendance des financements extérieurs et
partant, des directives des organisations financières internationales.
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Troisième observation :
la volonté
d'ouverture sur l'Europe
La volonté d'ouverture sur l'Europe est revenue constamment dans les
entretiens de votre délégation avec les autorités
moldaves. Elle ne paraît pas devoir être remise en cause par la
récente crise politique. En effet, cette aspiration se fonde sur les
avantages économiques, mais aussi politiques, attendus d'une
participation au processus d'intégration européen. Pour beaucoup
de Moldaves, une telle perspective permettrait de régler le
problème de la Transnistrie dans la mesure où les
sécessionnistes ne pourraient pas résister à l'attraction
exercée par l'Union européenne.
Sans doute, plusieurs conditions doivent être levées avant que la
candidature de la Moldavie à l'Union puisse bénéficier
d'un certain crédit : la poursuite des réformes, la
stabilisation politique... et sans doute la résolution de la
sécession transnistrienne.
Toutefois, la volonté manifestée par les Moldaves de retrouver
une communauté de destin
avec une Europe où elle plonge
ses racines
apparaît légitime.
C'est pourquoi il convient de ne pas laisser sans écho les aspirations
européennes de ce pays, même si une démarche
d'intégration prendra nécessairement du temps. La Moldavie compte
beaucoup sur la France pour l'appuyer dans les enceintes européennes.
Quelles initiatives peut dès lors prendre notre pays ?
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Quatrième observation :
renforcer notre
coopération
La France pourrait d'abord soutenir le principe d'une participation de la
Moldavie (avec un statut d'observateur) au pacte de stabilité pour
l'Europe du sud-est. Surtout, notre pays devrait contribuer à donner les
moyens à la Moldavie de trouver les voies d'un équilibre
politique et économique qui représente sans doute le meilleur
gage, à terme, d'un rapprochement avec l'Union européenne.
Sans doute, convient-il d'aider ce pays à effacer les stigmates du
conflit transnistrien : la proposition d'aide au déminage de la
rive gauche du Dniestr peut s'inscrire dans ce cadre. Sans doute serait-il
également opportun de développer une
coopération
institutionnelle
qui permette de renforcer l'Etat de droit et d'inscrire
l'influence française dans la durée. Le développement des
bourses doit constituer un autre volet essentiel d'une coopération
tournée vers la
formation.
Telles sont les pistes possibles d'une coopération destinée
à garder vivante la tradition francophone et francophile de la Moldavie
tout en contribuant à arrimer ce pays à l'Europe.