ANNEXE 2
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LES TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITIONS DU 30 MARS 1999

Réunie le mardi 30 mars 1999 sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a tout d'abord entendu M. Georges Repeczky, vice-président du Conseil supérieur de la participation , accompagné de MM. Paul Maillard, Maurice Aumage et Claude Cambus, membres de ce conseil au titre des personnalités qualifiées et, respectivement rapporteurs des groupes de travail " épargne salariale et épargne retraite ", " participation " et " intéressement " du Conseil supérieur de la participation.

M. Jean Delaneau, président
, a rappelé qu'à l'initiative de M. Jean Chérioux, représentant du Sénat au Conseil supérieur de la participation, la commission avait souhaité faire le point sur le développement de l'actionnariat salarié.

M. Jean Chérioux, constatant que l'actionnariat salarié connaissait un nouvel élan depuis les privatisations, a souligné que celui-ci constituait l'une des formes de la participation des salariés dans l'entreprise. Il a remercié le président Jean Delaneau d'avoir bien voulu organiser ces auditions, qui s'insèrent dans une démarche de suivi de l'application de la loi du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise. Il a souligné, par ailleurs, l'insuffisance des données statistiques disponibles dans ce domaine.

M. Georges Repeczky a d'abord rappelé que le Conseil supérieur de la participation avait été institué par la loi du 25 juillet 1994. Il a indiqué que le Conseil avait mis en place, dès son installation, trois groupes de travail, le premier sur la participation au sens large, le deuxième sur l'intéressement et le dernier sur le rôle que pourrait jouer l'épargne salariale en matière d'épargne retraite.

M. Claude Cambus a précisé que le groupe de travail " intéressement " avait procédé à une série d'auditions de dirigeants d'entreprises et de partenaires sociaux, afin d'évaluer la portée des accords d'intéressement. Il a indiqué que, dans les grandes entreprises, l'intéressement apparaissait avant tout comme un outil de la politique salariale parmi d'autres, alors que, dans les petites entreprises, l'intéressement répondait plus à l'esprit initial de la législation sur la participation, étant un véritable moyen de partage des bénéfices. Il a également rappelé que le groupe de travail " intéressement " avait été saisi d'une demande d'étude afin d'examiner en quoi l'intéressement pouvait faciliter la négociation sur la réduction du temps de travail, mais que le groupe avait exprimé un avis très réservé.

M. Maurice Aumage a insisté sur l'importance croissante de l'actionnariat salarié et sur la meilleure représentation des actionnaires salariés dans les organes délibérants des entreprises. Observant que les privatisations de 1987 n'avaient pas permis aux actionnaires salariés de siéger dans le conseil d'administration, il a constaté que ceux-ci étaient l'objet d'une plus grande considération depuis 1993, cette tendance s'étant accentuée depuis quelques mois. Il a jugé que ce mouvement s'expliquait par le souci des entreprises de se constituer un actionnariat stable, face à celui constitué par les fonds de pension étrangers que les entreprises jugeaient très volatile.

Il a cependant observé que certains obstacles subsistaient, freinant un développement plus rapide de l'actionnariat salarié. Il a d'abord insisté sur le manque de transparence des informations existantes sur l'actionnariat salarié en précisant qu'aucun organisme ne centralisait les données relatives à la part du capital social des sociétés françaises détenues par leurs salariés. Il a également remarqué que la représentation des actionnaires salariés dans les organes délibérants restait encore limitée, les administrateurs salariés étant bien plus des représentants syndicaux que des représentants des actionnaires.

M. Paul Maillard a ensuite présenté les conclusions des travaux du groupe " épargne salariale et épargne retraite ". Il a estimé que l'épargne salariale pouvait constituer un moyen efficace de financement d'une retraite surcomplémentaire. A cet égard, il a précisé que le groupe de travail s'était montré favorable à la constitution d'un plan d'épargne salariale à long terme qui reprendrait les caractéristiques des dispositifs actuels d'épargne salariale, la différence principale étant que la durée minimale d'immobilisation des sommes versées pourrait être portée à dix ans au lieu de cinq. Il a rappelé que le groupe de travail considérait que ce plan d'épargne salariale à long terme ne devrait pas se substituer au plan d'épargne entreprise, dans la mesure où les règles de gestion des fonds étaient largement fonction de leur durée d'immobilisation et de leur destination. Il a ainsi indiqué que le principe de prudence ne permettait pas qu'une épargne constituée dans le but de la retraite soit investie totalement en actions.

M. Claude Cambus a ensuite présenté les conclusions d'une étude sur les effets de l'actionnariat salarié dans l'entreprise. Il a indiqué que l'actionnariat salarié issu d'une épargne volontaire était plus stable et plus durable que l'actionnariat salarié réalisé dans le cadre des mécanismes de participation.

M. Georges Repeczky a enfin dressé un bilan quantitatif des différents mécanismes de participation. Il a ainsi indiqué qu'en 1997, près de 5 millions de salariés s'étaient vu attribuer près de 30 milliards de francs au titre de la participation ou de l'intéressement. Il a observé que l'intéressement progressait sensiblement plus vite que la participation, celle-ci semblant être arrivée à maturité. Il a constaté que les plans d'épargne d'entreprise (PEE) avaient reçu, en 1996, 10,5 milliards de francs, soit un montant moyen de l'ordre de 9.500 francs par salarié ou l'équivalent de 2,8 % de la masse salariale des entreprises concernées. Il a également insisté sur la rapide progression de l'encours des fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), celui-ci étant passé de 117 milliards de francs en 1993 à 185 milliards de francs en 1997.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur les moyens d'évaluer la part de l'actionnariat salarié, qu'il soit direct ou indirect, observant que la loi du 25 juillet 1994 faisait obligation aux sociétés de publier dans leurs rapports annuels l'état de la participation des salariés au capital social.

En réponse, M. Paul Maillard a précisé que les flux étaient difficilement quantifiables. Il a ainsi indiqué qu'entre 1 % et 1,5 % de la réserve spéciale de participation était directement investi en actions de l'entreprise. Il a également affirmé que 55 % de cette réserve étaient placés dans les FCPE, cette proportion s'accroissant régulièrement, mais qu'il était impossible de savoir comment les FCPE investissaient ces sommes. Il a souligné toutefois que la commission des opérations de bourse (COB) estimait qu'au 31 décembre 1997, 40 % des 185 milliards de francs d'encours gérés par les FCPE étaient investis dans les titres de l'entreprise.

Il a également confirmé qu'il n'existait pas de statistiques mesurant la part de l'actionnariat salarié dans le capital social des entreprises, la COB n'étant compétente qu'en cas d'appel public à l'épargne. Il a estimé que ces difficultés statistiques étaient particulièrement avérées pour les sociétés non cotées.

M. Georges Repeczky a souhaité que le Conseil supérieur de la participation puisse mieux apprécier le poids de l'actionnariat salarié.

M. Claude Cambus a donné quelques exemples de la part du capital social détenue par les salariés dans quelques sociétés, indiquant que celle-ci atteignait 9 % à la Société générale, 6,3 % chez Bouygues et 5 % chez Elf.

M. Maurice Aumage est ensuite revenu sur les difficultés de représentation et d'expression des actionnaires salariés. Il a souligné que les associations d'actionnaires salariés qui s'étaient créées dans les entreprises connaissaient des difficultés de positionnement, tant vis-à-vis des chefs d'entreprise que des organisations syndicales de salariés. Il a cependant observé que ces difficultés étaient très variables selon les entreprises.

M. Guy Fischer s'est interrogé sur le profil du salarié actionnaire et sur la fonction de représentation exercée par les associations d'actionnaires salariés.

M. Georges Repeczky a souligné que la plupart des salariés, quels que soient leur statut ou leur rémunération, avaient acquis des actions de leurs entreprises lors des récentes opérations d'ouverture de capital. Il a ainsi indiqué que plus de 70 % des salariés de France Télécom étaient devenus actionnaires de leur entreprise lors de l'ouverture du capital. Il a toutefois observé que les cadres étaient surreprésentés parmi les actionnaires salariés, car ils avaient une capacité d'épargne supérieure.

M. Maurice Aumage a constaté que les retraités étaient fréquemment sollicités lors de telles opérations. S'agissant des associations d'actionnaires salariés, il a déclaré qu'elles n'étaient pas en compétition avec les organisations syndicales, mais que leurs fonctions étaient complémentaires.

M. Paul Maillard a observé que le développement de l'actionnariat salarié n'était pas, à la différence des stocks options, un phénomène élitiste. Il a souligné que l'abondement de l'entreprise favorisait au contraire les salariés aux revenus les plus faibles.

Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur les conséquences d'une faillite de l'entreprise pour l'actionnaire salarié.

En réponse, M. Maurice Aumage a indiqué que le risque pesant sur le salarié renforçait la nécessité d'une meilleure information des actionnaires salariés et de leur participation accrue aux processus de décision dans l'ensemble.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur l'information et les conditions de participation des actionnaires salariés.

En réponse, M. Paul Maillard a indiqué que les FPCE exerçaient les droits de vote, la nature du vote étant fixée par le conseil de surveillance des FCPE.

M. Maurice Aumage a estimé qu'il était nécessaire de légiférer pour assurer une réelle indépendance des représentants des salariés actionnaires.

M. Georges Repeczky a regretté que la participation des représentants salariés à la gestion de l'entreprise restât limitée. S'appuyant sur l'exemple de Thomson-CSF, il a jugé que la présence d'un tel représentant au sein des organes délibérants devrait s'accompagner d'une présence au sein des organes exécutifs.

La commission a ensuite entendu M. Serge Cimmati, président de la Fédération française des associations d'actionnaires salariés et anciens salariés, accompagné de M. Jacques Ansquer, vice-président de l'Assemblée libre des minoritaires des AGF - salariés mandataires et tous porteurs (ALMA-SMP).

M. Serge Cimmati, président,
a rappelé que la Fédération des actionnaires salariés, créée en 1993, fédérait 15 associations d'actionnaires salariés regroupant 450.000 des 700.000 actionnaires salariés. Il a estimé que l'actionnariat salarié, qu'il soit direct ou indirect, se montait globalement à environ 200 milliards de francs de capitalisation boursière.

Revenant sur l'origine de ce phénomène, il a souligné qu'il s'était développé d'abord par le biais des différents mécanismes de participation financière des salariés, mais que les privatisations avaient accéléré ce mouvement.

Abordant la question de l'information des actionnaires salariés, il a déploré son insuffisance. Il a déclaré, à ce propos, que la Fédération des actionnaires salariés étudiait la possibilité de créer une base de données sur l'actionnariat salarié.

Il a en outre constaté que la représentation des salariés actionnaires relevait de régimes très hétérogènes selon les entreprises, insistant sur la reconnaissance souvent difficile de la fonction de représentation exercée par les associations. Il a ainsi cité l'exemple de France Télécom chez qui le représentant de l'association bénéficiait du statut de délégué détaché mais, a contrario, il a observé que, dans bien des cas, les associations n'étaient l'objet d'aucune reconnaissance officielle par l'entreprise, ce qui contribuait à les fragiliser.

M. Serge Cimmati s'est déclaré favorable à la création d'un observatoire de l'actionnariat salarié. Il a estimé que la fédération avait les moyens de participer à un tel observatoire, rappelant que celle-ci réfléchissait notamment à la mise en place d'un indice de l'actionnariat salarié. A cet égard, il a indiqué que cet indice mettait en évidence une forte corrélation entre la performance boursière de l'entreprise et la part du capital social détenue par les salariés.

M. Jacques Ansquer a souligné que la fédération réfléchissait également à l'élaboration d'un code de bonne conduite du management de l'entreprise vis-à-vis des actionnaires salariés, qu'il s'agisse de leur information ou de leur représentation. Il a jugé urgent d'aboutir à l'élaboration de statistiques fiables dans la mesure où la période de blocage des actions investies dans les plans d'épargne d'entreprises à la suite des privatisations touchait actuellement à sa fin.

M. Serge Cimmati a ensuite évoqué la question de la représentation des actionnaires salariés au sein des organes délibérants des entreprises. Il a indiqué que seul le tiers des entreprises couvertes par sa fédération avait un représentant des actionnaires salariés au conseil d'administration ; il a salué le cas spécifique de Thomson-CSF, société dans laquelle le représentant des actionnaires salariés au conseil d'administration siège en outre au comité stratégique de ce conseil. Il a regretté que les associations n'aient qu'un siège consultatif au sein des conseils de surveillance des FCPE. Il a en outre affirmé que la fédération souhaitait restituer aux salariés actionnaires les droits de vote détenus par les FCPE, dans un souci de transparence.

M. Jacques Ansquer a insisté sur le rôle pédagogique joué par les associations, rappelant que les salariés actionnaires n'avaient bien souvent initialement qu'une faible culture financière, ceux-ci n'étant devenus actionnaires que récemment, à l'occasion des privatisations. Il a estimé que les entreprises se montraient de plus en plus favorables à l'actionnariat salarié pour une double raison : la garantie de la stabilité de leur actionnariat et la maîtrise des revendications salariales.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur les conditions d'adhésion des salariés actionnaires aux associations, sur les relations de celles-ci avec les syndicats et sur les conséquences du développement de l'actionnariat salarié pour le fonctionnement de l'entreprise.

M. Jean Chérioux a évoqué la question des entreprises non cotées et il s'est interrogé sur les possibilités d'essor de l'actionnariat salarié chez ces dernières.

En réponse aux intervenants, M. Serge Cimmati a constaté qu'il ne disposait d'aucune information sur les sociétés non cotées. Il a précisé qu'il n'existait aucune obligation, pour les salariés, d'adhérer à une association. Il a, à cet égard, rappelé que les associations les plus représentatives avaient entre 1.500 et 2.000 adhérents et que celles-ci se constituaient librement. Il a déclaré que l'objectif de la fédération était non seulement de favoriser la diffusion de l'actionnariat salarié, mais aussi d'augmenter le nombre d'associations et de salariés actionnaires adhérant à ces associations.

S'agissant des relations avec les organisations syndicales, il a observé que celles-ci s'étaient longtemps désintéressées de l'actionnariat salarié mais que cette situation évoluait progressivement. Il a toutefois estimé que la position des syndicats sur ce sujet restait relativement ambiguë, ceux-ci craignant sans doute de voir émerger un nouveau pouvoir dans l'entreprise.

Il a enfin considéré que l'actionnariat salarié contribuait à modifier les mentalités et les comportements dans l'entreprise, les salariés actionnaires ayant tendance à s'impliquer plus directement dans leurs fonctions et dans la vie de l'entreprise.

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